Texte intégral
LAURE CLOSIER
8h18 sur BFM Business et sur RMC Découverte, et notre invité c'est Roland LESCURE, bonjour.
ROLAND LESCURE
Bonjour.
LAURE CLOSIER
Ministre délégué chargé de l'Industrie et de l'Energie, bien évidemment, on a beaucoup de sujets à voir ensemble, à commencer par ce contrat de filière établi par l'industrie automobile avec le gouvernement signé hier, contrat important pour arriver à cet objectif de véhicules électriques d'ici 2035 quand on sera à 100%, en attendant, d'ici 2027, il faudra 800 000 ventes de véhicules électriques, il faudra multiplier par trois les ventes d'ici 2027, ça fait beaucoup, sachant que là on est un peu en baisse.
ROLAND LESCURE
Oui. Alors, on a fait fois 5 dans le dernier contrat de filière, mais on partait de tellement bas qu'évidemment c'était moins difficile d'aller où on est, maintenant il faut accélérer effectivement. Accélérer à la fois d'ailleurs, du côté de la vente, et du côté de la production. Ça a un peu baissé, mais en revanche la part des véhicules européens, dans les ventes de véhicules électriques, a beaucoup monté, parce que vous le savez, depuis le 1er janvier on réserve le bonus automobile aux véhicules qui sont fait suivant des bonnes règles environnementales, et donc faits en Europe, et ça c'est un vrai succès, il faut continuer, il faut accélérer. Au fond, aujourd'hui, on fait face à une révolution, industrielle, écologique et sociale, dans le domaine de l'automobile, il faut produire davantage, il faut produire vert, et il faut produire en France de manière à ce que ceux qui travaillent aujourd'hui dans le moteur thermique puissent travailler dans le moteur électrique, et en plus il faut faire ça pas trop cher pour que les Françaises et les Français puissent se l'offrir.
LAURE CLOSIER
Oui, ça fait beaucoup de contraintes.
ROLAND LESCURE
Et c'est pour ça qu'on a signé ce contrat, on s'est dit plutôt que de se renvoyer la balle en disant " c'est de ta faute, c'est de la mienne, c'est ta responsabilité, c'est la mienne ", on se met tous ensemble. L'ensemble de la filière, donc l'amont et l'aval, les constructeurs et leurs fournisseurs, mais aussi tout l'aval de la filière dont on ne parle pas assez, qui sont les garagistes, les distributeurs, ceux qui chargent les véhicules électriques, de manière à ce qu'on aligne tout le monde, avec six axes très clairs, qui sont la compétitivité, l'attractivité des métiers, la souveraineté, le verdissement de la flotte, la gestion du parc existant, parce qu'on peut aussi décarboner un véhicule thermique, bref, on fait feu de tout bois, on travaille ensemble, l'Etat fait sa part du boulot…
LAURE CLOSIER
Oui, c'est ça que j'allais vous dire, la part de l'Etat c'est quoi, donc poursuite du bonus-malus sur les questions écologiques, le leasing aussi des flottes d'entreprises ? là il y a un sujet quand même !
ROLAND LESCURE
Oui, alors le bonus on n'en parle pas assez, on est un des seuls à l'avoir maintenu, parce qu'on fait face à des contraintes budgétaires, les Allemands l'ont retiré, nous on l'a gardé, résultat, les ventes de véhicules électriques s'effondrent en Allemagne et elles se maintiennent en France. Le leasing social, plus de 50 000 Françaises et Français ont eu accès en 2024, ça a été un succès, c'est parti comme des petits pains dès le début de l'année, à un véhicule électrique pour, entre 50 et 200 euros par mois et en moyenne 100 euros, on va relancer ce leasing électrique en 2025, donc le soutien à la demande il est là. Par ailleurs, on soutient la production, on a des subventions à l'innovation, on accompagne la formation, à la fois des jeunes et des moins jeunes, donc ceux qui travaillent aujourd'hui dans l'automobile qui doivent se requalifier, et les jeunes. On n'a pas assez de femmes dans l'automobile, dans l'industrie en général, on a moins de 20% de femmes, hier on était avec des jeunes qui sont en formation, notamment des jeunes femmes, qui veulent faire de l'automobile, qui veulent travailler dans le recyclage des véhicules, ça c'est un élément très important, c'est ce qu'on l'économie circulaire, il faut qu'on puisse partir de véhicules usagés et en refaire des véhicules neufs en réutilisant leurs pièces.
LAURE CLOSIER
Sur la question du calendrier, plus personne dans la filière automobile ne demande à toucher, en France, au calendrier 2035, l'industrie est en marche, maintenant on ne revient pas dessus ?
ROLAND LESCURE
Ecoutez aujourd'hui… non mais, un, l'industrie est en marche, ou on va dire elle roule vers l'objectif de 2035, mais deux surtout, ceux, parce qu'il y en a, notamment sur l'arc politique, à l'extrême droite ils disent " c'est n'importe quoi… "
LAURE CLOSIER
Mais pas chez les industriels, parce qu'ils ont…
ROLAND LESCURE
Mais non, parce qu'ils ont compris qu'on a besoin de visibilité. Aujourd'hui, quand le Rassemblement national dit " moteurs thermiques, moteurs thermiques ", il fait le jeu de l'étranger, on a 60% de notre énergie qui vient de pays producteurs de pétrole, c'est parce qu'on conduit des véhicules thermiques, et par ailleurs, si nous on ne se met pas à l'électrique, on va sans doute en parler, mais les Chinois, eux, ils s'y sont déjà mis, donc si on veut être forts face aux Chinois il faut investir dans l'électrique, et si on veut investir l'électrique il faut donner de la visibilité aux industriels, c'est ce qu'on fait.
LAURE CLOSIER
Alors, être fort face aux Chinois, c'est le cas sur les véhicules électriques, c'est le cas sur les pompes à chaleur, c'est le cas sur les panneaux photovoltaïques, il y a un an de stock de panneaux photovoltaïques dans les ports français qui viennent de Chine, qu'est-ce qu'on fait face à ces surcapacités qui viennent s'écouler en Europe, on met des barrières douanières jusqu'à 50%, on y va très fort, c'est notre seule option ?
ROLAND LESCURE
En tout cas, il faut être très clair, moi je suis pour la concurrence, je suis pour la compétitivité, je crois dans la force de l'industrie française, mais il faut que les règles soient justes. Si on joue suivant les mêmes règles, je suis certain que la France et l'Europe peuvent gagner parce qu'on a le plus grand marché du monde, on a de l'innovation, on a des ingénieurs, on a des terrains et on a une France qui est attractive, donc le défi majeur c'est de s'assurer, vous parlez de droits de douane, ça peut être une des réponses, c'est que si des secteurs dans certains pays, et la Chine pourquoi pas si c'est le cas, sont excessivement subventionnés et se retrouvent du coup en avantage compétitif face à l'industrie européenne, il faut pouvoir effectivement réagir, ça c'est le rôle de la Commission européenne et elle a lancé une enquête, vous l'avez dit, sur les panneaux photovoltaïques, elle l'a lancée sur l'automobile, elle l'a lancée sur les dispositifs médicaux, au fond le message aujourd'hui c'est, on arrête la naïveté, la Commission européenne fait son travail, et si les industriels sont bien protégés dans des règles qui sont, je dirais justes, on va gagner, j'en suis persuadé. Donc on a adopté un certain nombre de dispositions, notamment dans la commande publique, qui permet là encore de favoriser des panneaux photovoltaïques, des pompes à chaleur, faits suivant des standards environnementaux, les meilleurs, le défi aujourd'hui c'est que si vous importez des panneaux photovoltaïques qui vont vous permettre de décarboner la France, mais qui sont produits suivant des standards environnementaux extrêmement dégradés, vous carbonez à droite là où vous décarbonez à gauche, ça n'a aucun sens. Donc, quand on dit il faut de la concurrence juste, il faut notamment qu'elle soit environnementalement juste.
LAURE CLOSIER
Mais qu'en dit le consommateur européen, parce que lui il n'est pas contre, quand même, s'acheter des voitures un peu moins chères et des panneaux photovoltaïques qui coûtent la moitié de ce que peut aujourd'hui lui proposer un industriel européen, lui on lui dit clairement " on a choisi l'industrie " ?
ROLAND LESCURE
On a choisi l'industrie, d'abord, un, parce que c'est bon pour vous, consommateurs européens, parce qu'il y a une schizophrénie…
LAURE CLOSIER
Sur le pouvoir d'achat ce n'est quand même pas très bon.
ROLAND LESCURE
Oui, mais enfin, le pouvoir d'achat, c'est quoi ? C'est être capable de valoriser les produits à leur juste prix. Aujourd'hui, les agriculteurs passent leur temps à nous dire " nous sous-vendons nos produits qui sont de qualité extraordinaire, parce qu'on est en concurrence avec des produits qui n'ont pas la même qualité ", le panneau photovoltaïque c'est la même chose, c'est la junkfood du panneau photovoltaïque contre la qualité, donc ça veut dire, la qualité ça veut dire ça dure plus longtemps, ça veut dire que c'est peut-être un peu plus cher à l'achat, mais que ça va être moins cher en entretien, et puis ça va être surtout que…
LAURE CLOSIER
Vous êtes sûr que c'est l'argument de la qualité qu'il faut utiliser ?
ROLAND LESCURE
Il y a l'argument de la qualité, et il y a la justice de la concurrence, c'est-à-dire que si aujourd'hui on brade des panneaux photovoltaïques qui polluent la planète, ce n'est pas juste, ce n'est pas juste pour la planète et ce n'est pas juste pour l'économie française, donc il faut rééquilibrer, il faut plus de justice dans la concurrence. Moi je suis persuadé… on est en train de lancer deux gigafactories de panneaux photovoltaïques, une dans l'Est de la France, une dans le Sud, Sarreguemines et Fos, on va être compétitif, on va avoir des panneaux photovoltaïques faits en France, qui non seulement vont être vendus en France, mais vont être exportés. Il faut juste, et c'est ce que le Président de la République a annoncé, a présenté dans son discours à la Sorbonne, quelques années pour que ces industries puissent arriver à maturité. Donc il faut les protéger, pendant trois, quatre, cinq ans, c'est exactement ce qu'a fait la Chine, au moment du lancement de son industrie, il faut qu'on les protège pendant trois, quatre, cinq ans, une fois qu'elles sont compétitives, on y va.
LAURE CLOSIER
Et pour cette transition vers l'électrique on a besoin de fonds, on était ce matin avec Philippe TIBI, les fonds Tibi 2, il y avait Tibi 1 qui avait déjà bien marché, au total il y aura donc 35 industriels, assureurs, qui vont flécher leurs investissements vers ces fonds qui sont tamponnés Tibi, 35 c'est super, ça ne fait pas tout le tissu industriel français. Comment on fait pour convaincre les autres de rejoindre l'initiative ?
ROLAND LESCURE
En montrant que ça marche. On avait dans Tibi 1 25 investisseurs, dont deux industriels, ORANO, EDF, on a deux nouveaux industriels, les établissements MERCK, et PFIZER, donc un établissement pharmaceutique américain qui s'y intéresse, en montrant que ça marche.0 Tibi 1 on était parti sur 5 milliards, on en a finalement levé 6, et ça a permis, au total, de lever plus de 30 milliards, là où on en a déjà levé 7, on espère en lever 10, avec l'effet de levier ça va sans doute nous amener à 50, 70 milliards. La France, aujourd'hui, c'est le premier pays en Europe, le deuxième après le Royaume-Uni, sur le continent européen, en termes de levées de fonds, on a fait X5 ou X6 sur les levées de fonds depuis 2016, aujourd'hui on lève de l'argent en France pour investir dans nos entreprises qui sont des entreprises de qualité, donc il faut effectivement s'intéresser à cette initiative, qui est une initiative exceptionnelle parce que, là encore, comme le contrat de filière automobile, on met tout le monde autour de la table, on s'engage ensemble, on ne force personne, à rien…
LAURE CLOSIER
Oui, il n'y a pas de contrainte.
ROLAND LESCURE
Moi j'ai eu un débat avec Arnaud MONTEBOURG qui a dit " Tibi c'est très bien, mais ça devrait être obligatoire ", mais non ! Quand vous rendez des choses obligatoires, les gens vont ailleurs, ils font le minimum, ils vont ailleurs. Quand vous engagez l'ensemble d'une filière à investir dans des entreprises de qualité, Tibi l'essayer c'est l'adopter, ils y prennent goût et ils continuent, et ils augmentent leurs investissements. Moi je crois beaucoup à l'écologie du contrat, à l'économie du contrat, à la politique du contrat aussi, je pense qu'en s'engageant tous derrière la France, et au-delà derrière l'Europe, on est capable d'avancer plus vite qu'en partant du haut et en imposant des carcans aux investisseurs et aux acteurs.
LAURE CLOSIER
Merci beaucoup Roland LESCURE d'avoir été avec nous ce matin.
ROLAND LESCURE
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 mai 2024