Texte intégral
Mme la présidente
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Les conséquences des bouleversements menés par le Gouvernement en matière éducative ».
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
(...)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
L'école, vous l'avez tous dit directement ou indirectement, est le reflet de notre société. C'est aussi le réceptacle de toutes ses dynamiques et de tous ses changements. C'est pourquoi elle doit constamment s'adapter pour rester en phase avec une réalité en perpétuelle évolution. Toutefois, si ces adaptations sont nécessaires, notre cap, lui, demeure : il repose sur la nécessité de faire progresser tous les élèves, partout sur le territoire, en ne laissant personne sur le bord du chemin. C'est cet objectif qui guide mon action au quotidien et qui a guidé l'action du gouvernement depuis 2017.
Il est vrai que des enquêtes nationales et internationales ont montré que le niveau des élèves n'était pas toujours à la hauteur de nos attentes et de nos investissements, et que nous devions nous améliorer sans cesse sur ce point. C'est pourquoi, depuis 2017, la majorité a entrepris de réformer en profondeur notre système éducatif à tous les niveaux. Je reviendrai sur ces réformes dans quelques instants ; je les inclus dans ma propre feuille de route, que je souhaite vous présenter ici. Je remercie d'ailleurs le groupe Écologiste de nous donner l'occasion d'échanger à ce propos, même à une heure un peu tardive.
Je commencerai par revenir sur les réformes qui concernent les plus âgés de nos élèves : les lycéens. Depuis 2017, nous avons non seulement réformé, mais également guidé la transformation sociale de demain. Je reprends ici la pensée de Ferdinand Buisson, pour qui ce sont les réformes scolaires qui forment les générations capables de penser et d'agir en vue d'une véritable transformation sociale.
La réforme du lycée général qui a débuté en 2018 a acté une volonté très ancienne de briser la cage de fer des filières au profit d'un choix libre d'options. Elle permet ainsi de favoriser l'autonomie des élèves et de lutter contre la cristallisation de choix sociaux qui étaient très fréquents, par exemple, dans la filière S. Elle a également permis de donner plus de poids au contrôle continu et de renforcer l'importance de l'oral lors des épreuves terminales. Elle assure ainsi une meilleure adéquation entre les enseignements du lycée et les attendus de l'enseignement supérieur. Tels sont les objectifs généraux de cette réforme.
Quant à la réforme du lycée professionnel, elle vise une meilleure attractivité de la voie professionnelle, une orientation plus progressive et un accompagnement renforcé de l'élève. Cela importe au plus haut point, tant pour l'avenir de nos jeunes que pour l'attractivité du monde économique. Le baccalauréat professionnel offre ainsi depuis la rentrée 2019 des parcours progressifs sur trois ans, pouvant mener soit à une poursuite d'études soit à une insertion professionnelle. Depuis la rentrée 2023, la nouvelle phase de la réforme nous permet de mieux accompagner chaque lycéen professionnel, de lutter contre le décrochage et de proposer au lycée professionnel un parcours attractif grâce à une offre et une carte de formations rénovées et mieux orientées vers des métiers d'avenir. Tous les lycéens professionnels bénéficient en outre d'une gratification pour les périodes de formation effectuées en milieu professionnel. En tout, pas moins de 1 milliard d'euros sera investi en 2024 pour transformer la voie professionnelle.
Je tiens à évoquer ensuite les réformes qui concernent les plus jeunes de nos élèves, scolarisés dès 3 ans à l'école maternelle, puis à l'école primaire.
Comme vous l'avez rappelé, nous avons proposé une mesure forte : l'obligation de scolarisation des enfants dès l'âge de 3 ans. Prévue par la loi de 2019 pour une école de la confiance, elle constitue un aspect essentiel de la priorité donnée à l'école maternelle et primaire dans le cadre de la refondation de l'école.
Lorsqu'elle correspond à ses besoins et se déroule dans des conditions adaptées, la scolarisation d'un enfant avant ses 3 ans représente une chance pour lui et pour sa famille. C'est ce à quoi nous avons travaillé, en collaborant pleinement avec les collectivités territoriales concernées. En effet, l'entrée à l'école maternelle constitue la première étape de la scolarité et, pour beaucoup d'enfants, la première expérience de la sociabilité ; il s'agit donc d'un moyen efficace de favoriser la réussite scolaire – je rappelle que c'est là notre priorité –, en particulier lorsque, pour des raisons sociales, culturelles, éducatives ou linguistiques, la famille est éloignée de la culture scolaire. Il convient d'ailleurs de rappeler qu'un effort supplémentaire a été effectué pour favoriser la scolarisation des enfants dès l'âge de 2 ans en éducation prioritaire, tant l'acquisition précoce du langage est vecteur d'une socialisation réussie.
Sans m'attarder sur les mesures prises depuis 2017 pour l'école primaire, car vous avez été plusieurs à les évoquer, je me bornerai à rappeler que nous avons favorisé le dédoublement progressif des classes de grande section, de CP et de CE1 en éducation prioritaire, le plafonnement à vingt-quatre élèves de l'effectif des classes hors éducation prioritaire et l'instauration de plans de formation en français et en mathématiques pour tous les enseignants. Nous sommes assez fiers de ces mesures et de leur impact positif pour les enfants et pour la société en général.
Entre l'école primaire et le lycée, le Gouvernement n'oublie pas la place très importante du collège dans l'apprentissage des élèves. C'est pourquoi je souhaite dire un mot de la réforme en cours de déploiement que certains d'entre vous ont évoquée : je veux bien entendu parler du « choc des savoirs ». Il s'agit d'un plan d'ensemble aux mesures nombreuses et complémentaires, telles que la réécriture des programmes ou la refonte du brevet, destinées à apporter des réponses aux fragilités des élèves. Leur déploiement progressif nous permettra d'en apprécier les effets.
La création de groupes de besoins en français et en mathématiques en sixième et en cinquième repose sur quatre principes. Un objectif : faire progresser tous les élèves ; un moyen : l'instauration d'une pédagogie différenciée adaptée aux besoins des élèves ; un refus, sur lequel j'insiste : celui du tri social ; une exigence : le respect de l'autonomie des établissements, qui suppose d'appliquer ces mesures avec souplesse. Nous nous appuierons sur les équipes pédagogiques en qui nous avons pleinement confiance pour assurer la réussite du dispositif. Elles seront ainsi chargées, selon la progression pédagogique retenue, d'identifier les besoins propres à chaque élève. C'est sur cette base qu'elles constitueront les groupes, au plus près de la réalité des besoins des élèves.
Je viens de le rappeler : je suis opposée à toute assignation des élèves. Notre système éducatif doit non seulement viser l'autonomie par rapport à la structure des positions sociales mais également se donner les moyens de corriger les effets les plus flagrants des inégalités sociales et scolaires.
Mme Fatiha Keloua Hachi
Nous en sommes loin !
Mme Nicole Belloubet, ministre
C'est pourquoi, vous le savez, j'ai souhaité organiser des moments de brassages des groupes, par exemple lors du retour en classe de référence. Il est important que l'application de cette mesure prenne en considération les spécificités de chaque établissement – je m'y emploie.
L'ensemble de ces réformes commencent à porter leurs fruits. École, collège, lycée ont connu des évolutions importantes, que j'ai rappelées brièvement. Les premiers résultats dont nous disposons montrent le bien-fondé de la politique menée : on observe, grâce aux évaluations publiées récemment, que la classe de cours préparatoire permet de faire progresser tous les élèves dans les apprentissages fondamentaux, de rattraper le retard pris à l'entrée au CP par certains élèves et de réduire significativement les écarts observés en éducation prioritaire en début d'année, particulièrement en mathématiques.
Bien sûr, il demeure des points fragiles, notamment dans le domaine de la compréhension des textes pour laquelle la corrélation entre les performances des élèves et le milieu social demeure forte, mais nous devons avoir à l'esprit l'évolution favorable, qui confirme la justesse de l'action du ministère depuis 2017.
Permettez-moi de vous présenter brièvement la feuille de route que je souhaite suivre. Dans la lignée des succès déjà obtenus depuis 2017 et des réformes en cours de déploiement, je souhaite continuer à agir pour la réussite et le bien-être des élèves, afin que l'école change leur vie. Je me suis fixé quatre lignes directrices.
Premièrement, nous mettons tout en œuvre pour faire progresser les élèves et redonner à l'école son rôle d'ascenseur social.
La réussite est notre ambition collective, une ambition que nous partageons tous. C'est une priorité nationale pour le Président de la République, pour le Premier ministre et bien entendu pour moi-même. La mission première de l'école, qui est de former, doit se conjuguer avec son rôle de promotion de l'égalité dans les occasions d'apprentissages et de développement, en travaillant à la fois sur les procédures d'évaluation, sur l'orientation et sur la pédagogie différenciée, pour une plus grande égalité des chances, que je m'emploierai à promouvoir.
Deuxièmement, nous accompagnons les enseignants et les membres de la communauté éducative, dont le travail quotidien au service des élèves est remarquable et doit être salué comme tel, ainsi que plusieurs d'entre vous l'ont fait.
Les personnels sont désormais lassés du temps de l'urgence, de l'application souvent précipitée des réformes. Ils ont besoin de temps et d'espace pour faire leur travail, ainsi que de sécurité – j'ai dit à de multiples reprises à quel point je compte entourer l'école d'un bouclier de protection.
Cet accompagnement doit également passer par un renouveau de la formation initiale, que le Président de la République a récemment annoncé, pour améliorer l'attractivité, avec un modèle de recrutement à bac + 3 suivi d'un master professionnalisant, ainsi que par un travail important sur la formation continue. C'est le chantier ambitieux que nous avons lancé avec le Président de la République et que je mène dès à présent. Le besoin de restaurer l'attractivité du métier et le bien-être des enseignants dans notre école le rend indispensable.
M. Jean-Paul Lecoq
Il y a aussi les salaires !
Mme Nicole Belloubet, ministre
Il est vrai que le salaire est un point important mais, comme plusieurs d'entre vous l'ont rappelé, des efforts considérables ont été consentis depuis 2017.
M. Jean-Paul Lecoq
N'hésitez pas à répéter que vous allez augmenter les salaires !
Mme Nicole Belloubet, ministre
Troisièmement, nous refusons toute assignation au sein de l'école, en assumant la diversité des élèves et des territoires.
Restaurer l'égalité des chances passe d'abord par une politique volontariste de mixité en assurant l'accueil et le suivi des élèves dans les établissements d'affectation. Le lien avec l'enseignement privé fera l'objet d'un suivi attentif en ce qui concerne aussi bien l'allocation des moyens que le contrôle des obligations qui découlent du contrat qui les lie avec l'État ou que le respect des exigences de mixité qui incombent, aux termes du premier article du code de l'éducation, tant aux établissements publics qu'aux établissements privés. Dans un autre domaine, la prise en considération de la ruralité exige, pour les élèves qui y vivent, des mesures spécifiques et adaptées, auxquelles je veillerai.
Quatrièmement, je me donne pour objectif de promouvoir l'école de l'avenir pour tous nos élèves. L'école du futur devra assurer le bien-être – j'insiste sur ce terme – des élèves comme des personnels de l'éducation nationale, pour garantir les meilleures conditions de transmission des savoirs.
À titre d'exemple, pour garantir le bien-être des élèves, nous avons instauré des petits déjeuners gratuits, mais aussi des repas à 1 euro à la cantine, ou encore des aides aux devoirs qui ont bénéficié à un tiers des collégiens au cours des années récentes. Nous instaurerons également l'accueil en internat sans reste à charge. Nous sommes par ailleurs en lien étroit avec toutes les collectivités territoriales pour améliorer la situation du bâti scolaire tant du point de vue de la sécurité que de l'aspect physique.
Travailler sur l'intégration des enjeux environnementaux ou numériques me paraît indispensable pour permettre aux élèves de s'y adapter.
Dans cette démarche, nous nous félicitions du succès du Conseil national de la refondation (CNR) lancée par le Président de la République, qui repose sur une méthode de dialogue et d'action pour construire, au plus près des acteurs de l'école, des solutions concrètes sur les grandes transformations à venir au sein même de l'école. L'intérêt de ce travail en profondeur est de laisser place aux initiatives pédagogiques locales, auxquelles je suis très attachée.
Nous avons donc mené à bien plusieurs réformes depuis 2017. Il reste beaucoup à faire dans des domaines que je n'ai pas le temps d'aborder tous dans ce propos liminaire, mais que vous avez évoqués. Il faudra donc continuer à agir – c'est certain – notamment autour de la question du temps scolaire, celui des élèves, des familles, des professeurs, pour que ces temps correspondent mieux aux enjeux de notre époque. Nous le ferons toujours avec un seul objectif en tête : faire progresser tous les élèves et refuser toute assignation sociale.
Mme la présidente
Nous en venons aux questions des députés. Je vous rappelle que la durée des questions ainsi que celle des réponses est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy.
M. Benjamin Lucas-Lundy (Écolo-NUPES)
Madame la ministre, vous avez salué l'initiative du groupe Écologiste de provoquer ce soir un débat sur ce sujet ; je vous en remercie. Cette initiative a également été saluée par quelques collègues qui se sont aussi plaints de l'horaire auquel nous débattons.
Si nous avons provoqué ce débat, c'est parce que malheureusement, le Gouvernement ne se soumet pas à la discussion parlementaire sur des sujets majeurs. Le Président de la République et le Premier ministre affirment régulièrement que l'éducation relève du domaine régalien. Puis ils se font des peintures de guerre sur le torse pour parler d'autorité et pour assigner la jeunesse de notre pays à une vision très militarisée, très martiale, qui contraste d'ailleurs avec des propos que vous avez tenus. Cela mériterait que nous discutions, car – cela ne vous surprendra pas – nous considérons que les mots et les actes doivent être cohérents, or il y a là une forme de dissonance cognitive, si je puis dire, d'autant que nous n'avons pas la même lecture que vous du bilan et de l'action actuelle du Gouvernement.
Ma question est assez simple. Nous sommes tous et toutes d'accord pour soutenir que la politique de l'éducation est fondamentale ; c'est une des politiques les plus importantes de la nation. Il n'est pas normal que le Parlement ne puisse ni en débattre ni voter, que le Gouvernement prenne par décret des décisions comme celle relative aux groupes de niveau – peu importe que vous les appeliez désormais groupes de besoins – qui met fin au collège unique issu d'une décision prise il y a cinquante ans. Le collège unique repose sur l'idée que la nation enseigne dans les mêmes conditions et dans un même lieu à des enfants de toute classe sociale, de tout milieu. Sa fin est une décision majeure.
Je pourrais citer d'autres bouleversements, comme l'expérimentation puis la généralisation du port de l'uniforme. Toutes ces décisions méritent un débat de la représentation nationale au cours duquel chacun assume ses positions. Dans ce débat, on observera ainsi la convergence entre la majorité présidentielle et le Rassemblement national sur des questions importantes, comme on l'a constaté avec la loi « immigration ».
Le Gouvernement s'engage-t-il à permettre à l'Assemblée nationale de débattre et de voter sur ces questions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre
Le débat, nous l'avons : nous le tenons ici, vous, vos collègues et moi. Vous le savez, je suis prête à débattre avec vous dès que vous le souhaitez et je me rends très volontiers devant la représentation nationale.
Je voudrais revenir sur deux points que vous avez évoqués. D'abord, vous avez parlé de dissonance cognitive entre les mots et les actes, mais je ne pense pas qu'il y en ait une ici. Nous affirmons que nous voulons la réussite des élèves et nous nous donnons les moyens de la faire advenir. Vous soutenez qu'il y a une dissonance en prétendant que certaines mesures n'ont pas porté leurs fruits. Pourtant, observons les mesures prises pour le premier degré – certains d'entre vous ont à juste titre soutenu que c'était là qu'il fallait concentrer l'effort, car c'est là que, par l'acquisition du langage, naît l'ensemble des possibles pour un élève. Nous avons dédoublé les classes de CP et de CE1. Les évaluations réalisées cette année en sixième sont les premières à porter les fruits des efforts consentis, or nous constatons des progrès. Je ne crois donc pas qu'il y ait de dissonance entre les mots et les actes. Il y a au contraire une réconciliation au bénéfice de la réussite des élèves.
Ensuite, vous évoquez l'instauration des groupes de niveau qui, prétendez-vous, met fin au collège unique. Nous avons créé des groupes de besoins qui répondent à des besoins spécifiques des élèves, lors de certaines séquences pédagogiques, afin de hausser leur niveau de compétences. Ces groupes de besoins ne contrecarrent pas le collègue unique ; au contraire, ils renforcent l'exigence d'une culture globale unique pour tous les élèves jusqu'à la fin du collège, car ils permettent de lutter contre l'assignation. Il me semble naturel qu'existent des voies divergentes après le collège mais, jusqu'au niveau du collège, la voie unique demeure.
Mme la présidente
La parole est à Mme Graziella Melchior.
Mme Graziella Melchior (RE)
Parce que la situation de l'école se dégradait progressivement depuis de nombreuses années, le Président de la République, les gouvernements successifs et la majorité parlementaire ont défendu de nombreuses évolutions depuis 2017. Grâce, notamment, à une augmentation du budget de l'éducation nationale de 21 % entre 2017 et 2023, soit 14 milliards d'euros, nous avons financé le dédoublement des classes ou encore la hausse inédite de la rémunération des enseignants.
Outre ces grandes mesures de niveau national, il me semble important de penser l'éducation nationale de demain par le soutien à des initiatives prises au niveau local, afin d'améliorer la réussite et le bien-être des élèves et de les guider ainsi vers un parcours de vie qui les rende heureux. C'est ce que vise le Conseil national de la refondation lancé par le Président de la République à l'automne 2022 et qui, à travers des concertations partout en France, permet de faire émerger des solutions au niveau local.
Ainsi, dans les écoles, les collèges et les lycées volontaires, des projets sont soutenus et accompagnés financièrement, en associant l'ensemble de la communauté éducative, les familles, les élèves, les élus locaux et les représentants d'association.
Je pense, par exemple, au groupe scolaire Jean-Macé - Jules-Ferry, qui se trouve dans ma circonscription à Landerneau. Il a reçu un soutien financier pour acheter du matériel scientifique. Je pense aussi au collège Kerzourat à Landivisiau, qui a été accompagné dans son souhait de créer un club de maths.
Ce type de projets permet de stimuler l'intérêt des enfants pour les sciences et les mathématiques – je pense en particulier aux jeunes filles. En effet, nous savons que les stéréotypes ont la vie dure et que de nombreuses jeunes filles ne se tournent pas vers les matières scientifiques. Des études ont montré que le décrochage a lieu très tôt, dès le CP. À terme, par exemple, on ne trouve que 29 % de femmes dans les écoles d'ingénieurs.
Je souhaiterais savoir si d'autres projets de territoire continuent à être soutenus et de quelle manière votre ministère compte poursuivre la nécessaire réconciliation des jeunes élèves avec les maths et les sciences.
M. Rodrigo Arenas
Expliquez donc aussi l'échec de Jean-Michel Blanquer !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre
Il y a plusieurs éléments dans votre question. Vous évoquez d'abord l'augmentation du budget de l'éducation nationale depuis 2017. Cette augmentation est en effet très importante. Il s'agit évidemment du premier budget de la nation, avec près de 63 milliards d'euros.
Vous évoquez ensuite les projets CNR auxquels j'ai fait allusion dans mon propos introductif. Vous soulignez, à raison, que ces projets sont à la fois enthousiasmants et très innovants. À partir de ces projets, des équipes pédagogiques sur le terrain montrent de quelle manière elles peuvent faire progresser leurs élèves. Pour cela, elles ont besoin d'un accompagnement en termes de moyens pédagogiques – des outils divers correspondant à leurs projets pédagogiques – et elles font aussi des demandes de formation d'équipe qui leur permettent de progresser ensemble. De plus, elles rayonnent souvent vers d'autres écoles partenaires qui travaillent avec elles sur l'ensemble de ces projets.
Je me suis rendue dans plusieurs écoles, et, moi aussi, j'ai vu des progrès extraordinaires dans l'acquisition de la maîtrise du langage et dans l'aide aux enfants en difficulté. Nous continuerons à financer ces projets CNR. Le Président de la République avait évoqué une aide de 500 millions d'euros apportée à ce type de projets sur le quinquennat. Ainsi, nous continuons à soutenir et à développer ces projets essentiels.
S'agissant des filles et des maths, vous avez raison : en CP, on voit se produire des effets de décrochage et de différenciation. Nous devons y remédier. Les projets CNR peuvent nous y aider. Contrairement à ce qui a pu être dit parfois, la réforme du lycée a permis d'élever le nombre de filles qui s'inscrivent dans les filières scientifiques.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Blanc.
Mme Sophie Blanc (RN)
La peur est devenue la compagne encombrante des enseignants et des chefs d'établissement confrontés à l'effacement de la laïcité et à la montée de l'islamisme radical. Depuis des mois, le Gouvernement se paye de mots face à la montée des revendications identitaires et religieuses, qui s'accompagnent, au mieux, de menaces verbales, et, au pire, d'attaques physiques. (M. Rodrigo Arenas s'exclame.)
Depuis 2017, deux professeurs ont été assassinés au nom de l'islamisme politique : Samuel Paty et Dominique Bernard, dont je tiens à saluer la mémoire. La situation n'a fait que se dégrader. J'en veux pour preuve la démission du proviseur du lycée Maurice-Ravel, qui n'avait fait qu'appliquer la loi en refusant le port du voile dans son établissement ; les menaces de mort proférées à l'encontre du proviseur d'un lycée d'Ivry-sur-Seine ; ou la fatwa lancée, il y a quinze jours à peine, contre un autre proviseur, cette fois à Neuilly-sur-Marne. Par précaution, ce dernier a décidé de ne plus se rendre sur son lieu de travail après la distribution d'un tract l'accusant d'islamophobie.
M. Idir Boumertit
C'est votre fonds de commerce !
Mme Sophie Blanc
Face à la haine, aux menaces et aux pressions, les enseignants et les chefs d'établissement se sentent abandonnés par leur hiérarchie. Les notes du renseignement territorial du ministère de l'intérieur d'octobre 2022 montrent que ces incidents sont orchestrés, coordonnés et relayés par les réseaux fréristes très bien implantés en France. (M. Benjamin Lucas-Lundy s'exclame.)
Pour eux, l'école est un enjeu important, un relais de leurs idées antirépublicaines, un lieu de propagande et de pression.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Et vos amis de Parents vigilants, ils ne font pas de l'entrisme ?
Mme Sophie Blanc
L'islamisme radical nous a déclaré la guerre. Le Gouvernement finira-t-il par déclarer la guerre aux islamistes infiltrés dans nos écoles, et, si oui, comment ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
N'est-ce pas M. Odoul qui cherche à entrer par la force dans les lycées !
M. Idir Boumertit
Ce n'est pas le bon débat !
M. Rodrigo Arenas
On dirait David Vincent : on les a vus !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre
Je répète ce que j'ai déjà eu l'occasion de dire devant votre assemblée : en aucun cas, l'école ne doit être le lieu du séparatisme et de la haine. Nous luttons sans exception contre toutes les formes de terrorisme qui peuvent se propager aux alentours de l'école ou s'y introduire insidieusement.
Permettez-moi de vous le rappeler : la laïcité est le point commun sur lequel nous sommes d'une intransigeance totale. Nous considérons qu'elle est le seul terreau unitaire sur lequel nous pouvons nous arrimer et vivre ensemble.
M. Rodrigo Arenas
Même à Stanislas ?
Mme Nicole Belloubet, ministre
Nous devons protection à nos professeurs et à l'ensemble de la communauté éducative. Cette protection passe par plusieurs méthodes et moyens. D'abord, lorsque cela est nécessaire, nous avons une collaboration très forte avec les forces de l'ordre. Vous avez cité le cas du lycée Maurice-Ravel ; dès qu'il y a eu des difficultés dans cet établissement, vous savez bien que nous avons travaillé main dans la main avec les forces de l'ordre. Nous agissons ensuite sur le plan pédagogique : les équipes Valeurs de la République sont à la disposition immédiate de nos enseignants et de nos équipes d'établissement.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Le Rassemblement national devrait arrêter avec ses obsessions !
Mme Nicole Belloubet, ministre
Pour conforter les équipes travaillant au niveau académique, j'ai également créé une force mobile scolaire qui, dès la rentrée de septembre, viendra en appui à un établissement qui demanderait à être accompagné dans le domaine éducatif. Je ne vous parle pas des soutiens psychologiques et juridiques, ni du fait que l'État se portera systématiquement partie civile. Tout cela crée un bouclier de protection autour de nos enseignants. Je vous assure qu'ils ne sont pas seuls. Ils savent que nous sommes à leurs côtés ; c'est évidemment notre premier devoir.
Mme Emmanuelle Anthoine
Ils n'en ont pas conscience !
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-France Lorho.
Mme Marie-France Lorho (RN)
Avec l'adoption de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, le Gouvernement a bouleversé la vie des foyers qui pratiquaient l'instruction en famille. Alors que Jean-Michel Blanquer avait indiqué que l'instruction en famille, quand elle était bien faite, pourrait continuer, la prolifération de refus de ce type d'instruction pour les enfants scolarisés de plein droit au cours des deux dernières années montre que la promesse n'a pas été tenue. Si cette multiplication de refus est alarmante, l'absence de transparence sur le sujet l'est encore plus.
En réponse à ma question écrite no 10975, vous m'indiquiez que le pourcentage du nombre d'autorisations sur le nombre de demandes instruites était de 89,87 %. Ce taux intègre les élèves de plein droit et ne rend donc pas compte de la réalité. En réalité, la part de primo-accédants recevant des refus est beaucoup plus élevée et atteint plus de 50 % dans certaines académies.
Cette confusion dans les chiffres a conduit Mme Prisca Thevenot, à évoquer, en octobre dernier, alors qu'elle était secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel, un taux de refus à 11 % au lieu de près de 40 %. Ce taux doit être corrigé, d'autant qu'il faut tenir compte des élèves de plein droit.
Pouvez-vous nous communiquer, académie par académie, le taux de refus de demandes d'instruction en famille, en excluant les cas d'élèves déjà autorisés à recevoir cette instruction ? Votre prédécesseur, Pap Ndiaye, a reconnu que le ministère péchait en matière d'égalité territoriale et que certaines académies refusaient beaucoup plus de demandes que d'autres.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Il a été démissionné par votre ordre !
Mme Marie-France Lorho
Alors que vous êtes face à des parents motivés pour le bien de leurs enfants, pourquoi tant de refus d'instruction en famille ?
M. Rodrigo Arenas
Vous avez eu la peau de Pap Ndiaye !
Mme la présidente
Monsieur Arenas, veuillez cesser vos commentaires et laisser les autres députés s'exprimer.
Mme Marie-France Lorho
Il est incompréhensible qu'une institutrice se voie refuser le droit de dispenser l'instruction en famille à ses enfants, comme cela est déjà arrivé plusieurs fois. Les chiffres établis par les associations du secteur montrent que ce régime d'autorisation devient progressivement un régime d'interdiction. Il y a trois ans, le ministre délégué m'avait assuré qu'il ne s'agissait pas de supprimer toute instruction en famille, mais de faire preuve de discernement. Êtes-vous réellement déterminée à discerner correctement entre une famille Montessori et une famille enseignant un islam radical ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Une députée du groupe RN
Très bien !
M. Benjamin Lucas-Lundy
On en revient toujours là !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre
Au moment où nous parlons, je ne suis pas en mesure de vous donner les chiffres académie par académie. Bien entendu, nous communiquerons ces chiffres à la représentation nationale dans les meilleurs délais.
Pour répondre à votre question avec les chiffres dont je dispose, les demandes auraient donné lieu à une minorité de refus : 5 954 décisions de refus, soit 11,6 % des demandes. Si je comprends bien votre propos, vous contestez ce chiffre annoncé par Mme Thevenot, d'après les données que nous avions dû lui fournir.
Voici d'autres chiffres que l'on me transmet également à l'instant : 1,5 % des demandes de plein droit ont donné lieu à un refus, et 16,2 % des demandes effectuées au titre du motif 1o ; 16,3 % des demandes fondées sur le motif 2o ; 31,6 % de celles relevant du motif 3o et 34,5 % pour le motif 4o. Ce sont en tout cas les chiffres globaux dont je dispose actuellement.
Je veux bien regarder plus précisément ce qu'il en est, puisque vous semblez ne pas être d'accord avec ces données. Je m'engage à vous fournir les chiffres académie par académie.
Mme la présidente
La parole est à M. Idir Boumertit.
M. Idir Boumertit (LFI-NUPES)
Depuis plusieurs mois, le Gouvernement alimente l'idée d'un hypothétique ensauvagement de la société. Le Président de la République lui-même a déclaré en avril dernier que nous étions dans une société de plus en plus violente et qu'une sorte de violence désinhibée touchait nos adolescents, de plus en plus jeunes. Dans la foulée, le Premier ministre s'est fendu d'un discours autoritaire et infantilisant, en affirmant que sa boussole était l'impunité zéro, la sanction immédiate, et que « quand tu casses, tu répares ; quand tu salis, tu nettoies ; quand tu défies l'autorité, on t'apprend à la respecter ».
M. Benjamin Lucas-Lundy
Quel poète !
M. Idir Boumertit
La sanction ne peut avoir d'effet que si elle est ressentie comme juste. Il est particulièrement regrettable que les recherches françaises portant sur les pédagogies scolaires, les violences et le harcèlement à l'école, ne soient ni écoutées, ni utilisées.
Il est aussi regrettable que le Gouvernement continue à contribuer aux polémiques en tout genre, alors que les chiffres délivrés par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) sur les signalements de violences graves en milieu scolaire montrent que sur une période de quatorze années scolaires, le taux moyen de signalement pour 1 000 élèves a oscillé entre 10,2 et 14,4. L'année dernière, ce taux était de 13,7. Autrement dit, les cas de violences n'augmentent pas et restent stables sur la dernière décennie, mais leur couverture médiatique augmente dangereusement.
M. Rodrigo Arenas
C'est vrai !
M. Idir Boumertit
Ainsi, en parallèle de mesures et d'annonces absurdes, tant du point de vue social qu'éducatif et pédagogique, pourriez-vous nous informer sur les mesures que le Gouvernement compte prendre afin de mettre en place un réel plan de prévention des violences scolaires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre
Vous évoquez la question de la violence chez les jeunes : on ne peut pas en faire abstraction, même si je ne mésestime pas l'impact de la communication que vous avez évoqué.
Au sein de l'école, il est important de dire que chaque fait mérite une réponse de la part des équipes éducatives. Cette réponse doit correspondre à ce que fait l'enfant : il accomplit un acte, il faut que l'adulte en face de lui puisse lui donner une réponse. Celle-ci doit être graduée et sa nécessité doit être appréciée, qu'il s'agisse d'une punition ou d'une sanction, si l'enfant est plus âgé.
Je suis persuadée qu'il faut que l'école se construise avec des règles à respecter. Le cas échéant, le manquement à ses règles doit faire l'objet d'une réponse de la part des équipes éducatives.
Il me semble que c'est à cette condition que nous pourrons construire du lien social et assurer l'insertion des jeunes au sein de la société – en l'occurrence, au sein de l'école.
Vous m'interrogez aussi sur le plan de prévention que je souhaite déployer. Nous venons, vous le savez, d'engager une concertation avec l'ensemble des acteurs de l'école pour établir un panorama le plus complet possible des réponses qui peuvent être apportées aux violences. Je vous les présenterai. Je le disais à l'instant, je considère pour ma part que la prévention des violences passe par l'établissement et le respect de règles, par les cours d'empathie qui seront dispensés dès l'école primaire – ce qui me semble tout à fait essentiel –, et par l'action de nos enseignants dans chaque cours et à chaque moment de la vie éducative. C'est un ensemble de mesures que nous devons développer.
Mme la présidente
La parole est à M. Rodrigo Arenas.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES)
Puisque vous avez évoqué les règles, madame la ministre, parlons-en ! C'est avec une indignation contenue que je m'adresse à vous ce soir, car depuis qu'Emmanuel Macron est entré en fonction, en 2017, il n'a eu de cesse de vouloir changer l'école, imposant à tous les enseignants et à tous les élèves de France un rythme effréné de réformes, sans jamais mener de concertation avec ses principaux acteurs.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Exactement !
M. Rodrigo Arenas
Ce qui lie toutes ces lois, tous ces règlements, tous ces décrets, pourrait se résumer en un seul mot : violence.
En effet, depuis maintenant sept ans, les personnels sont méprisés, sous-payés, harcelés ; la volonté des parents s'est dissoute dans un mécanisme visant à anéantir le principe de coéducation, et les élèves sont brutalisés par ces réformes qui s'ingénient à organiser une école maltraitante : si l'on en croit une étude de L'Étudiant, Parcoursup suscite toujours autant d'inquiétude et de stress parmi les jeunes, et le service national universel veut mettre au pas la jeunesse en lui faisant jouer les petits soldats.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Eh oui !
M. Rodrigo Arenas
Il y a aussi les internats, qui ciblent les élèves les plus en difficulté qui sont un facteur de discrimination, et encore le « choc des savoirs » qui enferme les élèves dans un parcours de déclassement.
Cette violence psychologique s'accompagne d'une violence matérielle et physique qui s'exerce régulièrement à l'encontre de nos jeunes. Je rappellerai simplement, comme mon collègue Benjamin Lucas-Lundy avant moi, les événements survenus en décembre 2018 à Mantes-la-Jolie, où 151 jeunes avaient été obligés par la police à s'agenouiller sur le sol, mains derrière le dos, contre un mur de béton, ou encore, bien plus proche de nous, l'arrestation, il y a trois jours, d'élèves d'un lycée parisien de mon arrondissement, pourtant très coté.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Quelle honte !
M. Rodrigo Arenas
J'ai vu la vidéo de l'un d'entre eux : bien qu'il ne manifeste aucune agressivité, il est encerclé par plusieurs policiers, arrêté puis giflé sans raison par deux fois, avant d'être placé en garde à vue –– toujours sans raison, si ce n'est celle d'humilier et de faire subir une pression quasi insoutenable à des gamins d'à peine 16 ans à qui on essaie d'apprendre à ne pas relever la tête.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Exactement ! Condamnez les violences, madame la ministre !
M. Rodrigo Arenas
Cette politique d'intimidation permanente de nos enfants et de malveillance est contraire à la Convention internationale des droits de l'enfant, dont nous défendons tous, dans cet hémicycle, les principes – la France a d'ailleurs ratifié ce traité.
Alors je vous le demande, madame la ministre : que comptez-vous faire pour que les enfants de la génération Macron ne deviennent pas une génération sacrifiée sur l'autel d'une violence qui pourrait aller jusqu'à les envoyer sur les champs de bataille européens ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)
Une députée du groupe RN
Quelle extension !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre
S'agissant des personnels de l'éducation nationale, tout d'abord, je ne partage évidemment pas votre opinion, vous vous en doutez, selon laquelle ils seraient « méprisés, harcelés, sous-payés », pour reprendre vos termes.
M. Rodrigo Arenas
Ce sont ceux de tous les syndicats !
Mme Nicole Belloubet, ministre
Les personnels de l'éducation nationale ne sont pas harcelés : au contraire, nous souhaitons que les réformes, qui visent à mieux prendre en charge les élèves, soient déployées avec leur concours. Comment pourrait-il en aller autrement ?
M. Benjamin Lucas-Lundy
En menant une concertation de seulement quarante-huit heures ? Quelle farce !
Mme Nicole Belloubet, ministre
Je sais qu'il existe parfois des difficultés, mais, avec les personnels d'inspection et les chefs d'établissement, nous essayons de les accompagner autant que possible.
Les personnels de l'éducation nationale ne sont pas méprisés, contrairement à ce que vous prétendez. C'est tout à fait inexact, c'est même à l'opposé de ce que nous cherchons à accomplir. Comment, alors que je suis moi-même professeure, pourrais-je mépriser des collègues alors que je sais l'importance de leur rôle dans la formation de notre nation ? Le terme même de « méprisé » n'est pas acceptable, si je peux me permettre cette remarque. (M. Rodrigo Arenas s'exclame.)
Les personnels de l'éducation nationale sont sous-payés, avez-vous déclaré. Je ne rappellerai pas i
ci les efforts financiers qui ont été faits en faveur des salaires des enseignants,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Ce n'est pas ce que disent leurs fiches de paie !
Mme Nicole Belloubet, ministre
…notamment en début de carrière, puisqu'ils perçoivent aujourd'hui 2 100 euros net lorsqu'ils prennent leur premier poste, alors qu'ils ne touchaient que 1 800 euros il y a quelques années. (M. Paul Vannier s'exclame.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
C'est faux !
Mme Nicole Belloubet, ministre
Ensuite, vous avez évoqué la « génération Macron », ces élèves qui seraient sacrifiés.
M. Rodrigo Arenas
J'ai parlé des violences policières !
Mme Nicole Belloubet, ministre
Je me contente de reprendre vos termes, monsieur le député : vous avez dit que la génération Macron serait une génération sacrifiée.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Condamnez-vous les violences ?
Mme Nicole Belloubet, ministre
Quand on sait le budget dédié aux services de l'éducation nationale pour assurer l'éducation de nos jeunes, quand on voit l'ensemble des dispositifs qui leur sont offerts, je ne peux pas considérer que les jeunes de cette génération soient sacrifiés.
M. Rodrigo Arenas
Alors, vous trouvez les gifles normales ? On parle d'enfants giflés par la police ! C'est un scandale !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Vous ne condamnez pas cela ?
Mme la présidente
S'il vous plaît, monsieur Arenas !
M. Rodrigo Arenas
Pardon, madame la présidente, mais j'ai un chef d'établissement qui invite les policiers à boire le café dans l'établissement, alors qu'ils giflent les élèves et les mettent en garde à vue ! C'est un scandale !
Mme la présidente
Monsieur Arenas, je vous demande de vous calmer !
M. Rodrigo Arenas
Vous avez raison, madame la présidente. Je m'excuse auprès de vous, mais pas auprès de Mme la ministre.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sylvie Bonnet.
Mme Sylvie Bonnet (LR)
Alors que le Premier ministre se fait le chantre de l'autorité et du rôle primordial des parents dans l'éducation des enfants, de nombreuses familles déplorent des refus arbitraires d'autorisations d'instruction en famille par les services académiques, et le climat de suspicion qui prévaut avec l'obligation de se soumettre à des contrôles annuels pour obtenir le renouvellement de cette autorisation, même après qu'elles ont prouvé qu'elles se conformaient aux critères exigés plusieurs années consécutives. Madame la ministre, votre gouvernement considère-t-il que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants et, dans ce cas, allez-vous revoir les modalités de contrôle des familles et alléger le processus d'autorisation pour celles ayant démontré leur aptitude à fournir une instruction adéquate à domicile ?
Par ailleurs, s'agissant des groupes de niveau – devenus des groupes de besoins –, qui vont faire disparaître les groupes classes, puisque neuf heures d'enseignement par semaine seront désormais dispensées de manière dissociée, pourquoi n'avez-vous pas envisagé une expérimentation, comme pour l'uniforme, avant de généraliser une mesure d'une telle ampleur sans l'avoir testée, alors même qu'elle est très décriée par les enseignants ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre
S'agissant de l'instruction en famille, je vous rappelle que la loi confortant le respect des principes de la République de 2021 visait à protéger les enfants : c'est bien cet objectif qui a conduit à passer d'une logique de déclaration à un régime d'autorisation. Les équipes académiques qui effectuent les contrôles sont évidemment accompagnées pour traiter équitablement les demandes qui leur parviennent, et c'est bien dans cet esprit que nous y répondons. Néanmoins, c'est la deuxième fois que je suis interrogée sur ce sujet : peut-être faudra-t-il que je vous apporte de plus amples informations sur la manière dont nous procédons.
Par ailleurs, c'est parce que nous souhaitons vivement que l'ensemble des jeunes puissent bénéficier de ce travail en groupe que nous avons décidé de généraliser d'emblée les groupes de besoins, sans passer par une phase d'expérimentation, ce qui vous aurait semblé préférable. L'objectif, je le rappelle, n'est pas de réaliser un tri social entre les jeunes, mais de les accompagner en fonction de leurs besoins, pour améliorer leurs apprentissages. Dans ce contexte, il nous a semblé qu'une généralisation immédiate était la meilleure solution.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Mme Marietta Karamanli (SOC)
Alors que le Gouvernement a annoncé un objectif de réduction du déficit public, ma question concerne les moyens alloués aux établissements scolaires et le maintien des diverses composantes du dispositif du pacte enseignant.
En effet, avant que, sous la pression, vous ne reveniez sur cette décision, votre ministère avait annoncé la réduction des dotations en heures supplémentaires annualisées – et donc en heures supplémentaires effectives – qui, selon plusieurs sources, pourrait atteindre 100 millions d'euros. Il est également question de faire évoluer l'application du pacte enseignant, qui permet à ceux qui sont volontaires de s'engager dans des missions supplémentaires. Dans le second degré, par exemple, seules les missions de remplacement seraient encore autorisées dans ce cadre.
J'ai donc une triple interrogation, madame la ministre. Les autres missions devant les élèves, comme les aides aux devoirs ou le soutien scolaire, tant en primaire qu'au collège ou au lycée, subiront-elles les conséquences de ces évolutions ? Quid des missions qui ne s'effectuent pas devant les élèves, comme l'accompagnement des projets pédagogiques, l'accompagnement renforcé des élèves en situation de handicap ou encore, dans le second degré, la coordination et la découverte des métiers ?
L'empilement des dispositifs complique leur suivi, ce qui mobilise les services, et, à l'évidence, ne constitue pas une politique globale transversale attractive pour l'ensemble des enseignants. Il reste pourtant, comme nous pouvons le constater, difficile à remettre en cause. Afin de bien comprendre les conséquences des différentes annonces, pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer combien de crédits budgétaires seront finalement concernés ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre
Comme annoncé, l'éducation nationale participera à la réduction de 10 milliards d'euros des dépenses annoncée par le Gouvernement à hauteur de 683 millions d'euros. Cette restitution budgétaire répond à plusieurs principes : afin d'assurer la prochaine rentrée scolaire, j'ai en effet souhaité que tous les postes d'enseignant et toutes les heures supplémentaires annualisées (HSA) soient préservés. Nous avons donc cherché d'autres sources d'économies en écrêtant un certain nombre de dispositifs.
Le pacte enseignant, auquel nous avons consacré 744 millions d'euros pour l'année scolaire 2023-2024, sera doté du même budget l'an prochain, mais nous avons souhaité le recentrer sur certaines missions : le remplacement de courte durée (RCD) sera désormais une mission prioritaire, bien que non exclusive. L'aide aux devoirs étant financée tantôt par des missions dans le cadre du pacte enseignant, tantôt par des heures supplémentaires, le cumul de ces deux dispositifs nous permettra évidemment de maintenir le dispositif Devoirs faits, comme cela a été possible cette année. Et nous veillerons à ce que les missions qui ne s'effectuent pas devant les élèves, notamment la participation à d'autres dispositifs, puissent se dérouler dans les meilleures conditions possibles.
La restitution d'autres postes budgétaires, comme des fonds de réserve qui n'étaient pas utilisés, complétera les mesures d'économies qui nous sont demandées.
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac (LIOT)
Je tenais à vous remercier d'avoir finalement autorisé la traduction des intitulés du brevet ; cette question avait suscité un certain émoi, en particulier parmi les principaux intéressés, c'est-à-dire les élèves.
Comme vous avez évoqué des changements de maquette de formation et de recrutement, j'aimerais vous interroger sur le concours spécial de recrutement des professeurs des écoles dans le cadre duquel les candidats sont évalués à la fois en mathématiques et en français, comme au cours du CRPE, mais aussi en langue régionale – d'où le terme « spécial ». Il ne faudrait pas que ce concours spécial soit oublié dans la fameuse maquette à venir ; lors de la dernière réforme, un certain nombre de députés et d'associations avaient dû monter au créneau pour rappeler au ministère que ce concours existait. Je voulais attirer votre attention sur ce point.
Ma seconde question concerne la formation des futurs enseignants à la didactique. L'enseignement de la langue régionale, dans le cadre du bilinguisme français-langue régionale, devra être bien intégré à la formation, afin que les enseignants continuent à étudier la langue régionale et à l'assimiler. Il serait également bienvenu que leurs collègues des filières monolingues puissent accéder à un module expliquant ce qu'est l'enseignement bilingue – l'enseignement bilingue français-langue régionale est en effet majoritairement proposé dans l'enseignement public, donc dans des écoles où se trouvent à la fois des filières bilingues et monolingues, qui fonctionnent parfois de façon cloisonnée.
Pour finir, le Capes bivalent ne porte pas ses fruits.
Mme la présidente
Je vous prie de bien vouloir conclure, monsieur Molac.
M. Paul Molac
Ce certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré n'offre pas assez de places, ce qui rend difficile les remplacements. Et puis s'agissant par exemple de la musique, du sport, ou des sciences de la vie et de la terre, les enseignants… (Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre
Je ne suis pas sûre d'avoir la compétence nécessaire pour répondre à l'instant sur l'ensemble du champ sur lequel vous m'interrogez. La réforme de la formation des enseignants, qui répond au déficit d'attractivité que nous avons relevé, nous permet d'offrir un certain nombre de parcours. Les langues régionales, incluses dans les épreuves des concours du premier comme du second degré, lors de l'admissibilité comme de l'admission, seront, me dit-on, naturellement intégrées, sans changement, aux nouvelles épreuves des concours car il s'agit, comme vous l'avez rappelé, d'un concours spécial.
Je ne sais pas si cela peut vous rassurer ; en général, l'absence de changement rassure (sourires), j'espère que c'est le cas. Je vous confirme que le concours de l'agrégation section langues de France n'est pas concerné par la réforme de la formation initiale des enseignants ; les choses restent donc en l'état.
Pour ce qui est de votre question sur le Capes, je ne sais pas très bien comment vous répondre à ce stade, mais je le ferai par ailleurs.
M. Paul Molac
On en reparlera !
Mme la présidente
Le débat est clos.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 13 mai 2024