Texte intégral
Madame la ministre,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Madame la préfète,
Monsieur le maire,
Mesdames et messieurs les élus municipaux, départementaux et régionaux,
Monsieur le chef d'état-major de l'armée de l'Air et de l'Espace,
Officiers généraux, officiers, sous-officiers et aviateurs,
Monsieur le Président directeur général de Dassault Aviation,
Mesdames et Messieurs les représentants des associations patriotiques,
Chères familles
Lorsqu'un avion prend son envol, sur le tarmac de cette base aérienne, sur celui de la base aérienne 113 de Saint-Dizier, comme sur n'importe quel autre, c'est une nouvelle dimension qui s'ouvre. C'est un souffle qui, l'espace d'un instant, se coupe, un coeur qui bat plus vite, des pupilles qui s'écarquillent. C'est une promesse qui se réalise chaque fois que la pointe du radôme s'élève, et fixe le bleu d'un ciel qu'il faudra conquérir à chaque envol.
Il n'y a pas de vol normal.
Il n'y a pas non plus d'aviateurs normaux. Qui pilote un avion a connu au fond de lui-même l'appel des hauteurs et l'envie irrationnelle de faire face à la gravité. Chaque pilote, chaque mécanicien, chaque contrôleur aérien, s'engage, de toute sa force et de toute son âme, pour réussir ce pari fou – à la fois technique, militaire et humain – que représente à chaque fois l'envol d'un avion de chasse.
Car il n'y a pas de vol normal.
Le commandant Mabire et le capitaine Laurens étaient de ces pilotes que rien n'arrête, deux hommes aux yeux rivés vers le ciel, plein de rêves et d'ambitions pour servir - dans l'exiguïté d'un cockpit – la France et son armée.
L'un comme l'autre avait rêvé de devenir pilote de combat.
Le commandant Sébastien Mabire l'avait su dès l'enfance, lorsqu'à 10 ans à peine, il s'était retrouvé face à un Rafale lors du salon international du Bourget. Sa vocation était née, il l'avait affirmée très tôt à sa famille en s'engageant à 16 ans à l'école d'enseignement technique de l'armée de l'Air et de l'Espace.
Déterminé à devenir pilote de chasse, il a gravi un à un les échelons et les grades, passant les concours pour devenir sous-officier, puis officier, et enfin obtenir les brevets de pilotage qui le mèneront jusque dans le cockpit de ce Rafale qui l'avait tant fait rêver.
Ces 20 ans à servir l'armée de l'Air et de l'Espace ont fait du commandant Sébastien Mabire un officier exemplaire, que chacun de ses instructeurs et de ses supérieurs reconnaissaient comme un aviateur exceptionnel.
Ayant accompli 47 missions de guerre, du Sahel au Moyen Orient, et plus récemment aux frontières orientales de l'Europe, il avait fait de son rêve une vocation. Et de cette vocation, un exemple de rigueur, de mérite et d'excellence, d'abord au sein de l'escadron d'entraînement 3/8 " Côte d'Or ", puis du régiment de chasse 2/30 " Normandie Niemen ", et enfin comme commandant d'escadrille de l'escadron de transformation Rafale 3/4 " Aquitaine ".
Le capitaine Matthis Laurens était animé de cette même passion, lui qui s'est engagé dans les armées en suivant l'exemple de son père. En 2017, il entre dans l'institution comme officier sous contrat à Salon de Provence. Il décroche ensuite le brevet de pilote de chasse en 2021 et après deux années passées en tant qu'instructeur à Cognac, il est affecté au sein du prestigieux régiment de chasse 2/30 " Normandie-Niémen " depuis novembre 2023.
Le capitaine Matthis Laurens était venu à Saint-Dizier pour suivre son instruction au sein de l'escadron de transformation Rafale 3/4 " Aquitaine ". Avec déjà plus de 800 heures de vol, il était considéré par sa hiérarchie militaire comme un pilote au très haut potentiel, destiné à servir le succès des armes de la France sous toutes les latitudes, à l'exemple du commandant Sébastien Mabire.
Un lien singulier les unissait. Un lien comme seuls les militaires en connaissent, celui d'un parrain avec son filleul : mêlant l'exigence d'un instructeur pour son stagiaire à la fraternité d'armes qui unit deux chevaliers du ciel. En volant régulièrement ensemble dans le même avion, ils liaient leur destin l'un à l'autre.
C'est ensemble qu'ils ont pris leur envol ce mercredi 14 août, peu après 9 heures, depuis le tarmac de la base aérienne 113. Ils sont partis vers l'immensité d'azur, où tant de femmes et d'hommes – héros de notre armée de l'Air et de l'Espace – se sont envolés avant eux.
Devant eux brille la carlingue du Rafale du lieutenant-colonel François Chosson, reconnu dans toute l'armée de l'Air et de l'Espace comme un officier d'exception, cumulant plus de 3400 heures de vol et 142 missions de guerre.
Ils sont partis tous les trois en patrouille pour un entraînement au ravitaillement en vol et au combat aérien. Ces missions de combat font le sel de la vie d'un pilote de chasse : la puissance, la vitesse, la précision et le sang-froid qu'elles exigent, justifient les vies de labeur et de rigueur que s'imposent nos pilotes.
La guerre fait de nouveau rage en Europe et au Moyen-Orient. Les menaces terroristes sont toujours présentes. Certains Etats sont proliférants, d'autres multiplient les attaques hybrides et remettent en cause le droit international. Jamais depuis la fin de la guerre froide, autant de risques ont pesé sur notre nation. Et chacun ici sait que face à la plupart de ces dangers, la maîtrise du ciel est clé. Chaque pilote s'y prépare et en assume pleinement la perspective : la chasse est un métier exigeant et dangereux, en opération comme à l'entraînement.
Elle fauche parfois l'un des siens : un chef, un ami, un fils.
Elle nous a pris ce mercredi 14 août deux pilotes, deux frères d'armes : le commandant Sébastien Mabire et le capitaine Matthis Laurens.
Car il n'y a pas de vol normal.
Soldats et aviateurs,
Vous qui avez connu le commandant Sébastien Mabire et le capitaine Matthis Laurens, vous qui avez aimé servir à leurs côtés, vous entraîner et combattre auprès d'eux, vous qui avez admiré ces pilotes que la passion du vol avait transformés en exemples de courage et de professionnalisme, vous qui avez aimé les hommes qu'ils étaient : honorons tous ensemble leur sacrifice !
Et faites vivre leur souvenir : leur droiture et leur discrétion, leur rigueur et leur volonté, tout comme leur fraternité indéfectible jusque dans la mort.
C'est dans ces valeurs que vous honorerez leur exemple !
C'est en les cultivant que vous entretiendrez leurs mémoires.
A vous, lieutenant-colonel François Chosson,
Soyez assuré du soutien de vos frères d'armes et de celui des armées. Comme vos camarades, vous y avez risqué votre vie, avec courage et avec mérite.
A vous, Mesdames, qui perdez votre époux, votre conjoint,
A vous, Mesdames et Messieurs, qui perdez votre fils, votre frère,
A vous, Louise et Victor, qui perdez votre père,
En confiant leurs destins aux armées, en acceptant de donner leur vie pour la Patrie, le commandant Sébastien Mabire et le capitaine Matthis Laurens ont consenti au plus beau don qu'un Français puisse faire pour son pays.
Pour leur sacrifice, vous recueillez la reconnaissance de la Nation.
Elle est immense.
Tout comme votre peine !
Chacun le mesure ici, et nous nous inclinons devant elle avec respect et humilité.
Soyez assurés que nous n'oublierons pas le prix de la vie de ces deux hommes venus de la Manche et du Finistère, qui décidèrent, à peine adulte, de confier leur destin aux armées, et leur vie, à la France.
Ce prix est celui de notre liberté.
Une liberté qu'ils ont défendue et qu'ils s'apprêtaient à défendre partout où le devoir les appelait, rejoignant l'immensité d'un ciel qui les faisait tant rêver.
Et depuis cette base aérienne et celle de Saint-Dizier d'où leurs frères d'armes continueront à s'envoler pour partir défendre nos concitoyens, laissons résonner ces mots :
Honneurs au commandant Sébastien Mabire !
Honneurs au capitaine Matthis Laurens !
Morts pour le service de la République !
Vive la République !
Et vive la France !
Source https://www.defense.gouv.fr, le 23 août 2024