Texte intégral
JULIEN COQUELLE-ROËHM
A Villers-Cotterêts, c'est aujourd'hui en France l'ouverture du 19e Sommet de la Francophonie, l'occasion de réfléchir à l'avenir du français aux quatre coins du monde. 321 millions de locuteurs sur les cinq continents. Le français, cinquième langue la plus parlée au monde. Mais quel défi aujourd'hui pour le faire prospérer ? Notre invité pour en parler ce matin Thani MOHAMED-SOILIHI. Bonjour.
THANI MOHAMED-SOILIHI
Bonjour.
JULIEN COQUELLE-ROËHM
Et merci d'être avec nous. Vous êtes le secrétaire d'Etat chargé de la Francophonie et des partenariats internationaux au sein du nouveau gouvernement français. Le début donc ce matin de ce Sommet de la Francophonie, avec pour thème : " Créer, innover et entreprendre en français ". Un choix donc axé plutôt sur l'économie. Pourquoi ce choix ?
THANI MOHAMED-SOILIHI
Alors, avant de vous parler de la raison de ce choix, permettez-moi de vous parler de la Francophonie, qui est une réalité vivante, qui est partagée par 88 pays de la planète, vous l'avez dit, 320 millions de locuteurs. Donc la francophonie, c'est quelque chose qui permet d'échanger entre les peuples. C'est aussi une organisation à la tête de laquelle se trouve la Secrétaire générale de la Francophonie, qui fait un travail, un travail formidable. Et pourquoi ce choix ? Parce qu'il faut vivre avec notre temps, axé sur la technologie et notamment sur l'intelligence artificielle. Je fais la transition avec ce que votre collègue disait tout à l'heure, par rapport à la Tunisie, hier, avec le président de la République, nous étions un FrancoTech, et c'est le présent, c'est l'avenir de la francophonie. Cette organisation très importante doit aujourd'hui s'adapter avec son temps. Et c'est la raison pour laquelle elle est déclinée sur cette thématique.
JULIEN COQUELLE-ROËHM
En creux de cette question, il y a bien sûr celle du devenir de la langue française dans le monde. Les projections parlent d'un futur où les francophones seraient 715 millions d'ici 2050. Je voudrais malgré tout évoquer cet avertissement lancé il y a quelques jours par l'Observatoire démographique et statistique de l'espace francophone, qui met en garde sur les limites de la seule démographie comme facteur d'expansion du français. Il évoque notamment la stagnation du français dans les pays où les systèmes scolaires sont fragilisés, pour mettre en avant l'importance de l'enseignement, du soutien à l'éducation. Le Sommet de la Francophonie de ce week-end, donnera-t-il lieu à des engagements concrets de la France et des autres Etats membres en la matière ?
THANI MOHAMED-SOILIHI
Cette alerte, nous la prenons au sérieux et c'est pour ça que, sans perdre de temps, dès à présent, au sein de la Francophonie, nous avons entamé un certain nombre d'actions qui, précisément, va permettre d'éviter ce qui est craint.
JULIEN COQUELLE-ROËHM
Lesquelles ?
THANI MOHAMED-SOILIHI
Pas plus tard qu'hier, j'ai signé un prélude à ce sommet, avec des représentants de la Louisiane, un accord pour permettre à des jeunes Français d'aller enseigner le français à la Louisiane. Une autre convention a été signée par l'AFD et des universités, pour encourager l'enseignement du français dans les pays francophones. Donc nous nous préparons. Nous faisons tout pour éviter que ce qui est craint arrive. Et c'est précisément l'un des objectifs de la Francophonie.
JULIEN COQUELLE-ROËHM
Mais il y a aussi la question de l'attractivité du français. Le rapport du Sénat publié récemment, qui donne un certain nombre de recommandations, souligne que les jeunes, notamment en Afrique, ont une approche pragmatique au Français en fonction des débouchés qu'ils proposent. Quand on voit le gouvernement dont vous faites partie promettre un nouveau tour de vis sur l'immigration, quand on voit que des universitaires, des étudiants sont en difficulté pour obtenir des visas pour venir en France. Que faites-vous du risque que cela détourne des étudiants du français faute de débouchés ? N'y a-t-il pas une dissonance entre la volonté de la France d'accompagner l'extension, l'accroissement de la francophonie, et sa politique migratoire ?
THANI MOHAMED-SOILIHI
Alors, au-delà des chiffres que vous avez donnés tout à l'heure, il faut savoir aussi que le français c'est la deuxième langue des échanges internationaux. Et concernant les médias et les organisations internationales, c'est également la deuxième langue. Il n'y a pas de déclin. Vous le savez, le moment contraint que nous traversons avec notre budget, nous allons faire des efforts. Et ces efforts-là, c'est pour permettre justement d'être au rendez-vous demain. Parce que si nous laissons la situation péricliter…
JULIEN COQUELLE-ROËHM
Mais je vous reformule ma question d'une autre manière, quand un étudiant se retrouve dans l'impossibilité de venir étudier en France ou au Canada ou dans un autre pays francophone, et qu'il obtient rapidement un visa par exemple en Chine, il se détourne de l'apprentissage du français pour une autre langue. N'est-ce pas parce que la politique migratoire française peut actuellement créer ?
THANI MOHAMED-SOILIHI
Raisonnablement, nous ne pouvons pas comparer la situation migratoire en Chine, avec celle en France.
JULIEN COQUELLE-ROËHM
La Chine était un exemple.
THANI MOHAMED-SOILIHI
Vous la connaissez. La France se fait l'effort, ce gouvernement fait l'effort de répondre aux préoccupations actuelles des Français. L'immigration fait partie de ses préoccupations et ça serait irresponsable de ne pas agir en fonction de ses préoccupations. C'est pour cela que nous menons une politique en phase avec l'attente, l'attente des Français. Et je vous le dis, dès que la situation ira mieux, notamment sur le plan budgétaire, nous allons reprendre de plus belle les belles actions en matière d'échanges entre étudiants. Mais aujourd'hui, la politique vis à vis des étudiants et des bourses, elle n'est pas sacrifiée. Nous, nous essayons de la maintenir à flot.
JULIEN COQUELLE-ROËHM
En amont du Sommet de la Francophonie, Oxfam dénonce une hypocrisie de la France qui a réduit d'un quart son aide publique au développement depuis deux ans. L'ONG avance que Paris n'a apporté que 1,7 % des financements humanitaires dont les pays francophones avaient besoin. Les chiffres ne sont pas meilleurs ceci dit, pour les autres pays riches de la francophonie. L'ONG parle de 70 millions de francophones dans le besoin d'une aide humanitaire d'urgence. En fait-on vraiment assez pour eux aujourd'hui dans les pays riches de la francophonie, dont la France ?
THANI MOHAMED-SOILIHI
La France fait beaucoup. La France s'engage énormément dans le cadre de la francophonie. Nous aimerions bien évidemment que l'on fasse, que l'on fasse mieux partout dans le monde. Mais comme vous l'avez dit, la France n'est pas seule. Et pour avoir commencé à accueillir les collègues ministres avec Jean-Noël BARROT hier, de la Francophonie, je peux vous assurer qu'ils sont contents d'être là, parce qu'ils savent qu'au sein de cette grande famille, justement, il n'y aura pas de sacrifice et on va se serrer les coudes dans ces moments difficiles, pour un avenir meilleur.
JULIEN COQUELLE-ROËHM
Il nous reste un peu de temps Thani MOHAMED-SOILIHI, pour évoquer un autre sujet qui vous concerne. A votre nomination, le journal Mediapart a rappelé à ses lecteurs ces faits déjà révélés par Ouest France : en 2015, vous avez recruté l'épouse du sénateur Joël GUERRIAU, qui travaillait jusque-là pour lui, quand lui a embauché un de vos collaborateurs mahorais, le tout à la veille des premières déclarations d'intérêts qui contraignaient les parlementaires à faire preuve de transparence sur la composition de leurs équipes. Y a-t-il eu un arrangement, un échange avec Joël GUERRIAU à ce sujet ?
THANI MOHAMED-SOILIHI
Cher monsieur, je n'ai commis aucun acte illégal. Ces faits, qui n'en sont pas, ont été rapportés par Mediapart, à un moment…
JULIEN COQUELLE-ROËHM
Et par Ouest France.
THANI MOHAMED-SOILIHI
A un moment où les textes sur les embauches de proches n'avaient pas été votés. Et en ce qui me concerne, je n'ai jamais, jamais embauché de proches. La femme de Joël GUERRIAU n'était pas une proche. Mon collaborateur n'était pas un proche. Donc vous citez l'article de Ouest France, eh bien Médiapart aurait bien fait de s'en inspirer, parce que l'article de Ouest France a éclairci les choses, voilà une dizaine d'années de cela. Et partir de ces faits, d'il y a dix ans, pour les exhumer par rapport à une affaire pénale, dix ans plus tard, moi je trouve que vraiment, c'est lamentable.
JULIEN COQUELLE-ROËHM
Merci. Merci Thani MOHAMED-SOILIHI pour cette clarification. Vous êtes secrétaire d'Etat chargé de la Francophonie et des partenariats internationaux. Très bonne journée.
THANI MOHAMED-SOILIHI
Bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 octobre 2024