Interview de M. Marc Ferracci, ministre délégué, chargé de l'industrie, à LCP le 8 octobre 2024, sur l'attentat terroriste en Israël du 7 octobre 2023, la motion de censure contre le gouvernement, la politique budgétaire, l'assurance chômage et la politique industrielle.

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Média : LCP Assemblée nationale

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Et notre invité politique ce matin, c'est Marc FERRACCI. Bonjour.

MARC FERRACCI
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être notre invité. Vous êtes le nouveau ministre délégué chargé de l'Industrie. On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale représentée par Stéphane VERNAY de Ouest France. Bonjour Stéphane.

STEPHANE VERNAY
Bonjour Oriane. Marc FERRACCI, bonjour.

MARC FERRACCI
Bonjour.

ORIANE MANCINI
On va évidemment parler du budget, parler des questions d'industrie, Marc FERRACCI, mais d'abord, au lendemain des commémorations du 7 octobre, on avait évidemment envie de vous faire réagir là-dessus, et notamment au fait que le nom d'Emmanuel MACRON a été hué hier soir lors de la cérémonie organisée par le CRIF. Est-ce qu'en disant à deux jours du 7 octobre qu'il fallait arrêter les livraisons d'armes à l'Israël, le président de la République a commis une faute ?

MARC FERRACCI
Déjà, rappeler qu'on est sous l'émotion de cette commémoration. 96 otages, 48 de nos compatriotes qui ont trouvé la mort le 7 octobre. Deux d'entre eux sont encore retenus par le Hamas, Ofer KALDERON et Ohad YAHALOMI. Je suis particulièrement ému, parce que moi-même, en tant que député, j'ai eu l'occasion de parrainer Ofer KALDERON, et de m'associer aux efforts pour sa libération. Donc, rappeler cela d'abord, et rappeler que tous les efforts doivent être faits pour libérer les otages, en particulier nos deux compatriotes. Ce que le président de la République a rappelé ces derniers jours, c'est que la sécurité d'Israël est évidemment un objectif absolument essentiel, mais que la situation à Gaza doit désormais sortir de cette de cette escalade qui a produit des effets absolument dramatiques pour des milliers et même des dizaines de milliers de Palestiniens qui ont trouvé la mort. Donc c'est au fond la position intangible de notre pays et c'est une position qui s'articule aussi avec la volonté de trouver un cadre politique stable pour la relation entre Israël et les Palestiniens. Et cette solution, c'est important de le rappeler, ne peut se baser que sur la coexistence de deux Etats. Alors…

ORIANE MANCINI
Mais est-ce qu'il fallait le dire comme ça ? Est ce qu'il fallait dire qu'il fallait arrêter de livrer des armes à Israël, d'autant que la France ne livre pas d'armes ? A deux jours des commémorations du 7 octobre, ces huées, hier, à l'évocation du nom du président de la République, est ce qu'elles ne traduisent pas la colère et un sentiment d'abandon de la part des juifs de France ?

MARC FERRACCI
Il n'y a absolument pas d'abandon, non seulement d'Israël, mais aussi et surtout de la communauté des Français juifs. On le sait, depuis le 7 octobre, l'antisémitisme a progressé, le nombre d'actes antisémites a progressé dans notre pays, et tout sera fait, tout sera mis en oeuvre, pour, non pas freiner, mais combattre cette tendance à l'antisémitisme. Donc, moi je vais être extrêmement clair, il n'y a absolument rien qui remette en cause la solidarité de la France avec le peuple israélien. Il n'y a rien qui remette en cause la défense indéfectible de la communauté des Français juifs. Et encore une fois, ce que le président exprime et ce que Jean-Noël BARROT, dans son voyage dans la région, a exprimé ces derniers jours, c'est une ligne extrêmement constante. Israël a le droit de se défendre, mais il faut une désescalade à Gaza. Il faut une désescalade parce que le coût aujourd'hui humain et humanitaire est beaucoup trop lourd.

ORIANE MANCINI
On va parler de l'actualité politique, et notamment à l'Assemblée nationale, puisque cet après-midi, le gouvernement Barnier fera face à sa première motion de censure, issue de la gauche, c'est Olivier FAURE qui va la porter. Une motion de censure qui ne devrait pas passer. Mais est ce que le vote ne va pas illustrer que la survie de votre gouvernement, vous le devez au Rassemblement national ?

MARC FERRACCI
Vous savez, le Rassemblement national n'a pas les moyens de voter la censure. Il y a 125 députés du Rassemblement national 140 avec ses alliés du camp d'Eric CIOTTI. Donc le Rassemblement national n'a pas en réalité les moyens de censurer tout seul la gauche, et en particulier la gauche de gouvernement, a aussi une responsabilité dans la décision de censurer ou pas le gouvernement. Ce que je pense aujourd'hui, c'est que…

ORIANE MANCINI
Enfin là, si le RN vote la motion cet après-midi, vous tombez.

MARC FERRACCI
On sort d'une période d'instabilité, d'instabilité. Nous avons attendu d'avoir un gouvernement. Les Français, je pense, ont envie d'autre chose que cette instabilité. Ils ont envie que le gouvernement se mette à gouverner. Ils ont envie qu'un certain nombre de problèmes trouvent leur solution. Ils ont envie au fond qu'on revienne à une forme de normalité dans le fonctionnement de nos institutions politiques. Et je pense que Michel BARNIER a bien posé les bases de ce nouveau fonctionnement, avec le principe de respect, d'écoute que l'on doit à l'ensemble des forces politiques. L'idée que nous devons construire ensemble des majorités texte par texte sur un certain nombre de sujets. Et donc moi, je ne me situe pas, quand je me lève le matin, dans l'hypothèse qu'une motion de censure sera adoptée, parce que je crois profondément que c'est cet esprit de responsabilité, et l'idée que la stabilité doit prévaloir dans notre pays, qui va s'imposer. Donc voilà, moi je ne fais pas de spéculations sur ce que sera le vote des uns et des autres cet après-midi, mais en tout état de cause, mon travail en tant que ministre, en tant que membre du gouvernement, c'est de donner aux Français la solution à leur problème, qui sera le garant ensuite de la stabilité institutionnelle.

ORIANE MANCINI
Stéphane.

STEPHANE VERNAY
Les deux grands textes budgétaires, le projet de loi de finances et projet de loi de finances de la Sécurité sociale seront présentés en Conseil des ministres jeudi. Quels sont les ajustements prévus qui pourraient avoir un impact sur la compétitivité des entreprises françaises ?

MARC FERRACCI
Alors, comme vous le savez, nous sommes dans une situation budgétaire difficile, difficile au regard des comptes de l'Etat, des collectivités territoriales et de la Sécurité sociale, puisque vous avez évoqué le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Il y a des efforts qui vont devoir être faits. Les efforts porteront principalement sur la réduction des dépenses à hauteur de deux tiers des économies dont nous avons besoin, et un tiers sur des augmentations de recettes à travers des modifications de la fiscalité. Sur les ajustements qui seront faits, moi j'insiste sur un point et en particulier sur tout ce qui pourra toucher les entreprises et en particulier les entreprises industrielles, dont je me préoccupe particulièrement, c'est que les ajustements fiscaux doivent être ciblés sur des acteurs qui ont la capacité de les assumer. On pense en particulier aux grandes entreprises, celles qui font des profits, et ils doivent être limités dans le temps. C'est un élément absolument fondamental. C'est un élément absolument fondamental parce que lorsque vous discutez avec des employeurs, lorsque vous discutez avec des entreprises industrielles en particulier, le message qu'ils vous donnent, c'est que dans leur activité, ils ont besoin de stabilité, ils ont besoin de visibilité. Dans l'industrie, on a un horizon temporel qui n'est pas en mois, mais qui est en année ou en décennies…

ORIANE MANCINI
Mais ça doit être limité à combien ?

MARC FERRACCI
Ecoutez, moi je ne vais pas…

ORIANE MANCINI
Parce que ça va être long, le rétablissement des finances publiques.

MARC FERRACCI
Oui, alors, ça va être long, ça dépend quel horizon on se fixe, ce qu'on a…

ORIANE MANCINI
Michel BARNIER fixe 2029.

MARC FERRACCI
Exactement. 2029, c'est l'objectif que nous nous fixons pour revenir sous les 3% de déficit. Je pense que c'est un objectif raisonnable, qui peut être atteint en faisant des efforts, et qui peut être atteint aussi en ne renonçons pas, j'insiste, à un certain nombre de réformes structurelles qui sont destinées à créer de l'emploi dans notre pays.

ORIANE MANCINI
Mais donc, la contribution, elle doit aller jusqu'en 2029 où ça doit être plus limité ?

MARC FERRACCI
Je ne vais pas, ici, faire les annonces qui seront faites jeudi au moment de la présentation des textes, mais les principes, c'est que les contributions, en particulier celles des entreprises, eh bien ont vocation à ne pas être étalées dans le temps, sur une période trop longue, parce qu'encore une fois, le signal qui en résulterait serait probablement un signal…

ORIANE MANCINI
Mais qu'est-ce qui serait bon pour vous ? Un an, deux ans, trois ans ?

MARC FERRACCI
Mais encore une fois, je ne vais pas répondre sur le paramètre et le contenu des annonces, d'autant qu'il y a un certain nombre d'ajustements sur la fiscalité du capital ou sur la fiscalité des bénéfices, sur probablement les cotisations sociales, qui n'auront pas la même nature et qui n'auront peut-être pas d'ailleurs la même, le même horizon temporel. Donc je ne vais pas rentrer dans le détail, puisque ce n'est pas à moi de faire les annonces. Et ce que je vous dis, c'est que les principes, ça doit être ceux-là, des mesures temporaires, des mesures ciblées et des mesures qui ne remettent pas en cause, le cap d'une politique pro-business et d'une politique de l'offre que nous avons depuis 2017.

STEPHANE VERNAY
Alors, quand même, il y a quelques inquiétudes. Vous dites cibler, des mesures ciblées sur les grandes entreprises qui ont les moyens. La CPME, la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises, s'inquiète d'un impact sur les PME pour avoir une augmentation à la fois des charges, du SMIC, de l'apprentissage ou des arrêts maladie. Est ce qu'elle a raison de s'inquiéter la CPME ?

MARC FERRACCI
Vous savez, on est dans une situation…

STEPHANE VERNAY
Ça touche aussi les PME.

MARC FERRACCI
... moi, je l'ai vécue, parce que je participais au gouvernement en tant que conseiller ces dernières années, au ministère du Travail ou à Matignon. Nous sommes en train d'organiser, au fond, la fin définitive du quoi qu'il en coûte. Vous me parlez par exemple des aides à l'apprentissage. Les aides à l'apprentissage, elles coûtent très cher aujourd'hui. Les aides…

STEPHANE VERNAY
On parle de 5 milliards de déficit, c'est ça, à peu près ?

MARC FERRACCI
Alors, ça coûte plus cher encore. Mais surtout, on a créé…

STEPHANE VERNAY
Par rapport au budget initial.

MARC FERRACCI
On a créé, au moment du Covid, des aides qui avaient vocation à être provisoires, pour embaucher les apprentis, et que nous avons maintenues, à des niveaux similaires et qu'on a maintenues d'ailleurs, quel que soit le niveau de diplôme, alors que moi je préférerais qu'on finance l'apprentissage dans les bas niveaux de qualification. Ça, c'est l'exemple type d'un dispositif qui mériterait d'être progressivement atténué. Et il y a des économies importantes à faire…

STEPHANE VERNAY
... importantes à faire.

MARC FERRACCI
Bien sûr, progressivement atténuées, parce qu'encore une fois, il faut donner de la visibilité aux acteurs, et moi j'insiste sur cet élément-là. Vous me parlez de l'apprentissage, je vous réponds, je pense qu'il y a des efforts à faire sur les aides à l'apprentissage. Vous me parlez des arrêts maladie, on a une augmentation des arrêts maladie depuis un certain nombre d'années, qui font que cela coûte aujourd'hui l'équivalent de 16 milliards d'euros à la Sécurité sociale. Il y a de bonnes raisons à cela. Le vieillissement de la population fait que vous vous arrêtez plus souvent. L'intensification du travail fait que vous avez parfois besoin de basculer en arrêt maladie. Mais il y a aussi probablement des phénomènes d'abus, en tout cas d'excès, qui doivent être corrigés. Donc, sur tous ces sujets-là, nous, nous assumons, nous assumons de demander aux acteurs des efforts et effectivement, certains efforts pèseront sur les entreprises. Mais c'est un retour à une forme de normalité. On évoquait la normalité politique tout à l'heure, on a aussi besoin de revenir à une forme de normalité économique. Nous avons beaucoup dépensé pour protéger les entreprises et les Français ces dernières années. Eh bien là, parmi les exemples que vous me donnez, il y a un certain nombre de dispositifs ou de sujets qui méritent d'être ajustés. Et ça, ça fait des économies.

ORIANE MANCINI
Tout le monde n'assume pas ses efforts dans votre camp. Gérald DARMANIN et Gabriel ATTAL affichent clairement leur réserve. Vous les entendez ? Vous les comprenez ?

MARC FERRACCI
D'abord, Gérald DARMANIN et Gabriel ATTAL sont parlementaires et c'est le rôle des parlementaires de faire des propositions et d'émettre une voix qui peut être différente de celle du Gouvernement même si – je veux quand même le rappeler – ils soutiennent le Gouvernement et souhaitent la réussite du Gouvernement de Michel BARNIER.

ORIANE MANCINI
Justement. Est-ce que c'est le rôle du groupe majoritaire en tout cas dans le camp gouvernemental d'émettre des réserves à l'encontre de la politique du gouvernement ?

MARC FERRACCI
Vous savez… Vous évoquez le terme de réserve… Je constate qu'il y a des propositions qui sont faites et qui seront regardées dans le cadre du débat parlementaire. Vous savez, jeudi, il y a la présentation des textes budgétaires, mais on va commencer un long processus au cours duquel on va discuter du contenu de cette copie initiale du PLF et du PLFSS. Et d'ailleurs, Michel BARNIER l'a bien dit, il faut que le débat parlementaire ait lieu, il faut que les parlementaires fassent des propositions. La seule contrainte qui se pose à nous, c'est que nous devons rester dans cette trajectoire budgétaire. On a évoqué revenir à moins de 3% en 2029. Et ça suppose de faire 60 milliards d'euros d'économies…

ORIANE MANCINI
Gérald DARMANIN et Gabriel ATTAL disent « il faut travailler plus. » Gérald DARMANIN veut qu'on mette fin définitivement aux 35 heures dans le privé. C'est une piste à regarder ça ?

MARC FERRACCI
Toutes les pistes se regardent.

ORIANE MANCINI
Vous y êtes favorable, vous ?

MARC FERRACCI
A titre personnel, je ne suis pas certain que ce soit la priorité vers laquelle je serai allé. Parce que dans le droit du travail aujourd'hui, il y a beaucoup de mécanismes qui permettent d'analyser le temps de travail, qui permettent d'assouplir le seuil des 35 heures. Mais au fond, ce sont des débats légitimes. Tous les débats sont légitimes. Et ce que je souhaite, moi, c'est que les propositions que feront les parlementaires s'inscrivent dans cette dynamique. Vous savez, l'ADN de ma famille politique à laquelle appartiennent Gabriel ATTAL et Gérald DARMANIN, c'est qu'il faut d'abord créer des richesses avant de les redistribuer. Et donc toutes les propositions qui viseront à créer des emplois, à soutenir la croissance et qui, peut-être, viendront amender le texte, le texte initial, je pense qu'il faut les regarder avec intérêt.

STEPHANE VERNAY
Vous parlez de stratégie, de grandes réformes à poursuivre, etc. Il y a ce qu'on appelle la politique de l'offre qui consiste à réduire les impôts de production sur les entreprises pour leur permettre d'être plus compétitives. Ça, c'est une politique qui a été initiée par François HOLLANDE, qui a été développée par Emmanuel MACRON. C'est la ligne claire depuis le début du premier quinquennat. Est-ce qu'on n'est pas en train d'assister à la fin de cette politique de l'offre avec un certain nombre de mesures qui vont revenir, qui vont renforcer ou atténuer les baisses d'impôts de production ? Je pense notamment à la CVAE, la Contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, qui est essentielle pour les entreprises et les collectivités. Elle a été réduite de 7 milliards en 2021, de 4 milliards en 2023. Il était question de la supprimer progressivement d'ici 2027. Est-ce qu'elle sera vraiment supprimée la CVAE par exemple ?

MARC FERRACCI
D'abord, vous venez de le rappeler, des baisses massives d'impôts de production ont déjà eu lieu. Non mais j'insiste sur ce point parce que la baisse des impôts de production, qui était effectivement un élément absolument fondamental pour renforcer la compétitivité de nos entreprises notamment nos entreprises industrielles, elle est actée pour l'équivalent de 12 milliards d'euros, de 12 milliards d'euros par rapport à ce que nous vivions en termes de niveaux d'impôt de production en 2017. Donc, la question, c'est effectivement de savoir si on a les moyens d'aller plus loin. Moi, je souhaite qu'on aille plus loin, mais il est évident que, dans la situation budgétaire actuelle, il faut prendre son temps et prendre le temps d'évaluer les efforts qui sont faits et les impacts qu'ils ont. Mais le principe… Je réponds directement à votre question ; le principe du cap de la politique de l'offre, eh bien, il n'est absolument pas remis en question. On ne va pas revenir sur des baisses d'impôt de production…

STEPHANE VERNAY
On ne change pas.

MARC FERRACCI
Il faut être très clair.

STEPHANE VERNAY
Vous avez dit qu'il y a un certain nombre de grandes réformes qu'il faut passer. Il y en a une qui vous tient tout particulièrement à coeur parce que vous avez été au coeur de cette réforme, c'est celle de l'assurance chômage. Vous êtes les conseillers de Muriel PENICAUD, donc vous étiez sur le premier volet de l'assurance chômage. Vous étiez auprès de Jean CASTEX ensuite. C'est une politique que vous avez poursuivie. Vous avez été rapporteur à l'Assemblée du rapport qui concernait le couplage entre la baisse du chômage et le niveau d'indemnité des chômeurs. Donc c'est votre grand dossier. Or, Astrid PANOSYAN-BOUVET, la nouvelle ministre du Travail, a déclaré dans Ouest-France, vendredi dernier, qu'en fait, les négociations avec les partenaires sociaux allaient être rouvertes sur l'assurance chômage sur la base des accords de novembre 2023 et qu'il n'y avait pas de lettre de cadrage de Matignon. C'est-à-dire que les partenaires sociaux vont pouvoir renégocier l'assurance chômage. Mais cela veut dire qu'on est parti pour ne pas faire les économies prévues sur l'assurance chômage. Il était question de 3 milliards et demi par an à terme. Ça, c'est fini ? On renonce à cette…

MARC FERRACCI
Moi, je suis ministre de l'Industrie, donc je ne vais pas venir sur le terrain de ma collègue Astrid PANOSYAN pour qui j'ai, par ailleurs, énormément d'estime.

STEPHANE VERNAY
Mais l'assurance chômage c'est quand même votre dossier au départ ?

MARC FERRACCI
Oui, bien sûr. Mais je connais très bien ce dossier. On est, ici, face à une problématique qui est : au fond, quelle relation on veut avoir avec les partenaires sociaux ? On sait que les partenaires sociaux sont demandeurs d'un dialogue plus étroit. Ils sont également demandeurs de pouvoir conduire les négociations de l'assurance chômage, mais aussi les négociations sur l'emploi des seniors, sur la pénibilité, sur un certain nombre de sujets, même si ces négociations n'ont pas forcément abouti dans les derniers mois. Moi, j'observe ici simplement que les décisions qui ont été annoncées sont des décisions qui vont dans le sens d'une reprise des négociations sur la base de l'accord de novembre dernier, de novembre 2023. Est-ce qu'il y aura un document de cadrage ou pas de document de cadrage ? Je ne saurais pas le dire aujourd'hui, encore une fois.

STEPHANE VERNAY
Elle a dit qu'il n'y aurait pas.

MARC FERRACCI
Mais en tout état de cause, ce qui est certain, c'est que quand on va sur le terrain, on est confronté - qu'on soit dans l'industrie ou qu'on soit dans les services - on est confronté à la problématique des tensions de recrutement. Je veux insister là-dessus. Il y a beaucoup d'entreprises qui ont du mal à recruter. Les tensions de recrutement s'expliquent par beaucoup de choses. Ce n'est pas uniquement le sujet de l'assurance chômage, c'est l'attractivité des métiers, c'est la capacité à verser de bons salaires. Il y a beaucoup de facteurs qui font que les entreprises ont du mal à recruter. Mais j'espère que les partenaires sociaux, dans le cadre de leur négociation, vont se préoccuper de ce problème. Parce que c'est un problème qui reste, aujourd'hui, au coeur des difficultés et de la compétitivité de nos entreprises, en particulier de nos entreprises industrielles. Donc, j'espère que dans le dialogue qui va se poursuivre, on prendra en compte ces éléments-là.

ORIANE MANCINI
Un mot puisque, parmi les pistes, le Gouvernement envisage de remonter la taxe sur les prix de l'électricité. Est-ce que les entreprises vont être touchées ?

MARC FERRACCI
Alors, encore une fois, je ne vais pas faire les annonces qui auront lieu jeudi. Néanmoins, je pense que là, on est plutôt sur une taxe qui va toucher les ménages. Ça me permet quand même de vous dire que les prix de l'électricité pour les entreprises, en particulier pour les entreprises industrielles, sont un sujet extrêmement lourd. On a, aujourd'hui, devant nous - c'est un petit peu complexe - mais la fin d'un système qui va advenir au 1er janvier 2026, qu'on appelait le système de l'ARENH. Pour aller vite, c'est un système qui donnait accès à nos industriels, à une électricité à un prix assez raisonnable. Aujourd'hui, nous sommes en discussion avec EDF pour s'assurer que dans sa relation avec les industriels et en particulier les industriels qu'on appelle les électro-intensifs, des entreprises de la métallurgie, de la chimie par exemple, qui utilisent beaucoup l'électricité ; eh bien, des perspectives soient données pour, pendant dix ans, pendant quinze ans, avoir la certitude qu'elles auront accès à de l'électricité à un coût raisonnable. Et ça, ça va être mon travail de ministre de l'Industrie sur les entreprises, et en particulier sur les entreprises industrielles électro-intensives, que d'accompagner ces négociations et de faire en sorte que des efforts soient faits pour sécuriser la compétitivité de ces entreprises.

ORIANE MANCINI
Mais il y a un risque que cette taxe grève la compétitivité des entreprises ? L'augmentation de cette taxe grève la compétitivité des entreprises ?

MARC FERRACCI
On fera en sorte que ça ne soit pas le cas.

STEPHANE VERNAY
Sachant que c'est la production d'énergie notamment… enfin, d'électricité nucléaire décarbonée à bas coût est un atout majeur pour la France en termes de compétitivité internationale.

MARC FERRACCI
Bien sûr.

STEPHANE VERNAY
Donc on n'y touche pas ?

MARC FERRACCI
Bien sûr.

STEPHANE VERNAY
Vous les sécurisez à long terme. Vous dites des accords de 10 à 15 ans.

MARC FERRACCI
Tout à fait. Ce sont des contrats signés entreprise par entreprise avec EDF. Et aujourd'hui, on a besoin de faire en sorte que beaucoup de contrats soient signés. Et c'est ce qui va nous occuper dans les prochaines semaines. Il faut que les contrats soient signés dans de bonnes conditions pour nos industriels.

STEPHANE VERNAY
Alors, la France a été le premier pays européen pour l'accueil des investissements étrangers pendant cinq années de suite. C'était encore le cas l'année dernière. Est-ce que ce sera le cas cette année à nouveau ?

MARC FERRACCI
Ça, je ne sais pas le dire. C'est un classement qui est opéré par une entreprise qui s'appelle UW. Je l'espère… Mais je vous remercie de rappeler que tout ce qui a été fait pour affirmer un cadre fiscal, un cadre en matière de droit du travail, pour affirmer des investissements dans les filières d'avenir, a produit des effets. On recrée des emplois dans l'industrie, on ouvre plus d'usines qu'on enferme aujourd'hui. Et ça, c'est un acquis qu'il faut absolument préserver et consolider.

ORIANE MANCINI
On attire juste, on attire… On est les champions en Europe pour attirer les investissements étrangers, mais on est en retard sur les emplois que créent ces investissements. On en crée moins que chez nos voisins européens.

MARC FERRACCI
On n'est pas en retard. Il y a, par rapport aux ouvertures d'usines, un nombre d'emplois créés par ouvertures d'usines un peu moindre. Mais au fond…

ORIANE MANCINI
Des moindres. Comment vous l'expliquez ? Comment vous y remédiez ?

MARC FERRACCI
Non, mais ce qui est important, c'est la dynamique. Vous savez, se comparer un niveau à nos voisins, ça n'est pas forcément très facile à faire parce que tout le monde a un modèle économique et un modèle industriel un petit peu différent. Moi, ce qui m'intéresse, c'est la dynamique. On sait qu'il y a des filières… Vous savez, l'industrie est un secteur qui est assez hétérogène. Il y a des filières qui vont très bien : l'aéronautique, le luxe, la cosmétique. Et puis, vous avez des filières qui subissent de plein fouet une concurrence internationale extrêmement vive. Je pense en particulier à l'automobile, à la chimie, qui sont confrontées à des compétiteurs américains ou chinois qui ont accès à une énergie, une électricité à bas prix, qui ont souvent surinvesti et parfois sur-subventionné leur industrie. Donc comment je réponds à votre question : comment on résout ces problèmes ? Comment on consolide les filières qui vont bien ? Et comment on renforce et on aide les filières qui ont des difficultés ? D'abord, en sortant d'une forme de naïveté… Ça, l'Europe l'a fait ces dernières années et mes prédécesseurs en ont été les garants sur la compétition internationale. Il y a quelques jours, a été annoncée une taxation des véhicules électriques chinois par l'Union européenne. Je me félicite de cette décision parce qu'elle va protéger notre filière de véhicules électriques qu'on a besoin d'aider. Mais on va aller plus loin, on va aller plus loin. Et moi, en tant que ministre de l'Industrie, je vais m'intéresser à la manière dont s'organise la commande publique pour faire en sorte que la commande publique soit plus orientée vers du fabriqué en France ou du fabriqué en Europe. On va évidemment essayer de sanctuariser un certain nombre d'investissements qui ont été faits ces dernières années, notamment les investissements dans le cadre du plan France 2030. On va essayer de simplifier… Il y a encore beaucoup à faire pour simplifier : l'installation des sites, la loi industrielle verte de mon prédécesseur, Roland LESCURE, a fait des choses. Je pense qu'il y a encore des leviers pour cela. Donc il y a beaucoup de leviers à actionner pour consolider notre base industrielle. On va essayer de les actionner.

STEPHANE VERNAY
Il y a beaucoup de leviers mais il y a un gros handicap, c'est qu'on sait qu'il y a un déficit public chronique et une dette délirante, c'est aussi la promesse d'augmentation d'impôts spectaculaires à long, à moyen ou à court terme. Est-ce que ça, ça ne fait pas partie des choses qui peuvent casser la dynamique que vous décrivez en termes de l'investissement étranger ? L'attractivité de la France va pouvoir demeurer…

MARC FERRACCI
Je ne partage pas votre constat initial selon lequel la dette signifie nécessairement et durablement surtout des augmentations d'impôts. Je vous l'ai dit tout à l'heure. Les efforts en matière de fiscalité que consentiront les entreprises, je les espère provisoires, je les espère temporaires. Et au fond, pour réduire la dette, vous savez, vous avez trois lignes : vous avez augmenté les impôts, c'est le levier de facilité. Vous avez deux autres leviers que moi, je souhaite qu'on privilégie, c'est créer des emplois et donc continuer à faire des réformes structurelles, s'investir notamment dans la question des compétences. Moi, je vais le faire beaucoup, faire en sorte de faire aimer l'industrie et de faire en sorte que les entreprises industrielles aient une main d'oeuvre qualifiée pour recruter.

STEPHANE VERNAY
C'était le pari du Gouvernement et notamment du Gouvernement précédent ; ça n'a pas marché.

MARC FERRACCI
Ecoutez, si vous regardez la progression de l'emploi industriel, des résultats ont été obtenus. Beaucoup de formations industrielles ont ouvert. Et le deuxième levier, évidemment, c'est la réduction des dépenses raisonnées, en s'attaquant à celles qui génèrent des effets d'aubaine, à celles qui sont inefficaces. Moi, je préfère qu'on crée des emplois et qu'on réduise les dépenses plutôt qu'on augmente les impôts. Là, on est obligé de le faire de manière temporaire.

ORIANE MANCINI
Dernière question Stéphane ?

STEPHANE VERNAY
Un dernier mot sur… On parle beaucoup du déficit public. On ne parle pas beaucoup du déficit commercial de la France qui est calamiteux et chronique lui aussi depuis 20 ans. Est-ce que vous avez un plan pour redresser la barre de nos exportations et réduire nos importations ?

MARC FERRACCI
Le plan repose sur un principe, c'est favoriser la compétitivité de nos entreprises, en particulier nos entreprises industrielles. La compétitivité tient aux coûts de production, notamment aux prix de l'énergie. Elle tient aussi à la manière dont on maîtrise les coûts du travail. Elle tient à la manière dont on sanctuarise ce qui a été fait en termes de baisse d'impôts, à la fois sur les impôts de production, puis sur l'ensemble de la fiscalité des entreprises. Et surtout, elle repose sur le fait de donner un cap clair et de ne pas en dévier. J'insiste là-dessus : la stabilité, c'est l'atout et le trésor le plus précieux dont nous disposons pour aider nos entreprises industrielles.

ORIANE MANCINI
Merci Marc FERRACCI.

MARC FERRACCI
Merci à vous.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir été notre invité. Merci Stéphane.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 octobre 2024