Déclaration de M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants, sur les anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie, à Paris le 13 octobre 2024.

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  • Jean-Louis Thiériot - Ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants

Circonstance : Assemblée de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc, Tunisie (FNACA)

Texte intégral

Monsieur le sous-Préfet,
Monsieur le Président national de la FNACA, cher Guy DARMANIN,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et messieurs les Présidents d'association,
Mesdames et messieurs,


Cette année, les célébrations du 80e anniversaire de la Libération ont une nouvelle fois tourné les projecteurs sur la Seconde Guerre mondiale et l'héroïsme des femmes et des hommes qui l'ont faite.

Il n'est évidemment pas question pour autant de négliger la commémoration des autres conflits de l'armée française, dont la guerre d'Algérie, qui est assurément celle qui marque le plus profondément la société française encore aujourd'hui ; elle a laissé des stigmates de part et d'autre de la Méditerranée, sur fond de villes blanches, de mers scintillantes et de déserts brûlants.

Je vous remercie donc de m'avoir convié à votre 35e congrès, et je suis très heureux que ce soit ici, au Havre, avec vous, que j'entame mes rencontres avec les grandes associations du monde combattant. Car je sais le rôle majeur de votre association, durant toutes ces décennies, dans la reconnaissance et la mémoire du courage des anciens combattants d'Algérie.

Créée en pleine guerre, la FNACA est le porte-étendard des 2 millions d'hommes, majoritairement appelés du contingent, qui ont pris part aux affrontements à terre, dans les airs ou sur les mers.

89 mois de combats, d'attentats, près de 30 000 morts entre les gorges de Tighanimine, la casbah d'Alger ou le Constantinois. 652 disparus, dont le mémorial de Port-Vendres égraine tristement les noms.

Des centaines de milliers d'hommes revenus blessés dans leur chair et dans leur âme. Il s'en trouve ici, je le sais. Je les salue et je m'incline avec respect. Ce sont pour moi des souvenirs vivants. Au milieu de vous, je pense à une exposition organisée par des anciens combattants d'Algérie et des adhérents de la FNACA de Montereau Fault-Yonne en mars 2022. Il me vient à l'esprit l'un de vos camarades qui me parlait de la dureté de la guerre, des frères d'armes tombés, des horreurs endurées. Je vois encore les larmes qui perlaient sur ses paupières parcheminées par le temps. C'est pour ces souffrances là que je suis fier d'être votre ministre, pour cela que je mesure la gravité de ma mission. J'imagine qu'à cet instant, chacun d'entre vous pense à un camarade tombé, à un copain qui aurait dû être avec nous et qui est resté là-bas, loin de nous tous.


Derrière ces chiffres, il y a une réalité : la vôtre, l'expérience du feu et de la mort de toute une génération.

Vous tous, vous ressentirez particulièrement ce qu'Antoine de Saint-Exupéry veut dire lorsqu'il écrit que " La guerre, ce n'est pas l'acceptation du risque. Ce n'est pas l'acceptation du combat. C'est à certaines heures, pour le combattant, l'acceptation pure et simple de la mort " (DE SAINT EXUPERY, Antoine, Pilote de guerre, 1942).

Cette expérience commune, dont on oublie trop souvent que pour certains elle a duré jusqu'en 1964, vous a lié à jamais, engagés ou conscrits.

Preuve en est que c'est collectivement, à travers la FNACA, que vous êtes parvenus à faire entendre votre voix.

Il n'est pas non plus étonnant que ce soit deux hommes de votre génération, le Président Jacques Chirac et son premier ministre d'alors, Lionel Jospin, qui ont su mettre le mot juste, celui de guerre.

Le Mémorial national de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, situé face à la Seine, constitue le témoin de cette justice rendue et du respect témoigné.


Combattants, vous l'avez d'abord été une première fois sur le terrain, en uniforme, parce que c'était le temps du service, par devoir, pour la France et pour les copains.

Sous l'autorité de vos chefs, vous avez su, par votre pugnacité obtenir des effets militaires concrets sur le terrain.

Et, alors que certains gouvernements semblaient oublier que, pour reprendre Clemenceau, vous aviez vous aussi des droits sur nous, vous avez entamé un autre combat.


Combattants, vous l'avez en effet été une deuxième fois pour vos droits, et en cela vous avez travaillé pour les générations suivantes des combattants.

Votre première victoire ne fut pas la moindre puisque vous obtenez en 1967 le titre de reconnaissance de la nation aux Anciens combattants en Algérie, au Maroc et en Tunisie.

5 ans après, grâce à votre action et avec l'appui des parlementaires, vous parvenez à faire accorder aux titulaires de la reconnaissance de la nation la possibilité de se constituer une retraite mutualiste avec participation de l'Etat.

En 1974, il y a 50 ans, les anciens d'Afrique du Nord obtiennent la reconnaissance de leur statut de combattant et la carte associée. Là encore, une avancée fondatrice de votre juste reconnaissance par le pays. Votre combat s'est aussi prolongé au service des veuves de ceux d'Algérie.

Les enseignements, que vos luttes nous ont permis de tirer, nous suivront toujours, pour protéger celui qui a servi la France hier et la servira demain.


J'ai dit que vous aviez été combattants de deux manières mais il me faut rectifier : vous l'êtes devenus une troisième fois, en vous battant pour que la mémoire de cette guerre trouve sa place.

L'enjeu était d'importance et votre travail réel, tant la société de la fin des Trente glorieuses voulait oublier ce qu'avait été votre engagement et votre sacrifice.

De là, le voile pudique longtemps jeté sur " les événements d'Algérie " qui a eu un effet occultant sur l'expérience si douloureuse de votre jeunesse.

Sous la houlette de votre Président, Monsieur Guy Darmanin, qui poursuit l'oeuvre de ses prédécesseurs avec autant de vigilance que de détermination, vous prolongez cet important travail de mémoire.

L'organisation de ce congrès aujourd'hui en Normandie, terre de commémorations militaires par excellence, a tout son sens : vous aussi, vous partagez l'ambition que les générations à venir n'oublient pas l'engagement qui fut le vôtre.

Vous aussi, vous souhaitez que notre jeunesse sache vos faits d'armes et retienne, surtout, la fraternité qui vous a unis, en Algérie et après.

Cette solidarité remarquable, que les membres de la FNACA symbolisent entre eux, constitue un modèle civique remarquable.

J'espère qu'elle constituera une source d'inspiration pour les générations à venir, qu'elles soient malheureusement à leur tour confrontées à la violence des armes ou qu'elles aient la chance de grandir en paix grâce aux sacrifices de leurs anciens.


Sachez que vous pouvez compter sur le Ministère des Armées et des Anciens combattants pour vous accompagner notamment dans la transmission de cette mémoire.

Par le biais de nos musées, de l'établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense ou du service historique de la Défense, nous nous assurerons ensemble que cette mémoire, votre mémoire, perdure.

Sous notre impulsion, j'espère aussi que des yeux neufs sauront s'emparer et rendre justice à vos histoires, pour dire la nostalgie du foyer quitté, la peur face à l'adversaire tapi ou la joie des amitiés nouées. Qu'ils comprennent aussi, comme Albert Camus avant eux, que " L'important n'est pas de guérir, mais de vivre avec ses maux " (CAMUS Albert, Le mythe de Sisyphe, 1942), comme vous l'avez fait, en les mettant au service d'une juste cause commune


Vous pouvez compter sur le Ministère des Armées et des Anciens combattants.

Dans un contexte budgétaire difficile, même si comme vous avez pu le constater le ministère des Armées est à ce stade relativement préservé dans le projet de budget que soumet le Gouvernement au Parlement, il nous faut rester vigilants pour conduire tous les projets que nous souhaiterions voir aboutir.

La tentation pourrait en effet être grande pour certains parlementaires qui ne siègent pas dans les commissions de Défense des deux assemblées de considérer que le " bon budget " des Armées et des Anciens combattants peut servir de variable d'ajustement.

Je serai particulièrement vigilant pour que cela ne soit pas le cas.

Oui, le chemin de la reconnaissance fut long ; oui, il reste toujours des combats à mener, mais la FNACA n'est pas seule pour les porter aujourd'hui. Elle est au premier plan de ceux qui font avancer les choses. Sachez que pour ma part, j'en serai le relai.

C'est le devoir autant que le souhait de la France, de veiller sur ceux qui l'ont servi avec autant de bravoure que de valeur.

Au nom de la République, je vous renouvelle ses remerciements pour tout ce que vous lui apportez.


Vive la République et vive la France.


Source https://www.defense.gouv.fr, le 17 octobre 2024