Texte intégral
CHRISTOPHE BARBIER
Olga GIVERNET, bonjour.
OLGA GIVERNET
Bonjour.
CHRISTOPHE BARBIER
Et bienvenue. Vous êtes ministre déléguée à l'Energie donc nous allons parler d'énergie, mais vu du côté des Français. Mais peut-être avant, commencer par vous souhaiter un bon anniversaire parce que c'est demain, je crois.
OLGA GIVERNET
Tout à fait. Merci beaucoup. Merci.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous êtes venue un jour en avance. Pour les Français, l'inquiétude vient du coût de l'énergie avec ce week-end, le week-end dernier, un aller-retour un peu inquiétant entre plusieurs ministres. Y aura-t-il, oui ou non, une taxe sur le gaz ? Elle n'était pas dans le projet de loi de finances, elle était dans le dossier de presse. Est-ce qu'il y aura, oui ou non, une taxe sur le gaz ?
OLGA GIVERNET
Ecoutez ; là, la question sur les taxes de l'énergie se pose parce qu'on voit bien qu'avec les fluctuations du marché, la baisse pour le marché de l'électricité, mais il n'y a pas de baisse au niveau du gaz. Comment est-ce que les recettes de l'Etat se font ? Donc sur la question du gaz, la copie aujourd'hui, c'est qu'il n'y a pas de hausse sur le gaz. Il y a une volonté ensuite, il y avoir un débat au Parlement et de voir si une énergie carbonée, comme le gaz, doit prendre un peu de montant pour justement envoyer les bons signaux par rapport à l'électricité qui est décarbonée aujourd'hui et que nous poussons à avoir une transition énergétique.
CHRISTOPHE BARBIER
L'idée, c'est de chasser les niches brunes, comme on dit, c'est à dire les endroits où on a baissé des taxes parce que le coût était élevé, mais au profit de produits carbonés. On veut dissuader les Français d'aller vers le gaz ?
OLGA GIVERNET
Alors, on veut faire attention que si cette transition se passe, elle se passe en faveur des énergies décarbonées et donc d'envoyer des signaux, notamment sur la question de l'achat des chaudières. La baisse de la TVA va être retirée. Il faut que, dans les rénovations énergétiques de nos logements notamment, eh bien, qu'on puisse aller vers des énergies décarbonées. Et c'est le signal que nous souhaitons envoyer. Donc les niches brunes, oui, il y en a encore un peu partout dans le budget. On connaît le GNR - le gazole non routier - également, sur lequel on a de la détaxation. Et puis, on peut parler des billets d'avion qui donnent forcément un signal de… moins utiliser l'avion, mais plutôt aller se tourner vers le train. On est conscient aussi des circonstances pour les Français qui ont toujours besoin de se déplacer, qui ont toujours besoin de se chauffer, qui n'ont pas forcément les moyens d'aller vers une pompe à chaleur par exemple, en électrique. Donc on regarde l'ensemble des dispositifs qui sont, aujourd'hui, à disposition. Voilà, le gaz, on s'en remet au niveau du débat au parlementaire.
CHRISTOPHE BARBIER
C'est vrai que les billets d'avion, ceux qui ont la chance de prendre le billet d'avion, quelques centimes de plus, ça peut sembler anodin ; mais les professionnels vous disent : " Oui, mais les compagnies, du coup, ne vont plus passer par la France. On va perdre des emplois. " C'est un risque, ça.
OLGA GIVERNET
Alors, on a des travaux à mener sur ce qu'on appelle les SAF, les carburants qui permettent d'être plus écologiques parce qu'ils sont produits à partir de manière plus écologique. Et donc, la question sur les billets d'avion se pose effectivement.
CHRISTOPHE BARBIER
Il pourrait y avoir des avions propres et donc les billets ne seraient pas taxés ?
OLGA GIVERNET
Je crois, moi, en l'aviation qui peut faire sa transition. Certains disent qu'il faut arrêter…
CHRISTOPHE BARBIER
C'est une de vos spécialités, l'aviation professionnelle, dans votre première vie ?
OLGA GIVERNET
Je suis effectivement ingénieure aéronautique. Mais j'ai tendance à dire que, si au moment du… que lorsqu'on avait le train et qu'il utilisait le charbon, on l'avait arrêté en disant " le charbon, ce n'est pas bon "; eh bien, on n'aurait pas, aujourd'hui, un réseau ferré aussi développé comme le nôtre. Je crois qu'il faut laisser sa chance au secteur de l'aviation. En revanche, il faut vraiment le pousser vers ces nouveaux carburants. Et les discussions sont posées. Le fait de démontrer qu'on est, en tout cas sur tout ce qui est fioul, à porter plus de taxes, envoie les bons messages.
CHRISTOPHE BARBIER
Le GNR - gazole non routier - ça touche aussi les agriculteurs. Ils seront protégés contre une hausse de prix ?
OLGA GIVERNET
Pour l'instant, on n'a pas évoqué la question du GNR, mais ça revient régulièrement dans les débats. On a une incitation à l'électrification. On est conscient qu'on ne peut pas changer ces engins tous les quatre matins. Et donc, il faut trouver des machines qui permettent de répondre aux besoins des agriculteurs mais aussi aux besoins des paysagistes et autres qui utilisent ces engins et ensuite, d'augmenter tranquillement la taxe. Je sais qu'il y a eu des allers et retours, mais on tient bon dans le fait qu'il faut envoyer les bons messages.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors il y a aussi de l'électricité, bien entendu. La facture est importante pour les Français. Vous, vous avez pris un risque ; vous avez dit : " pour 80% des Français, ça va baisser. " Pourtant, une taxe va augmenter. Elle avait beaucoup baissé à la sortie de la crise de l'inflation. Êtes-vous sûre que le marché ne va pas nous trahir et faire remonter les prix ?
OLGA GIVERNET
On le souhaite. Le marché peut être fluctuant, mais on est dans une période où il est moins volatile. Donc, au mois de décembre, on devrait avoir une meilleure idée de ce que sera la baisse exacte du marché. Donc pour l'instant, en fait, on prend un risque d'augmenter la taxe alors que le marché va baisser. L'objectif, c'est que les consommateurs et les Français puissent en bénéficier et puis, que l'Etat aussi puisse améliorer ses recettes. Il faut trouver le bon curseur. Et donc le dispositif proposé, c'est d'avoir une partie fixe qui remonte, pas tout à fait à ce qui était avant la crise, mais également de se laisser une partie variable à la main du Gouvernement pour pouvoir ajuster et s'assurer que nous soyons bien dans les objectifs donnés, c'est-à-dire entre 9 et 10% de baisse pour la majorité des Français, comme vous l'avez dit, 80% des Français et que pour les autres qui avaient déjà bénéficié de la baisse du marché parce qu'ils étaient sur des contrats qui dépendaient du marché…
CHRISTOPHE BARBIER
Du tarif non réglementé…
OLGA GIVERNET
Voilà… donc verront effectivement une légère hausse.
CHRISTOPHE BARBIER
Toutes ces données, tous ces débats sur la hausse de la fiscalité, ça crée une ambiance terrible à l'Assemblée, y compris au sein de votre majorité. On entend des députés macronistes comme Mathieu LEFEVRE dire : " Je ne suis pas sûr de voter la partie recettes, je n'aime pas ces hausses d'impôts ". Est-ce que vous avez conscience d'aller presque contre nature par rapport à ce qu'est le mandat d'Emmanuel MACRON ?
OLGA GIVERNET
Ce sont des débats que nous avons entre nous. Et moi, je n'ai pas oublié que je fais partie de ce groupe qui est du camp présidentiel et de notre volonté aussi, que les messages que nous avons envoyés, notamment en faveur de l'économie, des entreprises, de l'emploi, qui ont permis cette dynamique en France ne soit pas cassée. Et c'est le message qui est relayé au sein du Gouvernement et que nous nous entendons aussi et que je crois que Michel BARNIER l'entend également. Donc, ça va être des débats animés. Les groupes sont très éclatés, il n'y a pas de majorité absolue comme on nous le dit depuis plusieurs mois. Donc c'est vrai qu'on a une copie qui va sortir de manière tout à fait incertaine à l'issue des débats à l'Assemblée nationale.
CHRISTOPHE BARBIER
Et l'incertitude, elle est aussi sur le sort du Gouvernement. Vous avez conscience d'appartenir à une équipe qui peut, n'importe quand, mais surtout dans quelques semaines, au moment du vote du budget, être remerciée par les parlementaires ?
OLGA GIVERNET
Tout à fait. Il y a déjà eu une première motion de censure. Et cette première motion de censure aurait pu créer la chute du Gouvernement ; ça n'a pas été le cas, en tout cas pas de la majorité de l'Assemblée nationale. Je crois qu'il faut se donner une chance d'avoir un budget pour la France, c'est important. Et puis, ce sera à la main des différents groupes d'opposition, ils y verront peut-être une opportunité politique. Ce serait dommage parce que lorsqu'on voit, sur les dernières semaines, les derniers mois, l'instabilité politique nous a fait prendre beaucoup de retard. Rien que sur mon sujet de la planification énergétique, eh bien, on a six mois de retard. Donc vraiment, je crois que tout le monde est assez conscient qu'il vaut mieux se donner le temps de poser les sujets, rétablir probablement le déficit. Et puis certains, lorsqu'ils auront des ambitions pour 2027, voudront peut-être récupérer les fruits du travail. Mais en tout cas, aujourd'hui, nous sommes complètement à la tâche et les Français, il faut qu'ils en soient conscients.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors sur vos domaines, justement, beaucoup considèrent que prendre du retard, c'est plutôt bien, parce qu'on a voulu aller trop vite ; trop vite sur par exemple le déclassement des appartements qui ne sont pas au niveau en termes de perméabilité énergétique, trop vite sur la fin des moteurs thermiques pour les voitures. Vous entendez ce message de l'opinion ?
OLGA GIVERNET
Alors on entend, sur la question du diagnostic de performance énergétique, sur ces appartements qui arrivent, qui sont en classe G, qui ne vont pas pouvoir être loués…
CHRISTOPHE BARBIER
Car on est en crise du logement…
OLGA GIVERNET
Alors, à partir du 1er janvier 2025, sous couvert d'un renouvellement de locataire. Donc ça veut dire que ce n'est pas dans l'immédiat. En revanche, il faut savoir que ce sont des logements en très grande précarité énergétique. Ça fait quand même trois ans que les propriétaires le savent, donc ils auraient pu anticiper. On voit bien qu'on arrive un peu à un mur aujourd'hui. Et on a identifié un biais aussi dans ce diagnostic de performance, c'est qu'il pénalisait les appartements et les logements qui sont chauffés à l'électricité. C'était un moment où on était encore sur une électricité carbonée, elle était produite à partir de charbon ; ce n'est plus le cas. On a un mix électrique avec le nucléaire et les énergies renouvelables ; ce sont les deux piliers sur lesquels nous sommes et qui sont complètement décarbonés. Nous souhaitons améliorer ce coefficient qui pénalisait l'électricité. Ce qui sortira un certain nombre de logements, ce n'est pas artificiel du tout, c'est vraiment parce que nous croyons aujourd'hui que l'électricité peut répondre aussi aux besoins de chauffage des logements.
CHRISTOPHE BARBIER
L'électricité, c'est aussi le salon de l'auto, en ce moment, avec la déferlante des véhicules électriques. Mais on se dit qu'on est peut-être en train d'ouvrir notre marché aux véhicules chinois pas chers et qu'on va finalement enterrer notre propre industrie. C'est votre inquiétude ?
OLGA GIVERNET
Alors, c'est un signal qui nous avait été remonté avec la volonté de pouvoir bloquer, de manière juridique, le fait que les véhicules chinois puissent venir en France, je sais que les constructeurs - j'ai été les rencontrer dès lundi - sont prêts avec leurs véhicules, avec des véhicules qui sont beaucoup plus abordables, ce que veulent les Français et de pouvoir transitionner vers l'électrique est important. Donc nous avons deux points de stratégie pour arriver à verdir le parc automobile, c'est d'aller sur les flottes professionnelles. Et là, les entreprises ne sont pas au rendez-vous, donc il faut accélérer. Il y a une initiative au niveau du Parlement avec une mission d'information sur ce sujet-là. Et puis, le deuxième point, c'est également de pouvoir soutenir les différents dispositifs d'aide à l'électrification des particuliers. Donc, avec ces deux approches, les professionnels d'un côté, qui doivent absolument jouer leur part parce qu'eux, achètent presque 50% des véhicules neufs, donc ce sont les véhicules d'occasion de demain. Eh bien, nous avons bon espoir d'atteindre l'objectif finalement, qui est européen, de ne plus vendre de véhicules thermiques en 2035. J'y suis très attachée et il faut rester dans cette ligne-là.
CHRISTOPHE BARBIER
Il faut garder ce calendrier. Il est bon, il est tenable ?
OLGA GIVERNET
Il faut garder absolument ce calendrier. Et la plupart des constructeurs nous le disent également. Ils ont investi beaucoup des milliards. Donc, on commence à avoir des modèles qui sont abordables, qui répondent aux besoins. On a encore un besoin également d'assurer les infrastructures de recharge, on le sait, mais aussi d'équiper les domiciles, notamment dans les copropriétés. Ce n'est pas toujours facile dans les parkings. Et vous verrez. Moi, j'ai un véhicule électrique. Depuis quatre mois, j'avais un véhicule hybride rechargeable avant quand on s'y fait. Ceux qui disent qu'on peut en revenir aux véhicules thermiques, moi, j'attends de les connaître.
CHRISTOPHE BARBIER
Y compris en zone rurale où on fait beaucoup de kilomètres dans l'Ain dont vous venez. C'est dur de se fonctionner uniquement à l'électrique.
OLGA GIVERNET
J'en fait beaucoup, des kilomètres. Et j'étais encore, jusqu'à très peu, députée. Donc ma circonscription étant très grande, eh bien, oui, on peut le faire avec des véhicules électriques. Il faut trouver une capacité qui va bien. Au moins, je n'ai pas eu besoin de monter jusqu'à 600 kilomètres d'autonomie. 400 kilomètres me permettaient de faire même des longs trajets à la journée. Donc… Et il faut savoir que la plupart des trajets du quotidien sont très réduits. Les entreprises elles-mêmes proposent des bornes de recharge, donc pendant la journée ça se fait. Donc vraiment, il faut une accoutumance et il faut un accompagnement des utilisateurs.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce qu'on va pouvoir produire assez d'électricité en France pour alimenter tout cela : les véhicules, l'intelligence artificielle et ses serveurs etc. ?
OLGA GIVERNET
Il le faut et ça se passera par de la planification.
CHRISTOPHE BARBIER
Et du nucléaire.
OLGA GIVERNET
Et du nucléaire. Et dans la planification, c'est : comment est-ce qu'on construit nos réacteurs nucléaires ? Comment est-ce qu'on n'accompagne également l'implantation de nos énergies renouvelables ? J'ai une programmation à faire sur l'éolien en mer notamment, qui va apporter des réponses avant les réacteurs nucléaires. Parce que là, on est plutôt à une échelle de 2035-2040 pour les réacteurs nucléaires. Et donc, il faut planifier cela avec de l'électricité. Ça va accompagner la réindustrialisation, on en a besoin. Et là, on serait plutôt à dire " maintenant, on planifie. On va avoir de l'électricité, il faut avoir des consommateurs. " Les consommateurs, ça passera par tout ce qui est transports, l'électrification du transport, mais aussi l'industrie qui doit se décarboner. Elle doit sortir absolument de ces énergies fossiles.
CHRISTOPHE BARBIER
La tension électrique est aussi dans la majorité. Vous avez fait le choix de soutenir clairement Gabriel ATTAL face à Elisabeth BORNE, pour prendre la tête du parti. C'est important. Ça va être une zizanie ? Comment ça va se passer ?
OLGA GIVERNET
Je me suis associée effectivement à une tribune de l'ensemble des présidents de fédérations départementales puisque j'en fais partie au titre du département de l'Ain. Et donc, on a besoin d'avoir, au mois de novembre, un parti qui se structure. La configuration politique aujourd'hui - on fait partie du camp présidentiel, mais on n'est plus du tout majoritaire - nécessite un parti qui soit fort, qui soit structuré. Le débat sera intéressant s'il y a plusieurs candidats. Mais en tout cas, je souhaite que chacun puisse se retrouver ensuite vers un projet commun.
CHRISTOPHE BARBIER
Olga GIVERNET, ministre déléguée à l'Energie. Merci et bonne journée.
OLGA GIVERNET
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 octobre 2024