Déclaration de M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants, sur l'exposition " En solitaire autour du monde ", à Paris le 15 octobre 2024.

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  • Jean-Louis Thiériot - Ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants

Circonstance : Vernissage de l'exposition " En solitaire autour du monde " au musée national de la Marine

Texte intégral

Monsieur le Directeur de la Mémoire, de la Culture et des Archives,
Monsieur le représentant du chef d'état-major de la Marine nationale, Amiral,
Monsieur le Président du conseil d'administration,
Monsieur le directeur du musée national de la Marine,
Monsieur le Président du conseil départemental de la Vendée et Président du Vendée Globe, cher M. Alain Leboeuf,
Mesdames et Messieurs les officiers, sous-officiers et officiers mariniers,
Mesdames et Messieurs,


Une inauguration, c'est un peu comme le lancement d'une course : on éprouve l'excitation des débuts, l'envie de partager l'instant, le frémissement des découvertes à venir.

Ce n'est donc pas dénué d'enthousiasme que je donne aujourd'hui le signal de départ de l'exposition " En solitaire autour du monde " dans ce si beau musée de la Marine, si heureusement sauvé, vous l'avez dit, et qui est cher à notre coeur en général et, je peux vous le confesser, au mien en particulier. J'ai fait mon service militaire comme officier de marine et, par conséquent, je reviens un peu à la maison.

Sous tutelle du Ministère des Armées et des Anciens combattants, ce majestueux espace entièrement repensé lors de sa récente rénovation se présente non seulement comme un lieu d'Histoire mais aussi comme un véritable centre des cultures maritimes.

Quoique les premières côtes et les premières vagues soient à des centaines de kilomètres du Trocadéro, ce lieu nous ouvre à une part de nous-même, une part de passion, la mer.

Le Musée de la Marine permet à chacun de découvrir ou de se souvenir que, à la tête de la deuxième zone économique exclusive du monde, la France est une puissance maritime qui s'ignore trop souvent et qui tend à l'oublier. Soyez-vous certains que c'est un message que je ne manquerai pas de porter.

Voici le lieu où en prendre conscience et découvrir ce milieu absolument fascinant que l'Homme doit en permanence apprivoiser grâce à la technique et à l'innovation pour se nourrir, se déplacer ou se défendre.


Alors que la 10e édition du Vendée Globe débutera dans quelques jours, au départ des Sables d'Olonne, le musée de la Marine nous propose de baliser l'histoire de cette course à nulle autre pareille. Je profite de l'évocation de cette ville vendéenne du littoral pour saluer son maire, Yannick Moreau, retenu par ses engagements de président de l'association nationale des élus du littoral.

Dans le sillage des premiers marins qui, par pur esprit d'aventure et de conquête, partirent braver les flots pour passer les caps de Bonne-Espérance, Leeuwin et Horn, ses participants s'élancent tous les 4 ans avec un pari fou en tête : faire ce tour du monde en solitaire à la voile, sans escale ni assistance.

Quiconque connaît un tant soit peu l'océan et ses caprices sait à quel point le défi est de taille, même pour les marins les plus aguerris.

Audace, coups de théâtre et solidarité : voici en résumé ce qui fait que le Vendée Globe s'est imposé comme une course de légende. Depuis sa création en 1989, il a su ravir le coeur des passionnés de voile, en France et dans le monde.


Ce n'est pas un hasard, cher Président Leboeuf, que le Vendée Globe soit né en Vendée. La Vendée, n'est pas seulement un département, c'est une âme, c'est un souvenir, c'est un destin brûlé au feu de l'histoire. Après les ravages des temps révolutionnaires, elle s'est reconstruite par le travail et l'effort, elle a donné à la France quelques-uns de ses plus grands hommes de Clemenceau au Maréchal de Lattre, elle a développé un écosystème économique fondé sur les PME familiales au point qu'on parle de « modèle vendéen », comme on parle de " modèle bavarois ". Fondé sur cette solidité terrienne et industrielle, le Vendée Globe avait toutes les raisons de s'y enraciner pour partir à la conquête des Océans.

Le Vendée Globe, c'est d'abord une prouesse technique, une pépinière d'innovations. Depuis sa première édition, les passionnés peuvent ainsi suivre les progrès remarquables de l'architecture navale.

Largement influencés par la vision novatrice du grand Eric Tabarly, officier de marine de son état, qui ne fit pourtant jamais de tour du monde, les constructeurs repensent continuellement les voiliers au niveau de leur design, des matériaux employés ou de leur ergonomie.

Ces dernières années, les voiliers ne voguent plus, ils volent sans cesse plus vite vers de nouveaux records.

Malgré ce niveau de précision et d'exigence, le bon skipper doit, comme tout bon marin, faire preuve d'ingéniosité et de rusticité, au service de valeurs humaines authentiques.

Je garde un souvenir admiratif d'Yves Parlier lors de l'édition de l'an 2000. Se refusant à abandonner une course qu'il menait depuis plusieurs semaines, celui-ci avait entrepris de réparer lui-même son mât avec les moyens du bord.

A l'abri des côtes de l'île Stewart, au sud de la Nouvelle-Zélande, les plaisanciers curieux pouvaient l'apercevoir de jour comme de nuit s'évertuer à emboîter, souder et hisser l'impressionnante poutre. Et celui que l'on surnomme " l'extraterrestre " avait réussi l'impensable : franchir la ligne d'arrivée malgré les avaries.


Le Vendée Globe, c'est aussi et surtout une incroyable odyssée humaine.

Les Hommes qui ont la hardiesse de prendre le large font l'expérience du grandiose.

Face à la violence des tempêtes, dans le tumulte des vagues, les voici si petits, si seuls, si vulnérables.

C'est un véritable corps-à-corps qui se joue entre les marins et la mer, " (…) lutteurs éternels, (…) frères implacables ! " sous la plume de Charles Baudelaire (BAUDELAIRE Charles, « L'homme et la mer » in Les Fleurs du mal, 1857)

Et puis, après avoir été entraînés par tous les risques de fortune de mer, voilà qu'une mouette amie se met à crier, le soleil fait scintiller la surface de l'océan et l'horizon paraît subitement d'une clarté opaline.

Et toujours, comme on le chante dans les veillées de bord de mer, « dans le ciel pur et beau, on voit briller l'étoile qui guide les matelots ». (" Partons le mer est belle ")

Ces variations et ces contrastes font ressortir en chaque marin ce qu'il a en lui de sublime et de et de fragile : " Je m'enfonce en mer comme d'autres vont dans les sables, pour y chercher le silence et une part d'eux-mêmes " (DE LA GRANGE, Arnaud, La promesse du large, 2024), écrit Arnaud de La Grange dans La promesse du large.

Quelle force, que d'énergies, mentale et physique !

Quelle récompense aussi ! Nous avons tous au coeur les mots de Baudelaire :

" Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme "
(BAUDELAIRE Charles, " L'homme et la mer " in Les Fleurs du mal, 1857)


Solitaires autour du monde, les skippers du Vendée Globe le sont-ils tant que ça, quand on pense à l'incroyable solidarité des gens de mer ?

Depuis la dernière édition, qui a oublié le sauvetage de Kevin Escoffier par Jean Le Cam et sa récupération par une frégate de surveillance de la Marine nationale après que son voilier se soit brisé ? Certes, l'océan est vaste. Ceux qui le parcourt ont parfois des intérêts divergents, des causes divergentes. Mais que survienne une fortune de mer, les marins ne réfléchissent jamais : la camaraderie est une valeur cardinale qui fait changer de cap autant que de besoin pour porter l'assistance nécessaire. L'assistance des gens de mer, c'est probablement l'un des premiers fondements du droit international qui, avant d'être inscrit dans les textes, l'était d'abord dans le coeur des marins.

Voici un enseignement que le Ministère des Armées et des Anciens combattants ne peut qu'évidemment partager tant il fait écho à l'esprit militaire… Et je ne suis certainement pas le seul, cher Alain Leboeuf, à sentir ces nombreux points de convergence entre ces deux univers. Je suis heureux de pouvoir saluer le travail exceptionnel mené par votre père Michel depuis des décennies au service du monde combattant en Vendée.

Cette édition du Vendée Globe, l'authentique Everest des mers, nous réservera encore bien des surprises. Je forme le voeu pour que cette course qui apporte un si puissant souffle de liberté continue à nous faire vibrer encore longtemps.

Nous espérons d'ailleurs parvenir à mettre le skipper de la Marine nationale, le premier maître Philippe Hartz, ancien nageur de combat, sur la ligne de départ de la prochaine édition pour le prouver. Avis aux mécènes…

Il me reste donc à souhaiter " bon vent, bonne mer " à tous les visiteurs de cette exposition, « bon vent, bonne mer » à tous les skippers de l'édition 2024 du Vendée Globe et " bon vent, bonne mer " au musée de la Marine !


Vive la République !
Vive la France !


Source https://www.defense.gouv.fr, le 17 octobre 2024