Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur les relations économiques entre la France et la Chine, à Paris le 6 mai 2024.

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Circonstance : Discours de clôture des rencontres économiques franco-chinoises

Texte intégral

Merci Monsieur le Président, cher ami,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les dirigeants d'entreprises chinoises et françaises,
Monsieur les coprésidents,
Mesdames et Messieurs,


Je suis très heureux de clôturer à vos côtés, Monsieur le président, cette 6e édition du Conseil d'Entreprises franco-chinois rassemblant les communautés d'affaires chinoises et françaises. C'est toujours un moment fort pour la relation économique bilatérale dont vous êtes les acteurs les plus importants au quotidien et aux côtés de nos ambassadeurs officiels, les ambassadeurs de chaque jour, pour réussir justement à accroître les liens entre nos pays et nous évoquions avec Monsieur le président, à l'instant, l'importance de ces derniers et du concret des réalisations. Et je salue particulièrement, à côté de nos grands groupes, nos grands investisseurs bien connus, la présence aussi d'une délégation de PME, d'ETI conduite par Business France.

Notre rencontre s'inscrit dans la célébration du 60e anniversaire de nos relations bilatérales. Ma visite en Chine, en avril 2023, à l'invitation du président Xi, avait déjà permis une relance d'une dynamique franco-chinoise après plusieurs années marquées par la pandémie et un espacement des rencontres. Et votre visite, Monsieur le Président, la qualité et la richesse de nos échanges, - ce qui me permet, ce faisant, de s'excuser du retard avec lequel nous nous présentons devant vous - et cette nouvelle édition beaucoup plus rapprochée de la précédente, témoignent, si besoin en était, de l'importance, en effet, de nos relations mutuelles que nous voulons empreintes de confiance, de sens du long terme et justement d'équilibre.

La relation économique franco-chinoise est ancienne et diversifiée. Plus de 2.000 entreprises françaises sont présentes en Chine et contribuent pleinement à l'économie chinoise dans des secteurs tels que l'agroalimentaire, l'industrie, les biens de consommation, la décarbonation, les services financiers. Le stock d'investissements directs français en Chine s'est maintenu à un niveau élevé ces dernières années, se situant encore à 30 milliards d'euros en 2022. Nos exportations vers la Chine se maintiennent et ont augmenté sensiblement en 2023. Et je salue ici les entreprises françaises largement représentées ce jour, notamment dans les secteurs de l'aéronautique, de l'agroalimentaire, des cosmétiques, des produits pharmaceutiques, du luxe, du nucléaire civil, de l'innovation technologique, de la finance.

Beaucoup d'entreprises voient la Chine comme un client très important, davantage encore, un partenaire. Je serai ici très bref. Ce sont trois messages principalement que je voulais partager.

Le premier, nous souhaitons accueillir davantage d'investisseurs chinois sur le sol français, dans le plein respect de notre souveraineté et dans l'esprit, au Fonds, d'équilibre, de confiance qui est celui avec lequel nous investissons chez vous. La Chine possède un savoir-faire reconnu dans des secteurs tels que les batteries, les véhicules électriques, les panneaux photovoltaïques. Elle est la bienvenue pour déployer cette expertise sur notre territoire. Des investissements chinois d'ampleur ont déjà eu lieu ces dernières années, en particulier dans les batteries électriques, et je pense aux partenariats entre Envision et Suez aussi pour le recyclage de batteries, confirmés aujourd'hui, partenariat entre XTC Orano pour la production de précurseurs de batteries annoncé lors du sommet Choose France. Je souhaite que ces deux investissements ne soient que le début, la confirmation de ce que nous avons déjà poursuivi ces dernières années d'une longue série parce que le stock d'investissements directs étrangers chinois en France est trois fois inférieur aux investissements français en Chine. Et donc nous devons, là-dessus, pleinement rééquilibrer ; nous sommes pour cette réciprocité. Et dans le domaine, en effet, des véhicules électriques, des batteries, également des technologies les plus contemporaines, des plateformes numériques, etc., etc., je souhaite que nous puissions aller beaucoup plus loin.

Nous avons réformé en profondeur l'économie française. Nous sommes aujourd'hui, pour la cinquième année consécutive, le pays le plus attractif d'Europe pour les investissements étrangers et le deuxième marché le plus puissant au monde, si on regarde les capitalisations boursières et leur profondeur. Ce qui, pour vos entreprises, je crois, ce sont deux éléments en termes d'économie réelle et d'économie financière qui doivent vous pousser à encore faire davantage pour investir sur le sol français. Les résultats sont là, la réindustrialisation est en marche. Je souhaite que nous puissions faire davantage.

Deuxième remarque, c'est qu'il n'y a pas d'échange de long terme s'il n'y a pas de réciprocité. C'est cet esprit-là que nous privilégions l'un l'autre. Et donc, nous avons la volonté de poursuivre ce partenariat sino-français dans un esprit d'ouverture, de réciprocité, de confiance, de loyauté. Notre enjeu est de rééquilibrer la relation au niveau commercial. Nous avons fait le constat avec le Président de manière lucide depuis plusieurs années, et ce dès votre visite ici en 2019, celle que j'avais effectuée juste avant en 2018 dans votre pays. Il ne s'agit pas là d'un objectif français, mais bien d'un objectif partagé car cela conditionne, je dirais encore une fois, notre capacité à agir sur le temps long. Et nous venons de loin, les uns et les autres, ensemble. 60 ans, ça n'est pas rien. Et la France, qui fut le précurseur de cette ouverture des relations diplomatiques, entend bien poursuivre dans ce dialogue de respect et de loyauté.

L'objectif commun qui est le nôtre, c'est véritablement de poursuivre nos relations - il n'y a aucune logique de découplage vis-à-vis de la Chine. C'est une volonté de préserver notre sécurité nationale, comme vous le faites pour vous, une volonté de respect et de compréhension mutuelle, réciproque, et une volonté de continuer à ouvrir le commerce, mais à s'assurer à chaque fois que celui-ci est pleinement loyal, qu'il s'agisse des tarifs, des aides, des accès au marché. Pour l'année 2023, notre déficit s'est quelque peu résorbé, mais il atteint encore 46 milliards d'euros et il reste plus de 50% supérieur à son niveau moyen des années 2010. A cet égard, les leviers bilatéraux sont identifiés. Nous avons des progrès réalisés, d'autres sont encore à faire en matière d'accès au marché.

Je prendrais deux exemples sectoriels. Aujourd'hui, et conformément aux précédents dialogues économiques et financiers de haut niveau, nos deux pays se sont accordés pour rendre effectives des ouvertures de marché dans des domaines très importants, pour notre filière porcine par exemple, qu'il s'agisse des abats ou des protéines, et je souhaite qu'on puisse poursuivre sur le boeuf. De même, nous nous sommes accordés pour mettre en oeuvre un zonage en cas d'influenza aviaire, à l'image de celui déjà en vigueur sur la peste porcine africaine. Ce sont des choses très concrètes, mais qui déterminent l'équilibre des relations. Autre exemple important de coopération, l'expertise trouve une place croissante en Chine, le secteur financier. Au niveau bancaire, après avoir avancé sur le leasing et le courtage, nous travaillons activement à appuyer aussi certains volets de l'activité des assureurs. Ce ne sont là que deux exemples, j'aurais pu citer l'indication géographique du Bourgogne et tant d'autres.

Nous avons des systèmes, des législations différentes qui peuvent parfois conduire le dynamisme de nos entreprises à être contraints, alors que la clarté et la sécurité juridiques sont essentielles. Et c'est aussi un axe qui permet de développer, justement, nos relations, qui est très important, je le sais, pour les décideurs présents dans cette salle et sur lequel nous voulons aussi avancer. À nouveau, je prendrai deux exemples où nous testons concrètement notre capacité à dénouer les sujets. Les cosmétiques, où un équilibre entre sécurité des consommateurs chinois et protection de la propriété intellectuelle des entreprises françaises doit être trouvé, et les données pour lesquelles il nous faut, là aussi, un cadre d'échange structuré.

Et puis, ma troisième remarque, pour finir, consiste à évoquer les grands enjeux globaux pour lesquels notre coopération est incontournable. Sur tous les sujets, le climat, le traitement de la dette des pays vulnérables, la sécurité alimentaire et énergétique, le monde a besoin d'une action conjointe et résolue entre nos deux pays. Nous en sommes pleinement conscients avec le Président et ça détermine parfois vos environnements de travail. C'est pourquoi nous allons continuer d'avancer ensemble sur les questions financières, avec notre capacité à regrouper tous les acteurs de la finance mondiale, banques de développement, acteurs multilatéraux, et de continuer à construire un cadre de confiance pour nos interventions et le traitement de la dette, en particulier des pays africains. C'est ce qui avait été avancé pendant le G20, il y a trois ans, que nous souhaitons consolider. Et la présence de votre Premier ministre au Pacte de Paris pour les peuples et la planète a permis d'aller dans ce sens, d'une complicité, mais aussi d'une avancée ensemble pour rebâtir l'architecture financière et économique internationale dont nous avons besoin.

Deuxième élément que je souhaitais mentionner, c'est l'intelligence artificielle. Là aussi, nous sommes convaincus l'un et l'autre qu'au moment où s'organise la conversation internationale, celle qui permettra de bâtir les règles de gouvernance, peut-être, et à coup sûr, puisque nous le souhaitons, de régulation, il ne faut pas laisser des dialogues se faire de manière séparée. La France, qui aura la responsabilité de cette deuxième conférence après la Grande-Bretagne, en février 2025, souhaite le faire très étroitement avec la Chine et avoir une présence donc de la Chine au Comité directeur de ce sommet de l'intelligence artificielle et de sa gouvernance. Sur les sujets économiques, financiers, commerciaux, et sur beaucoup d'autres, les travaux doivent se poursuivre activement, en particulier à l'occasion d'un prochain dialogue économique et financier de haut niveau que le ministre de l'Economie et des Finances coprésidera à Paris cette année avec son homologue.

Voilà les trois remarques que je souhaitais faire, en vous remerciant à nouveau de votre présence à Paris aujourd'hui et dans nos Pyrénées demain, Monsieur le Président, en remerciant l'ensemble de nos communautés d'affaires, ici présentes, pour leur travail et en vous redisant la confiance, l'amitié et cette volonté de temps long qui est la nôtre avec vous.


Je vous remercie.