Conférence de presse de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur le conflit en Ukraine, à Paris le 6 juin 2024.

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Circonstance : Conférence de presse conjointe avec Volodymyr Zelensky, président de l'Ukraine

Texte intégral

Emmanuel MACRON
Monsieur le Président, mesdames, messieurs les ministres, Messieurs les ambassadeurs, Mesdames et Messieurs, c'est un grand honneur pour nous de te recevoir à nouveau à Paris dans le cadre de la visite officielle que tu effectues aujourd'hui dans notre pays cher Volodymyr. Je veux, monsieur le Président, cher Volodymyr, te remercier pour ta présence hier en Normandie. Elle avait valeur de symbole car elle a permis de relier le passé, la commémoration du débarquement de nos alliés sur nos plages en juin 1944 et le présent, le juste combat que mène aujourd'hui l'Ukraine pour sa liberté face à la guerre d'agression déclenchée par la Russie il y a un peu plus de deux ans dans sa forme la plus brutale.

Dans son combat, l'Ukraine sait qu'elle peut compter sur notre soutien dans la durée pour l'aider aussi longtemps et aussi intensément que nécessaire. Elle sait aussi que la Charte des Nations Unies et l'intégration européenne, qui ont précisément été inspirées par le combat qu'ont livré les Alliés il y a 8 décennies, seront toujours notre plus sûre boussole. La déclaration de Normandie que nous avons adoptée avec tous les dirigeants présents hier est un symbole de cet attachement commun des deux côtés de l'Atlantique, aux principes qui fondent notre ordre international.

Lorsque nous nous sommes vus ici même à Paris le 16 février dernier, j'ai pu souligner la fuite en avant de la Russie, ses instincts révisionnistes et les desseins impérialistes, et le fait qu'elle était devenue un acteur méthodique de déstabilisation du monde et qu'elle a intensifié ses actions. Nous en avons malheureusement eu de nouveaux exemples et de nouvelles preuves au cours des derniers mois, puisque la Russie a fait le choix de lancer une nouvelle offensive d'ampleur le jour même où se tenaient ses propres commémorations de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Puisque la Russie a aussi fait le choix de poursuivre la remise en cause des frontières, d'intensifier la guerre hybride qu'elle livre sur l'ensemble du continent européen, contre nos sécurités, nos démocraties et les grands événements accueillis un peu partout en Europe. Parce qu'il en va de la sécurité de l'Ukraine et de notre propre sécurité.

Je t'avais dit que la France continuerait d'être au rendez-vous et que l'Ukraine et les Ukrainiens pouvaient compter sur notre plein soutien dans la durée. C'est le sens même de l'accord que nous avons signé ensemble le 16 février dernier et des nombreux chantiers que nous avons ouverts avec tous nos partenaires, à l'occasion de la conférence de soutien à l'Ukraine qui s'est tenue le 26 février ici même.

À ce titre, qu'il s'agisse des frappes dans la profondeur, de la fourniture de munitions d'artillerie, de cyberdéfense, de production et de maintenance en Ukraine, de déminage, de soutien aux partenaires menacés et de sécurisation aux frontières, chacun de ces chantiers qui avaient été décidés ici même le 26 février dernier, ont d'ores et d'ores et déjà donné lieu à des décisions concrètes de la France et de ses partenaires et à des coalitions ad hoc qui se sont structurées.

C'est également le sens des décisions que nous avons prises au niveau européen avec l'adoption d'une “Facilité Ukraine” de 50 milliards d'euros et l'utilisation des profits d'aubaine générés par une partie des avoirs russes gelés afin de soutenir l'effort militaire de votre pays.

C'est le sens aussi du soutien que la France continuera d'apporter pour justement soutenir l'Ukraine dans toutes les enceintes, que ce soit au niveau européen, pour tenter d'obtenir le lancement effectif des négociations d'adhésion d'ici la fin du mois, ou à l'OTAN à l'occasion du Sommet de Washington du 9 au 11 juillet, où j'aurai l'occasion de redire notre attachement à ce que l'Ukraine se rapproche de manière irréversible de notre alliance.

C'est le sens, enfin, des annonces nouvelles que nous avons souhaité faire en matière de soutien militaire, avec la poursuite de nos cessions et notamment de matériels qui ont fait la différence sur le terrain. Je veux parler ici des missiles SCALP ou des bombes air-sol A2SM. Nous avons acté de nouvelles livraisons et dans la durée. Avec l'annonce aussi de la livraison d'une première série de MIRAGE 2000-5 et la nécessaire formation des pilotes qui va commencer dès à présent. Pilote et mécanicien.

Nous avons aussi proposé et donc décidé ensemble que la France allait former, entraîner, équiper une brigade entière de l'armée ukrainienne dans le cadre de l'effort de régénération de vos forces, ce qui représente à peu près 4 500 soldats. Et puis, nous avons développé aussi des coopérations entre nos industries de défense nouvelle. Les réunions qui se sont tenues aujourd'hui ont permis, je crois, de répondre à beaucoup de questions et de bâtir de nouvelles coopérations. Je veux aussi, dans le droit fil de ce qui avait été décidé le 26 février dernier à Paris, saluer l'accord qui a été signé avec KNDS sur une implantation sur le sol ukrainien. Et donc cette entreprise franco-allemande va pouvoir produire sur votre sol, comme nous l'avions décidé avec les principaux partenaires.

Je tiens à redire ici que nous ne sommes pas en guerre avec la Russie et que nous souhaitons garder la maîtrise de l'escalade. Nous maintenons depuis le premier jour cette ligne responsable, mais cette ligne ne consiste pas pour autant à laisser la Russie imposer ses propres limites dans la nature de notre coopération militaire avec l'Ukraine ou dans la capacité que cette dernière doit avoir d'exercer son droit de légitime défense. Et le droit que l'Ukraine a d'exercer ce droit de légitime défense est conforme à l'article 51 de la Charte des Nations Unies.

C'est pourquoi notre soutien se poursuivra dans tous les domaines que je viens d'évoquer et les décisions que nous avons prises ces dernières heures, formalisées ensemble aujourd'hui, s'inscrivent exactement dans ce cadre. Notre soutien se poursuivra également dans les domaines économique, humanitaire et de reconstruction. Des réunions se sont tenues là aussi avec les principaux acteurs. Nous avons décidé avec l'Ukraine de mettre en place de nouveaux outils permettant d'accompagner la transformation de l'économie ukrainienne. Nous allons signer un accord de création d'un fonds doté de 200 millions d'euros à destination des entreprises qui souhaitent exporter et investir dans les infrastructures critiques du pays, dans les secteurs des transports, de l'énergie, de la santé, du déminage. Et compte tenu de l'urgence, nous avons décidé que 60 millions d'euros de ce fonds seraient consacrés à la priorité énergétique.

Nous avons décidé d'élargir le mandat de l'Agence française de développement à l'Ukraine et l'AFD commencera à financer dans les prochaines semaines des projets structurants, en particulier au niveau local. Nous avons également décidé le déploiement d'une vingtaine d'experts techniques auprès des ministères clés pour accélérer la convergence des standards européens dans les secteurs stratégiques.

Tu peux compter, cher Volodymyr, sur le soutien de la France pour mobiliser le secteur privé. Les entreprises françaises sont déjà le premier employeur étranger dans ton pays. Elle croit en son avenir, comme en attestent les nouveaux projets qui ont été annoncés aujourd'hui et la réunion de haut niveau qui s'est tenue au Quai d'Orsay tout à l'heure avec des annonces fortes dans le domaine numérique et des transports.

Enfin, nous avons discuté avec le Président des prochaines échéances diplomatiques, le prochain sommet du G7, le sommet pour la paix, qui se tiendra à l'initiative de la Suisse, et je l'en remercie à nouveau. Et dans ces deux sommets, je serai à tes côtés. Ce sera une étape importante pour évoquer les conséquences globales de la guerre d'agression que mène la Russie. C'est notamment le cas en matière de sécurité et de sûreté nucléaire, un sujet sur lequel la France est particulièrement engagée. Je pense aussi aux questions de sécurité alimentaire, des aspects humanitaires du conflit pour lesquels nous devons mobiliser toute la communauté internationale.

Cela, ces rendez-vous, doivent être un moment pour continuer de bâtir ensemble la perspective d'une paix juste et durable, c'est-à-dire une paix conforme au droit international qui rétablisse l'Ukraine dans ses droits, de façon à ne pas encourager la guerre d'agression de la Russie ou tous ceux qu'elle pourrait inspirer. Nous le ferons là aussi, en mobilisant le plus de pays possible. Et tu peux compter sur le soutien de la France. Nous continuerons de le faire dans les rendez-vous diplomatiques qui s'annoncent dans les semaines et les mois qui viennent.

Monsieur le Président, cher Volodymyr, je veux à nouveau te remercier de ta présence en France hier et aujourd'hui, des très bonnes réunions qui se sont tenues avec les ministres et de ton discours à notre Assemblée nationale et de la mobilisation de tous ici aux côtés de l'Ukraine. Ce soutien date du premier jour et il durera jusqu'au dernier, car il y aura un dernier jour, celui d'une Ukraine heureuse et enfin libérée. Et j'espère aussi que les commémorations d'hier ont pu vous donner cet espoir, celui de vivre ce jour. Et il viendra, et je le disais hier, ce qu'on appelle le jour le plus long est un jour sans fin, car les guerres de liberté continuent. La vôtre est indispensable. Elle est nécessaire à la paix en Europe et à la sécurité de la France. C'est pourquoi nous vous remercions de la mener avec courage et que nous sommes et continuerons d'être à vos côtés. Merci, Monsieur le Président, cher Volodymyr.


Animateur
Messieurs les Présidents, merci. Nous allons désormais passer aux questions.

Journaliste
J'ai deux questions. Une question pour le Président ZELENSKY et l'autre pour le Président MACRON. Vous étiez en Normandie, vous avez parlé du sommet de la paix. Quels efforts sont nécessaires de la part de la Communauté internationale pour que les résultats de ce sommet, la semaine prochaine, soient résultatifs ?

Monsieur MACRON, Monsieur le Président, toute l'Ukraine s'attend à ce que vous veniez en Suisse et à ce que vous veniez en Ukraine. Et en ce qui concerne la Suisse, quelle est votre attente, quelle est votre expectative en tant que grand stratège et défenseur de l'Europe ? Quelles perspectives vous paraissent réalistes pour obtenir une paix de longue durée ?

Emmanuel MACRON
Je serai en Suisse et je viendrai en Ukraine. Et je considère que le sommet qui s'organise en Suisse est une étape importante pour bâtir cette paix durable. Et j'attends de ce sommet une mobilisation la plus large possible, comme l'a dit le Président à l'instant, qu'on puisse trouver des accords sur des briques essentielles de cette paix durable, la question nucléaire, la sécurité des infrastructures civiles, la sécurité alimentaire. Qu'on ait une première discussion stratégique sur les questions de garantie de sécurité et qu'on définisse aussi un processus dans le temps et qu'on organise les prochaines étapes, car c'est une première réunion. Il faut très vite ensuite qu'on puisse jalonner le chemin. Voilà ce que j'attends de cette réunion.

Journaliste
Bonsoir, Monsieur le Président, Monsieur le Président MACRON, pouvez-vous nous préciser combien de Mirage la France compte céder à l'Ukraine et quels autres pays vont s'associer à cette coalition dont vous parliez hier soir ? Et s'agissant de l'envoi d'instructeurs militaires en Ukraine, même, vous avez fait état hier d'une demande formelle du Président ZELENSKY. Êtes-vous prêt à y répondre favorablement et à quelle échéance ? On sait que cette question était en débat depuis un certain temps. Où en sont vos discussions avec les autres alliés européens, américains qui émettent d'importantes réserves ? Et allez-vous en parler demain avec Joe BIDEN, quand vous le recevrez ? Et la France est-elle prête à le faire, à envoyer des instructeurs militaires toute seule, le cas échéant, si les autres pays ne suivent pas ? Et Monsieur le Président ZELENSKY, avez-vous parlé de cette question aujourd'hui avec votre homologue américain et avez-vous eu l'impression d'avoir été entendu ? Merci.

Emmanuel MACRON
Sur les Mirages de 2000-5, je ne vous donnerai ici ni le nom des partenaires, ni un chiffre définitif par souci d'efficacité. Je m'en excuse, mais je sais que vous le comprendrez. Nous avons acté les choses, les besoins et donc la priorité est de commencer tout de suite les formations des pilotes et des mécaniciens. C'est ce qui va être lancé dans les prochains jours en France, puisque c'est une formation technique qui se dispense sur nos sites pour être très explicite sur ce sujet. Et nous aurons évidemment derrière à finaliser à la fois les capacités que la France va mettre à disposition elle-même et les discussions qui ont déjà commencé il y a plusieurs mois avec plusieurs de nos partenaires sur ce sujet. Je ne serai pas plus explicite à date et nous avons toujours eu pour façon de faire de communiquer sur les chiffres numériques une fois qu'ils ont été livrés et consommés. C'est plus efficace et ça donne moins de visibilité à l'adversaire. J'ai fait la même chose sur les missiles à l'instant.

Sur ce qui est des instructeurs sur le sol ukrainien. C'est une discussion que nous avions eue le 26 février dernier, vous vous en souvenez. Je note que le Président ZELENSKY et son ministre de la Défense ont exprimé de manière explicite les besoins de l'Ukraine en la matière, pour une raison simple qu'on peut tous comprendre, l'Ukraine est en train de mobiliser beaucoup plus fortement et va avoir à former des dizaines de milliers de nouveaux soldats. Il est donc beaucoup plus efficace et pratique sur certaines capacités, dans certaines conditions, de former sur le sol ukrainien. C'est une demande légitime.

Deuxième chose, j'ai toujours la même grille de lecture. Nous ne sommes pas en guerre avec la Russie. Nous ne voulons pas d'escalade, mais nous voulons faire tout ce qui est en notre capacité pour aider l'Ukraine à résister. Est-ce que quand l'Ukraine nous demande de former sur son sol souverain, des soldats mobilisés, c'est une escalade ? Non, ce n'est pas de déployer des gens et des soldats européens ou alliés sur la ligne de front. C'est reconnaître la souveraineté de l'Ukraine sur son territoire. Qui serions-nous pour céder aux invocations ou aux menaces de la Russie qui de facto, déciderait donc que l'Ukraine n'a plus aucune souveraineté pour accueillir un jour une entreprise et un autre jour des instructeurs ? Ce n'est pas dans la ligne que nous avons fixée. On essaie d'être cohérent. Donc c'est une demande légitime et elle rentre dans le cadre de la ligne qui a toujours été la nôtre.

Troisième point, nous souhaitons, par souci d'efficacité, avoir une coalition et plusieurs de nos partenaires ont déjà donné leur accord. Et par respect pour eux, je ne vais pas vous dire que la France le ferait seule, parce que je sais d'ores et déjà que nous ne sommes pas seuls et donc nous allons utiliser les jours à venir pour finaliser une coalition la plus large possible qui aura vocation à accéder à la demande de l'Ukraine, dans le cadre qui est toujours le nôtre depuis le début, que je viens de rappeler.

Journaliste
Bonjour, ma question et au sujet de pays du Sud qui ne soutiennent pour l'instant pas les efforts de l'Ukraine pour retrouver son indépendance et son intégrité territoriale. Alors, je voulais savoir est-ce que la diplomatie française participe pour aider l'Ukraine à changer la position de ces pays du Sud et je pense en particulier à l'Inde et aux pays africains où la France a toujours beaucoup d'influence ? Merci.

Emmanuel MACRON
Vous pouvez compter sur nous sur ce sujet. Nous l'avons fait sans relâche depuis le premier jour et j'ai pu le faire au Brésil où j'étais en visite d'Etat il y a quelques mois, en Inde, où j'étais aussi en visite d'Etat en début d'année, avec également tous les pays africains. Mais au-delà, nous avons depuis le premier jour déployé cette diplomatie pour expliquer que ce conflit n'est pas un conflit qui ne touche que l'Ukraine. C'est un conflit qui consiste à savoir pour la communauté internationale, si elle veut l'ordre et est-ce que nous avons signé par la Charte ou la loi du plus fort ? Nous, nous pensons pour la paix et partout, ce n'est pas la paix, simplement à la frontière entre l'Ukraine et la Russie, mais la paix partout dans le monde est défendue si on défend nos règles. Donc oui, nous nous déployons pour ce faire et pour montrer qu'il n'y a pas non plus de double standard.

Ce qui fait qu'on s'intéresse aussi et que nous nous engageons même également sur d'autres conflits. On arrive à convaincre quand on montre que nous n'avons pas pour des conflits qui touchent parfois ces pays-là, une indifférence pour les conséquences que le conflit peut avoir sur eux, ce qu'on fait depuis le premier jour. Et donc, nous déployons cette énergie à la fois pour la conférence en Suisse, mais surtout, plus largement, pour que tous ces pays comprennent que nous sommes en train de faire, le juste combat que mène l'Ukraine pour se défendre et accompagner les initiatives que nous prendrons dans les mois qui viennent.

Journaliste
Bonsoir Monsieur le Président. Tout d'abord merci pour les cérémonies en Normandie très impressionnantes et significatives à l'heure actuelle et surtout pour l'Ukraine. Merci Monsieur le Président de la République. C'est une question pour vous. Vous avez indiqué hier que l'engagement renforcé de la France envers l'Ukraine n'est pas source d'escalade, mais pour le Kremlin, pour les propagandistes russes, au contraire, je cite : " La France est prête à s'engager directement au conflit ". Quant à vous, est-ce que cet engagement renforcé n'est pas cependant source d'engrenage ? Et par ailleurs, comment vous interprétez l'arrestation de Laurent VINATIER, chercheur français à Moscou ? Est-ce, selon vous, une réponse aux décisions de la France d'envoyer des Mirages et de former davantage de soldats ? Peut-être est-ce une vengeance poutinienne ? Les Français sont-ils en sécurité en Russie de POUTINE aujourd'hui, selon vous ? Et Monsieur le Président ZELENSKY, POUTINE vous a nommé comme le Président illégitime. On est d'accord que POUTINE, il est illégitime, mais quand même, votre réaction, Monsieur ZELENSKY ? Merci.

Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. Vous l'avez d'ailleurs dit vous-même dans votre question. Les propos que vous rapportez sont ceux de propagandistes, le propagandiste fait de la propagande. Depuis le premier jour, la méthode de la Russie, c'est d'intimider pour nous neutraliser, c'est d'intimider nos opinions publiques, nous tous, pour que nous n'aidions pas l'Ukraine. Si nous avions suivi les intimidations russes depuis le premier jour, nous n'aurions livré à ce jour aucun char de combat, aucun canon, aucun avion pour ceux qui ont commencé à le faire, aucun missile de longue portée. Et je ne suis pas sûr que l'Ukraine serait dans la situation où elle est aujourd'hui sans cela. Nous avons donc systématiquement eu raison de ne pas céder aux intimidations des propagandistes.

Ce qui m'importe, c'est d'être cohérent dans la stratégie qui est la nôtre et dans le cadre que nous nous sommes donnés. Aider l'Ukraine à résister, car cette guerre est existentielle pour nous, et ne jamais être, nous, la source d'escalade. Je considère que toutes les décisions prises et les annonces faites sont strictement dans ce cadre. C'est la Russie qui a intensifié son effort de guerre et ses frappes. C'est la Russie qui, systématiquement ces dernières semaines, s'attaque aux infrastructures civiles, ce qui, je le rappelle, est un crime de guerre. C'est la Russie qui maintenant a décidé de frapper depuis son sol ces infrastructures et les civils ukrainiens. Nous ne pouvons pas laisser l'Ukraine sans réaction et sans aide.

Donc, je pense que tout ça est un signe de nervosité et la poursuite d'une stratégie d'intimidation qui ne fonctionne pas à l'égard des Européens et de leurs alliés. Pour ce qui est de notre ressortissant qui a été arrêté hier, nous avons évidemment demandé des clarifications immédiates. Nous avons ensuite demandé à ce que toutes les protections consulaires d'usage puissent lui être apportées. Comme je l'ai déjà dit à certains de vos confrères, il s'agit en effet d'un de nos ressortissants qui travaille dans un cadre universitaire et pour le compte d'une organisation non-gouvernementale située en Suisse. Il mérite toutes les protections et en aucun cas les rumeurs, là aussi, et les éléments de propagande qui ont été donnés sur lui ne correspondent pas à la réalité. Et donc, nous appelons à la clarification de tous les éléments par la Russie et à sa libération la plus rapide.

Journaliste
Monsieur le Président ZELENSKY, vous venez de dire que vous espériez que le sommet, dans une dizaine de jours en Suisse sur la paix soit un premier pas vers ce que vous appelez une " paix juste ". Est-ce que vous pourriez nous dire concrètement ce qui pour vous serait acceptable dans le cas d'une paix juste ? Quelles concessions vous seriez prêt à faire à la Russie ? Et est-ce que vous estimez qu'aujourd'hui, au regard de la situation sur le terrain, c'est le bon moment pour se mettre à la table des négociations avec la Russie ? Et puis, vous avez aussi reproché récemment aux pays occidentaux de vouloir vite finir cette guerre. Est-ce que vous vous sentez sous pression de la part de vos alliés occidentaux ? Et Monsieur le Président MACRON, est-ce qu'une telle pression existe pour que cette guerre se termine vite ? Je vous remercie.

Emmanuel MACRON
Je vais répondre très simplement sur la question qui m'est adressée. Oui, il y a une très grande pression qui s'exerce pour que cette guerre se termine vite, sur Vladimir POUTINE, parce que c'est lui qui l'a lancée, c'est lui qui a violé les frontières internationalement reconnues et c'est lui qui agresse un peuple souverain. Donc, la pression, elle existe mais sur Vladimir POUTINE. On ne va pas mettre la pression sur un peuple, une armée, des dirigeants qui défendent leur peuple. Et c'est le distinguo que j'ai toujours fait.

La France, elle est du côté de la paix. Mais la paix, ce n'est pas la capitulation de celui qui est agressé. Parce qu'à ce moment-là, c'est la fin du droit international, c'est la reconnaissance de l'état de fait, de la loi du plus fort. Il n'y a qu'une paix pour nous tous qui avons été envahis dans notre passé, qui avons résisté. Et c'est cette résistance, l'effort des courageux et des braves, la jonction de cet effort avec ceux des Alliés, qui a permis de construire l'ordre international dans lequel nous vivons et qui est source de paix partout.

Donc nous, nous ne croyons pas à l'état de nature. L'état de nature, c'est la loi du plus fort. C'est impossible, c'est la guerre partout, tout le temps. On est pour l'ordre international, les règles, la Charte des Nations Unies, signée et ratifiée par la Russie également. Elle l'a violée, cette charte, et elle la viole chaque jour. Et donc, la pression est énorme et tous les partisans de la paix ne devraient avoir qu'un langage dans notre pays, non pas de celui de nous dire : " n'aidez pas l'Ukraine ", " le dirigeant ukrainien va trop loin " ou ceci ou cela.

On connaît ce camp des pacifistes, c'est celui des capitulards. C'est l'esprit de défaite. Pas chez nous. Nous sommes pour la paix, conforme au droit international, mais qui reconnaît le droit légitime d'un peuple à résister quand il est agressé. C'est la seule paix qui vaille. Et donc, la pression que nous exerçons, elle est sur la Russie, ses dirigeants. Qu'ils soient à la hauteur de leur histoire, qu'ils ne viennent pas trahir justement le formidable message que le peuple et l'armée soviétique a donné à l'époque, a donné en 1944, lorsqu'elle a résisté au joug nazi. Il n'y a que cette paix-là qui vaille et la pression est extrême sur le dirigeant qui nous empêche de l'avoir.