Extraits d'un entretien de M. Franck Riester, ministre délégué, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité, de la francophonie et des Français de l'étranger, avec CNews le 14 mai 2024, sur le Sommet Choose France et les investissements étrangers.

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Intervenant(s) : 
  • Franck Riester - Ministre délégué, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité, de la francophonie et des Français de l'étranger

Média : CNews

Texte intégral

Q - Bonjour, Monsieur le Ministre.

R - Bonjour.

Q - Ministre chargé du Commerce extérieur, de la francophonie et des Français de l'étranger. On va parler du Sommet Choose France qui s'est déroulé hier à Versailles.

(...)

Q - Emmanuel Macron réunissait donc hier à Versailles environ 180 patrons étrangers pour le sommet Choose France, plus de 15 milliards d'Euros d'investissements au total, 56 projets. Pourquoi cet enthousiasme, votre enthousiasme, n'est pas plus contagieux ? Parce que les Français sont un peu sceptiques, ils voient la dette de la France, ils voient le chômage qui est en train de stagner, ils voient le pouvoir d'achat, l'inflation qui remonte. Vous comprenez leur scepticisme, je dirais ?

R - Il faut convaincre, toujours et encore, mais on convainc par les résultats, et là, il y a de beaux résultats. C'est la cinquième année que la France est le premier pays d'Europe, devant la Grande-Bretagne et devant l'Allemagne, en termes de nombre de projets d'investissements étrangers sur son sol, 1194 en 2023. Et Choose France, qui est le moment à Versailles où un certain nombre de chefs d'entreprise sont réunis pour rencontrer les ministres, pour rencontrer le Président de la République et pour faire des annonces de nouveaux investissements, c'est un grand succès en 2024, avec, comme vous l'avez rappelé, ...

Q - 56 projets.

R - 56 projets.

Q - 15 milliards d'euros.

R - 15 milliards d'euros d'investissements futurs. Et tout ça, à quoi ça sert ? Cela sert à créer des usines, à créer des emplois dans tous les territoires.

Q - Combien d'emplois ?

R - 45%... Alors sur ces annonces, c'est 10.000 emplois. En 2023, ça a été 40.000 emplois créés grâce aux projets d'investissements étrangers sur notre sol.

Q - Mais vraiment créés ?

R - Oui, vraiment créés.

Q - Ils existent, ces emplois ?

R - Il faut ensuite que les projets se réalisent, que les usines se créent et qu'on constate évidemment la création d'emplois. Mais on a pu constater depuis sept ans que les engagements pris par les entreprises, globalement, étaient tenus. On a un suivi très fin, qui est fait par Business France, l'opérateur en charge de ces questions-là. Business France, c'est l'opérateur qui s'occupe à la fois des exportations mais aussi de l'accueil des investissements étrangers. Et donc on suit effectivement la bonne réalisation de ces investissements. Mais c'est 40.000 emplois d'engagements et de créations d'emplois en 2023, c'est 10.000 juste sur les annonces de cette journée hier à Choose France.

Q - Qui se déploieront sur les années prochaines.

R - 45% dans des territoires de moins de 200.000 habitants. 45% ! C'est-à-dire que cela draine des emplois, et cela crée des emplois dans tous les territoires, pas simplement dans les grandes métropoles, pas simplement à Paris, dans les territoires ruraux. Ce sont des usines qui ouvrent dans les différents territoires en France. Je vais vous donner un chiffre, Laurence Ferrari : en 2023, la France, grâce à ces investissements étrangers a créé trois fois plus d'usines qu'en Grande-Bretagne par des financements étrangers et six fois plus qu'en Allemagne. C'est-à-dire que les investisseurs étrangers ont investi six fois plus dans des usines en France qu'en Allemagne. C'est ça qu'il est important de dire à nos compatriotes, parce que ce sont des emplois concrets !

Q - Mais Franck Riester, ce n'est pas pour jouer les rabat-joie, c'est juste que les Français voient aussi les usines qui ferment...

R - Oui, mais il faut leur expliquer...

Q - Duralex. Metex qui est menacé à Amiens...

R - Bien sûr, ça, c'est la vie des entreprises...

Q - La vie et mort, donc, des entreprises.

R - C'est la vie de l'économie, et on sait qu'il y a des entreprises qui ferment. Roland Lescure, le ministre en charge de l'industrie, est mobilisé avec ses équipes pour voir, dans chaque situation, ce qu'on peut faire. Et on sait que ce sont parfois des situations terribles avec des gens qui doivent quitter leur entreprise, dans l'entreprise dans laquelle ils ont travaillé depuis des années. On est évidemment convaincus et conscients que c'est difficile. Mais quand on regarde globalement les choses, on voit qu'il y a une création nette d'usines, - 200 en 2023 -, c'est une création nette d'emplois industriels...

Q - C'est le différentiel entre celles qui ferment et celles qui ouvrent.

R - Exactement. Alors que pendant des années, on a désindustrialisé, désindustrialisé, on recrée des industries, on recrée de l'emploi industriel net, c'est-à-dire là aussi, entre les suppressions d'emplois dans les entreprises qui ferment et les emplois qui sont créés dans les nouvelles entreprises ou dans les agrandissements d'entreprise. Et ce que l'on voit, c'est que ces investissements étrangers contribuent à la croissance, puisque vous savez qu'un des leviers de la croissance française, qui se porte bien par rapport aux autres pays de l'Europe, c'est l'investissement. Et donc, plus il y a des investissements dans les usines, dans l'intelligence artificielle, dans les biotechs, dans le secteur agroalimentaire, plus il y a de la croissance, plus il y a de l'emploi et plus il y a de la prospérité pour tous.

Q - Franck Riester, vous êtes ministre chargé du commerce extérieur. Est-ce que, au fond, la France n'est pas devenue un pays de consommation et non plus de production ? Aujourd'hui, nous importons massivement, pratiquement tout ce que nous consommons, c'est ça, le problème ; et comment enrayer ce phénomène-là ? Ça prendra des décennies, chacun le sait.

R - Oui, ça prendra longtemps, mais on voit déjà des résultats, encore une fois, depuis sept ans, par cette stratégie... parce que tout ça, ce n'est pas le fruit du hasard. Pourquoi la France est plébiscitée aujourd'hui par les investisseurs étrangers ?

Q - Parce qu'elle les a en France seulement ?

R - Pas seulement, mais notamment, parce qu'il y a une politique de l'offre, parce qu'il y a une politique qui vise à faire en sorte que l'environnement des affaires soit le plus favorable possible en baissant les impôts sur les sociétés, en simplifiant la vie des entreprises et vous avez vu qu'il y a un agenda ambitieux en la matière cette année, avec un projet de loi qui va arriver de simplification administrative. Il faut qu'on arrête avec ces contraintes administratives, tant en France qu'en Europe, en continuant de soutenir l'investissement et la recherche, avec le crédit d'impôt recherche, avec " France 2030 " et ses 54 milliards d'euros à investir, qui ont déjà été investis, en partie, pour soutenir les investissements dans les nouveaux secteurs d'avenir. Je pense à l'intelligence artificielle, aux biotechs, à l'agritech, bien sûr à la décarbonation et à la transition écologique. Donc, c'est cette stratégie-là qui fonctionne. Et puis bien sûr, c'est aussi la qualité des talents dans notre pays, des ressources humaines de notre pays. Quand j'ai rencontré, hier, une douzaine d'investisseurs étrangers, qui me disaient : "En France, on a des salariés, des équipes qui sont de qualité et en nombre suffisant". Et ça, c'est un point clé.

Q - Et qui travaillent bien et qui sont productifs.

R - Oui, et je voudrais dire d'ailleurs aux salariés de ces entreprises étrangères en France que l'attractivité et la poursuite des investissements de ces investisseurs étrangers dans les entreprises étrangères en France, c'est aussi en grande partie leur travail, c'est grâce à eux et grâce à ces équipes-là que ces résultats sont là ; parce que les gens sont satisfaits du travail des équipes françaises. C'est un tout, c'est donc une Equipe France qui permet à notre pays d'être plus attractif. Mais sans cette stratégie de l'offre, cette stratégie de réindustrialisation et de décarbonation, nous n'aurions pas ces résultats-là. Et c'est vrai que quand on entend certains politiques voir toujours le côté négatif des choses et ne pas regarder la réalité...

Q - Qui par exemple ?

R - Nos adversaires politiques, on voit bien quand M. Bardella, M. Mélenchon et les autres oppositions voient toujours les choses négatives, jamais le positif. Et moi, je voyage, je suis ministre du commerce extérieur. Les gens me disent : "C'est formidable, la dynamique que vous avez en France. C'est formidable, les réformes que vous entreprenez" ; y compris en Europe, on me dit : "Emmanuel Macron mène des réformes qui vous permettent, aujourd'hui, d'avoir la croissance la plus forte de la zone euro, d'avoir l'attractivité pour les investisseurs étrangers la plus forte de l'Union européenne, et y compris de Grande-Bretagne, et cette réindustrialisation si importante pour créer des emplois partout en France".

Q - Un mot, Franck Riester, de l'Europe. Pourquoi, les Etats-Unis, par exemple, vont multiplier par quatre les droits de douane sur les véhicules électriques chinois ? Ils vont passer de 25% à 100% ! Donc, pourquoi, nous, on ne fait pas la même chose ?

R - Il faut qu'on fasse la même chose.

Q - Est-ce qu'on est impuissant à le faire ?

R - Non, on l'a fait.

Q - Ça fait plus de deux ans qu'on en parle.

R - Rappelez-vous, on l'a fait sur les Boeing, par exemple, il y a trois ans ; et là, on est en train de réfléchir au niveau européen, puisque c'est une politique commerciale européenne, à peut-être mettre des tarifs douaniers sur les véhicules électriques chinois, sur les panneaux solaires chinois. Effectivement, il faut construire un bouclier...

Q - À quel niveau, les tarifs douaniers ?

R - Alors ça, ce sera la Commission qui va faire des propositions, qui va réfléchir, en fonction de cette enquête, au meilleur niveau de tarifs douaniers, s'il faut le faire. Moi, je pense que nous devons, en tout état de cause, bâtir une sorte de bouclier commercial, bouclier qui nous permette de protéger nos entreprises face à la concurrence déloyale et à l'absence de réciprocité. Nous ne sommes pas, comme certains, à vouloir le repli sur nous-mêmes ; il ne faut pas qu'on ferme les portes de la France et de l'Europe. Il faut au contraire qu'on les ouvre, parce que c'est important. Nos entreprises exportent et si nous n'avons plus d'exportation, nous n'aurons pas de compétitivité, nous n'aurons pas de croissance, et nous aurons du chômage. En revanche, il faut que cette compétition internationale soit loyale et qu'il y ait de la réciprocité, c'est toute l'ambition qui est la nôtre en Europe.

(...)

Q - Merci beaucoup Franck Riester. C'était votre grande interview sur CNews et sur Europe 1.

R – Merci.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 mai 2024