Conférence de presse de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur l'attentat terroriste du 7 octobre 2023 en Israël et le conflit au Proche-Orient, à Jérusalem le 7 octobre 2024.

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Circonstance : Déplacement en Israël

Texte intégral

Au terme d'une tournée régionale au Proche et Moyen-Orient, je suis aujourd'hui en Israël en ce triste jour anniversaire de l'attentat terroriste du 7 octobre, pire massacre antisémite de notre Histoire depuis la Shoah.

D'abord, pour marquer le soutien et la solidarité de la France à l'égard des victimes de cette ignoble attaque, de leurs proches et du peuple d'Israël, je me suis rendu ce matin sur le site du festival Nova, où les terroristes du Hamas ont massacré, violé, fauché la vie de tant de jeunes qui n'aspiraient qu'à la célébrer. Nous les pleurons et nous pleurons nos 48 compatriotes assassinés ce jour-là, auxquels j'ai rendu hommage tout à l'heure.

Dans mes échanges avec les familles des victimes, j'ai été profondément ému par leur dignité et par l'héroïsme et la bravoure de ces jeunes, Français ou Israéliens, qui ont donné leur vie pour que d'autres puissent échapper au pogrom. J'ai gravé dans mon coeur la phrase de Liel, un jeune homme qui a courageusement détourné le feu des assaillants pour sauver ses amis en y laissant sa vie. Je la porte à mon poignet : "Chaque jour où l'on est malheureux est un jour qui ne reviendra pas."

En ce jour, je pense aussi aux otages. À ceux qui ont été libérés. À ceux qui ont été tués, et notamment à Elia et Orion. À ceux qui sont encore retenus captifs depuis un an dans la bande de Gaza, dont nos compatriotes Ofer et Ohad, et à tous ceux qui partagent leur sort, leurs souffrances, celles de leurs proches. Ce sont les nôtres.

Le Président de la République a reçu il y a quelques heures les familles pour leur réaffirmer que la France n'abandonnera jamais ses compatriotes et ne cessera jamais d'exiger la libération de tous les otages.

À titre plus personnel, j'irai ce soir me recueillir devant le Mémorial des Justes à Yad Vashem. Car c'est dans l'engagement des femmes et des hommes qui, dans les heures les plus sombres de l'histoire de mon pays, ont pris tous les risques pour sauver des juifs de la persécution et de la mort, que se trouve la source de mon propre engagement politique depuis 18 ans.

Ce triste anniversaire du 7 octobre est l'occasion de le rappeler : la France est indéfectiblement attachée à la sécurité d'Israël. Elle l'a toujours été, elle le sera toujours.

Ce ne sont pas que des mots. Encore récemment, la France a mobilisé ses moyens militaires, en avril comme en octobre, pour aider Israël à parer les inacceptables attaques balistiques iraniennes. Et nous n'avons cessé d'être en première ligne des efforts internationaux pour empêcher que la République islamique d'Iran accède à l'arme nucléaire, ou pour faire échec à son agenda de déstabilisation régionale. Sur tous ces sujets, j'ai passé des messages extrêmement fermes à mon homologue iranien ces derniers jours.

Je suis venu adresser un autre message, en ami et en partenaire d'Israël. Un message que j'ai adressé ce matin à mon homologue Israël Katz, un message dont je sais qu'il a suscité quelque interrogation, ici en Israël, mais un message de vérité, une vérité que des amis et des partenaires se doivent en toutes circonstances.

Ce message, le voici : la force seule ne peut suffire à garantir la sécurité d'Israël, votre sécurité. Les succès militaires ne peuvent se substituer à une perspective politique pour ramener enfin les otages auprès de leurs proches, pour permettre enfin le retour des déplacés du nord dans leur maison après un an de guerre.

Le temps de la diplomatie est venu. Des solutions politiques existent, mais il reste peu de temps. Et c'est pour les favoriser que j'ai multiplié ces derniers jours les déplacements dans la région : en Arabie saoudite, au Qatar, en Jordanie. Avec nos partenaires, nous sommes prêts à oeuvrer collectivement pour la désescalade et pour la paix dans la région.

Au Liban, la violence menace de précipiter un pays très fragilisé dans un chaos durable, menaçant davantage encore qu'aujourd'hui la sécurité d'Israël. Le Hezbollah porte une lourde responsabilité dans cette situation en ayant entraîné le Liban dans une guerre qu'il n'a pas choisie.

Nous avons mis sur la table il y a dix jours une proposition, endossée par de nombreux partenaires, qui prévoit une cessation des hostilités, ouvrant la voie à un règlement diplomatique durable dont les paramètres, dont les conditions sont connues de longue date. J'exhorte les parties à s'en saisir sans délai et à mettre enfin pleinement en oeuvre la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies.

La France réunira dans quelques jours une conférence internationale de soutien au Liban pour accroître l'aide humanitaire à la population civile, pour appuyer l'armée libanaise sans laquelle ce pays se déliterait, pour favoriser la remise en marche des institutions libanaises et pour continuer de plaider collectivement en faveur d'une cessation des hostilités, dans les conditions que je viens d'évoquer.

À Gaza aussi, la force doit céder la place à la diplomatie. Nous plaidons depuis des mois, comme la plupart des pays du monde, en faveur d'un cessez-le-feu qui permette la libération de tous les otages et l'entrée sans entrave de l'aide humanitaire.

Il faut être cohérent. On ne peut pas appeler à un cessez-le-feu tout en armant les belligérants. Un tel cessez-le-feu ne suffira toutefois pas à garantir la sécurité d'Israël à Gaza. Il faut que l'Autorité palestinienne puisse réinvestir la bande de Gaza. Il faut que s'engagent des négociations en vue d'une solution à deux Etats, la seule qui garantisse une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens. Il faut que cesse la colonisation en Cisjordanie, qui menace la viabilité de cette solution. J'ai évoqué ces sujets avec mes homologues israéliens.

Je me rendrai tout à l'heure à Ramallah où j'évoquerai l'ensemble de ces questions avec le Premier ministre palestinien, après avoir échangé avec le président Mahmoud Abbas il y a 10 jours à New York. Nous ne pouvons accepter les victimes civiles, aujourd'hui si nombreuses, des opérations militaires israéliennes.

Je l'ai dit à mes interlocuteurs : la souffrance des civils doit cesser. Et si nous plaidons, en Israël comme ailleurs, pour le respect du droit de la guerre et du droit international humanitaire, c'est parce qu'une paix et une sécurité durables ne peuvent être fondées que sur la justice.

Des solutions à ces crises existent, je l'ai dit, mais le temps est compté. Et si nous n'y parvenons pas, nous allons droit vers une guerre régionale dont nul ne sortira gagnant : ni Israël, ni l'Iran, ni aucun autre pays du Moyen-Orient, avec de très lourdes conséquences pour le monde, pour l'Europe et pour la France.

Nous sommes au bord de l'abîme. Il est temps d'agir avec responsabilité pour ne pas nous y précipiter.

Mesdames et Messieurs,

Voilà un an qu'Israël et ses voisins sont plongés dans la tragédie. Je pense à toutes les victimes innocentes : israéliennes, palestiniennes, libanaises. Toutes les vies humaines sont égales en dignité. En leur mémoire, pour leurs proches, pour l'avenir de ceux qui restent, pour la fraternité et pour la paix, retrouvons le chemin du dialogue, le chemin de la diplomatie.

Je vous remercie.


Q - (Inaudible)

R - Les violences qui sont commises par les colons extrémistes en Cisjordanie menacent la paix. Elles menacent l'avenir de la solution à deux Etats. Et donc elles menacent aussi la sécurité d'Israël. C'est la raison pour laquelle la France a pris des sanctions à l'égard de 28 colons extrémistes et violents à titre national, et qu'elle a joué un rôle moteur pour l'adoption au niveau européen de deux trains de sanctions visant à la fois des individus et des entités. C'est dans ce même esprit que nous allons continuer à travailler.

Q - (Inaudible)

R - Merci pour votre question. Sur le premier point, qui concerne la responsabilité, d'abord, du Hezbollah. Je l'ai dit : dès le 8 octobre, c'est le Hezbollah qui s'est rendu coupable d'entraîner le Liban dans une nouvelle guerre contre Israël. Je voudrais redire, comme je l'ai dit à Beyrouth la semaine dernière, que la France n'oublie pas les attentats terroristes perpétrés par le Hezbollah. J'ai d'ailleurs, lors de mon passage à Beyrouth, rendu hommage aux 58 militaires français qui ont été assassinés par la branche militaire du Hezbollah.

Vous parlez d'un échec. Je veux d'abord rappeler que nous avons, avec nos partenaires américains, mais beaucoup d'autres pays également du monde arabe, posé sur la table une proposition qui nous paraît paver la voie vers une cessation des hostilités et une paix durable, et donc la sécurité pour Israël, le retour des familles déplacées chez elles.

Cette proposition reste sur la table et nous allons y travailler. Tout particulièrement nous France puisque, comme vous le savez, nous tenons la plume s'agissant de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui fixe les conditions, qui a fixé en 2006 les conditions d'un cessez-le-feu. Et donc, dans ces temps qui viennent, nous appelons les parties au cessez le feu, et nous allons, à partir de cette résolution 1701, jouer un rôle central pour qu'elle puisse être effectivement et pleinement mise en oeuvre.

Sur votre deuxième question, je voudrais prendre quelques instants pour développer le raisonnement que j'ai présenté dans mon introduction.

Premier élément : la France est attachée de manière indéfectible à la sécurité d'Israël. Je vous ai évoqué tout à l'heure notre mobilisation, à la fois en matière militaire, pour aider Israël à parer aux attaques balistiques de l'Iran. Je vous ai également évoqué la mobilisation de la France pour faire échec au projet iranien de constitution d'une capacité nucléaire. Je voudrais ajouter à cela la mobilisation de la France pour dénoncer et faire échec à la désinformation propagée sur Internet par le hameau. Ou encore la mobilisation de la France en mer Rouge pour faire échec aux manoeuvres de déstabilisation provoquées par les Houthis.

Donc, le premier point, c'est le soutien indéfectible à la sécurité d'Israël. Le deuxième point, c'est qu'aujourd'hui, pour garantir la sécurité d'Israël, pour garantir la sécurité des Israéliens, le recours à la force doit céder place au recours au dialogue et à la diplomatie.

Et c'est pourquoi la France, comme la plupart des pays du monde, appelle à Gaza comme au Liban, au cessez-le-feu. Et lorsqu'on appelle au cessez-le-feu, on ne peut pas en même temps fournir des armes offensives aux belligérants. C'est une question de cohérence.

Q - (Inaudible)

R - Je commencerai par la deuxième question, concernant les frappes, les répliques, les ripostes, en vous disant tout simplement que nous exhortons les deux parties, nous adressons des messages très clairs en ce sens, au maximum de retenue, parce que nous considérons que le risque est avéré d'une escalade régionale sur un plan, le plan balistique, puisqu'on parle de cela, qui pourrait faire basculer l'ensemble de la région dans la guerre. Ce qui, je le redis, ne serait dans l'intérêt de personne, ni Israël, ni l'Iran, ni aucun des pays du Moyen et du Proche Orient, et avec évidemment des conséquences pour le monde entier, si une telle escalade devait se manifester.

Et puis, sur la première question, qui concerne le Liban, au fond votre question c'est : qu'y a-t-il de nouveau ? Puisque d'une certaine manière, la 1701 n'est pas une résolution tout à fait nouvelle, ce qu'il y a de nouveau c'est que le Liban est au bord du gouffre, et que l'on soit Israël, que l'on soit l'Union européenne, que l'on soit un pays du Moyen ou du Proche Orient, on a aujourd'hui une responsabilité à agir pour éviter que le Liban ne se retrouve, à un horizon relativement court, dans une situation aussi dramatique que celle dans laquelle la Syrie a pu se retrouver il y a quelques années.

Et c'est pourquoi nous avons estimé utile d'échanger avec les deux parties pour construire, bâtir avec nos partenaires américains et d'autres, une proposition de trêve immédiate, suivie de la pleine mise en oeuvre de la 1701 et de la 2735.

D'ailleurs, et c'est pourquoi ce voyage aujourd'hui est aussi l'occasion d'échanger avec mes interlocuteurs israéliens, pour rentrer dans le détail et comprendre précisément les conditions dans lesquelles, dans la phase de transition et dans la phase de mise en oeuvre et d'application concrète et sérieuse de la 1701, les conditions où les garanties de sécurité permettraient à Israël de pouvoir effectivement ramener les familles déplacées chez elles - et permettre dans le même temps, et c'est tout l'objectif de cette conférence internationale que nous allons convier très prochainement à Paris, permettre au Liban de se choisir un autre destin : celui d'une restauration de ces institutions, celui d'un renforcement des forces armées libanaises appelées à jouer un rôle important, important dans la phase de transition et dans la pleine application de la résolution 1701, et donc dans la mise en oeuvre d'une paix durable entre le Liban et Israël.

Q - Is there another historical reference where a friend and ally, in time of war, called for an armed embargo on another ally ? And second, about two hours ago, Gal Hirsch who is Israel point man for the hostages, said that there is a direct and immediate effect of international pressure on Hamas appetite to enter negotiations. How do you respond to israel's expert on the negotiations, this suggestion that France's words are making it harder to get the hostages out ?

R - Merci pour vos deux questions. Je le disais tout à l'heure : quand on est amis, on doit se dire la vérité en toute franchise. Et il se peut que parfois, des amis n'aient pas tout à fait la même perspective, la même analyse. C'est pourquoi la discussion, la relation étroite que nous avons avec Israël depuis si longtemps, le permet, est utile. Pour nourrir la réflexion et donc éclairer l'action.

Sur ce premier point, qui concerne les otages, j'étais ce matin sur le site du festival Nova. Je crois avoir été le seul membre de gouvernement à faire ce déplacement aujourd'hui, un an après le 7 octobre. C'est vous dire à quel point la France a été marquée et a pleuré avec Israël ses enfants assassinés.

Et c'est pourquoi, en France, aujourd'hui, dans l'Hexagone, dans les Outre-mer, à l'étranger, on pense aux deux otages français qui sont encore retenus. Et c'est sans doute aussi pourquoi nous considérons que le recours à la force n'ayant pas permis la libération de ces deux otages, nous devons donner sa chance à la négociation. Et c'est ce à quoi nous nous emploierons pour l'avenir.

Sur votre première question, qui concernait la question de l'armement, je peux vous refaire le raisonnement comme je viens de le faire. La France se tient aux côtés d'Israël. La sécurité d'Israël, des Israéliens, la sécurité des ressortissants français en Israël, qui sont 180.000 - c'est l'une des principales communautés françaises à l'étranger - est une priorité pour nous.

Nous avons mobilisé des moyens militaires, nous avons été, depuis 10 ans, plus encore, très actifs pour faire échec au projet iranien d'acquisition de la bombe nucléaire. Nous nous mobilisons aussi, je le disais, pour faire échec à la propagande et à la désinformation propagée par le Hamas et par ses complices sur Internet. Nous nous mobilisons en mer Rouge contre ceux qui veulent causer, indirectement ou directement, du tort à Israël.

Mais dans l'intérêt d'Israël, s'agissant du Liban et s'agissant de Gaza, nous pensons qu'un cessez-le-feu sera plus susceptible de nous amener rapidement des garanties de sécurité pour le pays que la poursuite du recours à la force. C'est pourquoi nous appelons, comme la plupart des pays du monde, au cessez-le-feu.

C'est pourquoi nous considérons que lorsqu'on appelle au cessez-le-feu, on ne peut pas en même temps fournir des armes offensives aux belligérants.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 octobre 2024