Texte intégral
Q - La politique d'aide et de partenariat de la France se tourne de plus en plus vers l'Afrique de l'Est. Pourquoi ?
R - Ce n'est pas une bascule mais un élargissement de notre intervention vers des pays demandeurs de l'expertise française. En décembre, nous avons conclu un partenariat au Mozambique : EDF y investit 4,5 milliards d'euros pour la construction et l'exploitation d'un barrage et de sa centrale hydroélectrique qui donneront accès à l'électricité à la moitié de la population.
Il y a une dynamique générale en Afrique. En Afrique de l'Ouest, j'aime l'exemple du Nigeria. La France est le deuxième partenaire financier de ce géant économique. En dix ans, nos investissements y ont doublé. Nous y avons investi 100 millions d'euros dans les industries culturelles créatives. Dans le cinéma, chacun connaît Hollywood et Bollywood ; mais il faut aussi s'intéresser à Nollywood qui anime la scène africaine !
Q - Cet élargissement à l'Est n'est-il pas lié aux difficultés françaises en Afrique de l'Ouest et au Sahel ?
R - Les tensions ne concernent pas toute l'Afrique de l'Ouest. Nous avons d'excellentes relations avec le Nigeria ; mais aussi le Bénin, le Sénégal et la Côte d'Ivoire ! Quant aux pays sahéliens qui ont connu des coups d'Etat, nous avons continué le soutien humanitaire aux populations.
Q - Vous ne pouvez pourtant pas nier le ressentiment antifrançais dans cette région. Comment y faire face ?
R - Oui, il existe un discours antifrançais dans certains pays ; mais il est loin d'être majoritaire. Quand il est réel, je l'écoute et je réponds : notre politique partenariale n'est pas naïve, elle est transactionnelle ; la France se concentre sur les partenaires qui ont envie de travailler avec elle. Chacun doit en assumer les conséquences.
Q - Comment voyez-vous évoluer la politique d'aide au développement de la France en Afrique ?
R - Les exemples que je vous ai donnés le montrent : elle est "partenariale" !
Notre ambition s'inscrit aussi dans une dynamique européenne. C'est la stratégie adoptée au Sommet Union européenne - Union africaine de 2022. L'Afrique subsaharienne en est une priorité majeure : l'Europe y accorde 30 milliards d'euros sur un total de 79 milliards, avec six priorités claires, comme la transition énergétique ou encore le développement agricole.
Et on accélère ! Avec l'Union africaine, nous accueillerons à Paris le 20 juin prochain le Forum mondial sur l'innovation et la santé vaccinale. Nous y lancerons un nouveau mécanisme de soutien financier à la production de vaccins en Afrique par des acteurs africains. C'est dans la continuité de nos investissements dans trois grands hubs de production vaccinale en Afrique du Sud, au Rwanda et au Sénégal.
Q - Au sommet sur la cuisson propre, à Paris mardi, Emmanuel Macron a annoncé un nouveau projet avec la Tanzanie ?
R - La Tanzanie coprésidait avec la Norvège ce sommet. Le président a indiqué que la France investira jusqu'à 100 millions d'euros sur 5 ans pour soutenir les pays qui adopteront cet objectif porté par ce pays africain depuis la COP28, en décembre dernier.
La cuisson propre est en effet un enjeu pour bon nombre de nos partenaires africains où quatre personnes sur cinq cuisinent au bois ou au charbon de bois.
Le continent africain n'est responsable que de 4% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Mais cette initiative tanzanienne est une contribution qui recoupe nos priorités : la transition énergétique mais aussi la santé publique (principalement des femmes) et la lutte contre la déforestation.
Q - Le Botswana est-il lui aussi devenu un partenaire privilégié le mois dernier ?
R - La signature le mois dernier de la Déclaration de Gaborone établit une feuille de route fondée sur nos intérêts respectifs. Car la charité n'est pas une politique. Nous ne sommes plus à l'époque où l'on octroyait une aide. Nous investissons dans le cadre d'un partenariat où chacun doit trouver son compte.
Avec le Botswana, nous avons défini trois priorités : l'agriculture, le tourisme durable et l'entrepreneuriat numérique.
Nous avons signé une déclaration similaire mardi avec la Tanzanie, portant sur cinq priorités, au premier rang desquelles la transition énergétique. Combattre la crise climatique est la priorité de notre politique de développement. En Tanzanie, nous investissons d'ailleurs 119 millions d'euros dans la construction de la plus grande centrale photovoltaïque d'Afrique de l'Est, dans la région de Kishapu.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 mai 2024