Déclaration de M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, sur la Politique agricole commune, à Luxembourg le 29 avril 2024.

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  • Marc Fesneau - Ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Circonstance : Arrivée au Conseil "Agriculture et pêche"

Texte intégral

M. Marc Fesneau  : D'abord je voudrais me féliciter de ce que nous avons fait en quelques semaines, en quelques mois à peine, avec la Commission européenne, avec le Parlement qui a voté les mesures, avec les gouvernements, évidemment. Beaucoup d'initiatives ont été prises aussi par la France, pour simplifier la PAC et pour faire en sorte qu'elle soit à la fois plus lisible pour les agriculteurs, plus compréhensible pour chacune et chacun d'entre nous et qu'elle soit plus opérante. Je voudrais vraiment saluer le travail de bonne coopération qui a été fait par l'ensemble des institutions européennes, pour arriver au résultat de la semaine dernière. Ça va être un élément tangible pour des agriculteurs à la fois sur les questions de jachère, sur les questions de prairies. Il me semble qu'il y avait besoin de ce signal et plus que de ce signal, de cette réalité, pour le monde agricole.

Il y a encore du travail à faire. La France continue - elle avait porté toutes les mesures qui ont été adoptées – elle continue à porter d'autres demandes, autour notamment de la BCAE 2 et de la BCAE 4, notamment sur les questions de zonage. On a besoin de travailler et d'affiner sur cette question-là, c'est un élément qui nous paraît important. On a besoin de travailler aussi sur la question de la simplification. On sait à quel point ça peut être parfois long d'arriver à cet objectif-là. En tout cas nous y travaillons comme au niveau national, puisqu'au niveau national, nous-mêmes, nous travaillons sur les questions de simplification. Il y a déjà des choses qui sont posées sur la table et qui se traduiront dans la loi d'orientation agricole pour une partie, mais on a besoin de montrer aux agriculteurs la façon dont on entend simplifier la mise en œuvre de cette politique agricole commune.

Puis un deuxième élément, avec une initiative qui a été prise avec nos collègues allemands en particulier, et qu'une grande partie des pays membres soutiennent : c'est la question de la révision des de minimis pour qu'on augmente le seuil. Pour qu'on puisse faire en sorte, en fait, que les agriculteurs face aux différentes crises qu'ils traversent, puissent accéder à des dispositifs d'aide qui sont aujourd'hui plafonnés à 20 000€ par exploitation, par période triennale. Ça pose évidemment un problème. Nous proposons de relever ce plafond et j'espère que nous aurons un dialogue constructif avec la Commission là-dessus.

Troisième élément de travail que nous allons voir à la pause déjeuner : c'est un travail autour de ce qu'est la future PAC. C'est un dialogue stratégique autour de la politique agricole commune. On voit bien que les données ont changé, la crise COVID, la crise en Ukraine… On a besoin de travailler sur une PAC qui tienne mieux compte de ces grands dérèglements géopolitiques, économiques et évidemment climatiques et donc on va commencer à avoir un premier échange. La France évidemment prendra sa part et prendra des initiatives dans les semaines et les mois qui viennent pour faire de la PAC un outil au service de la résilience et de la production agricole. On a besoin de retrouver, de conforter notre souveraineté. C'est donc un élément central pour nous, de travailler là-dessus. Peut-être demander aussi à la Commission qu'elle nous associe plus, ça ne peut pas être un travail de la Commission d'un côté, un travail des États membres de l'autre et qu'on arrive au dernier moment à se coordonner. Je pense que ce n'est pas un travail que de la Commission sur elle-même ni des États membres sur eux-mêmes mais un travail collectif.

Enfin dernier point, il y aura un point d'étape sur les questions commerciales. D'abord je me réjouis que nous ayons à l'intérieur du Conseil Agriculture, un débat sur les questions commerciales. Le commerce n'est pas une question simplement de la DG TRADE ou des ministres qui s'occupent du commerce. On sait bien que ça a des impacts importants. Je me félicite, qu'au fond, pour la première fois de façon aussi explicite, on reconnaisse, au travers d'une étude, que les accords commerciaux, par leur sédimentation, posent des problèmes pour un certain nombre de filières. Je pense à la filière animale en particulier mais pas seulement, la filière sucre parfois et un certain nombre de filières végétales. On a besoin dans nos accords commerciaux de regarder le cumul des choses.

La deuxième chose c'est de dire dans nos accords commerciaux, que l'agriculture n'est pas - le président de la République Emmanuel Macron l'a dit - l'agriculture ne peut pas être une variable d'ajustement des accords de commerce, parce que l'agriculture c'est central. C'est un élément central de la souveraineté. C'est un élément central de la stabilité, y compris à nos frontières. On ne peut pas avoir une politique commerciale qui dise « j'ajuste sur l'agriculture ». Je le répète, le président de la République l'a dit, il a affirmé on a d'ailleurs eu des expressions assez claires ces derniers temps, sur un certain nombre d'accords commerciaux - je pense au Mercosur - pour dire : les accords commerciaux ne peuvent pas être ceux qui viennent sacrifier des pans entiers de l'agriculture, par leur sédimentation.

Puis un dernier point sur ces accords commerciaux c'est la question des clauses de réciprocité et des clauses miroirs. Le président de la République l'a aussi rappelé à la Sorbonne, la semaine dernière : les accords commerciaux doivent faire en sorte que ceux avec qui on les signe, respectent un certain nombre de principes. Je pense par exemple aux accords de Paris sur le climat, parce qu'évidemment, si on n'a pas les mêmes règles, personne ne pourrait comprendre - en tout cas certainement pas la France, certainement pas les agriculteurs européens - qu'on ait des règles qui s'appliquent dans nos frontières mais qui ne s'appliquent pas du tout pour un certain nombre de pays exportateurs vers nous. On a besoin de commerce ce n'est pas la question. On a besoin de le faire dans des conditions de réciprocité qui soient des conditions équitables. Voilà ce que je voulais vous dire ce matin. En tout cas très heureux parce qu'on a bien avancé, en européens, sur ces questions agricoles. Je pense que c'est un signal important qui a été donné aux agriculteurs, en cette période de crise que nous avons traversée.


Q : Sur les de minimis, il y a un débat aujourd'hui qui va se lancer. Est-ce que la France est favorable au relèvement ?

M. Marc Fesneau  : Oui, c'est une demande qu'on avait portée. On avait d'ailleurs saisi la Commission ; on a décidé avec les collègues allemands en particulier - mais d'autres aussi, une quinzaine en tout il me semble - de porter cette nécessité. Pourquoi ? Parce qu'avec le cumul des crises sanitaire, climatique, économique parfois, vous voyez bien on sature assez vite ces plafonds à la fois le volume national et au niveau de l'exploitation et que ça pose un problème structurel. On va y travailler, je pense qu'on arrivera à trouver un chemin avec la Commission. Ce n'est pas aider pour aider mais on voit bien qu'avec les crises climatiques et les autres crises qui se succèdent font qu'en fait on met en place des modus operandi qui ne sont pas qui ne sont pas efficients parce qu'on sature tout de suite.

Q : On avait un cadre temporaire de crise qu'on aurait pu étendre ?

M. Marc Fesneau  : Oui mais avec l'incertitude quand même du cadre ukrainien, vous voyez bien qu'on vient juste de le renouveler, on renouvelle tous les six mois donc ça met un peu d'inertie. J'en sais quelque chose par exemple sur les aides bio puisqu'on est obligé d'avoir des délais très courts et donc c'est moins, c'est très précieux pour nous. Enfin on peut espérer aussi que ce cadre puisse évoluer, donc on a besoin peut-être d'avoir un cadre plus empirique si je peux dire, plus structuré.

Q : Toute dernière question sur la chaîne de valeur et les revenus des agriculteurs, ce n'est pas traité avec la simplification de la PAC. La Commission a proposé un observatoire des prix qui va commencer en juin, mais c'est le tout début, est-ce qu'on ne peut pas accélérer ?

M. Marc Fesneau  : On a déjà pas mal accéléré sur la politique agricole commune puisqu'on a fait en deux mois ce qu'on aurait dû mettre deux ans à faire. On va essayer de trouver un bon rythme. On est par nature, un peu dans un moment entre deux : entre deux Commissions et entre deux Parlements. Mais ce qui est bien c'est que la Commission ait saisi la balle au bond, de ce qui était les propositions d'un certain nombre d'entre nous, dont la France, sur ces sujets équité dans les rapports commerciaux.

Q : Monsieur le Ministre, est-ce qu'il y a des États, dont vous avez perçu qu'ils ont une réserve, peut-être des États avec un peu moins de pouvoir financier ?

M. Marc Fesneau  : On va voir. On va voir sur le débat de minimis.

Q : Ça peut être une fragmentation ?

M. Marc Fesneau  : Une fragmentation, je ne suis pas sûr mais je pense que c'est bien qu'on ait un cadre européen collectif quand même sur ces sujets-là.


Source https://ue.delegfrance.org, le 3 mai 2024