Interview de Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, à France 2 le 30 avril 2024 sur les manifestations pro-palestiniennes dans les universités.

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Média : France 2

Texte intégral

MARIE PORTOLANO
Tout de suite « Les 4V », il est 07h40 sur Télématin. Thomas, vous recevez ce matin Sylvie RETAILLEAU, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenue dans « Les 4V », Sylvie RETAILLEAU.

SYLVIE RETAILLEAU
Bonjour.

THOMAS SOTTO
Alors, après Sciences-Po, c'est du côté de la Sorbonne que des étudiants ont manifesté et voulu organiser un blocage en soutien à la cause palestinienne hier. Cette mobilisation, ce mouvement de contestation, vous pose-t-il un problème ?

SYLVIE RETAILLEAU
Vous l'avez vu effectivement hier à la Sorbonne, il y a eu une vingtaine d'étudiants qui sont venus directement planter des tentes dans la Sorbonne.

THOMAS SOTTO
Ils sont rentrés.

SYLVIE RETAILLEAU
Ils sont rentrés, et ont planté ces tentes, donc effectivement, avec une intention de blocage. Et comme je l'ai dit, débattre et permettre un cadre et on pourra y revenir, parce qu'il est important que nos établissements d'enseignement supérieur, l'université, reste ce lieu de débat, mais un débat cadré, un débat concerté, pas un blocage. Et clairement…

THOMAS SOTTO
Vous n'êtes pas opposée au mouvement de protestation, à condition qu'il ne rentre pas dans les facs ou dans les instituts. C'est ça ?

SYLVIE RETAILLEAU
Alors, je ne le dirais pas comme ça. Je dirais que ce mouvement, en tout cas l'expression et l'expression de nos jeunes, quel que soit sur le sujet, cela fait partie des débats et ils doivent être dans les universités, mais de façon respectueuse, de façon cadrée, en acceptant la controverse et avec un cadre serein. Et c'est ça qu'il faut qu'on retrouve. Et donc quelque part, le débat, c'est un signe de bonne démocratie. Et les universités doivent être aussi un entre de débat. Mais quand c'est un blocage, c'est non. Et je dirais pire, quand c'est une escalade.

THOMAS SOTTO
Ce n'est pas très facile de comprendre où vous mettez le curseur entre la liberté d'expression, qui est fondamentale, et ce que vous jugez intolérable. On a compris qu'il ne faut pas rentrer dans les établissements. Mais pour le reste, quand vous voyez ces images-là, est-ce que pour vous c'est légitime ?

SYLVIE RETAILLEAU
Alors, comme je l'ai dit, ces images qui sont du blocage, empêcher…

THOMAS SOTTO
Non non, là on est en dehors, là, on est en dehors de la fac.

SYLVIE RETAILLEAU
Pardon, je n'avais pas vu, c'est sur le côté. Alors, sur en dehors de la fac, eh bien ça ne fait pas partie de l'université. Et donc les manifestations, les expressions, etc. je veux dire, on peut être pour, on peut être contre le sujet, mais cela fait partie de la démocratie. Sur lequel, moi, je me suis positionnée clairement et sur lequel nous devons faire tenir une certaine forme de fermeté, c'est effectivement lorsqu'il y a blocage dans les universités, ce n'est pas un débat cadré. Et lorsqu'il y a un blocage qui dérive, qui empêche les autres, et quand parfois il y a une escalade au niveau de la violence. Cette réponse-là, c'est non.

THOMAS SOTTO
Combien d'établissements, combien de facs, sont touchés aujourd'hui dans le pays ?

SYLVIE RETAILLEAU
Alors, en fait, si je regarde hier, puisque vous me parliez de Sorbonne, il y a eu Sciences-Po au niveau de vendredi, hier…

THOMAS SOTTO
On va y revenir.

SYLVIE RETAILLEAU
Voilà. Hier, les 20 de Sorbonne, il y a eu 20 étudiants, à peu près, 30 à Nanterre, mais qui sont partis d'eux-mêmes. Et hier, au niveau des blocages, si j'exclus Sciences-Po, c'est tout. Mais il y a des appels, vous l'avez vu, des appels qui sont malheureusement relayés, instrumentalisés.

THOMAS SOTTO
Relayés notamment par la France insoumise. Aujourd'hui, juste pour répondre clairement à la question, à part ce qui s'est passé à Sciences-Po et à Sorbonne, il n'y a pas d'autres blocages en France ?

SYLVIE RETAILLEAU
Non. Aujourd'hui, je vous le disais, hier il y a eu Nanterre, avec une vingtaine, trentaine, mais ils ne sont pas restés, il n'y a pas eu de blocage.

THOMAS SOTTO
Mais vous redoutez une généralisation du mouvement, ou pas ?

SYLVIE RETAILLEAU
Alors, on est très très vigilant…

THOMAS SOTTO
Il y a des signes.

SYLVIE RETAILLEAU
Il y a des appels, comme je vous le disais, il y a des appels et malheureusement des appels qui sont relayés, instrumentalisés. Et effectivement, c'est une minorité qu'on a dans ces établissements. A chaque fois, vous voyez, sur Sciences Po, c'est 15 000 étudiants. Allez, si on avait 80 étudiants au départ, il faut savoir que le soir, il en restait 14. Donc on est vigilant. Et jeudi, j'ai invité l'ensemble des présidents d'université avec moi à discuter, parce qu'il faut être vigilant pour avoir cet équilibre entre l'expression, vous le disiez, c'est toujours délicat. Et puis le non-blocage.

THOMAS SOTTO
Vous évoquiez Sciences-Po, la présidente de la région Ile-de-France, Valérie PECRESSE, a décidé de suspendre tous les financements de la région à Sciences-Po, tant que la sécurité et la sérénité ne seront pas rétablies. Est-ce que vous soutenez cette mesure ?

SYLVIE RETAILLEAU
Alors, d'abord, il faut remettre dans le contexte. Les financements donnés par la Région, qui sont certainement pour Sciences-Po un financement important, c'est de l'ordre d'un million d'euros sur le contrat plan Etat-Région. Le financement que donne l'Etat à Sciences-Po, qui permet de faire les formations, de faire ce que les étudiants de Sciences- Po étudient, c'est plutôt 75 millions d'euros. Et moi je crois que la responsabilité de l'Etat, c'est d'une part de retrouver un cadre serein pour permettre ses études, et c'est ce qu'on est en train de faire au niveau de Sciences-Po, avec les difficultés qu'on a connues, et qu'il faut prendre en main, et d'autre part, permettre à 15 000 autres étudiants, et ne pas les pénaliser par rapport aux 80, de continuer de faire les études.

THOMAS SOTTO
Donc ça veut dire quoi, pour être très clair ? Ça veut dire qu'il n'est pas question de couper les subsides de l'Etat à Sciences-Po aujourd'hui ?

SYLVIE RETAILLEAU
Je crois que la responsabilité de l'Etat, c'est une continuité du service public et de permettre aux 15 000 étudiants. Pour autant, on l'a déjà dit avec le Premier ministre, on a un contrat d'objectifs, de moyens et de performances, qui est en cours de discussion, comme son nom l'indique, contrat d'objectifs et de moyens, on a un levier pour discuter avec Sciences-Po…

THOMAS SOTTO
Attendez, vous êtes en train de me perdre un petit peu. Oui ou non, est ce que l'Etat va couper les subsides à Sciences-Po ?

SYLVIE RETAILLEAU
Non, pas à court terme.

THOMAS SOTTO
Non. Est-ce que Valérie PECRESSE... à court terme, non.

SYLVIE RETAILLEAU
Non, pas... L'Etat ne coupera pas la subvention à Sciences-Po.

THOMAS SOTTO
D'accord.

SYLVIE RETAILLEAU
L'Etat discute d'un contrat, comme tous les établissements avec science, et on a un levier…

THOMAS SOTTO
D'accord. Est-ce que Valérie PECRESSE a eu raison de faire ça pour la région Ile-de-France ?

SYLVIE RETAILLEAU
Enfin, ça, c'est sa responsabilité. Sur son million, je laisse à Valérie PECRESSE la responsabilité de ses décisions.

THOMAS SOTTO
Elle s'en prend aussi aux renoncements de la Direction, Valérie PECRESSE. Elle appelle à un sursaut d'autorité. La Direction de Sciences-Po Paris est-elle en train de faillir ?

SYLVIE RETAILLEAU
Alors, je voudrais rééclaircir, merci de... cette question est fondamentale. La Direction de Sciences-Po a négocié effectivement, et encore, a remis le dialogue vendredi. Et je voudrais dire qu'en aucun...

THOMAS SOTTO
On a parlé d'un accord avec les manifestants. On dirait que c'est un cessez le feu qui a été négocié. Un accord.

SYLVIE RETAILLEAU
Alors, malheureusement, ce sont des termes aujourd'hui, comme vous employez, qui courent énormément au niveau, je parle de cessez-le- feu, etc. Je pense qu'il faut remettre les choses. Sciences-Po, la Direction de Sciences-Po a eu un dialogue, c'est-à-dire que quand il faut faire, je vous rappelle qu'elle a envoyé et saisi la police mercredi soir pour une première envahissement de Sciences-Po vendredi. Cette même Direction a saisi la préfecture. Vendredi, elle a dialogué. Et ce qui a abouti, ce n'est pas une renonciation aux sanctions, aucune sanction disciplinaire…

THOMAS SOTTO
« Ça a abouti à un accord de la honte » a dit François-Xavier BELLAMY, la tête de liste LR aux européennes.

SYLVIE RETAILLEAU
Mais je pense que François-Xavier BELLAMY devrait regarder l'accord un peu plus précisément. Nous resterons fermes. Je l'ai dit, et la Direction de Sciences-Po est en accord, il n'est absolument pas question…

THOMAS SOTTO
Vous la soutenez pleinement ce matin ? Vous la soutenez pleinement la Direction de Sciences-Po ?

SYLVIE RETAILLEAU
Alors, je vais vous dire d'abord ce qui a été fait. Il n'a pas été question, il n'en sera jamais question, et ça je m'y opposerai, à ce qu'aucune sanction liée à des propos antisémites par exemple, ne soit abandonnée. Donc aucune sanction ne sera abandonnée, et en particulier ce qui se passe « sur les 12 mars »…

THOMAS SOTTO
Mais les autres sanctions disciplinaires engagées depuis le 17 avril, sont levées.

SYLVIE RETAILLEAU
Alors, les autres, c'est une sanction disciplinaire, qui est la semaine dernière un envahissement de l'escalier de la Direction, dans lequel aucun propos antisémite, aucune violence n'a été fait. Et là-dessus, parce qu'effectivement ces étudiants venaient déjà revendiquer à la Direction. C'est la seule sur laquelle la Direction a échangé, mais aucune sanction liée aux propos antisémites. Et je voudrais rajouter…

THOMAS SOTTO
Vous sentez bien, Sylvie RETAILLEAU, juste, pardon, l'impression que cela donne, parce que vous n'avez qu'un mot à la bouche : autorité, autorité, autorité. Gabriel ATTAL s'était invité à un Conseil d'administration de Sciences-Po. Et là, on a l'impression que vous pliez, que vous vous couchez assez vite. Non ?

SYLVIE RETAILLEAU
Alors, d'abord, je pense que la Direction de Sciences Po a dialogué toute la journée…

THOMAS SOTTO
Vous la soutenez ou non, la Direction de Sciences-Po ?

SYLVIE RETAILLEAU
Oui, je la soutiens aujourd'hui…

THOMAS SOTTO
Sans ambiguïté ?

SYLVIE RETAILLEAU
Alors, dans le sens que je voudrais préciser, le mail, enfin la communication interne qu'il y a eu, n'est pas une bonne communication interne, et c'est ça qui a posé la polémique. Et c'est normal, puisque cette communication interne a laissé croire qu'il y avait, et vous l'avez dit, abandon de sanctions. Et je voudrais dire que c'est faux et que ça je ne l'accepterai jamais. Et d'autre part qu'il y avait une discussion où l'institution pourrait se positionner vis à vis du conflit, et pourrait se positionner en particulier sur les partenariats. Là aussi, c'est faux. Il n'y aura aucun positionnement de l'institution, comme d'aucune institution publique, et il n'y aura aucun abandon ou boycott des relations avec les académies d'Israël. Ça je voudrais le dire haut et fort…

THOMAS SOTTO
Donc ça c'est clair et net.

SYLVIE RETAILLEAU
Et la direction de Sciences-Po est alignée sur cette position. Et à partir de là, c'est là où on fera fermeté, mais aussi redonner un cadre de débat.

THOMAS SOTTO
Dernier point rapidement, vous avez annoncé une plainte pour injures publiques devant un agent public à l'encontre de Jean-Luc MELENCHON, après qu'il a comparé le président de l'Université de Lille à Adolf EICHMANN. Il a répondu : « Je ne l'ai pas traité de nazi, je ne pense pas qu'il le soit. J'ai dénoncé l'exemple de sa lâcheté ». Tout cela, c'était après une réunion publique qui a été annulée au sein, réunion LFI qui a été annulée au sein de la fac de Lille. On a l'impression que les uns et les autres vous faites la même chose, vous vous servez de tout ça pour faire une campagne européenne.

SYLVIE RETAILLEAU
Alors, si vous regardez, et je pense, et vous avez, mais ô combien raison, faisons une campagne européenne. Et tous ceux que vous m'avez cités précédemment, je pense qu'à l'Enseignement supérieur et la Recherche, qui est mon domaine, il y a tant de choses à défendre au niveau de l'Europe, tant de choses qui ont été faites. Erasmus, on est connu par tous, mais beaucoup plus. Et qu'effectivement…

THOMAS SOTTO
Mais vous ne faites pas, vous ne jouez pas le même jeu que ceux que vous dénoncez aujourd'hui ?

SYLVIE RETAILLEAU
Non, parce que moi j'ai la responsabilité de protéger les agents publics. Et le président de l'université, je suis sa hiérarchie supérieure directe, et c'est mon rôle de protéger, et avec son accord, évidemment, quand on me demande protection et qu'il y a insultes publiques à agent public, ce qu'il y a eu, et je dirai qu'on est dans un Etat de droit, la justice fera son travail. Moi, ma responsabilité, c'est de demander une enquête par rapport à ces injures.

THOMAS SOTTO
Merci…

SYLVIE RETAILLEAU
C'est ce que j'ai fait et vous le savez, je m'exprime assez peu, et au niveau des réseaux sociaux sur ce genre de choses généralement.

THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Sylvie RETAILLEAU d'être venue dans « Les 4V ».

SYLVIE RETAILLEAU
Merci.

THOMAS SOTTO
Et bonne journée à vous.

SYLVIE RETAILLEAU
Merci à vous


source : Service d'information du Gouvernement, le 13 mai 2024