Déclaration de Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt, sur la politique agricole, à Paris le 23 septembre 2024.

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  • Annie Genevard - Ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt

Circonstance : Discours de passation de pouvoir d'Annie Genevard, ministre de l'Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt

Texte intégral

Monsieur le ministre, cher Marc, madame la ministre, chère Agnès, mesdames et messieurs, je voudrais tout d'abord remercier Marc Fesneau, qui s'est montré un ministre attentif à la députée d'opposition que j'étais. Je sais donc tout le respect qu'il porte au secteur agricole.

Je me réjouis à la perspective, chère Agnès, de travailler avec vous dans le périmètre ministériel qui est désormais le vôtre.

Je voudrais tout d'abord vous dire ma fierté d'avoir été nommée à cette fonction par le président de la République, Emmanuel Macron, sur proposition du Premier ministre, Michel Barnier. Je les remercie tous les deux.

J'arrive dans ce ministère, qui est un grand ministère, présent dans chaque département de France, y compris l'Outre-mer, bien sûr. Je salue les services dont chacun connaît le dévouement.

Le contexte est tout à fait particulier. L'attente dure depuis longtemps, une crise sanitaire grave dans l'élevage, trop d'eau dans certaines régions, pas assez dans d'autres, la baisse des rendements dans presque tous les secteurs de production, notamment pour les céréales, nous sortons de la pire moisson depuis 40 ans, mais aussi dans la viticulture. Tout cela fragilise gravement les exploitations et leur trésorerie. Elles subissent le ciseau de prix atones et de l'inflation des charges. L'inquiétude domine. Les attentes sont immenses, je le sais. L'impatience est grande depuis des mois.

Je veux et je dois avancer vite. Je veux faire en sorte que dans les semaines qui viennent, de premiers résultats se voient dans les cours de ferme. Le calendrier électoral a trop pesé sur le monde agricole.

Le chef du gouvernement a toujours ardemment défendu le monde agricole dont il a été, en son temps, le ministre, chacun le sait. Il a compris que les agriculteurs seraient les premiers impactés par les aléas climatiques et la multiplication des crises sanitaires. Il le sait comme moi, qui suis élue d'une terre rurale. Le monde agricole est au bout de la chaîne des difficultés, mais il formera aussi celle des solutions.

Je peux en témoigner. Les agriculteurs me l'ont redit samedi, le jour de ma nomination en ces termes : « on a des problèmes, mais on peut aussi être la solution ».

Je ressens une certaine fierté, elle n'est pas personnelle, cette fierté, elle est celle des agriculteurs et des habitants de cette si belle région du Haut-Doubs d'où je viens. Avec moi, ce sont leurs espoirs, leurs difficultés et leur solidité qui entrent dans ce ministère.

En ce moment solennel, je veux témoigner un soutien indéfectible aux agriculteurs, à tous les agriculteurs quelles que soient leurs régions et la spécificité de leur activité.

C'est avec une égale attention, une même vigueur que je veux les entendre pour ajuster les réponses concrètes, rapides et opérationnelles qu'ils attendent et que d'ailleurs nous construirons ensemble.

J'ai une immense admiration pour cette profession difficile qui subit trop souvent des procès d'intention très injustes, exprimés quelquefois violemment. L'on peut comprendre que ce soit insupportable à vivre. Je partage le sentiment de révolte de certains face à des activistes qui détruisent les moyens de production et l'outil de travail indispensables pour nous nourrir. Sans parler de conflits inutiles sur les sonorités ou les senteurs de la campagne.

Les agriculteurs, par la diversité de leur production, par sa qualité, l'une des plus vertueuses au monde, il faut le rappeler toujours, par l'attention qu'ils portent à la nature qui est leur outil de travail, constituent une richesse économique indispensable au pays et à sa souveraineté alimentaire qu'il nous faut reconquérir pied à pied.

Chaque fois que nous surinterprétons une norme européenne, nous nous glorifions d'être plus vertueux que les autres mais en réalité nous nous tirons une balle dans le pied. Nous l'avons vu avec la filière de la betterave sucrière. N'interdisons pas avant de proposer des solutions, sinon c'est l'impasse.

Par ailleurs, le chantier de la simplification normative est prioritaire. Redonner du sens, du bon sens dirais-je même, à toutes les règles, les dates agronomiques choisies sans réalisme, alléger la paperasse, réduire les interdits : je vais m'y atteler et avec méthode.

Aujourd'hui, quelle que soit la taille de son exploitation, un exploitant agricole est un chef d'entreprise. Je l'ai rappelé souvent lors de l'examen de la loi d'orientation pour la souveraineté agricole dont j'espère bien, et je veux le dire clairement, que nous la mènerons rapidement à son terme. Elle est attendue et je veux, sur ce point, assurer les agriculteurs, les formations professionnelles et syndicales de ma détermination à la faire aboutir.

L'exploitant agricole, le chef d'entreprise agricole croule sous les démarches administratives. Il doit investir et moderniser sans cesse des outils qui sont de plus en plus coûteux. Un tracteur, une moissonneuse, un drone agricole, ce sont de véritables concentrés de technologies de pointe et informatique en constante évolution. Les entrepreneurs agricoles doivent surveiller les marchés, négocier les prix avec de puissants acteurs économiques, combattre une concurrence étrangère déloyale de la part de ceux qui ne sont pas tenus de respecter les mêmes normes. Il faut faire avancer le dossier des clauses miroir.

" Souveraineté alimentaire ", le mot est donc important dans l'intitulé de ce ministère, comme celui de la " forêt ", disparu depuis une dizaine d'années et heureusement réintégré, tant, là aussi, les enjeux sont importants. Je viens d'une région forestière et je le mesure chaque jour. Le réchauffement climatique et ses conséquences sanitaires déciment nos forêts. La recherche doit nous apporter des réponses concrètes sur les espèces durables.

Les agriculteurs sont aussi une profession dont j'admire profondément le sens de la solidarité. On le voit dans le mouvement coopératif, dans la défense des filières et des produits sous signe de qualité. Le travail de filière est essentiel. En tant qu'ancien maire de Morteau, je pense à la saucisse de Morteau, au comté, au morbier, au Mont d'Or, au bleu de Gex, des AOP magnifiques ! Vous comprendrez que j'y attache une importance particulière.

Les cultures de la terre et l'élevage sont les secteurs les plus exposés aux évolutions climatiques et dans certaines régions, aux prédateurs. J'ai aussi le souvenir, cher Marc, de votre venue à Pontarlier lors d'un super comice. Les comices, un moment magique dans nos territoires ruraux et vous étiez venu parce qu'il y avait eu beaucoup de prédations et vous avez raison d'évoquer, de remémorer ce grand moment d'émotion. Ces agriculteurs que je vois solides, déterminés, je les ai vus tout d'un coup fondre en larmes parce qu'ils aiment leurs bêtes, parce que le bien-être animal, c'est leur quotidien. Je pense qu'il faudra que nous reparlions, chère Agnès, de ce sujet important.

Qu'il s'agisse de céréales, de viticultures, des fruits et légumes, des fleurs, les rendements baissent partout à cause du réchauffement climatique planétaire. J'aurai l'occasion d'en discuter de manière approfondie avec les éleveurs la semaine prochaine au Sommet de l'élevage.

Vous savez, le fatalisme n'est ni mon tempérament ni mon engagement politique. Le déclinisme, la décroissance, le renoncement, c'est le contraire de ce que je suis. Je ne renonce jamais quand il s'agit de l'intérêt général.

J'aime le monde agricole comme vous parce que ce sont des hommes et des femmes qui savent se serrer les coudes. Mais je n'ignore pas le sentiment d'isolement face à l'absurde, à l'incohérence, à la perte de sens qui conduit parfois les agriculteurs à des gestes de désespoir.

Le rôle de l'État est de soutenir ceux qui nourrissent la population, pas de les décourager. Notre rôle est aussi d'encourager notre jeunesse à aller vers ces professions qui offrent du sens et des perspectives. C'est pourquoi, et je pense l'avoir démontré tout au long du débat sur le projet de loi d'orientation agricole, j'attache une importance tout à fait particulière à l'enseignement agricole. Sur les quelques 120 comices que j'ai faits depuis que je suis parlementaire, j'ai toujours vu une jeunesse enthousiaste, une jeunesse présente, passionnée, et ça, c'est une richesse dont la France doit s'enorgueillir.

Je ne vais pas détailler maintenant toutes mes priorités. Je vous informe juste que je continuerai à être attentive aux femmes agricultrices, et bien sûr que l'Outre-mer sera dans mes préoccupations. Vous souriez, cher Marc, parce que pendant ce même débat, j'ai souvent parlé des agricultrices qui sont une pièce capitale dans ce secteur d'activité.

Je sais aussi bien sûr que beaucoup se jouera au niveau européen. J'y mènerai une action résolue pour mieux protéger notre agriculture française et faire valoir une vision équilibrée qui n'ignore ni l'approche environnementale ni les nécessités économiques.

Je vais d'abord rencontrer les organisations professionnelles et syndicales et aller sur le terrain au contact des réalités. C'est ma méthode, c'est ce que j'ai toujours fait depuis mon mandat municipal comme maire, il faut aller voir, il faut aller percevoir le terrain pour véritablement comprendre ce qui s'y joue. Je veux donc écouter, voir, faire le point, avant de parler et surtout d'agir, parce que le Premier ministre l'a dit, parler ce n'est pas agir. Et notre mission dans ce gouvernement est d'agir vite quand l'urgence commande et d'agir juste.

Je vous remercie.


Source https://agriculture.gouv.fr, le 26 septembre 2024