Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur les relations franco-allemandes et la construction européenne, à Berlin le 26 mai 2024.

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Circonstance : Visite d'État en Allemagne : première journée à Berlin

Texte intégral

Animatrice
[En allemand]

Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. Il ne faut pas se poser la question, c'est une décision de chaque matin.

Animatrice
[En allemand]

Emmanuel MACRON
Et donc je suis surtout très honoré d'être parmi vous dans une journée si importante. Et je veux remercier mon ami, le Président Frank-Walter STEINMEIER, son épouse, de nous accueillir pour cette visite d'Etat et vous remercier de nous faire l'honneur pour la première fois pour cette Fête de la démocratie.

Et d'avoir un dirigeant étranger, en particulier un Président français. C'est pour nous un grand honneur et je voulais être là pour rendre hommage à la fois à ce 75e anniversaire des lois fondamentales et de la démocratie en Allemagne. On en parlait avec le Président aussi ce 35e anniversaire de la réunification qui va avec, et qui a entraîné une réunification de notre Europe. On est très heureux d'être là.

Animatrice
Formidable ! Merci beaucoup.

[En allemand]
[…]

Emmanuel MACRON
Merci de ce résumé. C'est plus simple que d'autres sujets.

Animatrice
J'imagine.

Emmanuel MACRON
Et donc en effet, il y a l'Euro de football - on le verra tout à l'heure avec le Président - qui est un grand rendez-vous, une chance pour l'Allemagne et tout le football européen. Les Bleus seront là, j'allais dire aux côtés de la Mannschaft. J'ai peur qu'on ne soit pas totalement aux côtés.

Animatrice
[En allemand]

Emmanuel MACRON
Mais j'ai noté que la finale, c'était un 14 juillet. C'est une bonne nouvelle. C'est une bonne fête nationale pour nous à Berlin.

Ensuite, il y a les Jeux Olympiques, où évidemment vous êtes invités, et qui commencent le 26 juillet prochain à Paris, des Jeux Olympiques et Paralympiques qui sont un grand rendez-vous sportif.

Et je vous rassure, le rendez-vous sera tenu pour Notre Dame : le 8 décembre, nous rouvrirons Notre Dame de Paris et vous pourrez tous et toutes revenir la visiter. Elle sera reconstruite. Et donc ça, ce sont des rendez-vous formidables.

Mais moi je voudrais rebondir sur ce qu'a dit Frank-Walter STEINMEIER il y a deux minutes. Vous savez, on dit toujours - prenez les journaux des 75 dernières années, vous verrez que les relations franco-allemandes on dit toujours : elles sont à l'arrêt ou il y a une crise. La chronique est permanente, mais elles avancent. Et quand je vois ce qu'on a fait, en particulier depuis 1963 - parce qu'on parle beaucoup d'anniversaires, là, mais c'est vrai que le traité qui a été signé entre nos deux pays, avec le courage qu'ont eu le général de Gaulle et le chancelier Adenauer de dire : on ouvre une nouvelle étape, surtout pour cette génération qui avait vécu la guerre, et bien fait que la France et l'Allemagne ensemble, ont accompli des choses extraordinaires. Et elles ont été au cœur de cette Europe qui s'est progressivement élargie et réunifiée elle aussi. Et nous ne sommes pas les mêmes, mais constamment, nous avons cette discussion. Et si on dézoome et qu'on regarde à l'échelle des siècles, nos deux pays se faisaient toujours la guerre ; et l'histoire de l'Europe, c'était une histoire de guerre civile avec beaucoup d'empires et souvent, il y avait d'un côté des Allemands, des Prussiens et de l'autre côté des Français. Et aujourd'hui, on discute.

Alors, il y a des choses, on est d'accord, pas d'accord, mais toujours, on construit un chemin ensemble et ça, c'est une extraordinaire force et je crois que c'est ce cheminement qu'il faut valoriser. Et moi, je veux vous dire que je vois beaucoup plus ce qui nous rassemble et notre capacité à relever nos défis aujourd'hui que des éléments de crise aux autres. La relation franco-allemande, elle, est centrale dans l'Europe, elle est cœur, elle est nécessaire pour que l'Europe avance.

Animatrice
Merci Monsieur le Président.

[En allemand]
Frank-Walter STEINMEIER

[En allemand]
Animatrice

[En allemand]
Emmanuel MACRON
Parce que le moment est essentiel et parce que, vous l'avez dit, on n'a jamais eu autant d'ennemis à l'intérieur, à l'extérieur. Je pense qu'on vit un moment de notre Europe - je l'ai dit il y a quelques semaines - qui est existentiel parce que je crois vraiment, notre Europe peut mourir.

D'abord parce qu'on a le retour de la guerre en Europe avec l'agression russe en Ukraine. Et on disait l'Europe, c'est la paix, regardez.

Ensuite, parce qu'on est à un moment où l'un des défis de l'Europe, c'est d'être le continent qui va réussir le premier, je l'espère, à décarboner son économie, c'est-à-dire à réconcilier le climat et la croissance et l'industrialisation. Et il faut réconcilier les deux, parce qu'on est aussi le continent du monde, l'espace politique, où le modèle social est le plus généreux. Et on ne peut pas décarboner sans croissance, parce qu'alors, il faudrait dire : décarboner, c'est renoncer à l'école, l'hôpital, le modèle social qui est le nôtre. Il faut faire les deux. Ça, c'est d'énormes investissements parce qu'on a la révolution technologique, celle de l'intelligence artificielle qui se décide maintenant et que si on rate celle-ci, au fond, la croissance de demain, l'innovation de demain se fera ailleurs.

Et puis, parce que je pense qu'on a au fond, et je le dis dans cette journée, une forme de crise de nos démocraties et on le voit en nous-mêmes. La force des démocraties, c'est le débat permanent sur toutes les questions pour essayer d'aboutir à la meilleure décision que le peuple choisira. Et on en est venu à une interrogation sur la démocratie elle-même. Il y a une forme de fascination pour l'autoritarisme qui naît dans nos propres démocraties et à un moment très ambigu - qui nourrit d'ailleurs les nationalismes et les extrêmes dans notre continent - qui est de dire : au fond, cette Europe, elle serait plus simple si on serait nationaliste. Mais on oublie de se dire : qu'est-ce que serait cette Europe si les nationalistes l'avaient dirigée ces dernières années, tous ceux qui fascinent nos opinions publiques et pour lesquels certains s'apprêtent à voter à ces élections. Mais si les nationalistes avaient été aux affaires en Europe, nous n'aurions pas eu le vaccin en tant qu'Européens ; on n'aurait pas eu de plan de relance européen ; on n'aurait pas de capacité à répondre aux défis migratoires en Européens ; on n'aurait pas eu de Green Deal européen et une capacité à gérer la décarbonation ; et on serait divisé entre Européens puisque, croyant avant tout à une base nationale, on aurait lâché l'Ukraine pour soutenir la Russie que soutiennent tous les nationalistes dans nos pays. Et donc l'histoire ne serait pas la même. Et en quelque sorte, le problème que nous avons aujourd'hui, c'est que dans nos démocraties, nous nous sommes habitués à la démocratie et on a oublié que c'était un combat trop souvent. Et on laisse les nationalistes, et souvent les ennemis de la démocratie, tirer tous les dividendes de la démocratie et la critiquer de manière existentielle.

Et il y a à la fois ce débat, au moment même où on a ces immenses défis géopolitiques, la guerre, la prospérité, la révolution climatique et technologique. Donc, pour toutes ces raisons, c'est important d'aller voter aux européennes pour le parti qu'on soutient et qui soit un parti qui défend l'Europe selon nos préférences. Parce que je suis convaincu que c'est l'Europe qui permet de défendre la démocratie, l'absence d'hégémonie sur notre continent et la capacité à répondre ensemble à ces défis.

Animatrice
Très bien.
[En allemand]

Frank-Walter STEINMEIER
[En allemand]

Animatrice
[En allemand]

Emmanuel MACRON
C'est de marquer, comme je le disais, cette étape. D'abord de parler à l'ensemble du pays, et de marquer cette étape en étant aujourd'hui avec vous des 75 ans, comme je le disais, de la Loi fondamentale et la démocratie ici, mais aussi des 35 ans de cette réunification allemande qui est aussi une réunification de notre Europe et qui a déclenché ensuite un mouvement qui n'a pas été d'élargissement, mais de réunification vraiment d'un continent qui était séparé depuis 1947, et qu'on avait accepté en quelque sorte comme une fatalité - ce qui a d'ailleurs en quelque sorte empêché l'Europe pendant longtemps et sans doute jusqu'à aujourd'hui, de se penser elle-même comme un continent uni. Et donc c'est très important pour moi d'aller là-bas.

Et puis je trouve qu'il y a dans Dresde une formidable métaphore d'un phénix européen, d'une ville qui a été totalement ravagée à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, capitale culturelle et intellectuelle formidable de l'Allemagne et de l'Europe, et qui est aujourd'hui au cœur de cette Silicon Saxony, et donc des défis contemporains d'avenir, de croissance que j'évoquais. Et je crois que c'est aussi rendre hommage à ce formidable travail qui a été fait, à cette formidable réussite et se dire : regardez le chemin qui a été fait là aussi ces dernières années et allons-y ensemble, parce qu'on a une grande route à faire ensemble.

Animatrice
Merci beaucoup, Monsieur le Président.

C'est très dommage. [En allemand]

Frank-Walter STEINMEIER
[En allemand]

Animatrice
[En allemand]