Interview de M. Roland Lescure, ministre délégué, chargé de l'industrie et de l'énergie, à Public Sénat le 22 mai 2024, sur la situation en Nouvelle-Calédonie, l'EPR de Flamanville, les éoliennes offshore, le système des prix de l'électricité européen, les voitures électriques et l'usine METEX d'Amiens.

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Média : Public Sénat

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Et notre invité politique ce matin c'est Roland LESCURE, bonjour.

ROLAND LESCURE
Bonjour, bonjour à toutes les deux.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous.

ROLAND LESCURE
Merci à vous.

ORIANE MANCINI
Ministre délégué chargé de l'Industrie et de l'Energie, on est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale représentée par Christelle BERTRAND du groupe " La Dépêche ", bonjour Christelle.

CHRISTELLE BERTRAND
Bonjour Oriane, bonjour Roland LESCURE.

ROLAND LESCURE
Bonjour.

ORIANE MANCINI
On va évidemment parler de vos dossiers, ils sont nombreux, Roland LESCURE, mais d'abord l'actualité c'est Emmanuel MACRON, qui est donc en ce moment même en route vers la Nouvelle-Calédonie, c'est une visite un peu surprise, pour installer une mission de dialogue, est-ce qu'il ne prend pas trop tard la mesure du dossier calédonien ?

ROLAND LESCURE
Non, je pense que la mesure du dossier calédonien il l'a prise depuis déjà longtemps, les évènements se sont accélérés, c'était il y a à peine une semaine que les émeutes ont émergé, on a eu ensuite évidemment, forcément, le temps des forces de l'ordre pour commencer à rétablir l'ordre, on ne peut pas dire que ce soit complètement réglé, mais l'ordre est en train d'être rétabli en Nouvelle-Calédonie, et il a décidé, il nous l'a annoncé hier en conseil des ministres, d'aller, dans la foulée, à la fois, je pense c'est important quand même, saluer et remercier les forces de l'ordre qui font le travail, rencontrer les élus, j'espère, réussir à apaiser le débat, les écouter, sans doute, ça a été annoncé, mettre en place une mission qui va permettre, là encore, de dialoguer, de renouer le dialogue, qui est un peu interrompu, et de construire la suite.

ORIANE MANCINI
Et il a fallu attendre que ça s'enflamme ? Quand vous entendez Edouard PHILIPPE, qui est dans votre camp, l'ancien Premier ministre, dire " j'espère qu'il va trouver une solution, mais ça va être plus difficile qu'il y a trois mois ", sous-entendu ça aurait été peut-être mieux qu'il s'y mette il y a trois mois, est-ce qu'il n'a pas trop tardé ?

ROLAND LESCURE
Non, mais on peut toujours refaire le match après qu'il soit terminé. Moi j'ai suivi les choses, avec mon prisme, il y a des sujets industriels, il y a des sujets énergétiques en Nouvelle-Calédonie, ce que je peux vous dire c'est qu'on n'a pas chômé, on a travaillé, sur ces dossiers, et sur d'autres. Evidemment Gérald DARMANIN a beaucoup travaillé sur les enjeux politiques, institutionnels, qui sont les plus importants, mais qui ne sont pas les seuls, parce qu'il y a des enjeux de développement économique très importants, et que, au fond, le passage qui consistait à voter le projet de loi existait, mais visiblement il n'était pas suffisamment large pour qu'on y arrive…

CHRISTELLE BERTRAND
Parce que certains parlementaires, chez vous, ont tiré la sonnette d'alarme à de multiples reprises en disant c'est risqué, n'allons pas si vite, la situation n'est pas suffisamment apaisée.

ROLAND LESCURE
Moi je me souviens des années 80, j'avais une vingtaine d'années, la situation en Nouvelle-Calédonie elle n'est pas facile. Il y a eu les accords de Matignon qui avaient tracé une feuille de route, qui finalement nous a amenés jusqu'à l'année dernière, et on se rend compte aujourd'hui qu'il faut travailler davantage pour préparer la suite et mettre en place la suite. Moi, ce que je voudrais surtout, c'est que, au-delà d'une relative facilité à refaire le match, on se rassemble tous sur ce qui arrive maintenant, parce que, évidemment, l'apaisement est essentiel, le dialogue est important, il faut que tout le monde soit dans une logique constructive, en tout cas le président de la République, qui fait quand même 24 heures d'avion pour y passer quelques heures, montre que pour lui c'est important, et au-delà du symbole, le connaissant, moi je ne doute pas que les réunions qu'il va avoir vont être constructives et qu'on va, oui, trouver des solutions, qu'il va falloir ensuite mettre en oeuvre. Maintenant, regardons vers l'avant, rassemblons…

ORIANE MANCINI
Christelle, sur les questions industrielles du coup.

CHRISTELLE BERTRAND
Justement, question au ministre que vous êtes, l'un des éléments qui a cristallisé la colère c'est la fermeture de l'usine de nickel du Nord, qui menace de mettre 1700 personnes au chômage. Est-ce que l'Etat français a suffisamment été aux côtés des industriels sur ce dossier ?

ROLAND LESCURE
Alors là je vais être très clair, la réponse est oui, oui. Ce n'est pas un sujet facile le nickel en Nouvelle-Calédonie, d'abord ça fait partie des ressources extrêmement importantes du " caillou " comme on l'appelle, et donc ça c'est tant mieux, en revanche il y a clairement des enjeux de gestion de la ressource, des permis et des usines, qui rendent aujourd'hui la gestion de cette ressource rare, et précieuse, et de plus en plus précieuse parce que le nickel sert à la transition écologique, pour le moins inefficaces, on peut faire mieux, on peut faire mieux et je pense que, on en a déjà parlé avec l'ensemble des parties prenantes qu'on avait reçues avec Bruno LE MAIRE à Bercy il y a quelques mois, il va falloir continuer à le faire dans les mois qui viennent, il faut réfléchir à la gouvernance, il faut s'assurer que les permis d'extraction sont bien distribués, il faut que l'usine, les trois usines en fait, retrouvent leur efficacité…

CHRISTELLE BERTRAND
Mais là, concrètement, qu'est-ce qui va se passer pour celle du Nord qui est déjà à l'arrêt ?

ROLAND LESCURE
Eh bien on va discuter avec l'ensemble des parties prenantes pour voir si on peut trouver, là encore, un chemin que je ne suis pas prêt à écrire tant que les discussions n'ont pas commencé, pour retrouver les voies de la production qui vont permettre effectivement de générer des ressources, qui doivent avant tout bénéficier évidemment à la Nouvelle-Calédonie.

CHRISTELLE BERTRAND
Mais clairement, vous recherchez un repreneur quoi !

ROLAND LESCURE
Non mais, il y a un enjeu d'actionnariat, il y a un enjeu de repreneur, il y a un enjeu de production industrielle, mais aujourd'hui, évidemment, pour que des repreneurs s'y intéressent il faut que tout ça calme et qu'on apaise le dialogue.

CHRISTELLE BERTRAND
Il y a aussi un enjeu géopolitique, la Chine est très présente et en tous les cas regarde de très près certaines infrastructures en Nouvelle-Calédonie, est-ce qu'il faut s'en inquiéter et comment on se préserve de ça ?

ROLAND LESCURE
En tout cas il ne faut pas être naïf, il faut bien être conscient du fait que le fait qu'on ait des ressources rares et précieuses en Nouvelle-Calédonie peut attirer quelques intérêts, évidemment, et des intérêts qui ne sont pas tous forcément uniquement dirigés par le bien-être de la Nouvelle-Calédonie, donc il faut en être conscient. La Nouvelle-Calédonie fait partie des grands atouts de la France dans la transition énergétique, dans la transition écologique, il faut qu'on puisse organiser la production du nickel et sa transformation, parce que le débat il est là, pour qu'on passe de ce qu'on appelle le nickel casserole, qui est un nickel qui n'est pas très utile, qui était, au fond, ce qu'on utilisait avant, un nickel qu'on doit transformer de manière plus ambitieuse, plus économique, moins coûteuse aussi, de manière à ce qu'on nourrisse, notamment les batteries électriques. Donc on a une ressource, il y a un enjeu industriel très fort, un enjeu de gouvernance, il faut qu'on travaille avec les parties prenantes, dont c'est les ressources, elles leur appartiennent, si je puis dire, ils sont dans leurs sols, de manière à ce qu'on rende cette production plus efficace, aujourd'hui ce n'est clairement pas le cas.

ORIANE MANCINI
On va parler des questions d'énergie, notamment de Flamanville, de l'EPR de Flamanville, à quelle date il sera réellement mis en service cet EPR ?

ROLAND LESCURE
Alors, le plein est terminé, je vais le dire comme ça, donc ce qu'on appelle le chargement du combustible, enfin, après 17 ans, l'Autorité de sûreté nucléaire a donné son feu vert il y a quelques semaines, on a commencé le plein, le plein est terminé. On va ensuite le raccorder au réseau, ça ce sera fait cet été, et ensuite on le démarre progressivement, ce n'est pas une voiture électrique, donc ça ne se démarre pas en quelques secondes, et d'ici la fin de l'année on sera raccordé au réseau et en pleine puissance. Plein de puissance ça veut dire la moitié de la consommation électrique de la Normandie, donc ce n'est pas rien l'EPR de Flamanville.

ORIANE MANCINI
Donc il sera opérationnel quand, début 2025 ?

ROLAND LESCURE
D'ici la fin de l'année en fait, fin 24, il sera complètement opérationnel, les électrons vont commencer à sortir, dès cet été il sera raccordé au réseau, et ensuite on va monter le volume, donc entre juillet et décembre il sera raccordé et pleinement opérationnel, enfin.

ORIANE MANCINI
Enfin ! justement Christelle.

CHRISTELLE BERTRAND
Oui, enfin, on parle quand même de 11 ans de retard, 16 millions d'euros de frais supplémentaires, est-ce qu'on peut encore faire confiance à EDF pour construire une nouvelle centrale ?

ROLAND LESCURE
Oui, bien sûr. Il faut tirer les leçons de ce qui est, il faut le reconnaître, une certaine forme d'échec. Bon, finalement, le résultat il est bon, ça marche, et…

CHRISTELLE BERTRAND
Quelles leçons on en tire alors ?

ROLAND LESCURE
Un certain nombre de leçons ont déjà été tirées dans l'organisation opérationnelle d'EDF. Luc REMONT a fait des transformations de l'organisation, avec une direction qui est en charge du nouveau nucléaire, avec des chargés de projets, avec de l'ingénierie renforcée, l'Etat en a tiré les conséquences aussi, on a nommé un délégué interministériel au nouveau nucléaire, qui est en charge de piloter tout ça, parce qu'EDF est concerné, on a aussi ORANO qui est concerné à la fois en amont avec les combustibles et en aval avec le retraitement, FRAMATOME, qui est un grand industriel du nucléaire, doit évidemment aussi être capable de livrer la marchandise en temps et en heure, donc toute la filière est en train de se réorganiser. Ce qui est vrai, c'est que la filière était plutôt, je dirais en décroissance, en déshérence, depuis une vingtaine d'années, et que là on doit relancer la filière. Donc, un enjeu d'organisation, un enjeu de management, un enjeu de gestion d'ingénierie, aussi un enjeu, il faut le reconnaître, je dirais de simplicité du design, parce que l'EPR 1, les ingénieurs se sont fait plaisir comme on dit, il y a beaucoup, beaucoup de complexités d'ingénierie, qu'on a simplifiée dans le design de l'EPR 2, qui va être plus simple à construire et plus simple à opérer. Ensuite, évidemment, il y a un enjeu de financement, on est en train de travailler dessus et d'ici la fin de l'année on aura bouclé le mode de financement des EPR 2, et ensuite on pourra les lancer. Vous l'avez dit, on a dépassé les temps et les budgets, et l'un va avec l'autre, plus vous prenez le temps à construire des machines de ce type, plus ça coûte cher, et donc la gestion du temps va être un élément très important.

CHRISTELLE BERTRAND
Ça veut dire que l'Etat doit s'en mêler un petit peu plus, de plus près en tous les cas ?

ROLAND LESCURE
Alors, en fait l'Etat s'en mêle au niveau stratégique, et c'est important, on n'est pas là pour serrer les boulons, il faut faire attention, chacun son job, donc EDF est le chef de chantier, si je puis dire, est responsable opérationnel de la construction, mais effectivement, dans le cas du Conseil de politique nucléaire, présidé par le président de la République, le Premier ministre y est, nous y sommes, avec Bruno LE MAIRE, Christophe BECHU, Sylvie RETAILLEAU, parce qu'il y a des enjeux de recherche et d'innovation, avec l'ensemble des acteurs on est en charge de piloter la politique nucléaire de la France, qui passe évidemment par la construction des EPR, par le développement des petits réacteurs modulaires, vous savez les fameux SMR, donc on a une stratégie de relance du nucléaire…

ORIANE MANCINI
Pardon, est-ce que ça passe aussi par arrêter de fermer des réacteurs, il y a toujours la fermeture de quatorze réacteurs nucléaires qui sont inscrits dans la programmation pluriannuelle de l'énergie, est-ce que vous allez revenir là-dessus ?

ROLAND LESCURE
Alors, j'ai eu l'occasion de le dire, la programmation pluriannuelle de l'énergie elle est, je dirais caduque depuis le discours de Belfort, donc depuis deux ans, où le Président de la République a confirmé effectivement qu'on relançait le nucléaire, qu'on allait construire des réacteurs nouveaux et qu'on allait prolonger la durée de vie des réacteurs existants.

ORIANE MANCINI
Donc on ne ferme pas les quatorze réacteurs qui étaient prévus ?

ROLAND LESCURE
Alors, on ne ferme pas les réacteurs, on investit beaucoup dedans pour prolonger leur durée de vie, parce que, là encore, ça prend quand même un certain nombre de procédures, une autorité indépendante est en charge de s'assurer qu'on peut effectivement continuer à les utiliser en toute sûreté, mais oui, effectivement, on continue à développer le nucléaire, on prolonge…

ORIANE MANCINI
Mais vous allez l'inscrire dans la loi ou vous considérez que cette PPE est caduque et qu'il y a besoin… ?

ROLAND LESCURE
Alors, ça, j'ai eu l'occasion de le dire, on a un certain nombre de dispositions qui vont être prises par décret de manière à avancer vite, je sais qu'un certain nombre de parlementaires, dont le président RETAILLEAU, ont déposé une proposition de loi qui va permettre d'en discuter à nouveau, y compris ici au Sénat, nous on a fait le choix de passer par décret pour ce qui est des objectifs stratégiques, un, parce qu'ils sont déjà connus, deux, parce qu'on a eu des consultations publiques extrêmement développées depuis un an autour de ça, trois parce que je considère, j'ai considéré que la situation politique ne permettait pas d'aller vite, aurait sans doute comme conséquence un débat long, un débat peut-être un peu fastidieux et peut-être pas tout à fait conclusif. Vous savez que…

ORIANE MANCINI
Mais comme le débat devrait avoir lieu au Sénat, vous allez soutenir par exemple le texte de Bruno RETAILLEAU ?

ROLAND LESCURE
En tout cas, évidemment, s'il est à l'ordre du jour, j'irai en séance défendre à la fois la vision du gouvernement sur l'objectif de pousser les feux, à la fois du nucléaire et des ENR, on y reviendra peut-être, c'est important, on a besoin des deux, j'ai vu hier le débat sur les européennes, on est encore un peu dans la guerre des religions, où certains pensent que les ENR c'est le diable, d'autres pensent que le nucléaire c'est le démon, non, on a besoin de ces deux sources d'énergie de manière extrêmement ambitieuse et c'est pour ça qu'on n'a peut-être plus trop le temps, mais on débattra tout ça. Et puis j'expliquerai pourquoi nous avons décidé de passer par décret, la consultation publique va être lancée le 10 juin, la dernière, qui concerne, je dirais quelques détails importants sur les modalités de cette PPE, mais aujourd'hui il faut qu'on passe à l'action, je pense qu'on a déjà beaucoup débattu, il faut qu'on y aille, et il faut qu'on y aille en poussant à la fois le feu du nucléaire et le feu du renouvelable, on a besoin des deux.

CHRISTELLE BERTRAND
En n'inscrivant pas les objectifs dans une loi de programmation, est-ce que vous ne craignez pas qu'un futur gouvernement, qui ne serait pas le vôtre, détricote les objectifs que vous avez lancés aujourd'hui ?

ROLAND LESCURE
Non mais, vous savez, ce qu'une loi peut faire une loi peut le défaire, ce qu'un décret peut faire, un décret peut le défaire, donc évidemment, un futur nouveau gouvernement pourrait revenir sur ces objectifs. Moi je considère que l'avantage de la programmation pluriannuelle de l'énergie et de tous ces débats c'est d'inscrire dans la durée des objectifs qui permettent d'aligner toutes les filières. Aujourd'hui, quand on a dit qu'on passait par décret, un certain nombre de gens de la filière ont dit " Ouf, enfin, on va pouvoir accélérer ", et je dirais " se mettre au travail ", parce que pour les producteurs d'éoliennes… moi je souhaite qu'on installe des éoliennes offshore, j'ai inauguré le champ de Fécamp la semaine dernière, qui permet de nourrir en électricité 750 000 Normands, très bien, mais ce qui est beau à Fécamp, c'est que non seulement on a des éoliennes, très belles, au large, mais qu'elles sont faites en France, et donc il faut pouvoir donner de la visibilité à la filière pour que, une fois qu'on saura où on va, on puisse construire des filières industrielles qui vont nous permettre de fabriquer des éoliennes en France, de fabriquer des panneaux photovoltaïques et évidemment de fabriquer des EPR en France, donc tout ça est important et je pense qu'on est sur un temps, et c'est ce qui rend les choses un peu compliquées, qui dépasse celui du politique, on est sur des temps de décennies, quand on parle de nucléaire on parle de centaines de milliards et de dizaines d'années, quand on parle des ENR on parle d'années, d'années et d'années, et de quelques dizaines de milliards aussi, donc tout ça doit nous… je pense, là encore, on doit se rassembler autour de ça, on doit avoir les débats qu'on doit avoir, il faut éviter les guerres de religion et se concentrer sur l'essentiel, on va avoir besoin de beaucoup d'électricité pour assurer la transition énergétique, et moi je veux que cette électricité elle soit faite en France et qu'on crée de l'emploi industriel parce que c'est un beau projet industriel.

ORIANE MANCINI
Christelle.

CHRISTELLE BERTRAND
Oui, commence demain…pardon Oriane…

ORIANE MANCINI
Non, peut-être sur le prix de l'électricité, vous aviez une question sur le prix de l'électricité.

CHRISTELLE BERTRAND
Oui. Donc, hier soir vous avez assisté au débat entre les différents candidats, l'une des propositions de Jordan BARDELLA c'est de sortir du système des prix de l'électricité européen, en effet la France est très exportatrice d'électricité, pourquoi est-ce qu'on n'aurait pas un intérêt, en effet, à en sortir pour faire baisser les prix et les ramener un peu à la normale ?

ROLAND LESCURE
Ecoutez, Jordan BARDELLA, le Front national, puis le Rassemblement national, ça fait 25 ans qu'ils ont une bataille de retard sur l'Europe et qu'ils les perdent tous. Ils étaient contre l'Europe, ils l'ont perdue, il n'y a plus personne aujourd'hui qui remet en cause la participation de la France à l'Union européenne. Ils étaient contre l'euro, ils l'ont perdue. Ils étaient contre l'attractivité, j'ai eu des questions à l'Assemblée la semaine dernière de Jean-Philippe TANGUY qui pense que l'attractivité de la France c'est une mauvais bataille…

CHRISTELLE BERTRAND
Mais sur ce sujet-là précisément ?

ROLAND LESCURE
Et sur l'énergie, une fois de plus, ils ont une bataille de retard. La France exporte, sauf quand elle n'exporte pas, il y a un an et demi on a manqué d'électricité, on était bien content d'être dans ce marché qui nous permettait d'avoir accès à des électrons. Aujourd'hui, au contraire, la force de l'Europe c'est son marché unique, n'en déplaise à Monsieur BARDELLA, c'est le fait qu'on peut circuler en France, à la fois le travail, le capital, créer des filières industrielles européennes très fortes, évidemment il faut que l'énergie circule librement entre pays européens, et effectivement, quand on exporte, tant mieux, c'est ce qu'on fait aujourd'hui, on y gagne, nos champions nationaux y gagnent.

CHRISTELLE BERTRAND
Mais les Français payent un prix relativement élevé pour leur électricité tous les jours.

ROLAND LESCURE
Ça ce n'est pas vrai, on paye plus cher qu'on a payé, c'est vrai, parce que depuis, évidemment, l'invasion de la guerre en Ukraine a fait que partout en Europe on paye plus cher qu'on a payé, mais on paye beaucoup moins cher qu'au plus haut de la crise, pendant laquelle, je vous rappelle, on a protégé les Français comme nulle part ailleurs en Europe, à part peut-être un ou deux pays, et on est aujourd'hui parmi les pays dans lequel on paye le moins cher. Ce qui est vrai, en revanche, c'est qu'il va falloir investir. Il y a 50 ans on a investi en France dans les réacteurs nucléaires, et ça, ça fait qu'aujourd'hui, 50 ans plus tard, on a de l'électricité décarbonée pas chère, ça fait partie des atouts de la France, c'était il y a 50 ans. Il faut qu'aujourd'hui on crée la France de dans 50 ans, ça, ça prend de l'investissement, ça a des coûts. Il faut qu'ensemble, là encore, on crée du consensus autour de notre capacité collective à investir dans l'appareil productif de manière à ce que la France soit compétitive, la France soit décarbonée, la France soit forte, soit puissante. Aujourd'hui, ce que propose Jordan BARDELLA, c'est de brader la France. Il dit " on ne va pas faire la voiture électrique, franchement ceci n'a aucun sens, il faut revenir " - il l'a dit hier – " sur les engagements de l'Europe de sortir de… "

CHRISTELLE BERTRAND
Il ne veut pas d'obligation en tous les cas.

ROLAND LESCURE
Oui, il ne veut pas d'obligation, ça veut dire quoi ?

ORIANE MANCINI
Surtout l'argument c'est que ça profite aux Chinois, les voitures électriques.

ROLAND LESCURE
Non, mais justement, justement, si vous dites on va arrêter de vendre des véhicules thermiques en Europe d'ici 2035, vous avez toute une filière qui s'organise. On crée 20 000 emplois à Dunkerque pour fabriquer des voitures électriques, Carlos TAVARES l'a dit, STELLANTIS s'organise, RENAULT s'organise, on a des grands constructeurs qui sont en train de se diriger vers la voiture électrique, qui refont en profondeur leur modèle économique pour le faire, et lui il dit " non, non, non, on va attendre ", mais les Chinois…

CHRISTELLE BERTRAND
Ce qu'il a senti c'est que ça crée une inquiétude chez les Français qui se disent « je vais être obligé de me séparer de ma voiture. »

ROLAND LESCURE
Mais bien sûr, et alors, c'est tellement typique de Jordan BARDELLA et de ses troupes, on sent une inquiétude, on souffle dessus, on met le feu. Moi je sens une inquiétude, j'y réponds avec une stratégie politique, économique et industrielle, qui va nous rassurer parce qu'on aura des résultats. Ça fait sept ans qu'on crée de l'emploi industriel en France, notamment dans les territoires, dont le Front national, puis le Rassemblement national, se sont nourris du fait du désespoir, de l'inquiétude, de la désindustrialisation.

CHRISTELLE BERTRAND
Mais vous vous parlez objectifs collectifs, eux parlent objectifs individuels et fins de mois, est-ce que finalement ils ne sont pas plus audibles ?

ROLAND LESCURE
Non, mais moi je parle de résultats très concrets. On a aujourd'hui plus de véhicules électriques vendus en France que depuis… jamais, et en plus grâce à une politique qu'on a mise en oeuvre, le bonus électrique réservé aux véhicules européens, ces véhicules sont des véhicules européens. On va créer 1 million, dès le début de l'année prochaine, de véhicules électriques assemblés en France. Moi, ma première voiture c'était une R5, on va avoir une R5 électrique, et j'espère qu'on va en vendre des centaines de milliers, et, évidemment, ce n'est pas grâce à Monsieur BARDELLA qui dit les obligations, on verra plus tard, on reste sur le charbon, et sur la dépendance, vis-à-vis de la Russie, vis-à-vis du Moyen-Orient, vis-à-vis de la Chine, parce que, évidemment les véhicules électriques, si on ne les fabrique pas chez nous, ils viendront de Chine. Moi je souhaite que cette transition énergétique, cette transition écologique, elle profite à l'industrie française, elle crée de l'emploi.

CHRISTELLE BERTRAND
Qu'est-ce que vous dites aux Français qui ont peur d'être obligés de revendre la voiture qu'ils viennent d'acheter, peut-être la semaine dernière ?

ROLAND LESCURE
Alors, aucune obligation de revente, évidemment, on n'interdit pas les véhicules thermiques, jamais. En 2035 il y aura encore 20 millions de véhicules thermiques qui vont circuler en France. Vous pouvez acheter un véhicule thermique en 2024 et le garder pendant 20 ans, 34, et le garder pendant 20 ans, il faut se donner un objectif, il faut se donner un objectif cohérent avec la transition industrielle. Il faut se donner aussi un objectif cohérent avec la santé des Françaises et des Français, il ne faut pas oublier qu'on ne fait pas ça pour se faire plaisir, on fait ça parce que tous les jours le réchauffement climatique est une réalité. J'étais à Fécamp la semaine dernière, je le disais, pour inaugurer un parc éolien offshore, la falaise de Fécamp, il y a 15 mètres de falaise qui sont tombés dans la mer du fait du réchauffement climatique, de la hausse du niveau de la mer et de la puissance accrue, dans le cadre de tempêtes, des vagues sur la falaise, c'est une réalité ça, donc on a le réchauffement climatique qui est une réalité. Qu'est-ce qu'on fait selon Monsieur BARDELLA ? Rien, on oublie, walou ! Eh bah non ! mais faire de cette réalité anxiogène, inquiétante, une réalité positive, transformer cette crise en opportunité, en faire une stratégie industrielle qui va créer de l'emploi, à Dunkerque on a détruit 10 000 jobs depuis 15 ans, on va en créer 20 000, dans les 10 ans qui viennent, du fait de la Vallée de la batterie. Je leur dis quoi, moi, à ces 200 000 gens ? " Ah bah non, vos jobs vous les aurez plus tard parce que Monsieur BARDELLA a considéré que le réchauffement climatique on verra plus tard, que la transition industrielle on verra plus tard ", non.

ORIANE MANCINI
Il y a une usine qui est un peu un symbole pendant cette campagne des européennes pour les candidats, c'est l'usine METEX d'Amiens, une usine qui est en sursis, elle produit de la lysine, c'est le dernier site en Europe à produire de la lysine, c'est un acide aminé qui sert à nourrir les porcs et les volailles, s'il n'y a pas de repreneur d'ici lundi elle mettra la clé sous la porte. Est-ce que METEX est condamnée, qu'est-ce que peut faire le gouvernement ?

ROLAND LESCURE
Alors, un, METEX n'est pas condamnée, je vais revenir. Deux, vous l'avez dit, ça devient un symbole politique, et moi je n'aime pas trop quand on instrumentalise la réalité d'une situation difficile, y compris pour les salariés, que j'ai rencontrés, moi, il y a plus de deux mois, avant la campagne…

ORIANE MANCINI
Qui l'instrumentalise ?

ROLAND LESCURE
Vous avez, c'est le défilé des candidats là, donc vous avez Madame AUBRY qui est avec Monsieur RUFFIN, Monsieur RUFFIN c'est le député du coin, il est bien au courant de ce qu'on fait, parce que je travaille, comme toujours, avec les députés locaux, les élus locaux, quand on regarde une solution. Donc, oui, on est en train de trouver une solution, elle n'est pas facile, ce n'est jamais facile, mais je peux vous dire que les solutions qu'on cherche pour les entreprises en difficulté, il vaut mieux les travailler discrètement que sur les parkings et face aux caméras. Monsieur GLUCKSMANN y est allé également, en nous donnant des leçons sur le protectionnisme vert, etc.

ORIANE MANCINI
Il dit que l'Union européenne va taxer massivement la lysine, est-ce que l'Union européenne doit taxer massivement ?

ROLAND LESCURE
En tout cas…

ORIANE MANCINI
La lysine chinoise !

ROLAND LESCURE
Ce que j'espère c'est que la Commission européenne va se saisir de ce sujet, comme elle s'est saisie d'autres sujets, il y a aujourd'hui 177 enquêtes de la Commission européenne sur des produits sur lesquels il y a des enjeux de concurrence, ils ne sont pas arrivés par hasard et ils ne sont pas arrivés, ni grâce à Madame AUBRY, ni grâce à Monsieur GLUCKSMANN, ils sont arrivés parce qu'un certain nombre d'Etats, et on n'est pas les seuls, ont alerté, donc sur la lysine j'espère qu'on aura un sujet…

CHRISTELLE BERTRAND
Enquête, ça veut dire quoi, on se demande s'il faut taxer ces produits, c'est ça le… ?

ROLAND LESCURE
Oui, une enquête de la Commission ça conduit effectivement à, un, évaluer le degré de concurrence injuste, faussée comme on dit, et deux, d'élaborer des solutions. Mais, dans mes textes, vous savez combien d'argent public on a mis ? Plus de 100 millions d'euros. Donc, je ne veux pas entendre qui que ce soit dire qu'on n'a pas soutenu mes textes. On est aujourd'hui en train de travailler à la recherche d'un repreneur, on est en train de travailler parce qu'il y avait aussi des enjeux de gestion de l'entreprise, à l'avenir de la gestion de l'entreprise, on est aussi en train de travailler à la gestion des approvisionnements. Moi je travaille tous les jours sur mes textes, je fais moins de bruit que d'autres, mais je travaille, et ce que j'espère effectivement c'est qu'on aura une solution, et quand on aura une solution, j'espère que tout le monde reconnaîtra qu'on a fait le boulot parce qu'on sera encore en campagne électorale européenne…

ORIANE MANCINI
Mais vous vous engagez à ce qu'il y ait une solution, elle sera sauvée cette usine ?

ROLAND LESCURE
Moi je n'ai jamais pris un engagement sur les résultats parce que c'est mentir aux personnes concernées, le seul engagement que je prends, il y a des entreprises qu'on a sauvées depuis un an, on a sauvé CARELIDE, on a sauvé VALDUNES, et je continue tous les jours à travailler au sauvetage d'entreprises, c'est que si jamais on n'y arrive pas on s'occupe des salariés, on s'occupe des territoires, en revanche, engagement de moyens absolu. Je fais tout pour sauver METEX, j'espère qu'on va le faire, je ne raconte pas de crack, je ne mens pas aux salariés en leur disant " c'est un simple, coup de baguette magique… tout va bien se passer ", ce n'est pas comme ça que ça se passe la réalité industrielle, il faut des plans d'affaires crédibles, il faut des repreneurs qui sont capables de s'engager, il faut un management de qualité. Les salariés, je les ai rencontrés, les organisations syndicales je les ai rencontrées, ils sont attachés à leur usine, ils croient à l'avenir de leurs produits, j'allais dire c'est déjà un bon début, maintenant il faut qu'on fasse tout le reste et je peux vous dire qu'on y travaille tous les jours, et la nuit.

ORIANE MANCINI
Merci Roland LESCURE.

ROLAND LESCURE
Merci à vous.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir été notre invité.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 mai 2024