Texte intégral
ORIANE MANCINI
Et notre invité politique ce matin, c'est Othman NASROU. Bonjour.
OTHMAN NASROU
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous. Secrétaire d'État chargé de la Citoyenneté et de la Lutte contre les discriminations. On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale représentée par Stéphane VERNAY de Ouest-France. Bonjour Stéphane.
STEPHANE VERNAY
Bonjour Oriane. Othman NASROU, bonjour !
OTHMAN NASROU
Bonjour.
ORIANE MANCINI
On va commencer par une actualité ; triste actualité, on a envie de dire. Ce sont ces chants homophobes qui ont été entonnés, samedi soir, au Parc des Princes lors du match de Ligue un entre le PSG et Strasbourg. Quelle va être la réponse du Gouvernement face à ces actes ?
OTHMAN NASROU
D'abord, nous avons voulu dire combien c'était inacceptable, combien l'homophobie n'a pas sa place dans le sport et en particulier dans le football. Combien nous n'allons pas mettre la poussière sous le tapis ou faire comme si nous n'avions pas vu ou entendu ce qui s'était passé. Parce que tout le monde avait entendu ces chants totalement inacceptables qui sont, vous l'avez dit, des chants homophobes. Il faut commencer par nommer les choses. Avec le ministre de l'Intérieur, Bruno RETAILLEAU et le ministre des Sports, Gil AVEROUS, nous avons convoqué une réunion des responsables sportifs qui aura lieu jeudi pour leur demander d'abord ce qu'eux comptent faire, voir avec eux comment ils comptent mettre un terme définitif et sanctionner sévèrement ces agissements. Et je l'ai dit, je veux le redire sur votre plateau, nous, au Gouvernement, nous prendrons toutes nos responsabilités.
ORIANE MANCINI
Responsables sportifs, c'est qui ? Les dirigeants du PSG ? la Ligue ? Qui sera là ?
OTHMAN NASROU
Les dirigeants du club, les dirigeants notamment de la Ligue de football professionnel puisque c'est sa compétence, de la Fédération aussi française de football, tous ceux qui sont concernés par le fait de faire respecter les règles. Dans le monde du football, il y a des règles. Il y a des sanctions qui sont prévues, qui sont à la disposition des instances dirigeantes du sport. Il faut que ces sanctions soient utilisées. Autrement, nous, au Gouvernement, nous prendrons nos responsabilités et nous activerons tous les leviers que nous pouvons.
STEPHANE VERNAY
Le problème est loin d'être nouveau. Il existe des règles. Il y a un panel de sanctions. Pourtant, ça ne marche pas parce que le problème n'est toujours pas réglé. Qu'est-ce que vous pouvez faire de plus qui ferait qu'on arriverait enfin à mettre un terme à ce genre d'agissements ?
OTHMAN NASROU
Mais d'abord, je constate que les sanctions qui existent ne sont pas systématiquement utilisées.
STEPHANE VERNAY
Pourquoi ?
OTHMAN NASROU
Eh bien, nous leur poserons la question jeudi. Mais en l'occurrence, les sanctions qui existent doivent être utilisées. Il y en a beaucoup.
STEPHANE VERNAY
Et vous voulez en rajouter d'autres, en créer d'autres ?
OTHMAN NASROU
Si c'est nécessaire, nous regarderons. Ce qui est très clair, c'est que nous ne voulons plus entendre ce type d'injures, ce type de propos dans une enceinte sportive. Et pardon de vous dire aussi que nous avons aussi un sujet de violence puisque dans un autre match, le lendemain, entre Marseille et Montpellier, nous avons eu des débordements, des affrontements avec la police. Nos policiers ont autre chose à faire que de venir gérer les excès d'un certain nombre de supporters, une minorité. Eh bien, cette minorité-là, il faut la mettre hors d'état de nuire. Il faut la mettre devant ses responsabilités.
ORIANE MANCINI
Pour qu'on comprenne bien, Othman NASROU, puisque vous dites " on va prendre nos responsabilités. " Un, qu'est-ce que vous attendez, aujourd'hui, de la Ligue ?
OTHMAN NASROU
C'est très clair. Ce que nous attendons, aujourd'hui, ce sont des sanctions.
ORIANE MANCINI
Des sanctions de quel type ?
OTHMAN NASROU
Des sanctions pour les fauteurs de trouble et des sanctions pour les clubs s'ils n'arrivent pas à faire respecter la discipline chez eux. Les dispositions qui existent aujourd'hui prévoient tout un panel de sanctions. Il peut y avoir des amendes financières. Il peut y avoir des interdictions de stade. Il peut y avoir des huis clos partiels. Il peut y avoir beaucoup de choses. Ce qui était essentiel…
ORIANE MANCINI
Mais il faut aller jusqu'où ? Il faut aller jusqu'au retrait de points, par exemple ?
OTHMAN NASROU
Il faut aller jusqu'à faire cesser ces mauvaises habitudes, ces excès, ces propos homophobes.
ORIANE MANCINI
Mais ça passe par quoi faire cesser ? Parce que, comme Stéphane le disait, ça se répète ; ce n'est pas la première fois. Comment on fait pour que ce soit la dernière ?
OTHMAN NASROU
Ecoutez, nous allons avoir une réunion avec les dirigeants. Nous leur dirons un certain nombre de choses. Nous allons entendre ce qu'eux ont à nous dire. Mais encore une fois, on ne va pas mettre la poussière sous le tapis et attendre que cela s'arrête tout seul. Il faut qu'il y ait des sanctions jusqu'à ce que ces agissements-là disparaissent. Encore une fois, il faut penser aussi à tous ceux qui viennent en famille regarder un match de football et qui n'ont pas à être exposés à cette violence, à cette homophobie.
ORIANE MANCINI
Mais juste, vous le mettez où le curseur ? Vous le mettez où ? Est-ce qu'une amende financière, c'est suffisant pour un club comme le PSG qui est un club qui a des moyens ou est-ce qu'il faut aller plus loin ?
OTHMAN NASROU
Si ce n'est pas suffisant, nous irons plus loin. La chose qui est très claire de notre côté…
ORIANE MANCINI
Mais qu'est-ce que vous, vous pouvez faire ? Quels sont les moyens, vous, à votre disposition ?
OTHMAN NASROU
Eh bien, j'ai parlé, par exemple, des interdictions… Il y en a un certain nombre qui sont des interdictions administratives. Cela, c'est un levier que le Gouvernement, que les préfets peuvent employer pour les fauteurs de troubles. Je vais vous donner un autre exemple. Nous pouvons déployer ce qu'on appelle les commissions d'observation, c'est-à-dire avoir, dans l'enceinte sportive, des gens qui observent et qui repèrent les fauteurs de trouble, qui notent les agissements délictueux. Parce que l'homophobie n'est pas une opinion, c'est un délit. Mais, encore une fois, il faut d'abord responsabiliser les clubs. C'est à eux de faire – pardon de le dire comme ça - le ménage chez eux et, en tout cas, de s'assurer que les règles sont respectées. S'ils ne le font pas, le Gouvernement prendra les mesures qu'il peut. Et s'il faut faire évoluer ces mesures-là, nous regarderons. Mais il n'est pas possible de considérer que ce qui s'est passé est normal.
STEPHANE VERNAY
C'est Bruno RETAILLEAU qui s'est exprimé le premier sur le sujet ce week-end. Vous avez cité Gil AVEROUS. Vous êtes partie prenante dans cette affaire. Qui va suivre le dossier au long court, en fait, dans la durée ? C'est vous qui êtes à la manoeuvre ?
OTHMAN NASROU
Aujourd'hui, c'est le ministre de l'Intérieur qui, suite à ce double épisode de violences et d'homophobie, a décidé de prendre en main le sujet. Je l'accompagnerai naturellement. Je suis secrétaire d'État auprès de lui et en lien bien sûr étroit avec le ministre des Sports. Dont c'est aussi la compétence. Nous aurons un travail interministériel en bonne intelligence.
ORIANE MANCINI
Un dernier mot, puisqu'il y a le match OM-PSG qui aura lieu dimanche soir. Est-ce que vous avez des inquiétudes autour de ce match ?
OTHMAN NASROU
Je peux vous dire que non, nous regarderons ce match avec attention, avec vigilance. Justement, ce sera l'occasion de voir si le nécessaire est fait, si les bonnes consignes sont passées et si les clubs et les responsables du football sont diligents pour faire appliquer ces règles. Et donc, évidemment, nous allons regarder ce match dimanche avec beaucoup d'attention.
ORIANE MANCINI
On va parler du budget. On va revenir évidemment sur les dossiers de votre ministère dans quelques instants, mais d'abord, Stéphane, un mot sur l'examen du budget.
STEPHANE VERNAY
Oui, j'imagine que vous suivez les débats sur le budget qui ont démarré à l'Assemblée nationale, hier soir. Comment est-ce que vous voyez les choses évoluer ? Est-ce que le texte budgétaire peut être vraiment adopté cette année sans avoir recours à l'article 49.3 de la Constitution ?
OTHMAN NASROU
Ce qui me paraît très clair, c'est que nous avons besoin d'un budget et nous avons besoin que chacun prenne ses responsabilités. Le Premier ministre l'a fait en tenant un discours de vérité sur l'état des finances publiques et en prenant des décisions qui ne sont pas des décisions faciles.
STEPHANE VERNAY
Cet esprit de vérité, enfin de responsabilité pourrait aller jusqu'à faire en sorte que les députés votent ce budget, même ceux qui ne sont pas dans l'alliance centriste LR qui tient le Gouvernement ?
OTHMAN NASROU
Ce sera aux députés de le dire. Moi, j'en appelle encore une fois à leur responsabilité, parce que, ce que nous essayons de faire avec Michel BARNIER, c'est d'éviter au pays une crise financière. On voit que les taux d'intérêt s'envolent, on voit qu'il y a une impasse budgétaire avec des déficits qui se sont creusés, on voit que la France est regardée dans le monde entier et par un certain nombre d'observateurs, par les marchés financiers aussi. Nous devons remettre les pays sur une trajectoire financière sérieuse, sur de bons rails. Et donc chaque député se positionnera, les groupes politiques se positionneront. Et si, évidemment il n'y a pas de majorité possible pour adopter ce budget, d'autres chemins sont possibles. Nous n'en sommes pas là, aujourd'hui. Aujourd'hui, le débat commence, les orientations sont indiquées et pour l'instant, nous écoutons aussi ce qui va être dit à l'Assemblée nationale.
STEPHANE VERNAY
Alors, ça démarre un peu curieusement, ce qu'il est effectivement nécessaire de redresser les comptes du pays, mais à quel rythme ? Quand on entend le député Charles De COURSON, par exemple, lui dit clairement qu'un effort de soixante milliards dès l'année prochaine, c'est trop. Et en même temps, vous avez la commission des finances, qui a travaillé pendant plus de trois jours sur le sujet et qui passait de 20 milliards de recettes nouvelles en impôts, en taxes fiscales et en impôts à trouver. Et à la fin des trois jours d'examen, ils sont passés à 50 milliards. Donc là, il y a quelque chose qui ne colle pas ? En fait, quand Michel BARNIER parle de concours Lépine de la fiscalité, si je me souviens bien, je crois que ce sont ses mots, il a raison, il se passe quelque chose d'étrange, non ?
OTHMAN NASROU
Il a dit dès le départ, notre Premier ministre, que son souhait, c'était que le recours à l'impôt soit en dernier recours, précisément, en dernier ressort. Il a aussi indiqué qu'il s'agirait d'avoir des prélèvements ciblés, temporaires, évidemment, que l'essentiel de l'effort allait peser sur la dépense publique. Il a tenu de son côté cet engagement dans la copie qu'il présente. Après, il y a le débat parlementaire. Effectivement, nous ne voulons pas alourdir les prélèvements obligatoires plus que nécessaire ; c'est très clair. Et de ce point de vue-là, nous verrons ce qui va être débattu maintenant en séance plénière, au-delà de ce qui a été voté et rejeté, je tiens à le dire, par la commission des finances de l'Assemblée nationale. Puisque, finalement la copie qui a été lourdement alourdie par la gauche notamment, a été rejetée. Et donc nous allons voir. Mais je veux vous lire encore une fois, ce qui se joue ici, ce n'est pas simplement un budget qui est là pour faire plaisir aux uns et aux autres, c'est l'intérêt général du pays que ce budget soit adopté et que ce budget remette sur les bons rails notre pays. Je le redis, l'objectif c'est de contenir le déficit. Donc moi, j'entends que tout le monde ne partage pas l'idée qu'il faille faire un effort. Mais tout le monde m'a l'air de partager le constat de la situation dans laquelle nous sommes. Et ce constat nous invite à dire qu'il faut absolument qu'on fasse des efforts pour que l'an prochain, on soit à 5% de déficit.
STEPHANE VERNAY
Et vous, à titre personnel, vous appartenez à quelle droite ? Celle qui considère que les impôts, c'est une ligne rouge à laquelle on ne doit pas toucher, ou vous soyez favorable à ce que les impôts augmentent compte tenu du contexte ?
OTHMAN NASROU
Il n'y a qu'une droite, celle qui a pris ses responsabilités.
STEPHANE VERNAY
Non, en ce moment, il y en a plusieurs.
OTHMAN NASROU
Eh bien, écoutez, je peux vous dire je n'en connais qu'une. J'irai, tout à l'heure, à la réunion du groupe de la droite républicaine à l'Assemblée nationale, pour échanger avec les députés. Parce que l'enjeu, il très simple ; nous ne pouvions pas assister en spectateur à cette situation dans laquelle le pays est en train de s'enliser. Nous avons choisi ; notamment que Laurent WAUQUIEZ, le président du groupe, de nous retrousser les manches. Et aujourd'hui, nous le disons, nous ne voulons pas, nous, dans l'absolu, qu'il y ait des hausses d'impôts. Mais la situation dans laquelle nous sommes nous met dans une impasse qui nous conduit à envisager des hausses, encore une fois, ciblées et temporaires. Mais bien sûr que l'essentiel doit reposer sur la dépense publique, bien sûr que l'on peut débattre du curseur, le Premier ministre l'a dit à plusieurs reprises ; s'il y a des idées d'économies, il est très ouvert à les envisager. Mais ce qui n'est pas discutable et ce qui fait l'unanimité chez nous, c'est qu'il faut qu'on remette les pays sur la voie de la bonne gestion financière.
ORIANE MANCINI
Vous êtes membre des Républicains, qui ont toujours défendu les retraités. Aujourd'hui, comment vous justifiez le décalage de l'indexation des pensions de retraite de six mois ?
OTHMAN NASROU
Ce sujet qui est en débat aujourd'hui… Je veux le dire, d'abord, il ne s'agit pas de désindexer les pensions de retraites, mais de décaler de six mois leur indexation. Ce n'est pas tout à fait la même chose. Et bien sûr que nous voulons préserver nos retraités et je pense en particulier aux petites pensions. Donc, il faut qu'il y ait cette discussion-là. Elle aura lieu dans le cadre du débat parlementaire.
ORIANE MANCINI
Donc, il faut un seuil pour vous ? Il ne faut pas que les petites retraites soient touchées par ce décalage ?
OTHMAN NASROU
Non, c'est le Premier ministre qui rendra les arbitrages. Simplement, ce que le Premier ministre indique, et il a raison, c'est qu'il nous faut des économies, c'est qu'il va bien falloir qu'on fasse des efforts. Et si on veut cibler ces économies et surtout les limiter dans le temps, et j'insiste là-dessus puisque, en l'occurrence, à toute la fiscalité envisagée, c'est l'idée, et c'est ce qui est inscrit dans le projet de loi de finances et que ce soit limité dans le temps, eh bien, je pense que c'est une bonne philosophie. Et encore une fois, il faut qu'il y ait d'abord des économies. Donc, s'il y a des idées d'économies nouvelles, nous les regardons.
ORIANE MANCINI
C'est crédible auprès de vos électeurs ? C'est-à-dire, vous, quand vous êtes dans l'opposition, vous critiquez à l'époque Emmanuel MACRON quand il touchait aux retraités. Et là, à peine arrivés à Matignon, vous décalez l'indexation de leur pension de six mois. Il n'y a pas un problème de crédibilité entre ce que vous dites quand vous êtes dans l'opposition et ce que vous faites quand vous avez les manettes ?
OTHMAN NASROU
Alors, d'abord, ce que nous avions critiqué, c'était la désindexation ; là, c'est un décalage dans le temps, mais on ne va pas jouer sur les mots. La différence, c'est qu'entre temps on a un déficit qui s'est considérablement alourdi, avec une prévision de déficit qui a été par deux fois revue à la hausse en l'occurrence. Et donc, aujourd'hui, nous devons prendre nos responsabilités. Nous avons eu… Je veux le dire, là aussi, le Premier ministre a eu un délai extrêmement court pour préparer ce budget. C'est du jamais vu dans l'histoire de la Cinquième République. Et donc il prend ses responsabilités, Il le fait avec courage, et notre responsabilité, c'est de l'aider.
ORIANE MANCINI
On va parler du budget de votre ministère.
STEPHANE VERNAY
Oui. Votre ministère est-il suffisamment doté par rapport à ce que vous entendez faire en tant que secrétaire d'État chargé de la Citoyenneté et de la Lutte contre les discriminations ?
OTHMAN NASROU
Nous avons une loi de programmation qui a été adoptée, celle pour le ministère de l'Intérieur. Pour l'année 2025, nous sommes au rendez-vous de ces engagements, donc je suis heureux de voir que le Premier ministre soutient, là aussi, le ministre de l'Intérieur dans sa volonté de rétablir l'ordre et, bien sûr, d'y consacrer les moyens adéquats. Personne ne comprendrait que la sécurité de nos concitoyens ne soit pas une priorité budgétaire. Elle est… Bien sûr que là aussi, il peut y avoir des efforts à faire, mais globalement, l'effort financier qui était attendu pour moderniser, par exemple sur le numérique, les pré-plaintes en ligne, pour continuer, bien sûr, à recruter et défendre nos forces de l'ordre, pour investir sur l'immobilier, les commissariats. Cet effort financier, il sera au rendez-vous en 2025.
STEPHANE VERNAY
Vous parlez de priorités, vos priorités à vous, au poste qui est le vôtre aujourd'hui, c'est quoi ? Votre feuille de route, il y a quoi dedans ? Parce que citoyenneté, lutte contre les discriminations, c'est aussi à la fois très vaste et un peu flou ?
OTHMAN NASROU
Eh bien, je vais vous le clarifier, je suis en charge, au nom du Gouvernement, de faire respecter le pacte républicain. Notre pacte républicain, c'est d'abord défendre un certain nombre de principes républicains, la laïcité, sans laquelle on ne peut pas avoir la paix civile, c'est évidemment défendre des principes aussi qui font qu'on doit pouvoir réussir l'intégration avec notre capacité à faire en sorte que les gens qui arrivent sur notre territoire s'approprient nos valeurs, un certain nombre de cultures, la langue française, c'est très important. Et en parallèle de cela…
ORIANE MANCINI
Elle fonctionne encore, l'intégration dans notre pays ?
OTHMAN NASROU
Eh bien cette intégration, elle fonctionne moins bien qu'auparavant. J'ai l'habitude de dire que le moteur de l'intégration s'est cassé. Nous devons le relancer et nous allons pour cela être plus exigeants en matière d'intégration, parce que plus nous serons exigeants en matière d'intégration, plus la cohésion de notre pays sera préservée et plus les personnes que nous accueillons pourront réellement s'intégrer.
ORIANE MANCINI
Ça veut dire quoi plus exigeants ?
OTHMAN NASROU
Cela veut dire, par exemple, que nous allons passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultats en matière de maîtrise de la langue française. Jusque-là, il y avait une obligation d'assister à un certain nombre de cours de français. Désormais, il y aura un examen pour nous assurer que la personne maîtrise effectivement un niveau de français suffisant.
ORIANE MANCINI
Ce que prévoyait Gérald DARMANIN dans sa loi.
OTHMAN NASROU
Nous le mettons en oeuvre et nous allons accélérer la mise en oeuvre qui est prévue. Je souhaitais avancer…
ORIANE MANCINI
Ça veut dire que ce n'est toujours pas mis en oeuvre aujourd'hui.
OTHMAN NASROU
Au moment où je vous parle, la loi n'est pas encore totalement mise en oeuvre. Nous sommes en train de travailler à sa mise en oeuvre rapide. Mais je veux vous le dire d'ores et déjà, il faudra aller plus loin parce qu'encore une fois, l'intégration, c'est à la fois une exigence et c'est une chance. Mais pour que ce soit une chance, il faut qu'on soit exigeant et qu'on s'assure que les personnes qu'on accueille s'intègrent vraiment.
ORIANE MANCINI
Juste pour que je comprenne. Plus loin que ce qui est dans la loi DARMANIN ou aller plus loin, ça veut dire faire appliquer la loi DARMANIN ?
OTHMAN NASROU
Les deux. D'abord, la faire appliquer le plus vite possible et aller au bout de ce qu'elle nous permet. Il y a des leviers qu'on peut encore utiliser dans le cadre de cette loi. Et puis, moi, je souhaite, à titre personnel, qu'on aille plus loin, à terme encore, en renforçant ces exigences d'intégration.
ORIANE MANCINI
Dans quels domaines on peut aller plus loin, par exemple ?
OTHMAN NASROU
Sur la maîtrise du français, on peut discuter du bon niveau de langue. Sur la durée du parcours d'intégration qui est, aujourd'hui, d'un an, on peut voir si on peut l'allonger pour nous assurer de la bonne intégration du primo arrivants avant de lui délivrer un titre de séjour sur plusieurs années. Il y a des leviers dont on doit pouvoir utiliser, mais il faut qu'on soit exigeants, y compris pour les personnes qu'on accueille, pour qu'elles puissent réellement trouver leur place et qu'on ne soit pas dans une fausse générosité qui consiste à les accueillir sans réellement les intégrer.
ORIANE MANCINI
Et ça, ce sera dans la nouvelle loi de migration prévue en 2025 ?
OTHMAN NASROU
Nous verrons le contenu de cette loi. Je ferai des propositions. Il y a d'autres choses qui sont envisagées pour cette loi. Je pense à la période de rétention administrative notamment. Il y a aussi, en parallèle, la transposition du pacte asile immigration. Donc, tout cela est à discuter. J'aimerais juste ajouter, si vous me le permettez, que dans ma mission de défendre le pacte républicain, il y a aussi le nécessaire lutte contre les discriminations, contre toutes les discriminations qui sont des entailles à ce pacte républicain. Donc il y a une exigence sur la laïcité, sur l'intégration. Et il y a en face, le respect de la dignité des personnes et la lutte contre toutes les formes de discriminations. Et c'est pour cela que nous sommes intraitables. On parlait tout à l'heure de lutte contre l'homophobie. L'un ne va pas sans l'autre. Et donc c'est cela ma mission au sein du Gouvernement.
STÉPHANE VERNAY
La première priorité que vous avez évoquée, c'est la laïcité. Est-ce que vous avez eu connaissance des incidents dans les établissements scolaires lors de l'hommage à Samuel PATY et Dominique BERNARD, lundi, la semaine dernière ou est-ce que ça fait partie des choses qui restent à l'Education nationale et rien qu'à l'Education nationale ?
OTHMAN NASROU
Oui, il y a eu un certain nombre d'incidents qui sont remontés par les autorités académiques. Le dernier chiffre dont je dispose fait état de 119 incidents, c'est ma collègue, effectivement ministre de l'Éducation nationale, qui les centralise et qui aura vocation à publier les chiffres définitifs, mais les dernières volontés font état de ce chiffre, c'est moins que l'année dernière, mais ça reste beaucoup trop. Là, on parle effectivement d'une minute de silence en hommage à Samuel PATY et Dominique BERNARD qui ont été perturbé, donc, ce n'est jamais anodin. Et moi, j'insiste, je veux absolument que les remontées se fassent même pour le plus petit incident et que chaque incident fasse l'objet, c'est le cas aujourd'hui d'une réponse, d'une sanction ou au moins disciplinaire, d'un signalement pénal s'il y a lieu, mais qu'on ne mette jamais la poussière sous le tapis.
ORIANE MANCINI
Mais là, il y a eu 119 sanctions ?
OTHMAN NASROU
Il y a 119 incidents qui font tous l'objet d'un suivi et à minima d'une sanction disciplinaire.
STÉPHANE VERNAY
Comment vous pouvez et qu'est-ce que vous comptez faire pour changer, améliorer la défense de la laïcité en France ?
OTHMAN NASROU
Mais d'abord la réaffirmer ?
STÉPHANE VERNAY
La réaffirmer ?
OTHMAN NASROU
Oui, je pense que cette laïcité, c'est un bien précieux qui doit être défendu, qui est d'abord qui doit être réexpliqué, parce que je note qu'une partie de l'échiquier politique, malheureusement, a caricaturé cette laïcité, a essayé de faire croire qu'elle était contre les religions, contre une religion en particulier, c'est faux. La laïcité, c'est d'abord la liberté de croire ou de ne pas croire, et ça suppose le respect d'un certain nombre de règles. Et donc il faut qu'on soit très clair sur ce qu'elle est sur par exemple, le fait de former tous nos agents publics, nous sommes en train de le faire à cette laïcité, à sa défense. Ça suppose aussi de la défendre concrètement en étant aux côtés de nos agents quand, dans l'exercice de leurs fonctions, ils sont mis en cause dans la défense de cette laïcité. Ça a été le cas récemment, par exemple avec cette enseignante du lycée Sévigné de Tourcoing qui a été agressée parce qu'elle faisait respecter la laïcité. Dans ces cas-là, il faut qu'on soit d'une très grande fermeté vis-à-vis de ceux qui prennent ce cette liberté-là et qui atteignent à l'intégrité de nos agents et qui atteignent à travers eux, évidemment, aux valeurs de la République et que tous nos agents sachent qu'ils seront défendus.
STÉPHANE VERNAY
Une dernière question en la matière la lutte contre la radicalisation, ça fait partie de votre portefeuille, de vos missions aussi ou pas ?
OTHMAN NASROU
C'est un sujet sur lequel nous travaillons de très près en ce moment même avec le ministre de l'Intérieur, c'est un sujet que je connais. Oui, je suis mobilisé sur ce sujet-là, aux côtés de Bruno RETAILLEAU. Nous avons beaucoup à faire. Il y a un travail très important qui est fait aujourd'hui par nos services de renseignement, bien sûr. J'ai eu l'occasion d'assister en déplacement à Rennes récemment, au suivi qui a été fait territorialement des individus les plus dangereux du suivi qui est fait par l'ensemble des services de l'État, c'est quelque chose qui fonctionne bien aujourd'hui. Nous devons aller plus loin dans l'identification de ceux qui ne sont pas dangereux, qui ne vont pas encore passer à l'acte, mais qui mènent une vraie bataille culturelle contre notre pays, qui font de l'entrisme. Sur tout cela, aujourd'hui, notre arsenal peut être probablement encore renforcé.
ORIANE MANCINI
Il y a une jeunesse de la radicalisation, il y a des radicalisés de plus en plus jeunes aujourd'hui ?
OTHMAN NASROU
Les chiffres sont incontestables. Il y a très clairement aujourd'hui des individus radicalisés de plus en plus jeunes, c'est extrêmement préoccupant, c'est un des sujets qui nous mobilise plus particulièrement. Je vous donne de ce point de vue-là un seul chiffre : les mis en cause pour association de malfaiteurs à caractère terroriste, ils étaient 1% en 2022, 10% en 2023, 21% en 2024.
ORIANE MANCINI
Les mineurs ?
OTHMAN NASROU
Les mineurs mis en cause, mis en cause dans une entreprise à caractère terroriste, donc on a un très fort rajeunissement des individus radicalisés. Et pour nous, ça va supposer évidemment une attention très particulière.
STÉPHANE VERNAY
Vous avez déclaré dimanche, je reviens sur la question de la loi immigration, vous avez déclaré dimanche sur CNEWS qu'une nouvelle loi immigration est évidemment nécessaire. Pourquoi " évidemment ", sachant qu'une trentaine de lois sur l'immigration ont été adoptées en France depuis les années 80, aucune n'a marché. Pourquoi ça ne fonctionne pas ?
OTHMAN NASROU
D'abord, elle est nécessaire parce qu'il y a des points aujourd'hui qui sont attendus, attendu par nos concitoyens…
STÉPHANE VERNAY
Vous pensez notamment le rallongement de la durée de rétention en centre de rétention administratif.
OTHMAN NASROU
Je pense que personne ne comprendrait qu'on ne cherche pas à protéger nos concitoyens en allongeant la période de rétention pour les individus les plus dangereux, ce qui est déjà le cas pour les cas de terrorisme, ce que le cadre européen nous permet.
STÉPHANE VERNAY
210 jours, c'est quand même considérable pour les cas de terrorisme ?
OTHMAN NASROU
Oui.
STÉPHANE VERNAY
Il y a vraiment besoin d'une loi pour allonger ce délai, ou pour appliquer cette règle à d'autres, à d'autres cas que les condamnés pour terrorisme ?
OTHMAN NASROU
Oui, il faut que ce soit dans la loi et le cadre européen nous autorise à aller jusqu'à 210 jours, vous l'avez dit, nous en sommes à 90 jours pour tous les autres cas hors terrorisme. Donc, aujourd'hui, pour quelqu'un qui a été condamné pour un crime sexuel par exemple, nous ne pourrions pas le garder en rétention au-delà de 90 jours, en tout cas, il y aurait, c'est plus compliqué de le garder au-delà et nous devons absolument combler tous les trous dans la raquette parce qu'on ne peut pas remettre en liberté des individus dans l'attente de leur expulsion alors qu'ils sont dangereux.
STÉPHANE VERNAY
Mais le problème, ce n'est pas… Pourquoi est-ce que c'est si long d'expulser des individus contre lesquels on a prononcé une fameuse OQTF, un Ordre de quitter le territoire français ? Pourquoi est-ce qu'il y a… Est-ce que le problème n'est pas du côté des pays qui refusent de reprendre nos ressortissants dont on ne veut plus en France ?
OTHMAN NASROU
Alors, c'est aussi une difficulté, vous avez raison, l'un n'empêche pas l'autre. Nous devons aussi travailler sur ce sujet-là, le ministre de l'Intérieur l'a déjà dit et le dialogue est engagé aujourd'hui avec les pays concernés, que nous allons utiliser tous les leviers dans le cadre, d'abord, d'une négociation pour obtenir de ces pays les fameux laissez-passer consulaires qui nous font aujourd'hui défaut, bien sûr, mais l'un n'empêche pas l'autre. On peut vouloir se préserver plus de temps justement, le temps d'obtenir ce laissez-passer consulaire et de mettre hors d'état de nuire des individus dangereux dans l'attente de leur expulsion. Et là, de ce point de vue-là, nous devons aller au bout de ce que le cadre européen nous autorise, comme le font d'autres pays et puis bien sûr, engager une vraie négociation avec les pays d'origine, une négociation qui peut passer par plusieurs leviers : les visas, l'aide au développement, pourquoi pas les tarifs douaniers jusqu'à obtenir une contrepartie, une réciprocité qui doit être le principe du droit international, c'est-à-dire une bonne coopération en matière migratoire.
STÉPHANE VERNAY
Juste pour terminer sur le sujet, dimanche, vous avez dit que des annonces adéquates seraient faites le moment venu sur la loi immigration. C'est quand le moment venu ?
OTHMAN NASROU
Vous avez annoncé avec le Gouvernement que cette loi était prévue pour le début de l'année prochaine. Nous avons un peu le temps avant d'en détailler le contenu.
STÉPHANE VERNAY
Ce calendrier sera tenu ?
OTHMAN NASROU
Oui. Il y aura une loi immigration début de l'année prochaine, bien sûr.
ORIANE MANCINI
Merci, Othman NASROU
OTHMAN NASROU
C'est moi qui vous remercie, merci beaucoup.
ORIANE MANCINI
Merci d'avoir été notre invité. Merci Stéphane. La une de Ouest-France : " Au coeur d'une Amérique fracturée par l'élection ", c'est à la une de votre journal. Merci Stéphane, à jeudi et je crois qu'on se retrouve jeudi, Stéphane, je sens une interrogation.
STÉPHANE VERNAY
Non, ce n'est pas ça…
ORIANE MANCINI
On verra ça. Merci, merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 octobre 2024