Texte intégral
Oriane MANCINI
Et notre invité politique ce matin c'est Christophe BECHU, bonjour, merci beaucoup d'être avec nous, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale représentée par Christelle BERTRAND du groupe La Dépêche, bonjour Christelle.
CHRISTELLE BERTRAND
Bonjour Oriane, bonjour Christophe BECHU.
ORIANE MANCINI
Il y a beaucoup de sujets dans votre ministère évidemment Christophe BECHU, on va en parler, mais un mot sur l'actualité d'hier et cette décision du Conseil constitutionnel qui a donc rejeté la demande de référendum sur l'immigration faite par les Républicains, ce qui fait dire à Eric CIOTTI que le Conseil constitutionnel répond une nouvelle fois à la commande du gouvernement, les Français sont interdits de parole sur l'immigration, par Emmanuel MACRON. Qu'en dites-vous ?
CHRISTOPHE BECHU
Que le Conseil constitutionnel a fait ce qu'il devait faire et qu'Eric CIOTTI fait ce qu'il a l'habitude de faire.
ORIANE MANCINI
C'est-à-dire ?
CHRISTOPHE BECHU
Le Conseil constitutionnel a rendu une décision, sur la base de la Constitution, sur la base de sa jurisprudence, en considérant qu'un référendum d'initiative populaire ne pouvait pas poser la première question qui était suggérée par les Républicains, pas que c'était une question illégitime, pas qu'il ne pourrait pas y avoir un référendum un jour dans le pays, mais que ça ne pouvait pas prendre la forme du référendum d'initiative populaire tel qu'il existe aujourd'hui dans notre droit, et Eric CIOTTI a considéré, comme il l'avait déjà fait par le passé, que le Conseil constitutionnel ne disait pas le droit, mais faisait de la politique.
ORIANE MANCINI
Sous l'influence d'Emmanuel MACRON, c'est ce qu'il dit.
CHRISTOPHE BECHU
Mais enfin…
ORIANE MANCINI
Ou sous la commande d'Emmanuel MACRON, c'est même ce qu'il dit.
CHRISTOPHE BECHU
Sincèrement, quand vous regardez, pas seulement la composition du Conseil constitutionnel, mais surtout le caractère et le tempérament de ceux qui le composent, penser que des pressions extérieures pourraient entraîner, de leur part, des prises de position, ça ne correspond pas à la réalité des femmes et des hommes qui composent le Conseil constitutionnel.
CHRISTELLE BERTRAND
C'est une manière de délégitimer les décisions du Conseil constitutionnel ?
CHRISTOPHE BECHU
Oui. Vous remarquerez que l'autre bout de la classe politique l'avait fait sur le texte des retraites, en considérant que c'était politique, donc pour certains il est trop à gauche, pour d'autres il est trop à droite, c'est la preuve qu'il est au bon endroit.
ORIANE MANCINI
Mais vous comprenez la position des Républicains, vous qui venez de cette famille politique ?
CHRISTOPHE BECHU
Non mais, que les Républicains souhaitent qu'on puisse discuter d'immigration, qu'on puisse durcir une partie des textes, ça ne me choque pas, qu'ils considèrent que le référendum peut être un moyen de discuter de ce sujet avec les Français, pourquoi pas, en revanche, qu'ils disent le Conseil constitutionnel n'a pas le droit de nous empêcher de faire un référendum d'initiative populaire, pardon de le dire, le Conseil constitutionnel est le gardien de la loi qui est votée, la loi qui est votée elle dit qu'un référendum d'initiative populaire ce n'est pas open bar, c'est un certain nombre de critères que vous devez respecter, vous ne pouvez pas poser n'importe quelle question sous cette forme. On a des règles du jeu, et attaquer l'arbitre c'est rarement un bon moyen de faire en sorte que le match se déroule bien.
CHRISTELLE BERTRAND
Sur le fond de l'affaire, un référendum sur l'immigration, ça reste une réflexion au sein du gouvernement ?
CHRISTOPHE BECHU
On vient de voter un texte il y a quelques mois, les décrets d'application, si vous voulez, font suite, et donc appliquons les décisions qui ont été prises et qui permettent déjà d'aller durcir le droit dans beaucoup de domaines. Vous remarquerez que, entre ceux qui trouvent qu'on a été trop loin et ceux qui trouvent qu'on n'a pas été assez loin, c'est la preuve que le gouvernement a bougé, qu'il tient compte du fait que nous avons besoin de changer nos règles, comme le font nos partenaires européens, l'immigration mérite des débats dans lesquels on sort de prêt à penser, oui il faut qu'on modifie nos règles, avec une pression migratoire qui est supérieure à celle que nous avons connue, oui il faut qu'on se dote des outils juridiques…
CHRISTELLE BERTRAND
Mais il n'est plus nécessaire de consulter les Français aujourd'hui ?
CHRISTOPHE BECHU
Je ne dis pas ça, je dis qu'on est quelques mois après une loi qui vient d'être votée, on applique cette loi, on regarde ce qu'elle donne, on avance en Européens. Le pacte asile et immigration il a été voté il y a quelques jours, pour qu'on puisse sur ce sujet faire en sorte de bouger. Il y a, dans ce débat, à la fois une nécessité, regarder le sujet en face, ne pas l'esquiver, ne pas considérer qu'il n'y a pas de problème, mais dans l'autre, regarder ce qui se passe dans les pays qui nous entourent. l'Angleterre est sortie de l'Union européenne, est-ce qu'il y a aujourd'hui moins de pression migratoire sur les Anglais, qui pourtant habitent une île, que chez nous ? La réponse est non. On est même en train de nous expliquer qu'il y a davantage d'immigration aujourd'hui qu'il n'y en avait avant le Brexit, c'est bien la preuve que de gérer ce sujet de manière nationale, même avec des moulinets de bras, ça ne suffit pas à régler le problème. Regardez l'Italie, Madame MELONI s'est faite élire sur la promesse qu'on allait voir ce qu'on allait voir, aujourd'hui elle demande plus d'Europe pour être capable de mieux lutter à ces vagues migratoires. Donc, sortons du débat, oublions qu'il y a des élections européennes dans quelques semaines pour faire de l'agitprop sur ce sujet et concentrons-nous sur l'efficacité que les Français attendent et sur le fait d'avoir un débat qui ne consiste pas, pour ceux qui proposent plus de durcissement, à expliquer que c'est parce qu'ils sont racistes, et de l'autre à souhaiter qu'on puisse avoir un discours qui soit modéré sur le sujet, à considérer qu'on est laxiste. Le sujet mérite mieux et nos concitoyens attendent davantage.
ORIANE MANCINI
On va parler du déficit puisque Bruno LE MAIRE a revu la trajectoire des finances publiques, ce sont donc 10 milliards supplémentaires à trouver dès cette année, il y a une rencontre avec les élus locaux mardi, est-ce qu'il y aura un retour d'une forme de pacte de Cahors, est-ce que vous allez limiter la hausse de leurs dépenses ?
CHRISTOPHE BECHU
Il n'y aura pas de retour des contrats de Cahors, le Premier ministre l'a dit avec ces mots-là la semaine dernière, pendant les questions au gouvernement, au Sénat. On a un déficit de l'Etat, qu'on espérait aux alentours de 5 et qui s'est retrouvé à 5,5 à cause d'un ralentissement, en toute fin d'année, sur les recettes, ce n'est pas que les ministères ont dépensé plus que ce qu'ils avaient prévu, on a dépensé moins que l'année précédente, en revanche on a eu beaucoup moins de recettes parce qu'en fin d'année on a été rattrapé par un début de crise économique, par le fléchissement du marché du logement, par les conséquences aussi de la récession, etc. Face à ça, premières décisions, pour lesquelles on n'a pas attendu, ni maintenant, ni la réunion avec les élus locaux, 10 milliards d'annulations de crédits par décret, ce n'était jamais arrivé. Tout le sujet maintenant c'est de trouver des économies complémentaires en décalant des programmes, pour cette année, sans passer par une loi de finances rectificative parce que les efforts qui ont déjà été faits vont nous permettre de faire cette partie du chemin, et de construire un budget 2025 où, là, nous devrons baisser la dépense publique. La rencontre avec les élus locaux…
ORIANE MANCINI
Et qu'est-ce que vous allez demander aux élus ?
CHRISTOPHE BECHU
Elle avait pour but d'abord de poser le constat, de présenter, par le Premier président de la Cour des comptes, Pierre MOSCOVICI, où est-ce que nous en étions, comment le déficit s'est structuré, et tout l'enjeu c'est de regarder avec elles quels sont les domaines dans lesquels on peut refroidir la dépense, parce que les collectivités nous disent " si vous nous demandez de baisser nos dépenses, mais que dans le même temps vous augmentez la valeur du point de la fonction publique, vous créez des obligations nouvelles, on va se retrouver avec des injonctions contradictoires ", donc l'idée c'est qu'on fasse des, ce qu'on appelle des revues de dépenses…
ORIANE MANCINI
Ça veut dit quoi refroidir la dépense, ça veut dire vous leur demandez de limiter leurs dépenses, de limiter la hausse de leurs dépenses.
CHRISTOPHE BECHU
Exactement, limiter la hausse des dépenses puisque le sujet…
ORIANE MANCINI
Notamment, mais c'est quoi la différence avec le pacte de Cahors, où vous leur demandiez déjà de limiter la hausse de leurs dépenses ?
CHRISTOPHE BECHU
Non, le pacte de Cahors c'était des contrats signés avec des pénalités si les choses ne se passaient pas.
ORIANE MANCINI
Donc là vous leur demandez, mais sans pénalités ?
CHRISTOPHE BECHU
On est au début de la discussion, le Premier ministre a été très clair sur le fait qu'on ne leur demanderait pas des contrats qui aboutiraient à des pénalités, on est sur comment, de manière partagée, on peut diminuer l'intensité de la dépense publique, et les collectivités ont des idées, de suppression de normes, de possibilité, y compris avec la loi Guérini demain, d'avoir davantage de marges de manoeuvre de gestion sur leur masse salariale, etc., c'est au coeur…
ORIANE MANCINI
Ça veut dire supprimer des postes de fonctionnaires territoriaux.
CHRISTOPHE BECHU
Oui, pas forcément les supprimer, vous avez des mécanismes d'indexation automatique, vous avez des dispositifs qui font que vous pouvez avoir parfois des ratios qui sont obligatoires en termes d'encadrement pour certaines activités, on a un sujet d'absentéisme…
CHRISTELLE BERTRAND
On baisse les ratios d'encadrement, par exemple, ça peut être ça ?
CHRISTOPHE BECHU
Il y a plein de sujets qui sont sur la table. Le sujet qui a été posé la semaine dernière, cette semaine à Bercy…
CHRISTELLE BERTRAND
Mais ça revient à diminuer le nombre de fonctionnaires.
CHRISTOPHE BECHU
Oui à limiter son augmentation. Encore une fois… vous savez, on a là aussi des débats dans lesquels parfois j'entends des mots qui m'étonnent. On a le plus haut niveau de prélèvements obligatoires des pays de l'OCDE et le plus haut niveau de dépenses publiques, si, quand on annule 10 milliards d'euros, on présente ça comme étant de l'austérité, pardon de vous le dire, mais quand vous regardez ce que d'autres pays qui nous entourent ont vécu, dans des situations économiques autrement plus compliquées, ce n'est pas ça l'austérité, ce n'est pas de limiter… l'austérité ce n'est pas de limiter la hausse de la dépense publique, c'est de baisser la dépense publique de manière forte et drastique, on n'en n'est pas là.
ORIANE MANCINI
Est-ce que la dotation globale de fonctionnement va baisser dans le budget 2025 ?
CHRISTOPHE BECHU
C'est amusant de poser cette question. En 10 ans, elle n'a augmenté que deux fois, ces deux dernières années, et une partie de ceux qui nous reprochent aujourd'hui de ne pas faire assez pour les collectivités territoriales, c'est la gauche qui a diminué de 10 milliards d'euros la DGF, et la droite qui avait décidé, à la fois, la fin de son augmentation automatique et qui l'avait elle-même diminuée à la fin du quinquennat de Nicolas SARKOZY.
ORIANE MANCINI
Non, mais là vous l'avez augmentée de deux fois 320 millions d'euros, est-ce que vous allez l'augmenter à nouveau ?
CHRISTOPHE BECHU
Je vous le confirme, vous me reposerez la question dans quelques semaines, on commence la discussion avec les collectivités territoriales, le chemin qu'on prend ce n'est pas l'augmentation des dotations, le chemin qu'on prend c'est d'être capable de baisser la dépense publique, donc de limiter la hausse…
ORIANE MANCINI
Donc le chemin c'est la baisse de la DGF.
CHRISTOPHE BECHU
C'est la discussion avec les collectivités et ma conviction la plus profonde sur la DGF, il y a un groupe de travail qui a été confié à André LAIGNEL, c'est que cette dotation elle ne rime plus à grand-chose. Elle existe depuis des années, vous avez des écarts de dotation d'une collectivité à l'autre par habitant qui sont très importants, vous avez une part de cette DGF, par exemple, qui est basée sur votre nombre de kilomètres de routes communales, alors même que ce sont des intercommunalités qui, la plupart du temps, ont repris la compétence voirie.
ORIANE MANCINI
Donc il faut remettre à plat son fonctionnement, pour vous ?
CHRISTOPHE BECHU
Exactement, et franchement, ça pourrait être une forme de justice. J'ajoute qu'il y a un autre élément, très important sur ce sujet des collectivités territoriales, auxquelles je sais à quel point Public Sénat, et la presse quotidienne régionale, sont attachés, c'est le rapport Woerth. Que le rapport d'Eric WOERTH arrive au début du mois de mai, au moment où on lance cette discussion, l'évolution des compétences, l'organisation de ces compétences dans le pays, c'est aussi une manière de répondre parce que si je suis capable de simplifier l'organisation, je suis aussi capable, à partir de ce moment-là, de limiter parfois des surcoûts, des gaspillages d'argent public, quand tout le monde s'occupe de tout en même temps.
ORIANE MANCINI
Christelle, sur l'écologie.
CHRISTELLE BERTRAND
Oui. Vous disiez il faut refroidir les dépenses, ça déjà été fait parce que les fonds du Fonds vert et de MaPrimeRénov' ont été un petit peu rabotés, première question, est-ce qu'ils vont l'être encore pour continuer à limiter les dépenses, et est-ce que les questions d'environnement vont être un des domaines de limitation des dépenses ?
CHRISTOPHE BECHU
On a, avec les coupes budgétaires de début d'année, pôle écologique et cohésion des territoires au sens large, contribué à l'effort à hauteur de 3 milliards d'euros, sur les 10 qui ont été évoqués, c'est substantiel, en revanche, malgré ces 3 milliards de baisse, le pôle de l'écologie est en très forte progression de crédits. En septembre dernier on a présenté la planification écologique…
CHRISTELLE BERTRAND
De combien ?
CHRISTOPHE BECHU
Et la conséquence de cette planification ça a été 10 milliards d'euros de plus pour l'écologie au budget 2024, c'est sans précédent, malgré les coupes on est donc on est 7 milliards de progression. Donc là aussi, quand j'entends des gens dire qu'on fait moins pour l'écologie, c'est faux, on a jamais fait autant, et on a d'ailleurs jamais eu autant de résultats, que ce soit en termes de baisse d'émissions, en termes d'amélioration de la qualité de l'air, en termes de préservation, bref. Donc, aujourd'hui, à la minute où nous nous parlons, on a 7 milliards de plus que l'année dernière à la même époque. Le sujet c'est désormais le budget pour l'année prochaine, ça va être de savoir quelle trajectoire on va faire, et dans un certain nombre de cas et de domaines, je vous le dis, il est trop tôt pour apporter des réponses. Je serai dans quelques minutes avec la CAPEB, sur un sujet très concret qui est celui de MaPrimeRénov'. On a baissé d'1 milliard d'euros les crédits de MaPrimeRénov' pour l'année en cours, mais malgré cette baisse, ils sont encore en hausse. Pourquoi ? Parce qu'on n'a pas dépensé tout l'argent prévu en 2023 à cause de la complexité du dispositif. Qu'on ne simplifie, qu'on discute avec les artisans de la manière dont on le rend plus opérationnel, c'est l'objectif du temps que je vais passer avec eux tout à l'heure, typiquement c'est de cette simplification et de la manière dont les Français s'en saisiront qu'on saura s'il y a matière, ou pas…
CHRISTELLE BERTRAND
Le budget de MaPrimeRénov est gelé aujourd'hui ou il risque encore d'être raboté dans les prochaines… ?
CHRISTOPHE BECHU
Il a été diminué, mais il est en progression par rapport à l'année dernière à date.
CHRISTELLE BERTRAND
Et il ne bougera plus ?
CHRISTOPHE BECHU
Il n'a pas vocation à bouger.
ORIANE MANCINI
Un mot sur le logement, Christophe BECHU, puisque le ministre du Logement, Guillaume KASBARIAN, veut mettre fin au logement social à vie, en clair il veut sortir des HLM les Français qui ne répondent plus aux critères parce qu'ils sont devenus trop riches pour y habiter, est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?
CHRISTOPHE BECHU
Le logement est à l'intérieur du pôle ministériel que j'ai l'honneur de diriger et donc le projet de loi qui sera présenté le 7 mai le sera par Guillaume KASBARIAN, mais il a été co-élaboré par Guillaume KASBARIAN, par moi et par mes équipes. De quoi on parle ? Ce que le ministre délégué du Logement explique en présentant ce projet de loi c'est la chose suivante. On a 8% des gens qui aujourd'hui sont dans le parc, qui, s'ils présentaient maintenant une demande d'accès au logement social, on leur dirait : " Désolé, vous avez ou trop de patrimoines ou trop de revenus pour y entrer ". Et certains peuvent avoir des résidences secondaires, certains peuvent avoir des biens par ailleurs. Mais au moment où ils ont fait la demande pour entrer dans le logement social, ils présentaient les critères. Et dans le même temps, on a un peu moins de deux millions de personnes qui sont sur liste d'attente pour essayer de récupérer des logements sociaux et qui eux, n'ont pas le patrimoine ou les revenus qui justifient qu'ils soient exclus du parc social. On va donc donner la possibilité aux bailleurs sociaux de ne pas renouveler le bail. On ne va pas obliger, on va dire, à un bailleur social, si vous le souhaitez, si vous avez une tension chez vous, vous avez deux outils à votre disposition, un, augmenter les loyers en fonction du revenu des gens parce qu'on ne peut pas, sur le même palier avoir quelqu'un qui est au RSA et quelqu'un qui a un patrimoine conséquent et qui paye le même loyer à la fin du mois, sinon, celui qui paye, c'est le contribuable local, c'est le soutien du bailleur. Deux, ne pas renouveler le bail quand il arrive à échéance de manière à ce que quelqu'un qui est éligible puisse entrer.
CHRISTELLE BERTRAND
Ça veut dire que c'est la fin du logement social et de vie, c'est une vraie bonne idée…
CHRISTOPHE BECHU
C'est la possibilité donnée pour les bailleurs sociaux, effectivement, de tenir compte des parcours de vie. Quand vous avez un élément qui défraie la chronique, comme un député qui est propriétaire de deux logements et qui habite dans le parc social, tout le monde s'émeut. Il peut arriver qu'il y ait des gens qui ne soient pas des politiques qui soient dans le logement social et qui méritent eux aussi qu'on puisse pointer les choses et regarder comment ça peut bouger.
ORIANE MANCINI
Ça concerne combien de Français ?
CHRISTOPHE BECHU
Les estimations, je vous dis, elles varient en fonction des endroits, puisque 8%, ce n'est pas le nombre de gens qui vont être expulsés du jour au lendemain. On a des endroits dans le pays où on a plus ou moins de tensions. On a des situations où il peut y avoir un écart par rapport à ce plancher ou à ce plafond qui peut être plus ou moins, plus ou moins fort. On aura…
ORIANE MANCINI
Et vous avez un objectif ?
CHRISTOPHE BECHU
L'objectif, c'est de donner de la liberté aux élus locaux. Ce texte, il redonne un pouvoir aux maires pour attribuer les logements sociaux quand ils sont neufs et quand ils sont construits, ils donnent des éléments pour aller vers davantage de mixité sociale et pardon de vous le dire, la mixité sociale, c'est aussi, de façon très concrète, se préoccuper de l'application des textes.
CHRISTELLE BERTRAND
Les gens ont combien de temps pour partir ? Vous l'avez défini, ça, par exemple quand le bail n'est plus renouvelé ?
CHRISTOPHE BECHU
Les bailleurs sociaux auront des obligations de préavis. On est en train de discuter d'un texte qui va arriver devant le Sénat et devant l'Assemblée nationale…
CHRISTELLE BERTRAND
Donc, ça, ce n'est pas encore défini ?
CHRISTOPHE BECHU
Et je ne sais pas comment il sortira de la discussion parlementaire. Donc, ça, ça devrait être précisé, est-ce que c'est un an ? Est-ce que c'est trois mois ? Est-ce que c'est six mois ?
CHRISTELLE BERTRAND
Quand est-ce qu'il sera présenté devant le Parlement ? Vous avez une date ?
CHRISTOPHE BECHU
Avant l'été.
ORIANE MANCINI
On parle du ZAN ?
CHRISTELLE BERTRAND
Oui. Lors d'un…
ORIANE MANCINI
Zéro artificialisation nette, pour être plus clair.
CHRISTELLE BERTRAND
C'est ça. Lors d'un récent déplacement sur le site de RENAULT à Sandouville, Bruno Le MAIRE a annoncé vouloir exclure de la loi ZAN, qui évite en effet l'artificialisation des sols. Il voudrait en exclure les constructions du ZAN. Je voulais savoir ce que vous en pensez.
CHRISTOPHE BECHU
D'abord, pourquoi est-ce qu'on a pris une loi sur la zéro artificialisation nette ? Parce qu'au cours des cinquante dernières années, on a plus bétonné notre pays que pendant les 500 années précédentes. Et vous savez, tous ces hommes politiques, toutes ces femmes politiques qui, la main sur le coeur, ont expliqué qu'il fallait qu'on défendre notre agriculture, le meilleur moyen de le faire, c'est d'arrêter un étalement urbain qui est à 80%, se fait sur des terres agricoles utiles. On a donc pris une loi qui dit : " On ne va pas arrêter de construire, on va diviser par deux le nombre d'hectares qu'on consomme puisqu'au cours des dix dernières années ", c'est comme si on avait bétonné méthodiquement tout le département des Yvelines pour donner un ordre de grandeur à ceux qui nous regardent. Diviser par deux, ce n'est pas ne rien faire, c'est diviser par deux. Le problème, c'est qu'en parallèle, on a des projets et en particulier des projets qui sont bons pour l'écologie, parce qu'aujourd'hui, fabriquer une usine de batteries, c'est éviter d'importer des batteries depuis la Chine qui sont fabriquées dans des usines alimentées par du charbon et qui nous parviennent dans des bateaux qui sont alimentés par du kérosène lourd. Donc, face à ça, de manière très concrète, on a décidé d'assouplir de ZAN en créant le forfait pour les grands projets industriels que j'ai présenté hier. Et donc, je pense que si... Quand Bruno Le MAIRE a pris connaissance de cette liste, il a vu que sa volonté avait été exaucée et qu'il n'y avait pas besoin de changer la loi puisque le forfait voté grâce à la co-construction avec les sénateurs, c'est la loi du 13 juillet de l'année dernière. Elle rend possible d'ores et déjà de sortir toutes les usines…
CHRISTELLE BERTRAND
Pour qu'on comprenne bien…
ORIANE MANCINI
Juste, il a parlé trop vite ou il a parlé sans connaître le sujet ?
CHRISTOPHE BECHU
Bruno Le MAIRE est submergé à la fois de sujets, de domaines sur lesquels il est amené à travailler. Et là-dessus, je ne doute pas qu'il ait eu écho de la part de chefs d'entreprises faisant part de leurs inquiétudes simplement. Dans ce contexte, la publication du décret qui montre bien que la totalité des usines qui sont aujourd'hui en projet en France sont sorties des trajectoires locales, répond au fait qu'on n'oppose pas l'écologie et l'économie.
ORIANE MANCINI
Dites-lui de se renseigner sur ce que vous faites avant de parler.
CHRISTOPHE BECHU
Non, je ne dis pas… Je dis au contraire que c'est la preuve de la convergence et de la cohérence du Gouvernement.
CHRISTELLE BERTRAND
Pour qu'on comprenne bien ce que vous excluez, là, de la loi ZAN, c'est les 12 000 hectares que vous aviez annoncés il y a quelques temps ? On parle bien de la même chose ?
CHRISTOPHE BECHU
On parle exactement de la même chose. On a le droit, on se donne le droit de construire 120 000 hectares, la moitié du département des Yvelines en dix ans au lieu de 140 000. Et dans ces 120 000, il y en a 12 000 qui font l'objet d'un forfait national qui est plus souple, qui permet d'être porté par le Gouvernement, qui évite que ce soit aux collectivités locales, si elles ont un projet important, d'avoir moins d'espace pour construire, pour accueillir des logements. Grâce à cette souplesse qui a été voulue par les sénateurs et par le Gouvernement, on peut accueillir ces projets d'usines sans la moindre difficulté.
CHRISTELLE BERTRAND
Ça, c'est quelque chose que vous avez annoncé il y a quelque temps, donc, Bruno Le MAIRE ne peut pas l'ignorer. Est-ce qu'il vous demande d'aller plus loin ?
CHRISTOPHE BECHU
Ce n'est pas ça. Le principe était acté, mais on est passé aux travaux pratiques hier et dans ces travaux pratiques…
CHRISTELLE BERTRAND
Il ne vous demande pas de dépasser ce seuil de 12 000 hectares ?
CHRISTOPHE BECHU
La loi le permet. Si demain, nous avions…
CHRISTELLE BERTRAND
Vous pourriez en effet aller plus loin ?
CHRISTOPHE BECHU
Je vous confirme parce que, pour deux raisons. D'abord, ce qu'on comptabilise, ce ne sont pas des autorisations, normalement, dans le cadre du ZAN, ce sont des projets réels. Et le forfait, il liste des inaugurations ou des ouvertures probables d'infrastructures ou d'usines, mais cette liste qui fait pour le moment un peu moins de 12 000, elle va bouger. Il y a des projets sans doute qui vont être décalés dans le temps. Il y en a qui vont s'affiner, il y en a qui auront, bref, donc il faut de la souplesse. Tous les ans, on ne peut pas arrêter, compléter ou minorer la liste qui a été présentée hier et je ne doute pas qu'on aura d'autres projets industriels qui vont s'ajouter à cela. Pour être clair, ce que le Gouvernement dit, c'est : " Nous devons assumer une écologie à la française dans laquelle on n'oppose pas l'écologie et l'économie ". Quand on fait de l'écologie contre l'économie, on est très hypocrite parce qu'on délocalise et qu'ensuite, c'est bon ni pour l'économie, ni pour l'écologie. Quand on fait de l'économie sans l'écologie, on va dans le mur. Et je me permets de le dire de manière très claire, tenir compte de la consommation d'espace, faire attention à nos émissions, c'est aussi s'assurer que notre modèle économique, il est viable sur le long terme et qu'on n'est pas en train de transférer aux contribuables les coûts de la pollution, du dérèglement climatique parce qu'on ne changerait pas les règles du jeu.
CHRISTELLE BERTRAND
Donc, ça veut dire que si les besoins augmentent, vous pourriez encore réduire les espaces sanctuarisés par la loi ZAN ?
CHRISTOPHE BECHU
Si les besoins augmentent, nous ajustons les espaces qu'on autorise parce que réindustrialiser le pays, c'est soutenir la transition écologique.
ORIANE MANCINI
On va parler des inondations puisque vous allez aller dans le Pas-de-Calais, mais il n'y a pas que le Pas-de-Calais qui a été touché ces derniers jours. Il y a beaucoup de territoires de notre pays qui ont été touchés par de fortes pluies. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire pour les sinistrés ? Quelle est leur situation aujourd'hui ? Est-ce que les arrêtés de catastrophes naturelles ont été pris ?
CHRISTOPHE BECHU
Oui. Alors, on y va par étape, le Pas-de-Calais, je m'y rends en fin de matinée et le principal sujet que je vais avoir avec l'ensemble des élus, c'est qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Au-delà du sinistre, quelles modifications dans la façon de fonctionner qu'on met en place pour éviter que ça se reproduise ? On a aujourd'hui des dizaines d'acteurs différents qu'ont chacun un bout de responsabilité sur la prévention des inondations. On va regarder comment on met tout le monde ensemble et comment on a davantage de coordination et comment on a davantage aussi une capacité d'investissement pour éviter que ça se reproduise et en mettant tout le monde d'accord sur le programme prioritaire de ce qu'on va faire, de curage de digues, d'expansion, de révision des documents d'urbanisme, d'assumer que tel territoire peut devenir…
ORIANE MANCINI
Et ça avance aujourd'hui le curage ? Parce qu'on a des sénateurs qui nous disent que sur le terrain, c'est encore compliqué.
CHRISTOPHE BECHU
C'est compliqué parce qu'on a eu tellement d'inondations à répétition que des endroits où on avait prévu parfois de faire des travaux d'urgence ont été compliqués par la nature, mais je peux vous assurer, je me rends sur deux chantiers cet après-midi, je peux vous assurer que les choses bougent. Et ce sont déjà des dizaines de millions d'euros qui ont été investis et soutenus depuis le début de ces inondations pour aller réparer, mais surtout regarder comment pour la suite, on pouvait faire. Et donc, là-bas, non seulement tous les arrêtés de catastrophe naturelle ont été pris, mais certaines communes ont été classées deux fois en catastrophe naturelle compte tenu du rythme. Et ailleurs, les examens se font avec une vitesse et une diligence de la part du ministère de l'Intérieur pour qu'on puisse répondre au plus vite aux demandes des élus si vous me parlez de ce qui s'est passé dans la Vienne et dans l'Indre-et-Loire, je ne sais pas si la totalité des communes ont envoyé leurs demandes de reconnaissance, ce que je sais, c'est que les premières ont d'ores et déjà été reconnues.
ORIANE MANCINI
Ou dans l'Yonne, pour le moment…
CHRISTOPHE BECHU
Et que le travail se poursuit évidemment de cette manière.
ORIANE MANCINI
On va parler un petit peu de politique, pour terminer, puisque vous êtes également secrétaire général d'Horizon. Edouard PHILIPPE, qui est visé par la justice pour une enquête qui concerne sa mairie du Havre. Est-ce que ça va être un problème politique pour Horizon ?
CHRISTOPHE BECHU
Non, il y a une enquête comme il en existe dans beaucoup de collectivités. Si j'ai bien compris, ça concerne un mandat SIEG qui daterait du tout début du quasiment du jour où il a quitté Matignon pour revenir au Havre. La justice fait son travail. Il a fait part, la mairie du Havre, a fait part de la sérénité avec laquelle elle a accueilli l'enquête. Je pense que les gens font la distinction entre un acte de gestion administratif dont personne ne pense que le maire du Havre était au coeur et le projet qu'il pourrait proposer aux Français dans les années qui viennent.
ORIANE MANCINI
Il sera sur la liste aux Européennes, Edouard PHILIPPE ? Il sera sur la liste de la majorité ?
CHRISTOPHE BECHU
C'est à lui qu'il faudra le demander et à la tête de liste, moi, j'aurai la chance d'accompagner Valérie... Non mais j'ai bien vu qu'il y avait un débat public sur cette question et vous avez vu qu'il n'avait pas écarté cette hypothèse. Moi, j'aurai la chance, lundi, de passer toute la journée de lundi en campagne aux côtés de Valérie HAYER pour justement qu'on parle de ces sujets européens. Et je peux même vous dire, vous donner un scoop, ce que je souhaite pousser lundi, c'est l'idée d'un service civique écologique européen. Pour ma génération, l'Europe, ça a été dans les années 90 Erasmus. On expliquait que c'est pour construire l'Europe, pour répondre aux aspirations d'une jeunesse qui avait envie de voyager et qui avait envie d'apprendre à connaître d'autres cultures, il fallait qu'on facilite les voyages. Aujourd'hui, on a une jeunesse qui souhaite se mobiliser, qui souhaite agir. Et je crois profondément que l'action, c'est le meilleur moyen de répondre à une forme d'éco-anxiété. Quand on voit des jeunes qui considèrent que la façon d'agir, c'est d'aller jeter de la purée dans des musées, je préfère qu'on leur donne les moyens de regarder comment de façon concrète s'engager au service de l'écologie. Et mon rêve, c'est qu'on propose aux 18-25 ans européens, avec une banque des missions qui serait proposée par des associations, par des collectivités pour préserver la biodiversité, pour baisser les émissions, pour permettre à nos territoires de s'adapter, qu'on leur propose des missions sur lesquelles ils pourraient s'engager pendant six mois, pendant douze mois, pas forcément dans leur pays, dans les pays voisins, et que sur le modèle un peu, du service civique écologique qu'on souhaite pousser en France, on puisse le faire exactement à l'échelle européenne et j'aimerais que ça devienne une proposition de la majorité dans le cadre de ces élections européennes.
CHRISTELLE BERTRAND
Certains au sein de votre majorité disent c'est justement parce qu'on ne parle pas assez d'environnement qu'une partie de nos électeurs, de centre gauche, sont en train de nous quitter pour Raphaël GLUCKSMANN, est-ce que vous faites la même analyse ?
CHRISTOPHE BECHU
Ce que je crois c'est qu'il est urgent qu'on parle d'Europe, c'est qu'il est urgent que…
CHRISTELLE BERTRAND
Qu'on parle d'environnement.
CHRISTOPHE BECHU
Qu'en parlant d'Europe, on défende ce qu'ont été les acquis de ces dernières années parce que, aujourd'hui, il y a parfois une forme de défense du bilan écologique de l'Europe qui se fait de manière honteuse, on doit être fiers de l'interdiction des voitures thermiques en 2035, on doit être fiers d'être le continent qui a le plus baissé ses émissions, on doit être fiers d'être sortis d'une forme de naïveté par rapport…
ORIANE MANCINI
Vous nous dites ça, Christophe BECHU, mais on a l'impression que la majorité, et Gabriel ATTAL, ne fait campagne que sur une campagne anti-BARDELLA, est-ce que vous dites il faut arrêter de faire campagne contre le RN et il faut faire campagne pour l'Europe ?
CHRISTOPHE BECHU
J'ai la faiblesse de penser qu'on peut faire plusieurs choses en même temps et qu'on peut à la fois dénoncer ceux qui se drapent dans des postures avec beaucoup de démagogie, et moi ce qui me pose un problème c'est que quand typiquement le RN explique qu'il faut taper sur l'Europe parce qu'on aura un problème migratoire et que dans le même temps, quand la droite dure arrive au pouvoir, comme en Italie, eh bien elle s'aperçoit qu'il faut plutôt renforcer l'Europe que l'affaiblir, c'est bien la preuve que vous avez un discours et des postures de démagogie qui se tiennent au RN, et dans le même temps, il ne faut pas seulement être en contre, il faut être en pour, il faut insister à la fois sur la qualité du bilan. l'Europe, pour la première fois, elle est sortie de sa naïveté, à la fois grâce à l'Ukraine et grâce à la pandémie, en mesurant qu'on ne peut pas être qu'un marché commun dans lequel on facilite les traversées de frontières pour les biens, mais qu'il faut aussi qu'on soit capable de faire preuve de solidarité et de se défendre.
CHRISTELLE BERTRAND
Dernière question. Au sein de la majorité on commence à être inquiet de voir la progression de Raphaël GLUCKSMANN, et votre candidate, Valérie HAYER, qui ne progresse pas, est-ce que vous craignez un croisement des courbes à un moment ?
CHRISTOPHE BECHU
De la même manière que je vous ai dit que pour combattre l'éco-anxiété il faut agir, je pense que le meilleur moyen de combattre l'inquiétude électorale c'est de s'engager, c'est de faire campagne et c'est d'y aller, il est temps.
ORIANE MANCINI
Il y aura combien d'Horizons sur la liste, en places éligibles ?
CHRISTOPHE BECHU
Vous me réinterrogerez, ça me donnera une super occasion de vous répondre…
ORIANE MANCINI
Mais c'est dans deux mois, vous ne connaissez toujours pas la liste ?
CHRISTOPHE BECHU
Je ne suis pas celui qui la fait.
ORIANE MANCINI
Vous êtes secrétaire général du parti quoi ! Merci Christophe BECHU.
CHRISTOPHE BECHU
Merci à vous.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir été notre invité.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 avril 2024