Texte intégral
Q - Bonsoir Monsieur le Ministre.
R - Bonsoir.
Q - Merci beaucoup d'être là. Est-ce qu'effectivement la France ne ferait rien si la Géorgie l'appelait à l'aide, si elle était envahie par les Russes ?
R - Déjà, il faut rappeler ce qui s'est passé en Géorgie, puisque tous les rapports des observateurs électoraux le disent très clairement, celui de l'OSCE et celui du Parlement européen : c'est un recul démocratique. Ce n'est pas une élection libre et équitable qui a eu lieu en Géorgie. La Géorgie, c'est un pays candidat à l'Union européenne. Quand on est candidat à l'Union européenne, ça entraîne des exigences et des responsabilités. Le respect de l'État de droit, l'intégrité du processus électoral. Il y a une aspiration européenne légitime de la part de la population géorgienne. Il faut l'entendre, il faut la soutenir. Et donc, quand on voit ce qui s'est passé ces derniers jours, nous devons être en capacité de le condamner et de le dire de façon très claire. Après, pour répondre à votre question, je n'ai pas envie de spéculer sur des scénarios. Je rappelle que quand l'Ukraine a été envahie par la Russie, il y a eu beaucoup de cyniques qui disaient que les Ukrainiens ne se défendraient pas, que les Européens, les Américains ne feraient rien. Et nous avons donné des moyens aux Ukrainiens de se défendre face à l'agression. Mais en tout cas, il faut être extrêmement clair sur ce qui se passe en Géorgie. Le dénoncer. Dire aussi très clairement aux autorités géorgiennes que nous suivons avec beaucoup de vigilance la façon dont les manifestants démocrates seront traités.
Q - Pour être précis, est-ce que cette élection, pour vous, est truquée ?
R - C'est ce que disent clairement tous les rapports des observateurs. On parle d'intimidations, de violences, de chantage, d'un recul démocratique.
Q - Cela veut dire que vous ne reconnaîtrez pas ce gouvernement ?
R - Qui poursuit d'ailleurs une dérive illibérale, qu'on a vue, du gouvernement Rêve géorgien depuis des années. Que ce soit d'ailleurs les violences, les menaces contre les minorités LGBT, que ce soit la loi sur les ingérences étrangères. Et je voudrais dire que, à travers ce qui se passe en Géorgie et ce qui s'est passé en Moldavie ces derniers jours aussi bien sûr, avec le référendum, on a vu des ingérences russes massives. C'est l'idée européenne, à ses portes, à ses frontières, qui est attaquée. Parce que fondamentalement, c'est la volonté de ces populations de se tourner vers l'Europe, qui est synonyme aussi pour eux de la lutte contre la corruption, de la préservation de l'État de droit, de la démocratie. C'est cette aspiration-là qui est attaquée par les ingérences de la Russie. L'une des leçons de l'agression russe contre l'Ukraine, le 24 février 2022, c'est que pendant trop longtemps, on a négligé sur le continent européen, dans les Balkans et évidemment en Ukraine, en Géorgie, en Moldavie, on a négligé ces zones grises qui étaient des théâtres d'influence des Russes, des Chinois, d'autres... On a un peu oublié nos voisins, alors que c'est aussi nos intérêts de sécurité et la stabilité de l'Europe qui s'y joue. Donc c'est important aussi d'y être engagé.
Q - On va poursuivre avec vous. Un mot encore, Gérard Araud, puisqu'il y a un nouveau livre où vous faites des portraits assez terribles de tous les ministres que vous avez vu défiler, les Villepin, etc. Là vous avez un successeur.
Q - Comment ? Un successeur des ministres ? Il n'est ministre que des affaires européennes. Il sera sans doute ministre, peut-être des affaires étrangères. Il faut surtout ne pas dire cela parce qu'au Quai d'Orsay, le ministre des affaires européennes et le ministre des affaires étrangères, traditionnellement, ont des rapports – comment pourrais-je dire ? – un peu compliqué. Mais je suis sûre que ce n'est pas le cas avec Benjamin...
R - J'ai de la chance d'avoir... Mon ministre est d'ailleurs mon prédécesseur, donc évidemment, connaît et suit de très près ces sujets et travaille là-dessus.
Q - Voilà, donc merci beaucoup Gérard Araud. Entrons dans le vif des sujets avec vous, Monsieur le Ministre. Evidemment, ce qui se passe aux portes de l'Europe, que des Nord-Coréens, que des combattants nord-coréens viennent défier l'Europe, parce qu'ils se rapprochent de l'Europe, qu'ils vont combattre les Ukrainiens. Quelle est la réaction de la France ?
R - Bon, déjà, si ces informations effectivement sont avérées, c'est une fois de plus une escalade en Ukraine, contre les Ukrainiens, de la part de la Russie, d'avoir recours à des troupes de la Corée du Nord. Fondamentalement, ce qui se passe en Ukraine, encore une fois, ça engage nos intérêts de sécurité, c'est la stabilité du flanc est de l'Europe, c'est la défense bien sûr de nos valeurs, la liberté, la démocratie, les valeurs européennes. C'est aussi la défense de nos intérêts, quand on pense aux prix de l'énergie, aux prix de l'alimentation. Donc il faut qu'on continue ce que nous avons fait depuis deux ans et demi, c'est-à-dire donner aux Ukrainiens les moyens de se défendre contre l'agression. Je dis cela, je suis sûr qu'on va en parler, aussi dans le contexte des élections américaines qui viennent, qui auront des conséquences sur les garanties de sécurité américaines en Europe, sur l'avenir de la relation transatlantique, peut-être sur le soutien américain à l'Ukraine – je ne l'espère pas. Nous devons nous donner les moyens de pouvoir continuer à aider les Ukrainiens à se défendre.
Q - Est-ce que ces Nord-Coréens sont un danger pour l'Europe ?
R - L'agression de la Russie contre l'Ukraine est un danger pour l'Europe.
Q - Mais là, c'est une circonstance nouvelle, ces Nord-Coréens.
R - Mais tout ce qui vient soutenir, escalader et donner des outils escalatoires à la Russie dans son agression contre l'Ukraine, bien sûr, c'est notre sécurité qui est en jeu. Donc c'est une menace pour l'architecture de sécurité européenne et donc pour nos intérêts. Et c'est pour ça que nous continuons à donner. La France le fait. Vous savez que la France entraîne des soldats ukrainiens sur son sol, que nous continuons à livrer des armes. Nous aurons les Mirage qui viendront à partir de la première moitié 2025. Et nous sommes en train aussi de finaliser au niveau européen, avec nos alliés américains, des nouveaux outils de soutien. Je pense notamment à un prêt de 50 milliards d'euros qui est en train d'être finalisé avec le G7, financé sur, vous savez, les intérêts qui sont générés par les avoirs de la Banque centrale russe qui ont été gelés en Europe. Donc ces avoirs ont été immobilisés depuis le début de l'agression russe contre l'Ukraine, le 24 février.
Q - Est-ce qu'on sait quelle sera la part de la France, dans ces 50 milliards ?
R - Ces avoirs génèrent des intérêts, 2-3 milliards d'euros par an. Et à partir de ça, on crée un emprunt. Donc il y aura 20 milliards pour les Européens, donc au prorata des économies européennes, 20 milliards d'euros d'emprunt pour l'UE, 20 milliards pour les États-Unis, 10 milliards pour les autres pays du G7. Et cette aide doit venir en premier lieu financer le soutien militaire à l'Ukraine. C'est notre objectif. Ça fait partie, encore une fois, de la nécessité de continuer à pouvoir aider les Ukrainiens sur le plan militaire.
Q - Vous avez mentionné la possibilité Trump. On est à sept jours seulement. Est-ce que pour vous, Donald Trump, pour l'Europe, pour les intérêts de l'Europe, serait un recul ?
R - Il y a deux façons de répondre. Je voudrais d'abord vous dire qu'au fond, quel que soit le candidat élu, que ce soit Mme Harris ou M. Trump, on voit des tendances de fond profondes aux États-Unis. La tendance au protectionnisme, qu'on a vue s'amplifier aussi sous la dernière administration, que ce soit avec l'IRA, le soutien aux industries américaines qui a été fait de façon unilatérale par les Américains ; que ce soit avec un certain nombre de tarifs douaniers de l'administration Trump, qui ont été prolongés par les États-Unis ; certaines décisions unilatérales, on peut penser bien sûr à AUKUS, vous savez, la fameuse histoire des sous-marins, ou encore le retrait d'Afghanistan. Et puis, bien sûr, une tendance qui était déjà amorcée sous Barack Obama, qui a été continuée par ses successeurs, au pivot vers l'Asie et la centralité de la rivalité stratégique avec la Chine pour les États-Unis. Tout ça, ça a des conséquences pour les Européens, qui sont de ne pas dépendre des autres pour notre propre sécurité. Nous avons des alliés. Nous continuerons à travailler avec ces alliés au sein de l'OTAN. On a parlé de l'Ukraine. C'est un intérêt de sécurité majeur pour les Européens, mais comme aussi pour les Américains. Nous devons continuer à travailler avec eux. Mais effectivement, nous donner les moyens collectivement, en Européens, d'assurer notre propre sécurité, notre propre défense, en investissant dans les coopérations de défense, et de défendre nos intérêts, même commerciaux, en assumant des rapports de force, le cas échéant, avec les États-Unis. Après, effectivement, il y a tout de même des programmes, des déclarations de certains candidats, et notamment le risque, une fois de plus, d'une guerre protectionniste...
Q - Une guerre commerciale.
R - ...qui n'est dans l'intérêt de personne.
Q - Est-ce que Trump, c'est la guerre commerciale ?
R - En tout cas, on voit déjà ce qui s'était passé lors du premier mandat. On voit aujourd'hui les déclarations de la campagne, effectivement, sur les risques de tarifs douaniers.
Q - Il l'a dit dans un meeting récent. Il a dit "J'ai mis la France au pas" en substance. Apparemment, il parlait du champagne.
R - D'ailleurs, il parle régulièrement de l'Union européenne. Vous savez qu'il le disait déjà à l'époque. Donc là, l'enjeu pour nous, c'est une fois de plus de ne pas tomber dans le piège de la division. Ce serait le pire piège, quel que soit le président américain. Mais le pire piège pour les Européens serait de se diviser, d'aller en rangs dispersés vers Washington, alors que pour peser, à la fois pour avoir des bonnes relations en tant qu'alliés mais aussi pour assumer des rapports de force pour défendre nos intérêts, nous avons tous intérêt collectivement à être soudés.
Q - Est-ce que vous craignez que ça donne un signal ? Donald Trump, on l'a entendu. D'ailleurs, je crois que c'est Jordan Bardella, récemment, qui a dit sa préférence pour Donald Trump. Est-ce que vous craignez... D'autres s'en réjouissent. Mais est-ce que pour vous, c'est un risque... Disons que ça donne un signal aux nationalistes en Europe ?
R - Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Déjà, quand on est Français, notre objectif, c'est de défendre nos intérêts et nos intérêts en Europe, donc une Europe forte, qui assume défendre sa souveraineté, ses frontières, ses intérêts industriels et commerciaux. Au fond, le résultat d'une élection américaine, on travaillera avec le président quel qu'il soit. Mais on prend ça, je dirais, comme une donnée neutre. Mais quand on a un...
Q - M. Séjourné disait qu'avec Trump, on peut nouer des rapports transactionnels. Au fond, c'est quelqu'un avec qui on peut dealer.
R - Mais vous parliez de préférence de mouvements nationalistes en Europe pour Donald Trump. Mais lorsqu'il y aura des mesures commerciales contre nos industries, contre nos usines, contre nos agriculteurs, est-ce que c'est dans notre intérêt ? Fondamentalement, nous n'avons pas intérêt, effectivement, à avoir des mouvements nationalistes qui vont contre nos intérêts ou des barrières commerciales. Donc là, je pense que personne ne peut le souhaiter.
Q - La visite du Président de la République au Maroc. Les images sont évidemment très, très impressionnantes. C'est une manière de renouer avec quoi ?
R - Oui, déjà, évidemment, c'est une relation historique profonde qui traverse tous les champs. Evidemment, les relations, je dirais, intimes, personnelles. Il y a tellement de Franco-Marocains, tellement de Français d'origine marocaine. Il y a une empreinte sur le plan culturel, sur le plan, évidemment, économique, beaucoup d'intérêts stratégiques communs. C'est l'occasion, vous l'avez vu, de refonder cette relation, de lui donner une nouvelle perspective, avec près de 10 milliards d'euros de contrats dans tous les sujets : sur les transports, les mobilités, sur les questions industrielles et énergétiques, sur les questions migratoires aussi, où nous devons travailler ensemble avec nos partenaires marocains.
Q - Ce qui, pour l'instant, est très difficile, puisque le Maroc refuse toujours de reprendre un certain nombre de ses ressortissants qui sont sous OQTF.
R - C'est pour ça que c'est aussi important d'avoir un dialogue approfondi avec ces pays. Ça nous ramène aussi à la question européenne. C'est en Européens que nous devons être capables aussi de répondre à ce défi migratoire. Il y a une exigence de tous nos citoyens en Europe pour la maîtrise de l'immigration, la maîtrise de nos frontières. Nous avons fait adopter, vous le savez, ces derniers mois le Pacte sur la migration et l'asile, qui permet notamment une première sélection des demandeurs d'asile à la frontière. C'est une petite révolution. Donc maintenant, il faut le mettre en œuvre, et nous plaidons, avec beaucoup de partenaires européens, pour une mise en œuvre accélérée de ce pacte, pour réviser la "directive retour", qui permettra aussi de mieux expulser. C'est une priorité du Premier ministre, du ministre de l'intérieur Bruno Retailleau avec qui nous travaillons.
Q - Est-ce que ça voudra dire aussi faire sentir le fer, c'est-à-dire des sanctions, si un pays comme le Maroc continue à refuser de reprendre ses ressortissants ?
R - Alors j'y venais. Et il y a après le champ de ce qu'on appelle la dimension externe, c'est-à-dire faire en sorte de faire rentrer ces objectifs de maîtrise d'immigration dans les politiques externes de l'Union européenne, que ce soit sur les politiques de visa, que ce soit sur les questions de conditionnalité de l'aide au développement, mais aussi pour avoir des partenariats plus robustes, pas forcément dans un rapport de force ou de façon coercitive.
Q - À un moment donné, oui. Parce que ça dure depuis maintenant des années et des années. Donc à un moment donné, il n'y a que la coercition.
R - Mais vous avez des enjeux démographiques, économiques, géopolitiques aussi qui nous lient à cette rive de la Méditerranée, qui font que nous devons travailler de façon partenariale à cette maîtrise de l'immigration. Mais vous savez, pour revenir à la conversation qu'on avait avec Trump et la montée des mouvements nationalistes, si on veut soutenir l'Europe, si on veut être pro-européen, il faut entendre effectivement l'exigence qu'il y a, que ce soit sur la maîtrise de l'immigration, que ce soit sur la question de la réindustrialisation, et y apporter des réponses européennes, des réponses collectives, de montrer que face à ces sujets si complexes, on ne doit pas s'isoler. Il n'y a pas de réponse dans le repli national, mais que dans la coopération européenne. Et ça passe aussi, bien sûr, par la question de la réindustrialisation. C'est l'un de nos objectifs, avec la mise en œuvre, vous savez, du rapport Draghi, qui a souligné le risque de décrochage industriel de l'Europe face aux États-Unis, face à la Chine.
Q - Est-ce que l'Europe doit encore oser donner des leçons démocratiques au monde, imposer son modèle démocratique au monde, y compris, d'ailleurs, à des pays qui ont du chemin encore, de la route à faire dans la démocratisation ?
R - Moi, je ne crois pas aux leçons de morale. Je ne pense pas... Vous savez, l'ambassadeur Gérard Araud parlait tout à l'heure d'une Europe ou d'un Occident qui a, d'une certaine façon, perdu un peu le monopole. Et c'est vrai que quand on voit notamment, par exemple, sur la nécessité de travailler sur le soutien à l'Ukraine, qu'il peut y avoir des décalages avec des pays du Sud. C'est l'un des objectifs du Président de la République de maintenir en permanence ce dialogue avec...
Q - L'Europe, le fait sur les droits humains, sur les droits LGBT, etc. L'Europe essaie de diffuser...
R - L'Europe le fait. Alors il y a plusieurs choses. Déjà, si on revient à la question de la Géorgie tout à l'heure, quand vous avez des pays qui font le choix d'être candidats à l'Union européenne qui est une union de valeurs, ce qui inclut évidemment la préservation de l'État de droit et de la démocratie. À ce moment-là, c'est une aspiration qui est aussi exprimée par ces populations. Et donc nous avons un processus. Vous savez que l'Ukraine est candidate à l'Union européenne. Ça exige des réformes sur l'État de droit, l'indépendance de la justice, le respect de la société civile, des réformes économiques. Et là-dessus, nous avons notre mot à dire.
Q - Est-ce qu'on peut encore parler... L'exemple du Maroc, il y a encore des progrès en démocratisation dans un pays comme ça. C'est un royaume qui, à l'égard de ses opposants, se comporte d'une façon qui n'est pas toujours très correcte. Vous savez à quel point les droits les plus élémentaires y sont violés. C'est notamment l'avortement, avec une situation qui est tout à fait tragique dans ce pays, une politique qui est criminelle, avec la criminalisation de l'avortement. D'après les associations de défense des femmes, 72 % des avortements clandestins seraient à risque. Dans ce pays, il y a des femmes qui sont handicapées ou qui meurent à cause de ça. Est-ce que c'est une pratique criminelle, au Maroc ?
R - Vous savez, ces sujets, encore une fois, qui sont si difficiles, ils sont toujours abordés dans les relations diplomatiques. Ils sont toujours abordés dans les échanges de la France avec tous ses partenaires...
Q - Le Président le fait pendant sa visite, hors des micros ?
R - ...de l'Union européenne avec tous ses partenaires. C'est toujours le message que la France porte dans ses relations avec ses partenaires. Mais une fois de plus...
Q - Vous n'avez pas répondu, si le Président le fait en dehors des micros...
R - Encore une fois, moi, je ne suis pas dans cette visite au Maroc et je travaille sur les questions européennes. Je vous dis que naturellement, ces sujets sont toujours portés par la diplomatie française.
Q - Un mot encore un peu plus personnel. Vous êtes un macroniste. Vous vous sentez bien dans ce Gouvernement, avec tous ces LR ?
R - Bien sûr. Et vous savez, je vais vous le dire. Je vous le dis aussi en tant que ministre délégué aux affaires européennes. Quand je voyage chez nos voisins européens, ils ont cette culture de la négociation, du compromis, de la coalition, qui n'est pas notre culture française, où on a souvent une culture politique de la violence, du conflit. Les Français veulent qu'on se mette d'accord. Ils veulent qu'on travaille, il y a une demande, une exigence de stabilité, de résultats, de mettre de côté nos différences politiques, surtout à un moment où nous avons un budget important, historique, à faire passer.
Q - À ce sujet-là, il y a quand même une grande promesse macroniste qui a été trahie, disons les choses. Emmanuel Macron – et beaucoup sur les marchés internationaux lui rendent hommage de cela – a été l'homme qui a réconcilié la France avec les marchés, qui a dit "pas de nouveaux impôts". Ça a tenu sept ans. Est-ce que c'est une erreur d'en sortir ?
R - Ce que nous avons réussi à faire ces sept dernières années, c'est effectivement enfin baisser les impôts, enfin redonner une trajectoire fiscale, en attirant...
Q - Est-ce que ça vous fait mal au cœur, Benjamin Haddad ? Vous êtes un macroniste, plutôt de droite, disons, s'il fallait faire le spectre, etc. Pour vous, augmenter les impôts après sept ans où vous avez tenu la barre, ça doit être quelque chose de, philosophiquement...
R - Déjà, nous avons un bilan économique...
Q - Vous ne me répondez pas. C'est un crève-cœur ou ce n'est pas un crève-cœur ?
R - Mais je vais vous répondre. La vérité, c'est qu'aujourd'hui, le pays fait face à une situation de déficit à laquelle nous devons répondre. Ce que je voulais vous répondre, c'est que fondamentalement, nous avons fait revenir les investissements étrangers. Nous avons fait baisser le chômage. Nous avons recréé un environnement dans lequel les entreprises embauchent...
Q - Mais est-ce que vous ne risquez pas de perdre tous cet acquis, là, maintenant ?
R - Mais justement. Mais au contraire. C'est ça que je voulais vous dire. C'est que si on veut préserver ces acquis, si on veut pouvoir conserver les investissements, si on veut pouvoir conserver la confiance des marchés, de nos partenaires européens, des investisseurs, des agences de notation, si on veut continuer à maintenir un taux de chômage faible, il faut être capable de donner cette trajectoire sur le déficit. Parce que là aussi, on est attendus. Là aussi, il y a la crédibilité de la France, notre capacité à réduire notre dépense publique, qui est aujourd'hui la plus élevée de l'OCDE ; à réduire et à tenir nos objectifs, nos engagements européens sur le déficit, à passer à 5 %, à passer à 3 % à l'horizon 2029. C'est aussi à cela que l'environnement, en termes d'investissements, que la baisse du chômage, que la capacité à pouvoir continuer à créer, à innover en France va être jaugé. Et après, de le faire aussi au niveau européen. Parce que je vous parlais, tout à l'heure, du rapport Draghi. Depuis 30 ans, les États-Unis ont créé deux fois plus de PIB que nous. Nous, collectivement, les Européens. Quand on regarde l'innovation sur l'intelligence artificielle, sur le quantique, on voit bien, aujourd'hui, le risque de décrochage total de l'Europe. Si nous voulons aussi, en France, continuer à porter cette voix pour une Europe qui investit, qui prend des risques, innove et investit dans son industrie, eh bien il faut, là aussi, qu'on soit capable de s'occuper de nos déficits et de faire passer ce budget.
Q - Monsieur le Ministre, merci beaucoup d'avoir été notre invité sur LCI.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 novembre 2024