Interview de Mme Olga Givernet, ministre déléguée, chargée de l'énergie, à France Info le 14 octobre 2024, sur l'augmentation de la taxe concernant l'électricité, le prix du gaz et le coût des véhicules électriques.

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Média : France Info

Texte intégral


JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Je me tourne vers vous et vous recevez, ce matin, la ministre déléguée chargée de l'Energie, Olga GIVERNET.

ALIX BOUILHAGUET
Oui. Et on va être très concret, ce matin. On va parler gaz, on va parler électricité, on va parler automobile.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
C'est parti pour l'interview politique de la matinale.

ALIX BOUILHAGUET
Bonjour Olga GIVERNET.

OLGA GIVERNET
Bonjour.

ALIX BOUILHAGUET
Merci d'être avec nous ce matin. Michel BARNIER a présenté, jeudi dernier, son budget. Je le disais à l'instant, on va être vraiment très concrets, pour les gens qui nous regardent. Il devrait y avoir une augmentation de la taxe sur l'électricité. Cela veut dire des factures plus chères pour certains Français, y compris les plus modestes. Le RN a lancé une pétition contre cette mesure. Est-ce qu'elle est définitive, cette mesure ?

OLGA GIVERNET
Alors, cette mesure n'est pas définitive puisqu'elle doit encore passer au Parlement et elle va être discutée. Mais effectivement, il y a une identification de pouvoir augmenter la taxe, parce qu'on a une baisse du prix du marché de l'électricité. On ne sait pas encore bien… Ça va se définir en décembre, mais entre 15 et 20%. La question pour nous, c'est : comment on en fait bénéficier l'ensemble des Français ? Et quelle part peut prendre l'État, justement, pour améliorer ces recettes ? Et c'est le juste curseur qu'il faut pouvoir trouver.

ALIX BOUILHAGUET
Quand vous dites " le juste curseur ", ça veut dire quoi ? Ça veut dire que… Combien de Français vont être touchés par cette hausse, cette augmentation de la taxe sur l'électricité ?

OLGA GIVERNET
On est à 80% des Français qui vont avoir une baisse. Et nous souhaitons qu'elle soit d'au moins 10%, cette baisse, sur leur facture d'électricité. Et puis, il y a des Français qui sont sur un autre type de tarif, qui n'est pas le tarif régulé de vente. Et donc, il faut pouvoir s'assurer également qu'il n'ait pas une forte augmentation. Or, eux, ils étaient déjà bien en dessous des prix, normalement, de l'électricité.

ALIX BOUILHAGUET
Donc, ça veut dire que 20% des Français vont voir leur facture s'élever ?

OLGA GIVERNET
Ce n'est pas encore complètement définitif puisqu'en fait, la question de la baisse du marché n'est pas tout à fait arrêtée. Donc, il y a une possibilité effectivement que certains Français, pas tous, parmi ceux qui ne sont pas aux tarifs régulés, voient une hausse par rapport aux prix. Mais moi, je tiens réellement à ce que tous puissent voir une baisse. Elle se situera entre 0 et 10%. Mais encore une fois, 10% pour 80% des Français.

ALIX BOUILHAGUET
Et pour les 20% qui verraient une hausse, cette hausse serait de combien ?

OLGA GIVERNET
Eh bien, comme je vous le disais, il faut pouvoir voir. C'est encore les discussions qu'il va y avoir au niveau du Parlement. Et l'intérêt pour nous, c'est qu'il n'y ait aucune hausse de la facture par rapport au prix actuel. Mais le curseur est à définir et ces discussions se feront avec les députés et les sénateurs.

ALIX BOUILHAGUET
Votre ministre de tutelle, Agnès PANNIER-RUNACHER, a ouvert la porte à l'augmentation de la fiscalité sur le gaz. Le ministre du Budget a dit le contraire. La porte-parole du Gouvernement dit aussi le contraire. Qui a raison ? Est-ce que le gaz va augmenter ? Oui ou non ?

OLGA GIVERNET
Le gaz - comme il est prévu, aujourd'hui, dans le projet initial - ne va pas augmenter. Mais simplement, on ne voit pas le marché du gaz baisser non plus. C'est pour cela que sur le gaz, il y a un traitement différent. En revanche, il peut y avoir des amendements comme ça va passer au niveau du Parlement pour que certains veuillent remonter le gaz. Ce qu'il faut, c'est envoyer les bons signaux. Et les bons signaux, c'est d'aller en faveur des énergies décarbonées comme l'électricité. Mais effectivement le gaz ne l'est pas.

ALIX BOUILHAGUET
Mais c'est un peu ça le paradoxe. On augmente la taxe sur l'électricité qui est une énergie décarbonée, et peut-être qu'on ne fait pas cela sur le gaz qui est une énergie fossile.

OLGA GIVERNET
Oui. Mais ce sont des énergies qui dépendent des prix du marché. Et le marché sur l'électricité baisse, et heureusement. Et pourquoi elle baisse ? Parce que nous avons développé fortement notre production en France. Je le rappelle, on veut un mix énergétique équilibré avec de l'énergie décarbonée, du nucléaire d'un côté, des énergies renouvelables de l'autre. C'est ce qui va permettre aussi d'avoir une meilleure maîtrise, en France, de notre énergie. C'est l'énergie du futur. On le voit pour l'automobile, on en parlera tout à l'heure. Mais donc, il faut pouvoir jouer avec ces prix du marché et s'assurer qu'il y a un juste retour. Le gaz, ce n'est pas tout à fait le cas. Nous sommes beaucoup plus dépendants. Le marché n'a pas baissé. On voudrait s'extraire d'une partie de cette énergie fossile.

ALIX BOUILHAGUET
Mais qui dit vrai entre Agnès PANNIER-RUNACHER qui veut ouvrir la porte à cette augmentation de la fiscalité sur le gaz et puis les autres membres du Gouvernement, le ministre du Budget qui dit non ?

OLGA GIVERNET
Alors là, pour le coup, les amendements gouvernementaux, s'ils doivent venir de nous, effectivement, on pourra le faire. Je crois que c'est plutôt des initiatives parlementaires dont on entend parler sur la question du prix du gaz. Donc, là, ce sera à nous de regarder. Encore une fois, on doit trouver le bon curseur. Et les débats doivent permettre de le trouver.

ALIX BOUILHAGUET
Mais si vous augmentez par amendement la fiscalité sur le gaz, ça veut dire que le gaz va augmenter pour les Français ?

OLGA GIVERNET
Alors, si un amendement est déposé dans ce sens et qu'il est adopté au Parlement, effectivement, il va augmenter. Mais, pour l'instant, le projet de loi n'intègre pas d'augmentation du gaz.

ALIX BOUILHAGUET
Bien sûr, mais vous, vous le souhaitez, qu'il y ait cet amendement ?

OLGA GIVERNET
Moi, personnellement… Moi, je ne crois pas. Je pense qu'il faut surtout, surtout, préserver, au niveau de l'électricité et envoyer le bon signal. On sait qu'au niveau le gaz, il y a déjà des augmentations, notamment sur l'installation de chaudières, puisque la TVA passe de 5% à 2%. On voit également qu'il y a une augmentation au niveau de l'abonnement. Donc moi, je m'en remets au parlement dans cette discussion sur le gaz.

ALIX BOUILHAGUET
Mais Agnès PANNIER-RUNACHER, c'est ce qu'elle dit. Elle, elle souhaite qu'il y ait cette ouverture sur la fiscalité du gaz.

OLGA GIVERNET
Elle a évoqué effectivement qu'un amendement était possible et qu'on savait qu'il y avait des discussions au niveau des parlementaires. Donc, moi, encore une fois, on est sur une copie première du Gouvernement. On sait qu'il va sortir, en premier lieu, de l'Assemblée nationale assez remalaxé. Et donc, moi, je tiens à donner, plutôt de manière pédagogique, les éléments et les risques qu'il peut y avoir pour pouvoir avoir des débats sereins et qui permettent de trouver le juste équilibre dans l'intérêt des Français.

ALIX BOUILHAGUET
Je le disais au début de cette interview, le salon automobile ouvre ses portes aujourd'hui à Paris dans un contexte qui est extrêmement morose. Les ventes de véhicules électriques baissent et pour cause, il est vrai que quand on regarde les prix, elles sont extrêmement chères. Un prix moyen d'achat d'une voiture électrique, c'est 45 000 euros, 60 000 même pour une hybride, inaccessible pour beaucoup de Français, comment est-ce que vous comptez changer la donne ?

OLGA GIVERNET
Alors, c'est vrai que les véhicules électriques sont encore très chers. Pourtant on voudrait avoir tous un véhicule électrique, il y a eu des dispositifs poussés par l'Etat, le leasing social, d'ailleurs, victime de son succès, on a été obligé de l'arrêter en moins de deux mois sur l'année précédente, on va le relancer, on va faire un dispositif qui va permettre de plus le proposer tout au long de l'année. Et il y a d'autres dispositifs qu'il faut pouvoir rationaliser, qui va permettre aussi, qui vont permettre d'engager vers l'électrique. Il y a un autre point que j'aimerais soulever, c'est que nous comptons beaucoup sur les flottes de professionnels qui se renouvellent et qui doivent intégrer une part constante en augmentation des véhicules électriques, ils ne sont pas au rendez-vous. Et là, j'ai vu déjà les constructeurs, on va se parler pendant cette semaine, il y a une attente de pouvoir sanctionner ou en tout cas de pouvoir consolider les obligations de ces flottes professionnelles pour qu'ils intègrent chez eux des voitures électriques. Vous le savez, quand ils ont acheté des voitures électriques, après, ce sont des véhicules qui se retrouvent sur le marché de l'occasion, disponibles à moindre coût pour les Français.

ALIX BOUILHAGUET
Mais vous souhaitez pousser l'achat des véhicules électriques et en même temps, vous baissez le bonus à l'achat d'une voiture électrique, c'est passé de 6 000 euros à 3 000 euros en trois ans. En Allemagne, on a vu que la fin des aides a complètement fait chuter cette filière et en 2035, c'est la fin de vente des véhicules thermiques, ce n'est pas antagoniste ? Ce n'est pas paradoxal ?

OLGA GIVERNET
Alors, on peut toujours le soutenir au niveau de l'Etat. Nous, ce qu'on veut, c'est faire des impulsions qui donnent vraiment l'engagement.

ALIX BOUILHAGUET
Et pourquoi vous baissez le bonus écologique ?

OLGA GIVERNET
Parce qu'après on compte sur les constructeurs qui, à part la massification du véhicule électrique, puissent permettre de faire baisser les prix. Or, pour l'instant, on ne le voit pas, donc, il va falloir nous identifier comment seront répartis - c'est sur mon budget - seront répartis ces aides pour pouvoir soutenir cet engagement et qu'un euro…

ALIX BOUILHAGUET
Comment vous les poussez les hôteliers, les constructeurs à répercuter les prix sur le consommateur ?

OLGA GIVERNET
Et qu'un euro puisse donner le meilleur engagement des Français. Donc, les pousser, les constructeurs, eux, ils sont là, ils veulent être au rendez-vous, ils me l'ont réaffirmé. D'ailleurs, la sortie en 2035 de la vente de véhicules thermiques, ils y sont toujours favorables. D'ailleurs, ils nous le demandent, ils demandent à ce qu'il y ait une stabilité de la réglementation. Ils ont déjà beaucoup investi. Il faut que nous, nous soyons toujours au rendez-vous du soutien en faveur de l'électrification et que nous, qu'on identifie les publics, notamment les plus modestes qui n'ont d'habitude pas la possibilité d'accéder à ce type de véhicule.

ALIX BOUILHAGUET
D'où ce bonus qui pouvait quand même leur faire sauter le pas.

OLGA GIVERNET
Le leasing social, c'est le leasing social qui est le plus adapté, c'est donc le leasing social sur lequel il faut aller majoritairement. Ensuite, il y a la question du bonus et on avait une question sur la prime à la conversion qu'on est en train de regarder également, mais encore une fois, quand on a des ménages, en général, on a une voiture ; 1,1 ; 1,4 véhicule par ménage, ça veut dire que certains ménages ont un véhicule, d'autres en ont deux. Quand on a l'appréhension d'avoir un véhicule électrique à la maison parce qu'on ne sait pas trop comment on va le recharger, quand on en a deux, c'est plus facile de passer le pas pour en avoir un en plus. Donc, moi, je tiens à soutenir cette électrification, engager les gens à aller dans ce sens-là et surtout à se saisir des dispositifs que nous allons mettre en place dès 2025.

ALIX BOUILHAGUET
Une minute, deux petites questions rapides. Le Gouvernement prévoit aussi de taxer les billets d'avion. Alors, c'est pour tout le monde ? Ce sera combien ? Ce sera à partir de quelle période ?

OLGA GIVERNET
Alors, là, pour le coup, ce n'est pas encore arrêté, mais effectivement, les billets d'avion vont prendre une taxe, c'est un moyen de combien très carboné, et donc…

ALIX BOUILHAGUET
On ne sait pas à hauteur de combien ?

OLGA GIVERNET
Et ça va être encore une fois passer à la moulinette du Parlement lorsqu'il faudra qu'il y ait ce débat, mais encore une fois, la question des transports carbonés ne devrait pas envoyer le message qu'ils sont les meilleurs et donc, d'avoir une attention particulière sur ces déplacements. Qu'on réfléchisse à deux fois, on pourrait plutôt prendre le train et c'est sur la question du prix qu'on peut s'engager.

ALIX BOUILHAGUET
Et très rapidement, dernier mot sur le diagnostic de performance énergétique, là aussi, il devrait être simplifié, un calendrier adapté ?

OLGA GIVERNET
Oui, alors, un calendrier, on est en train de regarder, mais surtout la simplification qui permette d'intégrer notamment l'électrification des domiciles. Quand on l'a fait, il y a plus de dix ans, on n'avait pas cette politique d'électrification, on n'avait pas une électricité décarbonée avec le nucléaire et le renouvelable. Aujourd'hui, c'est le cas, ces logements ne devraient pas être pénalisés lorsqu'ils sont chauffés à l'électricité.

ALIX BOUILHAGUET
Merci beaucoup, Olga GIVERNET. Bonne journée à vous.

OLGA GIVERNET
Merci.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Merci beaucoup, Alix, on vous retrouve à 08 h 10 pour votre édito, d'abord, la météo, Florent BOUTET.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 octobre 2024