Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur l'éolien en mer, à Saint-Nazaire le 2 mai 2024.

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Intervenant(s) : 
  • Bruno Le Maire - Ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Texte intégral

Je suis ravi d'être à Saint-Nazaire pour parler d'un sujet majeur pour l'avenir énergétique de notre nation : l'éolien en mer.

Toujours avec la même conviction, dont j'ai déjà fait part sur le nucléaire, le photovoltaïque et l'éolien terrestre : une électricité décarbonée, abondante et abordable est la clef de nos succès économiques futurs.

Cela nécessite que nous mobilisions toutes nos ressources.

Avec le président de la République, nous avons donc une stratégie pour l'éolien en mer et de grandes ambitions.

Je suis venu ici dresser un premier bilan et vous présenter la façon dont nous voulons accélérer.

I. Où en sommes-nous ?

La France s'est fixé un objectif : sortir des énergies fossiles et atteindre la neutralité carbone en 2050.

L'éolien en mer participe de cette transition, avec un objectif de 18 GW en 2035 et 45 GW en 2050 – ce qui représenterait alors plus de 20% de notre consommation électrique.

Nous avons besoin pour cela de parcs, d'un réseau fiable, d'équipements performants.

Nous pouvons déjà compter sur six parcs éoliens en mer :

• Trois en Normandie : Fécamp, Courseulles-sur-mer, Dieppe-Le Tréport ;
• Un à Saint Brieuc ;
• Un à Saint Nazaire ;
• Un au large de l'Île d'Yeu-Noirmoutier.

Trois de ces parcs sont déjà raccordés au réseau et trois autres sont en cours de raccordement, à Courseulles-sur-mer Dieppe-Le Tréport et à Yeu-Noirmoutier – pour un total de 3 GW de capacités.

Ils sont pour cela équipés de sous-stations, à l'image de celle que nous voyons ici et qui sera prochainement installée sur le champ éolien d'Yeu-Noirmoutier.

Cette sous-station, fabriquée sur ces chantiers de l'Atlantique est absolument clef. Elle permet de récupérer le courant issu des éoliennes, d'en rehausser la tension et de l'acheminer sur terre.

Voilà pour ce qui concerne les parcs, le réseau et les équipements actuels. Ce sont de premières avancées, qui montrent que l'éolien en mer a un bel avenir devant lui.

Nous voulons désormais accélérer. Comment ? Avec un changement d'échelle dans le déploiement et l'industrialisation.

II. Déploiement

Plus nous déploierons de parcs éoliens en mer, plus l'énergie qu'ils fourniront sera compétitive, et plus nous serons indépendants.

C'est pourquoi nous voulons développer de nouveaux parcs, plus puissants et plus loin des côtes – quand cela est possible.

1) Nous mènerons ce déploiement avec méthode

A. En prenant en compte les contraintes environnementales, économiques et citoyennes

La concertation est essentielle pour que des projets de cette ampleur soit acceptés par la population.

Nous avons ainsi lancé un grand débat public – « La mer en débat ». Il s'est tenu jusqu'au 26 avril et portait sur la cartographie des zones des futurs projets éoliens en mer sur les quatre façades maritimes françaises.

Je salue la mobilisation constructive de tous les acteurs : régions, élus, ONG, comités de pêche, citoyens. 300 évènements, 20 000 participants aux réunions, 200 000 en ligne.

Vous avez fait remonter un certain nombre d'inquiétudes sur la biodiversité, la pêche et le tourisme.

Nous publierons en septembre la carte des zones propices à l'éolien en mer à horizon 10 ans et à horizon 2050.

D'ici là, je demande aux préfets de mener une concertation renforcée avec l'ensemble des acteurs, pour que cette carte tienne compte de toutes ces inquiétudes.

B. En clarifiant le calendrier des appels d'offres

J'entends les acteurs qui souhaitent davantage de visibilité et de rapidité sur le déploiement de ces parcs, face à des procédures d'appels d'offre qui peuvent être longues.

Nous avons passé des étapes clés depuis le début de l'année.

* Un lauréat a été désigné pour le premier parc éolien flottant commercial de France, situé au large de Belle-Île-en-mer. Nous communiquerons son nom dans les prochains jours, une fois la garantie bancaire constituée. C'est un chantier important car ce parc, d'une puissance de 250 MW, permettra de produire l'électricité correspondant à la consommation de 450 000 habitants. Ce projet montrera aussi la compétitivité de la filière, avec un prix qui sera très inférieur au prix plafond de 140€/MWh.

* Lancement ce jour de l'appel d'offres pour deux nouveaux parcs éoliens flottants de 250 MW en Méditerranée, au large de Fos sur Mer et d'Agde. La date limite de remise des offres est fixée au 14 août, pour une attribution d'ici la fin 2024.

* Enfin, nous communiquons également un calendrier global des appels d'offres 7, 8, 9 et 10. Ces projets permettront de déployer près de 13 GW de capacité additionnelle à horizon 2035.

C. En simplifiant les procédures

Le projet de loi de simplification permettra bientôt de déroger aux règles de la commande publique, afin de simplifier et d'accélérer la réalisation des ouvrages de raccordement des parcs éoliens en mer.

Par ailleurs, un décret réduira la durée de la procédure d'appel d'offres des futurs parcs éoliens en supprimant la phase de préqualification et en réduisant la durée de la phase de dialogue concurrentiel, afin de ramener le délai total à environ 12 mois.

2) Nous mènerons ce déploiement avec ambition

Ces nouveaux projets marquent un changement d'échelle, avec :

- De nouveaux parcs qui sont deux fois plus puissants, de 500 MW maximum aujourd'hui à plus d'1 GW à l'avenir ;
- Des parcs plus éloignés des côtes, avec des câbles en mer installés sur des distances beaucoup plus longues. C'est 15 km aujourd'hui, et cela ira jusqu'à 60 km à l'avenir.

Une fois en service, l'ensemble de ces projets représentera 15 GW supplémentaires raccordés au réseau, qui s'ajouteront aux 3 GW actuels, pour un total de 18 GW.

Cela représente l'équivalent de 11 EPR.

Pour être à la hauteur de cette ambition, nous avons besoin d'une industrie de haut-niveau.

III. Industrialisation

La transition énergétique est une révolution industrielle.

Nous ne serons jamais souverains en matière d'énergie si nous ne le sommes pas en matière industrielle.

La bonne nouvelle, c'est que nous pouvons nous appuyer sur une véritable filière de l'éolien en mer en France, qui représente près de 8 000 emplois, avec des entreprises d'une qualité exceptionnelle.

Je pense aux Chantiers de l'Atlantique, qui sont parmi les leaders mondiaux de la fabrication de sous-stations.

Je pense à General Electric près de Saint-Nazaire, LM Wind à Cherbourg et Siemens Gamesa au Havre, qui construisent des pales et des nacelles.

Je pense à Prysmian et Nexans, deux entreprises en pointe sur les câbles électriques.

Rassurez-vous, nos objectifs sont ambitieux : près de 40 Md€ d'investissements sont à venir. Il y aura de la place pour tout le monde.

Accélérer le développement de l'éolien en mer doit signifier de nouvelles usines et de nouveaux emplois.

La filière s'est engagée, lors du pacte pour l'éolien en mer, à atteindre 50% de part locale et 20 000 emplois d'ici 2035.

1) Maîtriser toute la chaîne

Nous voulons être capables de fabriquer les produits les plus avancées dans toute la chaîne de valeur de l'éolien en mer : de la fondation aux pales, en passant par les mâts, les turbines, les câbles et les sous-stations.

C'est un défi technologique considérable, mais nous progressons.

Je voudrais prendre l'exemple des sous-stations.

La France ne sait pour l'instant faire que de petites plateformes à courant alternatif, par rapport à ses concurrents scandinaves, Allemands et Britanniques.

Pourtant, les nouvelles dimensions des futurs parcs et leur installation loin des côtes imposent de passer au courant continu, ce qui requiert des investissements considérables.

Pour y faire face et se hisser à la hauteur de ses concurrents, RTE et les Chantiers de l'Atlantique ont donc décidé de conclure un grand contrat avec Hitachi, d'une valeur de 4,5 Md€.

Il comprend la construction à Saint-Nazaire d'une nouvelle génération de sous-stations quatre fois plus grosses que les sous-stations actuelles – de 4000 à 13 000 tonnes.

Il faut voir ce que cela représente concrètement : un demi-arche de la Défense à chaque fois, et des centaines de milliers d'heures de travail.

Ce contrat incarne surtout la nouvelle politique industrielle que nous voulons :

• Une industrie qui n'a pas peur de voir grand ;
• Une industrie de long terme, durable, qui se projette loin à l'avenir ;
• Une industrie à forte valeur ajoutée, puisque le raccordement représentera de l'ordre de 40% des coûts des nouvelles technologies d'éolien en mer ;
• Une industrie locale, avec 50% de retombées en France.

2) Favoriser les contenus français et européens

A. Sur le volet national

Nous avons fait passer une " loi industrie verte " qui met en place un crédit d'impôt pour la production de batteries électriques, de panneaux photovoltaïques, de pompes à chaleur mais aussi d'éoliennes. Aucun autre pays européen ne l'a fait.

S'agissant de l'éolien en mer précisément, ce crédit d'impôt permet de soutenir les activités industrielles liées à la production des grands composants d'une éolienne – mâts, turbines etc. – et des flotteurs.

Il permet ainsi de financer entre 20 et 45% des coûts d'investissements des usines, dans la limite de 200 M€.

Nous avons déjà six projets déposés dans l'éolien, soit 817 M€ d'investissements supplémentaires.

B. Sur le volet européen

Je me bats pour installer une vraie préférence européenne dans nos appels d'offres.

Je me bats pour recréer une compétition équitable entre nos entreprises, qui travaillent avec les meilleurs standards sociaux et environnementaux et les autres.

Nous ferons donc en matière d'éoliennes en mer ce que nous avons commencé à faire pour l'automobile.

À partir des appels d'offres 9 et au-delà, les procédures tiendront d'avantage compte du contenu carbone des éoliens en mer, avec une méthodologie d'avantage basée sur le contenu carbone du mix électrique du pays producteur.

Nous mettrons aussi en oeuvre les nouveaux critères d'éligibilité du règlement européen Net Zero Industry Act d'ici fin 2025, afin de soutenir l'industrie européenne de l'éolien en mer.

Ces critères en faveur de la sécurité d'approvisionnement et des normes sociales mieux-disantes sont d'avantage conformes aux standards des producteurs européens.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 3 mai 2024