Déclaration de M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en réponse à trois questions sur le conflit à Gaza et la reconnaissance d'un État palestinien, au Sénat le 29 mai 2024.

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Circonstance : Questions d'actualité au Gouvernement, en séance publique, au Sénat

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Merci, Monsieur le Sénateur, de l'équilibre de votre question et du ton que vous avez employé, loin des outrances que nous avons pu voir dans d'autres hémicycles.

La semaine qui vient de se dérouler a été marquée par de nouvelles tragédies, vous l'avez dit. Nous avons appris l'annonce du décès d'un de nos otages français. Et les images que vous évoquez à Rafah nous ont tous heurtés.

Depuis le début de la guerre que les terroristes du Hamas ont déclenchée le 7 octobre, nous avons agi. Et en réalité, la France a agi - je le répète ici - sous un certain nombre de principes diplomatiques, pour une solution utile, loin des postures et loin des positionnements politiques que certains utilisent dans le cadre de cette campagne des [élections] européennes. Le respect du droit international pour tous. Nous avons condamné à la fois les atrocités du Hamas et, en même temps, les frappes israéliennes - et la frappe israélienne - le Président [de la République] l'a dit encore hier, de manière très claire.

Nous demandons et nous appelons fortement, dans toutes les instances internationales, multilatérales, notamment l'ONU, le CAE - le Conseil des Affaires étrangères - au niveau européen, à l'arrêt de l'opération à Rafah, à la libération immédiate et inconditionnelle des otages, à l'ouverture sans délai de tous les accès humanitaires ; nous demandons également le cessez-le-feu durable, et nous agissons pour cela.

La gravité de la situation, Monsieur le Sénateur, nous commande de la rigueur, comme je le disais, loin des outrances qui, je le regrette, dominent aujourd'hui le débat français. Nous continuerons à œuvrer pour la paix et à agir concrètement pour l'issue durable de cette tragédie. La France a réuni également les pays arabes autour du Président de la République, vendredi, pour évoquer la question que vous m'avez posée.

Nous ne sommes pas pour du positionnement politique mais pour une solution diplomatique, et nous considérons que la question de la reconnaissance doit intervenir dans ce processus.


Permettez-moi de revenir sur la question de la reconnaissance. La France est pour la solution à deux Etats. Par définition, la question de la reconnaissance devra intervenir. Evidemment. Evidemment, Madame la Sénatrice. La question qui se pose aujourd'hui, et je l'ai dit de manière très nette à mes homologues espagnol et irlandais notamment : quel est le jour d'après, aujourd'hui, la question de la reconnaissance ? Quelle est l'utilité diplomatique ? La France ne se situe pas dans un positionnement politique. Elle cherche des solutions diplomatiques à cette crise. Je regrette qu'un certain nombre d'Etats européens aient privilégié le positionnement politique, dans le cadre d'une campagne des européennes, qui ne résout rien. Quel est le jour d'après ?

Madame la Sénatrice, vous qui avez encore une minute de temps de parole, dites-moi exactement ce que la reconnaissance espagnole a changé le lendemain à la situation à Gaza. Rien. La France agit au Conseil de sécurité des Nations unies, elle est membre permanent, nous travaillons à un texte avec l'ensemble de nos partenaires arabes pour trouver une solution. Et cette question de la solution diplomatique doit être privilégiée aux positionnements politiques des uns et des autres.

Je crois que j'ai été clair sur le positionnement de la France. Encore une fois, nous travaillerons au Conseil de sécurité. La France est membre permanent. Nous travaillerons dans un cadre collectif. Et la reconnaissance de l'ensemble des pays qui n'ont pas reconnu et qui défendent, comme la France, la solution à deux Etats, doit intervenir dans ce cadre-là, dans ce cadre multilatéral, pour avoir un impact et une utilité dans la fin de la crise. C'est notre position. Et vous pouvez avoir un positionnement politique, ma responsabilité, en tant que ministre des Affaires étrangères, c'est de trouver des solutions diplomatiques ; et donc trouver une solution diplomatique, c'est de travailler, y compris avec nos partenaires arabes dans la région, à un système de sécurité collectif pour les Israéliens et pour les Palestiniens. C'est notre objectif diplomatique.

Après, je ne peux pas vous laisser dire, Monsieur le Sénateur, que nous n'avons rien fait. Nous avons été à la hauteur sur le volet humanitaire : un bateau a été dépêché là-bas, le Dixmude, pendant de nombreux mois ; nous avons également plus de quatorze enfants qui ont été rapatriés en France, dans nos hôpitaux, et qui ont permis justement, avec nos dispositifs humanitaires... Nous travaillons également sur le volet politique - je viens de vous le dire - au Conseil de sécurité des Nations unies. Nous allons également trouver les voies et les moyens de trouver une cohérence au niveau européen pour pouvoir rapprocher la position européenne entre les Etats membres de la position des pays arabes, la Jordanie, l'Egypte, et notamment les pays qui ont reconnu et qui ont normalisé avec Israël, dans ce moment qui est terriblement difficile. Je vous le dis avec gravité et vraiment sans outrance : nous sommes dans un moment qui nécessite, Monsieur le Sénateur, de la rigueur, de la retenue et des principes. Nous avons les trois.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 mai 2024