Conférence de presse de M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur la situation politique au Liban, à Beyrouth le 28 avril 2024.

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Circonstance : Déplacement au Proche-Orient

Texte intégral

Bonjour à tous,

Mesdames et Messieurs,

Je suis à nouveau au Proche-Orient et ma deuxième tournée dans la région commence ici au Liban. Il y a quelques semaines, nous évoquions le risque d'escalade, et l'escalade est bien présente.

Préserver le Liban, c'est la responsabilité et la priorité de la France au nom des liens qui unissent nos pays, au nom des aspirations de toute la région et au nom des attentes, y compris de nos partenaires.

Alors, que faisons-nous pour préserver aujourd'hui le Liban ?

D'abord, nous disons ceci à tous les acteurs libanais : ils doivent faire leur part et prendre leurs responsabilités. Le Liban a besoin de sécurité, d'institutions qui fonctionnent ; le Liban a besoin de réformes ; les Libanais et les Libanaises le demandent.

Ensuite, nous poursuivons notre mobilisation, une mobilisation totale pour que le Liban sorte de la crise politique, sociale et économique qu'il traverse - elle n'a que trop duré - pour éviter aussi que le Liban soit emporté par une guerre régionale.

La nuit du 13 au 14 avril a constitué un tournant inquiétant pour nous, pour tous. Nous appelons chacun à la retenue. Nous refusons le scénario du pire ; au Liban du Sud la guerre est déjà là. J'ai porté ce message ici auprès du Premier ministre Mikati, auprès du président du Parlement et du chef d'état-major des armées. Je porterai également ce même message en Israël, dès mardi.

J'étais, ce matin, auprès des soldats du contingent français de la FINUL dont je salue la force et l'engagement. La FINUL joue un rôle décisif pour éviter ce scénario du pire que j'évoquais. Toutes les parties doivent permettre à la FINUL d'exercer pleinement ses missions.

De même, avec nos partenaires nous continuons à appuyer et nous appuierons encore l'armée libanaise. Le retour à la stabilité passe par le redéploiement des forces armées au Sud-Liban.

Enfin, il faut saisir les opportunités diplomatiques quand elles se présentent. L'objectif de la feuille de route, que j'ai proposée en février aux autorités libanaises et israéliennes, c'est de parvenir à une application pleine et entière, par toutes les parties, de la résolution 1701 du Conseil de sécurité.

Je voudrais vous dire également que le travail est en cours. Il y a encore quelques jours, le Président de la République recevait à Paris le Premier ministre ainsi que le commandant en chef de l'armée libanaise. Il s'est également entretenu avec le président du Parlement. Les observations libanaises sont pleinement prises en compte et nos efforts ne faiblissent pas dans cette démarche de consultation.

Peut-être un dernier point avant de répondre à quelques questions, si vous en avez. Ces efforts porteront d'autant plus si les institutions sont là. Sans président élu et sans gouvernement de plein exercice, le Liban ne sera pas vraiment convié à la table des discussions. Le Président de la République Emmanuel Macron l'a redit d'ailleurs au Premier ministre : il faut un sursaut, un sursaut pour de bon. La France le dit d'autant plus, avec gravité, que nous continuerons nos efforts pour que le Liban se dote d'un dispositif institutionnel complet.

Voilà, Mesdames et Messieurs, s'il y a quelques questions, je suis prêt à y répondre.


Q - Quelles sont les modifications proposées par la France au plan ou à la proposition pour calmer la situation au Sud-Liban, et pensez-vous qu'avec ces modifications elle sera plus acceptable au Hezbollah ?

R - D'abord, on est dans une discussion et nous faisons des propositions à l'ensemble des partenaires. Avant mon déplacement en Israël mardi, c'est très compliqué de répondre à cette question. Néanmoins, nous avons pris en compte l'ensemble des propositions et des modifications de propositions des autorités libanaises. Je ferai également la démarche auprès des autorités israéliennes pour prendre un certain nombre de leurs propositions ; dans une démarche de consultation, pas dans une démarche de négociation. Mais à la fin il faudra un accord. Nous verrons l'ensemble les retours que nous avons sur nos propositions et je pourrai répondre plus précisément à votre question. J'ai voulu commencer cette tournée régionale par le Liban. C'est aussi une manière symbolique de montrer que la France se tient aux côtés du Liban, des Libanaises et des Libanais. Cette consultation continuera. J'ai envie de vous dire "rendez-vous mardi".

Q - Monsieur le Ministre, Israël parle toujours d'escalade dans le sud du Liban. Des dizaines de civils ont été tués dans le sud et en particulier à la frontière. La résistance libanaise dit qu'elle ne souhaite aucunement que ce conflit s'étende. Qui garantira qu'Israël appliquera bien la résolution 1701 et qu'Israël répondra favorablement à ce qui sera décidé ?

R - D'abord, sur le terme d'escalade, on peut dire qu'elle est là, et que s'il n'y avait pas eu de conflit à Gaza on parlerait peut-être déjà de guerre dans le Sud-Liban, au vu de l'ensemble des impacts et tirs que j'ai pu constater, y compris avec la FINUL. Le sujet est bien présent. Deuxièmement, les discussions qui sont en cours doivent justement permettre à l'ensemble des parties de pouvoir se mettre d'accord, en tout cas de donner leurs propositions et de réagir par rapport aux propositions que formule la France. Nous oeuvrons pour la paix et la paix est difficile à trouver dans ce contexte. Mais il faut des efforts diplomatiques et je veux croire avec les propos aujourd'hui des autorités libanaises que nous sommes sur la bonne voie pour trouver un certain nombre d'engagements qui pourraient au moins convenir à un certain nombre de parties. Donc nous continuons ce travail diplomatique, avec conviction et avec un objectif, celui de contribuer à la paix et d'éviter l'embrasement. Sur l'escalade, je vous dis qu'elle est déjà là.

Q - Monsieur Séjourné, puisque vous avez évoqué l'importance de l'élection présidentielle, comment la France voit-elle l'équipe qui bloque aujourd'hui l'élection démocratique présidentielle et la France peut-elle aujourd'hui garantir l'application de la résolution 1701 puisqu'on a vécu beaucoup de résolutions internationales sans application au Liban ?

R - Je crois que j'ai déjà répondu en partie à la question dans mon introduction et dans les réponses précédentes. Je vous l'ai dit, nous contribuons à ce que le Liban puisse avoir un président mais surtout nous le demandons puisqu'un certain nombre de sujets doivent passer par un dispositif institutionnel complet pour être résolus. Par ailleurs, le Liban ne sera pas à la table des discussions quand la paix sera négociée et discutée s'il n'y a pas de président. Pour le bien des Libanais, pour l'intégrité territoriale du Liban, pour son intérêt, nous pousserons tous les feux pour que la discussion puisse aboutir. Mais c'est aux Libanais de le décider. Ce n'est pas à la France de dicter ou de commander un candidat quelconque. C'est aux Libanais de décider qui présidera le Liban et dans quelles conditions cela se fera.

Q - La crise des réfugiés syriens est devenue explosive au Liban. Comment la France contribuera-t-elle à alléger le fardeau sur le Liban, lors de la prochaine conférence de Bruxelles sur la Syrie ? La France aidera-t-elle à lever le siège économique sur la Syrie, ce qui aura un impact positif sur le Liban en favorisant le retour de nombreux réfugiés économiques en Syrie ?

R - D'abord vous dire que la France a conscience que la présence des réfugiés syriens pèse sur le Liban depuis le début du conflit en Syrie. Elle a conscience qu'il s'agit également d'une question d'une grande sensibilité ici au Liban et elle a conscience que cela engendre un certain nombre de tensions. La France souhaite également que les réfugiés syriens puissent retourner dans leur pays. À cette fin, il est nécessaire d'ailleurs que les différentes parties prenantes travaillent à faire en sorte que ce retour se fasse de façon volontaire, digne, sûr et, le plus important, conforme au droit international. A ce stade ces conditions doivent encore être remplies. Je m'arrêterais là, mais vous avez vu que nous avons, dans les discussions que j'ai eues avec les autorités libanaises, passé ce même message.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 mai 2024