Interview de Mme Anne Genetet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à RTL le 4 octobre 2024, sur la sécurisation des établissements scolaires, les menaces à l'encontre des enseignants, les assassinats des professeurs Samuel Paty et Dominique Bernard et les atteintes à la laïcité.

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Média : RTL

Texte intégral

AMANDINE BEGOT
C'est l'heure de l'invité de RTL Matin, et ce matin, Thomas, vous recevez la toute nouvelle ministre de l'Education nationale, Anne GENETET.

THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenue à vous, Madame la Ministre de l'Éducation nationale.

ANNE GENETET
Bonjour Thomas SOTTO.

THOMAS SOTTO
Et merci d'avoir choisi RTL pour votre toute première interview. J'aurais aimé commencer cette interview par des solutions, mais l'actualité nous ramène d'abord au problème de l'école. Regardez la Une du Progrès ce matin : « Le chaos devant le lycée Marcel Sembat à Vénissieux ». Il y a eu des tirs de mortier, des jets de pierres. Hier, une voiture a été brûlée à proximité de l'établissement. Les syndicats disent avoir prévenu le rectorat à de nombreuses reprises du risque d'incidents graves à très court terme. Autre cas, la semaine dernière, on en avait parlé, le collège Mallarmé de Marseille, dont les fenêtres avaient été criblées de plus de 80 balles de plomb. Un établissement qui voisine un point de deal. Aller en cours, enseigner, est-il devenu dangereux aujourd'hui en France ?

ANNE GENETET
Alors, merci de votre invitation ce matin, et permettez-moi tout d'abord de saluer justement tous nos élèves, leurs enseignants, les familles et puis tout le personnel et justement les enseignants et nos élèves qui se posent la question de savoir comment je vais sur le chemin de l'école en toute sécurité. Vous avez évoqué le collège Mallarmé à Marseille, et que j'ai eu longuement, c'était l'un des tout premiers dossiers en arrivant, et on a un sujet sur la sécurisation de nos établissements. Je voudrais quand même dire qu'on a sécurisé plus de 400 établissements depuis l'attentat d'Arras il y a près d'un an maintenant.

THOMAS SOTTO
Il y en avait 500 qui étaient à risque.

ANNE GENETET
Exactement…

THOMAS SOTTO
Donc il y en a 400 déjà qui sont sécurisés.

ANNE GENETET
400 déjà qui sont sécurisés. Absolument.

THOMAS SOTTO
Ça veut dire quoi "sécurisés".

ANNE GENETET
Ça veut dire que, par exemple, on met des caméras, on met des portiques anti-intrusion, on met des alarmes, et puis on a des personnels formés. Et on a aussi un travail à faire avec les collectivités locales, parce qu'il y a la sécurisation de nos établissements. Il y a aussi le chemin pour aller vers l'école. Et d'ailleurs, j'ai pu en parler et avancer sur ce dossier avec mon collègue Bruno RETAILLEAU, ministre de l'Intérieur, puisque c'est…

THOMAS SOTTO
Et concrètement, alors, le chemin, parce que, Mallarmé, il y a un point de deal. Donc, on doit dire aux élèves : « Vous devez cohabiter avec des dealers », c'est ça la réalité. Comment vous sécurisez le chemin ? Comment vous allez le sécuriser ?

ANNE GENETET
Donc ça, c'est tout le travail que nous menons, avec mon collègue Bruno RETAILLEAU, pour que lui puisse, avec également la collectivité locale, avec la mairie, parce qu'il y a dans certaines communes, des polices municipales, il y a parfois aussi des polices dans certaines villes. Donc, c'est tout ce travail, en collectivement, à faire, pour assurer que le chemin de l'école, avec du personnel, on ne doit pas se cacher. Au moment des Jeux olympiques, on l'a vu, plus vous mettez de personnel de sécurité dans la rue, plus le chemin de l'école est sûr. Et c'est…

THOMAS SOTTO
Mais la tendance n'est pas l'embauche. Ça ne vous a pas échappé, Madame la Ministre.

ANNE GENETET
Donc, j'ai absolument bien noté. Ensuite, il faut voir où on déploie les moyens dont nous disposons, et c'est ça le sujet aujourd'hui. Moi, ce que je veux, c'est que le chemin de l'école soit sûr, pour tous, pour toutes, les enfants et les enseignants.

THOMAS SOTTO
Avec quel calendrier ?

ANNE GENETET
Avec quel calendrier ? Mais c'est tous les jours. Ça commence dès demain matin, donc il faut y travailler tous les jours, remonter les situations, les faire connaître. Les syndicats l'ont signalé et c'est comme ça qu'on avancera tous ensemble, en se réunissant ensemble.

THOMAS SOTTO
Vous disiez, il reste donc 100 établissements à sécuriser, qui posent problème. Ça sera fait pour quand ça ?

ANNE GENETET
Ecoutez, on a été à 150 établissements sécurisés il y a quelques mois, on en est à 400 aujourd'hui. Donc vous voyez que la vitesse à laquelle on peut mettre en sécurité nos établissements est relativement rapide. Donc j'espère bien que sur l'année scolaire en cours, on pourra y parvenir. Il en va de la manière d'apprendre en toute sécurité pour nos enfants.

THOMAS SOTTO
L'école n'est plus un sanctuaire. Il y a un an, après l'assassinat du professeur Dominique BERNARD, on s'en était encore rendu compte. Le pays avait été traumatisé. Combien de profs sont protégés ou menacés aujourd'hui ?

ANNE GENETET
Je n'ai pas forcément les chiffres précis de combien de profs, mais ce que je veux dire, c'est que nos professeurs aujourd'hui ont les moyens et vraiment on les encourage à pouvoir parler, parler, parler. Chaque fois qu'un professeur se sent menacé, quelque part, c'est notre République qui recule et on ne peut pas l'accepter. Je ne l'accepterai pas, comme ministre je ne peux pas accepter que nos enseignants se sentent menacés. J'aurais zéro tolérance. Je veux vraiment que ceux qui se sentent au-dessus des lois, comprennent qu'on ne peut pas agresser un enseignant. On ne peut pas agresser un élève, on ne peut pas agresser même nos écoles. C'est les cas que vous citiez tout à l'heure.

THOMAS SOTTO
Et où en est-on des atteintes à la laïcité ? On est à combien de signalements ? Parce que ça, c'est un vrai problème aussi dans les établissements.

ANNE GENETET
C'est une... Et aujourd'hui, il faut le dire, je le dis en toute vérité à ceux qui nous écoutent, la laïcité en France, elle est menacée. Elle a des ennemis, elle a des ennemis politiques, elle a des ennemis religieux. Mais je veux souligner qu'elle a aussi des défenseurs. Et dans nos établissements, j'en ai vu hier au collège Gabriel Havez à Creil, où j'étais en déplacement. On a des jeunes élèves qui sont ambassadeurs de la laïcité, des personnels qui sont référents laïcité. Au niveau de l'Académie, des équipes qui défendent les valeurs de la République, et c'est tous ensemble qu'on fera reculer ces atteintes à la laïcité.

THOMAS SOTTO
Je vous pose ma question : reculer, mais à partir de combien ? Combien de signalements récemment ?

ANNE GENETET
Ce n'est pas une histoire de combien de signalements qui vont définir cela, le travail que l'on mène, pour pouvoir défendre la laïcité.

THOMAS SOTTO
Ça monte, ça baisse ?

ANNE GENETET
Pour le moment, eh bien vous voyez, l'établissement dans lequel j'étais hier, tout le dispositif dont je viens de parler a permis de faire reculer les faits d'atteinte à la laïcité. Donc, on voit que les dispositifs fonctionnent.

THOMAS SOTTO
Mais vous ne nous direz pas si ça monte ou si ça baisse, si ça stabilise.

ANNE GENETET
Il faut le prendre établissement par établissement. Il y a des établissements dans lesquels il y a encore des cas qui montent, et on sait qu'à l'approche notamment du 7 octobre, c'est une menace qui existe réellement. Et je veux dire que les moyens ont été renforcés pour pouvoir assurer la sécurité de nos enseignants et nos élèves.

THOMAS SOTTO
Vous évoquiez le 7 octobre, l'anniversaire des attentats du Hamas en Israël. Il y a eu 3 600 actes racistes et antisémites dans les écoles l'an dernier, contre 1 270 l'année précédente. Est ce qu'il y aura une évocation du 7 octobre dans les écoles lundi ou pas ? Est-ce que…

ANNE GENETET
Absolument. Un dispositif sera mis en place pour... On ne peut pas laisser passer. Ces actes antisémites sont absolument inacceptables, et je veux rappeler que les actes antisémites, ce n'est pas une opinion, c'est un délit. Donc ils doivent être absolument condamnés, sanctionnés. Il y a des sanctions disciplinaires dans les établissements. Eventuellement la justice peut s'en mêler. Et donc oui, il faut vraiment faire comprendre que l'antisémitisme est totalement inacceptable. Moi je serai très ferme comme ministre sur ce sujet.

THOMAS SOTTO
Mais on parlera du 7 octobre et de l'attentat, lundi, dans les écoles ? C'est une consigne que donne la ministre ?

ANNE GENETET
On en parlera. On ne peut pas laisser ça tomber dans les oubliettes de l'histoire, Ça n'est pas possible. Samuel PATY, Dominique BERNARD, toutes les atteintes à laïcité, le nombre de cas qui ont progressé, c'est inacceptable. On ne peut rien laisser passer. Je serai très ferme. D'ailleurs, j'ai demandé hier aux recteurs que je réunissais, de faire, d'avoir une vigilance maximum sur ces sujets-là, de faire une remontée immédiate des cas et d'avoir des sanctions qui soient absolument systématiques.

THOMAS SOTTO
Vous demandez quoi ? Un moment de silence, une minute de silence ? Que les professeurs évoquent le sujet avec leurs élèves ?

ANNE GENETET
Nous sommes en train de caler les modalités, mais il y aura un temps…

THOMAS SOTTO
Il faut faire vite.

ANNE GENETET
Mais absolument, c'est lundi, et vous me permettez de réserver l'annonce aux enseignants. Mais il y aura a priori effectivement un temps de recueillement et un temps de travail aussi pour réfléchir à ce que signifie défendre la laïcité très concrètement.

THOMAS SOTTO
Je voudrais qu'on se dise quelques mots du fond de l'enseignement, questions précises et réponses courtes, si vous voulez bien, Madame la Ministre. Il y a un sujet qui fait débat dans le monde de l'éducation, c'est le choc des savoirs, avec notamment les groupes de niveaux en 6e et en 5e, mis en place par votre prédécesseur d'avant, Gabriel ATTAL. Est-ce que vous allez pérenniser, modifier ou supprimer ce choc des savoirs ?

ANNE GENETET
Alors, d'abord, je veux dire qu'aujourd'hui, mon ambition pour l'école, qu'on soit très clair, c'est assurer la réussite de nos élèves. Et donc j'ai trois priorités : élever le niveau, élever le niveau, élever le niveau. C'est ça la priorité. Et donc le choc des savoirs comprend un certain nombre de dispositifs qui permet de continuer à ça. C'est un dispositif qui permet de travailler sur une forme de justice scolaire. Il permet de hausser le niveau…

THOMAS SOTTO
Les groupes de niveaux, vous gardez ou pas ?

ANNE GENETET
Les groupes de besoins pour nos élèves. Oui, tout à fait, qui permet de travailler en petits groupes de 15 élèves, pour lesquels on a quand même mis 2 300 emplois supplémentaires qui permettent de les assurer. Il y a un certain nombre de retours enseignants qui sont très contents du dispositif. Là aussi, on élève le niveau de nos élèves. C'est l'ambition que je porte.

THOMAS SOTTO
Rapidement encore, la réforme du brevet qui devait entrer en vigueur cette année, pour faire simple, il fallait avoir son brevet pour pouvoir passer en seconde. Ça a été retardé, C'est retardé d'un an ou c'est annulé ?

ANNE GENETET
Alors, d'abord, j'attache beaucoup d'importance au diplôme. Le brevet, c'est le premier diplôme de nos élèves. J'aurai une discussion, une concertation avec les enseignants, avec les syndicats pour voir comment ce diplôme national du brevet doit pouvoir éventuellement évoluer.

THOMAS SOTTO
Donc ça, ce n'est pas encore décidé.

ANNE GENETET
Ce n'est pas décidé.

THOMAS SOTTO
Ce n'est pas encore décidé.

ANNE GENETET
De toute façon, je veux rassurer les familles, pour juin 2025, c'est bien le même brevet, le même diplôme national du brevet que les élèves auront.

THOMAS SOTTO
Est-ce que vous allez généraliser l'interdiction des portables dans les établissements scolaires à partir du 1er janvier ?

ANNE GENETET
Je crois qu'il faut laisser une forme d'autonomie aux établissements. Vous avez des chefs d'établissement qui utilisent, qui ont un travail de réflexion sur l'interdiction du portable. Certains le font déposer à l'entrée, d'autres demandent qu'on ne s'en serve pas. Et je souhaite qu'on laisse une certaine autonomie…

THOMAS SOTTO
Donc c'est à chaque chef d'établissement de gérer…

ANNE GENETET
Chaque chef d'établissement de pouvoir définir ça.

THOMAS SOTTO
Il n'y a pas de consigne générale.

ANNE GENETET
Tout ne se décide pas à Paris.

THOMAS SOTTO
Dernière question. Vous êtes la cinquième ministre de l'Education en deux ans. Pardonnez ma question, mais beaucoup de professionnels de l'enseignement se sont dit, quand ils ont appris votre nomination, pourquoi elle ? Vous étiez plutôt connue pour vos travaux sur la défense et la diplomatie. Et certains disent que vous êtes en fait les yeux et les oreilles de Gabriel ATTAL au ministère de l'Education. Qu'est-ce que vous leur répondez ?

ANNE GENETET
Moi je regarde la totalité de mon parcours professionnel, qui a toujours été tourné vers le service aux autres, vers l'engagement pour les autres. Et comme ministre de l'Education nationale, je m'engage à nouveau pour nos élèves, pour nos enseignants, pour la sécurité de nos établissements. Et c'est ça qui compte. Et je crois que j'ai été choisie et nommée pour mon travail et mes qualités d'écoute et de dialogue. Et c'est ça que je mettrai en œuvre dans mon ministère.

THOMAS SOTTO
La ministre c'est Anne GENETET, ce n'est pas Gabriel ATTAL.

ANNE GENETET
Non, la ministre... D'abord, il y a eu plein d'autres ministres de l'Education nationale. Et encore une fois, je m'inscris dans la politique de l'Education que le président de la République a lancée dès 2017. C'est ça que je porte, faire réussir nos élèves.

THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Anne GENETET d'être venue ce matin sur RTL, et bonne journée à vous.

ANNE GENETET
Merci.

THOMAS SOTTO
Merci.

AMANDINE BEGOT
Pas d'interdiction donc dans les établissements scolaires, pas d'interdiction des portables. C'est ce que vous nous dites ce matin. Ce sera à chaque chef d'établissement de décider.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 octobre 2024