Texte intégral
Q - 8h29. Bienvenue Benjamin Haddad.
R - Bonjour.
Q - Vous êtes ministre délégué, chargé de l'Europe. Merci d'être avec nous ce matin. Parlons de l'actualité au Proche-Orient, avec de nouvelles frappes encore cette nuit au Sud-Liban de la part d'Israël. Emmanuel Macron et Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, se parlent par presse interposée, par communiqués interposés, parfois même acides, de part et d'autre. La France joue-t-elle encore un rôle dans ce conflit, tout simplement ?
R - Déjà, je voudrais rappeler que les deux dirigeants se parlent régulièrement, ils se parlent régulièrement au téléphone. On parle aux acteurs de la région. Et la France porte la voie qui a toujours été la sienne, c'est-à-dire le retour du dialogue politique dans la région. Depuis le 7 octobre, la position de la France a toujours été très claire : la condamnation absolue de l'attaque barbare du Hamas contre les civils israéliens, et le droit d'Israël à se défendre contre le terrorisme dans le respect du droit international humanitaire. Aujourd'hui, l'appel au cessez-le-feu avec la libération des otages, avec la possibilité d'acheminement de l'aide humanitaire vers les civils, que ce soit à Gaza ou au Liban, et la relance du dialogue politique pour aboutir notamment à une solution politique à deux États. Au fond, la question que pose la France sur ce qui se passe aujourd'hui au Proche-Orient, c'est : quel est l'objectif politique pour assurer la sécurité de tous les acteurs, et même la sécurité d'Israël ? Il y a la dimension militaire, mais sans solution politique, sans relancer, il n'y aura pas de sécurité durable. Ça, c'est la voie que porte la France, et c'est le message qu'on fait entendre. Je voudrais rappeler en plus qu'on parle aujourd'hui à une date où nous organisons une conférence majeure pour le Liban, de donateurs, aujourd'hui à Paris, avec plus de 70 pays qui seront représentés. On espère lever des centaines de millions d'euros qui iront soutenir le Gouvernement libanais, soutenir la population libanaise aussi dans cette période. Donc c'est le rôle que joue la France, c'est la voie diplomatique, et c'est bien sûr aussi le soutien à l'aide humanitaire que porte le Président de la République et le ministre des affaires étrangères, naturellement.
Q - Jean-Yves Le Drian, chez Darius Rochebin hier soir, disait qu'Israël était entré dans une forme, je le cite, de "guerre perpétuelle". Vous partagez cet avis ?
R - Ça pose précisément la question que j'étais en train de souligner. Face au terrorisme, la réponse militaire, la force, elle est naturellement légitime, nécessaire, mais elle n'est pas suffisante. Et la question que pose le Président de la République, c'est comment créer un cadre de sécurité durable qui inclut les intérêts de sécurité légitimes d'Israël, qui inclut la nécessité de la souveraineté des Palestiniens aux côtés d'Israël, et même le dialogue politique dans la région ? Vous savez qu'avant le 7 octobre, il y avait même des efforts de normalisation en cours entre certains pays de la région, notamment l'Arabie Saoudite et Israël. Comment réintégrer aussi ces acteurs dans un dialogue politique régional ? C'est aussi un message que nous portons avec nos partenaires européens. Mais pour cela, il faut aboutir à un cessez-le-feu, la libération des otages. Et puis l'aide humanitaire, c'est une fois de plus l'objet aussi de cette grande conférence internationale qui est organisée aujourd'hui à Paris pour le Liban.
Q - Benjamin Haddad, une petite parenthèse juste sur les rapports entre la France et Israël, entre Emmanuel Macron et Benyamin Netanyahou. Vous avez trouvé la taupe qui a fait sortir la phrase rapportée d'Emmanuel Macron sur l'Israël qui devait se souvenir de...
R - Non mais moi, je n'ai pas envie de relancer cette polémique. Et je crois là-dessus que le Président a été très clair. Vous savez, quand on est ministre, on doit s'atteler à sa tâche, avec responsabilité, avec rigueur, avec sérieux, et donc, effectivement, les Conseil des ministres sont des endroits de délibération, de débat, où la parole, précisément, doit pouvoir être libre. Et donc, notre responsabilité, c'est aussi de ne pas la rapporter...
Q - Être des amateurs dans ce Gouvernement ?
R - Pardon ?
Q - Être des amateurs, comme dit le Président de la République, dans ce Gouvernement ?
R - Encore une fois, le Président a été très clair sur le sujet, mais effectivement, c'est une tâche qu'il faut prendre avec sérieux et rigueur et je crois que le Président a raison de rappeler l'exigence de cet engagement.
Q - Autre conflit, celui qui oppose la Russie et l'Ukraine. Depuis mardi se tient à Kazan, grande ville de Russie, le sommet des BRICS. Preuve que ce sommet compte, le secrétaire général de l'ONU s'y est rendu également, António Guterres, pour discuter avec Vladimir Poutine. Première visite depuis plus de deux ans, je crois, en Russie. C'est la preuve que Vladimir Poutine n'est plus si isolé que ça, Benjamin Haddad ?
R - Plusieurs commentaires sur ce sommet des BRICS. Le premier...
Q - Une sorte de G20 alternatif, pour nos téléspectateurs.
R - Oui, c'est une façon de le dire. Le premier, c'est de rappeler qu'entre ce sommet des BRICS et puis l'élection américaine, je suis sûr qu'on en reparlera, qui se joue dans quelques semaines et qui aura des conséquences majeures sur la sécurité de l'Europe et la relation transatlantique, l'Europe, l'Occident doivent se rendre compte qu'on n'a plus le monopole sur le monde. Et ça exige déjà qu'on soit capable de porter ce message vis-à-vis des pays du Sud, quand on pense par exemple à la nécessité de soutenir le droit international et l'Ukraine, mais aussi la capacité pour nous, Européens, de défendre notre vision du monde, de défendre nos intérêts, de défendre notre sécurité, notre autonomie stratégique ; en particulier dans un monde où on voit aujourd'hui des modèles alternatifs qui commencent à émerger, des modèles même à la démocratie libérale. Le deuxième point, c'est qu'on peut s'étonner de la présence tout de même du secrétaire général des Nations unies à un sommet en Russie avec le président Vladimir Poutine, qui fait l'objet tout de même d'une procédure de la part de la Cour pénale internationale, qui est un organe des Nations unies, à un moment où il y a toujours une guerre d'agression depuis deux ans et demi de la Russie contre l'Ukraine, en violation flagrante là aussi du droit international. On peut s'interroger sur l'opportunité de cette présence.
Q - Mais pourtant, lorsque Volodymyr Zelensky, aux Nations unies, aux États-Unis, en Europe, partout dans les grandes capitales, propose son Plan pour la victoire, nouvelle formulation de son ancien Plan pour la paix, c'est bien parce qu'il espère qu'il va y avoir un moment où il faudra de toute façon s'asseoir à table. Et vous pensez que les Nations unies, à ce moment-là, devraient ne pas être autour de cette table ?
R - Ah mais nous soutenons le Plan de victoire de Volodymyr Zelensky. Qu'est-ce qu'il dit ? Il dit qu'il est ouvert à la négociation. Donc l'enjeu aujourd'hui, c'est de créer le rapport de force le plus favorable possible sur le terrain pour les Ukrainiens, notamment en continuant le soutien militaire, le soutien économique qui a été le nôtre depuis deux ans et demi, pour créer les conditions d'une négociation équitable et non pas d'une capitulation face à la Russie. Ça, c'est la responsabilité des Européens, puisque je rappelle que – il faut toujours le dire – on ne soutient pas les Ukrainiens par altruisme. Certes, ils se battent pour leur souveraineté, pour nos valeurs de démocratie et de liberté, mais on défend nos intérêts, nos intérêts de sécurité, c'est-à-dire la stabilité du flanc est de l'Europe, en particulier avec certains de nos partenaires de l'OTAN, de l'Union européenne, qui sont menacés en première ligne par la Russie et son révisionnisme. Et donc, les Ukrainiens se battent pour notre sécurité. Nous avons une responsabilité de continuer à les aider, de négocier au moment où ils considèreront que c'est nécessaire, que c'est important pour leur sécurité ; et de continuer à les accompagner aussi, sur le plan politique, vers le chemin vers l'Union européenne, procédure d'adhésion qui prendra du temps mais qui sera nécessaire aussi pour la stabilité de notre continent, et vers des garanties de sécurité durables et crédibles.
Q - On a beaucoup parlé cette semaine, évidemment, de ce qui s'est passé en Moldavie, une victoire vraiment sur le fil pour Maia Sandu sur son référendum pour l'adhésion à l'Union européenne. Là, ça va être le tour de la Géorgie de voter ce week-end. Eux aussi aspirent à rejoindre l'Union européenne, et en même temps, jamais il n'y a eu autant d'attaques, d'ingérences, de manipulations de la part de la Russie pour essayer de faire en sorte que ce chemin-là soit entravé. Comment, nous, la France, on se situe par rapport à ça, vis-à-vis, par exemple, de la présidente, Mme Zourabichvili ?
R - Oui, merci de mentionner la Géorgie. Effectivement, il y aura une élection capitale ce week-end, après le premier tour de l'élection moldave. Et dans tous ces pays, on voit une forte aspiration européenne, qui est la promesse d'un avenir démocratique, tourné vers l'Europe, de la lutte contre la corruption, de la préservation de l'État de droit, autant de valeurs que nous voulons soutenir. Nous soutenons les aspirations européennes des populations géorgiennes et moldaves. La Géorgie, aujourd'hui, est candidate à l'Union européenne et donc, on regarde avec beaucoup de vigilance ce qui se passe en Géorgie. Et on a vu une dérive illibérale de la part du gouvernement Rêve géorgien, que ce soit des assauts contre la société civile, contre les minorités – je pense notamment aux LGBT –, avec peut-être des risques sur l'intégrité des élections. On regarde de très près. J'ai co-signé avec plusieurs de mes homologues européens un courrier en ce sens, il y a quelques jours, appelant le gouvernement géorgien à respecter l'intégrité des élections, à procéder à des élections libres et transparentes, puisque quand on veut être candidat à l'Union européenne, ça exige le respect des valeurs de l'État de droit de l'Union européenne. Et je rappellerai aussi la dimension géopolitique, puisque vous l'avez dit : qu'a révélé, le 24 février 2022 l'agression de la Russie contre l'Ukraine ? C'est qu'au fond, on avait laissé sur notre continent, en Europe, des zones grises, des conflits gelés, comme on dit, qui sont en fait autant d'épées de Damoclès qui sont utilisées par la Russie pour empêcher certains de ses voisins de pouvoir choisir librement leur avenir politique et démocratique. L'Europe doit se réinvestir dans ce voisinage, doit soutenir les gouvernements qui font le choix de l'Union européenne, doit pouvoir accompagner les aspirations européennes de ces populations. C'est pour ça que, encore une fois, nous avons soutenu, appuyé, tous les efforts qui ont été faits par Maia Sandu, notamment dans la lutte contre la corruption ces dernières années, et ceux qui seront faits par la population géorgienne.
Q - À ce propos, on parlait de l'Ukraine et du Plan pour la victoire de Volodymyr Zelensky, qui demande l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN. On sait que les États-Unis et l'Allemagne, pour le moment, y sont plutôt opposés. Quelle est la position de la France là-dessus ?
R - La France soutient l'aspiration de l'Ukraine à l'OTAN et la possibilité peut-être de lancer une invitation. Alors, de quoi parlons-nous ?
Q - L'invitation, ça ne veut pas dire l'adhésion.
R - Vous avez raison de le dire. Effectivement, l'adhésion se ferait après la guerre, parce que sinon, on se retrouverait entraîné dans un conflit. Mais la question qui se pose, c'est quelle est la meilleure façon d'assurer, après la guerre, la stabilité et la dissuasion, donc la paix, dans cette région, sur le long terme ? Effectivement, la volonté des Ukrainiens de rentrer à l'OTAN permettrait d'avoir des garanties de sécurité extrêmement robustes et durables. Il y a aujourd'hui un débat au sein de l'Alliance sur ce sujet. Nous, la position de la France, c'est de soutenir l'Ukraine en ce sens et, a minima, en tout cas à moyen terme, de définir des garanties de sécurité extrêmement robustes et crédibles qui empêcheront la prochaine agression, parce que, fondamentalement, les leçons de l'attaque contre la Géorgie en 2008 ou de l'annexion de la Crimée en 2014, c'est qu'un cessez-le-feu peut juste être une pause de quelques années avant une nouvelle agression. Donc, l'enjeu, là, le jour où une négociation commencera éventuellement, c'est, après, de créer les conditions d'une stabilité durable.
Q - Benjamin Haddad est notre invité ce matin, le ministre délégué chargé de l'Europe. On revient dans un instant. Il est face aux experts. À tout de suite.
(...)
Notre invité ce matin dans le 6-9, c'est Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe. On attaque le volet économique et notamment le Mercosur.
Q - Oui, une question plus économique justement parce qu'aujourd'hui, les agriculteurs français sont inquiets que finalement le traité du Mercosur soit signé entre l'Union européenne et le Brésil. La France s'y est longtemps opposée. Est-ce que ce n'est pas une preuve que justement la France a moins, aujourd'hui, d'impact au sein de l'Union Européenne ? Elle pèse moins, elle a moins d'influence ?
R - Déjà, moi, je comprends et je respecte l'inquiétude des agriculteurs. Elle est entendue par le Gouvernement. Et là-dessus, la position de la France elle est très claire : en l'état, cet accord n'est pas acceptable, et donc nous nous y opposons. Il n'est pas acceptable sur le plan de l'équité des normes commerciales. On ne peut pas imposer à nos agriculteurs, à nos entreprises des normes, par exemple phytosanitaires, environnementales, que nos partenaires commerciaux ne respectent pas. Et puis elle n'est pas acceptable sur le plan de la durabilité, du respect des Accords de Paris, du soutien à la transition environnementale. Au fond, la France, vous savez, n'est pas contre les accords de libre-échange. On a soutenu le CETA, on a soutenu l'accord avec la Nouvelle-Zélande... Mais à un moment, le message que nous portons en Europe, c'est d'une Europe moins naïve, une Europe qui est capable de défendre ses intérêts, ses intérêts commerciaux, ses intérêts stratégiques. Et quand on regarde l'accord du Mercosur, ça fait un petit peu penser à ces accords de libre-échange sur le plan industriel qu'on signait avec la Chine autrefois, en disant : "Au fond, tout accord de libre-échange, il est forcément bon et il bénéficiera forcément aux deux parties", et on a vu l'impact aux États-Unis, en Europe, que ça a pu avoir parfois en termes de désindustrialisation. À un moment, il faut des accords qui soient équitables et qui respectent nos intérêts.
Q - Mais quand même, il va être signé, cet accord.
R - Attendez, on verra. Nous, on continue à porter ce message, on continue à alerter nos partenaires, à créer des coalitions et à dire à la Commission, très clairement, que cet accord n'est pas acceptable pour la France en l'état, qu'il doit prendre en considération nos intérêts, nos exigences en termes d'équité et de durabilité. Et la France continue de se mobiliser avec ses partenaires.
Q - Benjamin Haddad, on a beaucoup parlé ce matin dans la matinale de l'élection et de la campagne américaine, évidemment. Vous avez passé huit ans aux États-Unis, vous avez travaillé pour deux think tanks différents, et notamment pendant la présidence Trump. À quoi doit-on s'attendre si jamais il est élu le 5 novembre ? Et quel que soit, d'ailleurs, avec la marge de victoire qu'il aura.
Q - Les conséquences pour nous, oui, c'est ça.
R - Déjà, je dirais que quel que soit le candidat élu, il faut voir les tendances de fond aux États-Unis, qui est une Amérique qui déménage de l'Europe, qui se concentre sur sa rivalité stratégique avec la Chine, qui se tourne vers le protectionnisme. Le protectionnisme, c'est aussi l'administration Biden, c'est l'IRA, c'est les tarifs sur les véhicules électriques chinois. C'est la suite de certains tarifs contre l'Europe de l'administration Trump. Voir cette tendance de fond, et en tirer une conclusion très claire : nous ne pouvons pas dépendre des autres pour notre propre sécurité. Et donc, nous travaillerons avec le président américain, quel qu'il soit, et ce seront nos alliés, mais il faut qu'on soit capables de peser et donc d'assurer notre propre sécurité, de réinvestir sur le plan industriel, sur le plan de la défense.
Q - Mais le problème, là, en l'occurrence, si c'est Trump, je reviens là-dessus, c'est parce qu'en l'occurrence, sur l'Ukraine, on change totalement de paradigme. On a une administration Biden-Harris qui continue, et encore très récemment, encore hier, de financer l'effort de guerre ukrainien, alors que Donald Trump passe son temps à dire que s'il arrive au pouvoir, en 24 heures, c'est terminé, c'est plié, l'Ukraine sera neutre. Point barre.
R - C'est pour ça qu'il faut rappeler : l'Ukraine, c'est avant tout l'intérêt des Européens. C'est sur notre continent, c'est une guerre d'agression à nos portes avec des conséquences, non seulement en termes sécuritaires, mais aussi en termes de prix de l'énergie, de prix de l'alimentation qui touchent directement les Européens. Donc donnons-nous les moyens d'assurer notre sécurité en investissant dans notre outil industriel de défense, mais aussi en continuant à soutenir l'Ukraine. Nous sommes en train de finaliser là un projet qui était vraiment poussé par la France, qui est un prêt du G7, financé sur les intérêts générés par les avoirs gelés de la Banque centrale russe en Europe – 50 milliards, donc 20 milliards pour les Européens, 20 milliards pour les Américains, 10 milliards pour les autres acteurs du G7 –, qui sera notamment fléché vers les besoins militaires de l'Ukraine face à la Russie. Autant d'outils qu'il faut qu'on soit capable de développer en Européens pour continuer de garantir la sécurité de l'Ukraine. Mais vous savez, ce que vous dites, c'est vrai que moi, ce qui m'a frappé quand j'étais aux États-Unis pendant quatre ans sous Trump, c'est qu'il y a une forme de déni collectif des Européens. On s'est dit : "C'est une parenthèse, ça va passer, serrons les dents, essayons de faire du transactionnel pour ramener Trump à l'Europe".
Q - Sauf que là, ce sera pire.
R - Sauf que là, ce sera probablement pire. Et d'ailleurs, quand on voit certaines des propositions, on parle de tarifs douaniers de 10 % sur toutes les importations, donc avec le coût économique que ça représentera pour l'Europe. Ce sera pire sur le plan sécuritaire, sur le plan des questions qui sont posées sur la fiabilité des garanties de sécurité américaines au sein de l'OTAN. Tirons-en les conséquences. Ne dépendons pas des électeurs du Michigan tous les quatre ans, tirant à pile ou face notre sécurité. Et d'ailleurs, encore une fois, ça vaudra que ce soit Donald Trump ou que ce soit Kamala Harris. Je rappelle que la première année de Joe Biden, c'est aussi l'année de l'AUKUS, c'est l'année du retrait d'Afghanistan sans prendre en considération les alliés britanniques ou allemands. Il faut voir la tendance de long terme, continuer à travailler avec le président américain, quel qu'il soit, parce qu'on aura aussi des intérêts communs, mais il faut être capable d'assurer notre défense, de peser dans les équilibres du monde, à la fois sur le plan militaire, mais aussi sur le plan économique et industriel. C'est ce que nous rappelle le rapport Draghi. Il souligne quand même le décrochage industriel de l'Europe. Depuis 30 ans, les Américains ont produit deux fois plus de PIB que nous. On le voit sur l'intelligence artificielle, sur le quantique, sur les questions industrielles, un décrochage de l'Europe par rapport à ses partenaires et ses concurrents. Ça demande de nous d'investir massivement, d'être capable de repenser la politique d'industrialisation. Ce sera la priorité de la France pour les prochaines années de la Commission européenne.
Q - Benjamin Haddad, une petite question politique avant de terminer, avant de vous lâcher. Vous suivez les débats à l'Assemblée nationale. Vous avez vu l'état dans lequel se trouve votre majorité relative. Vous avez vu les oppositions internes. Deux questions : est-ce que cette majorité peut tenir longtemps dans cet état-là ? Et deux, sur le budget, est-ce qu'il faut décider d'un 49.3 vite ?
R - Déjà, les Français attendent de nous de la stabilité de la responsabilité. On parle quand même d'un moment où nous avons un déficit massif, qu'il faut réduire, un budget de responsabilité – responsabilité pour la souveraineté et l'avenir du pays, pour notre capacité à continuer à investir dans le service public, à investir dans l'avenir –, et puis notre crédibilité vis-à-vis de nos partenaires européens, vis-à-vis aussi des investisseurs étrangers. Depuis sept ans, on a fait revenir les investisseurs étrangers, on a ramené la croissance et on a fait baisser le chômage en France. On a enfin donné une trajectoire positive à notre économie, mais là, c'est ce qui se joue aujourd'hui, aussi, dans notre capacité à équilibrer ce budget. Donc c'est un instant de responsabilité. Et oui, c'est vrai que je suis un peu effaré de ce que je vois en ce moment à l'Assemblée nationale. Parfois, je me dis, "c'est dommage qu'il n'y ait pas eu une épreuve de création d'impôts aux Jeux olympiques, parce que la France insoumise aurait gagné les trois médailles, on serait peut-être monté au classement". À un moment, il faut quand même faire preuve de responsabilité. Une fois de plus, on est attendu au tournant, non seulement par les Français, qui voient ce qui se passe, – ils voient ce qui se passe –, mais aussi par les Européens. Je le vois, moi, quand je parle à mes partenaires européens, ils m'interrogent sur notre trajectoire budgétaire, ils m'interrogent sur notre capacité à le faire passer. Donc, là, on a tous une responsabilité collective de stabilité, et il faut que ce budget passe.
Q - Merci beaucoup, Benjamin Haddad, d'être venu ce matin dans la matinale, dans le 6-9.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 octobre 2024