Texte intégral
Q - Monsieur le Ministre, bonsoir.
R - Bonsoir.
Q - Vous demandez un cessez-le-feu depuis des mois maintenant. Qu'est ce qui le rend encore plus urgent maintenant ?
R - On est venu avec une délégation française, mais aussi avec le ministre des Affaires étrangères britannique pour demander un cessez-le-feu et la libération des otages. C'est d'autant plus nécessaire maintenant que s'est ajoutée à la question humanitaire qui était déjà une vraie question, la question aussi de la situation à Gaza, une situation régionale, et donc le risque de guerre et d'embrasement de toute la région. Donc l'ensemble des délégations sont en train de discuter à Doha et pendant ce temps, nous sommes, y compris en Israël, j'étais hier au Liban pour passer un certain nombre de messages sur la désescalade et la volonté de la France de porter avec les Britanniques en l'occurrence ici le cessez-le-feu et la paix dans la région.
Q - Les diplomates français ont été d'un très grand courage à Gaza aujourd'hui. Ce territoire leur est, pour la plus grande partie, fermé, ainsi qu'aux journalistes indépendants. Ce n'est pas une situation normale. Est-ce que c'est le moment de demander un accès libre pour ouvrir la bande de Gaza ?
R - Oui, évidemment. C'est un message qu'on a passé également, conjointement avec les Britanniques, et cela nécessite aussi un cessez-le- feu pour pouvoir avoir une sécurisation à la fois pour les journalistes, mais pour l'aide humanitaire. L'ensemble des dispositifs sont opérants. Ils sont d'ailleurs dans les points de passage à Gaza. Il faut maintenant que ce soit ouvert, que ce soit libre. Et pour cela, il faut un accord global, un accord global qui concerne également Israël mais aussi les messages ont été passés au Hezbollah, à l'Iran. Le Président de la République s'est exprimé, il a eu son homologue au téléphone, et l'ensemble des paramètres doit être maintenant au clair pour pouvoir obtenir ce cessez-le-feu.
Q - Vous demandez des choses à Israël en retour. Quelles sont les garanties que vous offrez demain si l'Iran attaque avec une encore plus grande ampleur qu'en avril ? Pour être très concret, est-ce que les avions de guerre français décolleront pour abattre des missiles et des drones iraniens ?
R - D'abord, nous avons été aux responsabilités le 13 avril dernier, mais la question n'est pas celle-là aujourd'hui. Nous allons oeuvrer diplomatiquement pour éviter justement cette attaque. Donc c'est un peu indécent de parler aujourd'hui de la riposte ou même de l'aide qu'on pourrait donner à la fois à Israël ou à l'ensemble des pays de la région, puisque la diplomatie doit faire oeuvre. Et nous sommes en train de travailler justement à ce que cette attaque n'intervienne pas.
Q - Mais sur le principe, Monsieur le Ministre, est-ce que la France sera militairement aux côtés d'Israël pour contribuer avec les autres, les Américains, les Anglais qui sont là à vos côtés, pour défendre Israël ?
R - Je vous l'ai dit, nous avons été au rendez-vous le 13, mais encore une fois, tout doit être fait diplomatiquement pour éviter cette attaque.
Q - Le ministre israélien extrémiste Ben Gvir s'est livré à cette provocation, condamnée d'ailleurs par beaucoup d'Israéliens aussi à l'esplanade des Mosquées. Quel est le message que vous avez passé au gouvernement israélien, où il est toujours ?
R - Nous l'avons passé avec une forme de fermeté, puisque toute provocation est inacceptable, et encore plus en ce moment que se joue d'ailleurs la paix. Et nous avons, avec des mots très fermes, avec mon homologue britannique, condamné toute provocation qui était déjà inacceptable avant. D'ailleurs l'Europe a pris des sanctions contre les colons violents en Cisjordanie et nous continuerons à le faire. On est dans un moment particulier et toute provocation, qu'elle soit d'ailleurs politique, militaire, sécuritaire dans cette zone va contre justement un accord plus global, un accord de paix et la désescalade.
Q - Il y a aussi ces dernières heures les violences des colons juifs en Cisjordanie. Comment obtenir enfin la fin des colonies illégales ?
R - D'abord, je tiens à le dire, la colonisation ne va pas favoriser la paix et nous avons eu depuis le début un message de fermeté. Encore une fois, je vous l'ai dit, l'Union européenne, la France a pris ses responsabilités pour condamner les colons violents dans cette période. Nous l'avons fait également envers des acteurs du Hamas et nous continuerons à le faire. Et donc les messages de fermeté ont été passés. Nous avons appelé à la responsabilité de l'ensemble des acteurs, y compris des Israéliens, de ce point de vue-là. Je pense que pendant que des discussions ont lieu, tout le monde doit rester vigilant, responsable. Et donc c'est une confiance mutuelle qui doit s'opérer. Et nous avons été là pour le rappeler.
Q - Les dangers islamistes, le Hamas bien sûr, si grand danger qui opère depuis Gaza, mais aussi le Hezbollah au nord, au Liban, quel est l'avertissement que la France lance au Hezbollah ? Une des principales menaces sur Israël.
R - Cela fait plusieurs mois que la France fait des propositions dans le sud Liban. Nous avons été à l'initiative maintenant depuis plusieurs semaines et depuis plusieurs mois, c'est mon troisième déplacement dans la région ; nous avons formulé des propositions à la fois à la partie israélienne et à la partie libanaise. Ce n'est pas nous qui négocions évidemment, mais nous sommes à l'initiative diplomatique. Ces propositions ont eu un bon écho au Liban, hier, puisque l'ensemble des participants à mes réunions, l'ensemble des responsables politiques libanais, nous ont donné un accord de principe sur ces propositions. Encore là, avec les responsables israéliens, nous avons réussi à trouver une voie de passage pour y compris leur dire que la seule alternative, c'était d'accepter ces propositions françaises qui étaient faites. Donc les choses sont sur la table. Maintenant, il faut de la bonne volonté. Encore une fois, le moment est critique. Il peut y avoir un embrasement de la région, une déstabilisation de la région avec des conséquences importantes, y compris pour les Européens. Et donc les garanties de sécurité doivent être données de part et d'autre. Nous sommes là à faire des propositions, et je crois que la France a été au rendez-vous de sa diplomatie via ces propositions et via notamment les propos qu'a pu tenir également mon homologue britannique dans ces rendez-vous, qui a partagé avec moi ces objectifs.
Q - Stéphane Séjourné, l'Iran, évidemment, c'est la grande question, Haniyeh a été tué sur son sol. Il y aura d'une façon ou d'une autre une réaction iranienne. On peut difficilement imaginer autre chose. Où est pour vous la limite, c'est-à-dire la limite qui ferait basculer dans la guerre générale ?
R - Vous savez, souvent, les conflits ont été provoqués par des tiers qui ont été mal évalués, des problématiques qu'on n'a pas voulues forcément. Tous les messages de désescalade montrent que nous souhaitons que la riposte ne soit pas opérante, que la riposte soit la plus faible possible, voire inexistante. Nous oeuvrons à cela et nous pensons justement que les Iraniens pourront écouter cet objectif. Le Président de la République a eu son homologue au téléphone. J'ai eu également un certain nombre de contacts avec des gens proches du Hezbollah au Liban. Donc toutes ces questions-là, et en tout cas ces objectifs maintenant sont dans les mains des acteurs régionaux. Mais notre responsabilité a été de passer des messages très clairs. Nous l'avons fait.
Q - Avec les Iraniens, vous parlez directement ?
R - Le Président de la République a eu son homologue, il l'a dit d'ailleurs publiquement.
Q - Et vous ?
R - Non, je n'ai pas eu de message particulier, puisque je n'ai pas eu encore d'échange avec mon homologue iranien.
Q - Monsieur le Ministre, un mot de conclusion, vous êtes là dans cet hôtel "King David", c'est vraiment un lieu tellement historique depuis les années 30, tant de gens ont essayé de faire la paix, cela ne s'est pas fait, etc. Il y a ce lieu commun qui dit : la France, c'est fini maintenant, ce sont les Etats-Unis qui sont le poids et puis les anciennes puissances coloniales ; la France, l'Angleterre qui est avec vous, c'est un peu le vieux monde. Est-ce que la France compte encore ? Expliquez-nous le rôle historique qu'elle peut avoir maintenant ?
R - Oui, la France compte encore. Evidemment, les Américains ont un rôle important puisqu'ils ont aussi beaucoup de leviers de pression possibles sur l'ensemble des acteurs. Mais la France compte. La France a aussi une responsabilité historique par rapport au Liban, d'où aussi mon passage au Liban avant de venir ici en Israël. J'ai d'ailleurs dit aux autorités israéliennes les demandes des Libanais. Essayer de créer un canal de discussion entre les uns et les autres, c'est cela aussi la diplomatie. Parler aussi à des gens qui n'ont pas la même idée que vous, qui sont des fois des opposants politiques, mais c'est aussi pour la paix. Je crois que c'est aussi le rôle de la France de se saisir de ce moment politique et diplomatique important et qui doit permettre la désescalade, en tout cas dans la région, mais surtout la paix, comme je le disais.
Q - Monsieur le Ministre, merci beaucoup d'avoir été avec nous en direct de Jérusalem, ce soir. Merci.
R - Merci à vous.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 août 2024