Déclaration de M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants, en hommage aux cheminots morts pour la France, à Paris le 7 novembre 2024.

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  • Jean-Louis Thiériot - Ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants

Circonstance : Cérémonie en hommage aux cheminots morts pour la France à l'occasion de la célébration de l'Armistice du 11 novembre 1918

Texte intégral

Monsieur le président directeur général, cher Jean-Pierre Farandou,
Monsieur l'Ambassadeur d'Ukraine,
Madame la maire,
Mesdames et messieurs les directeurs,
Messieurs les officiers généraux, officiers et sous-officiers,
Mesdames et Messieurs,

Une entreprise se définit autant par la qualité de ses services que par celle des Hommes qui la constituent.

Avec ses 30 000 kilomètres de voies et ses 278 600 employés, la SNCF a peu d'équivalents dans l'hexagone.

Elle a peu d'équivalents en raison de l'importance qu'elle a dans le quotidien des Français mais aussi du rôle qu'elle a joué dans notre Histoire nationale.

Voici des décennies que l'acier de ses trains et la sueur de ses cheminots facilitent les échanges d'un bout à l'autre de la métropole.

Les rails écrasent les distances, resserrent les liens.

Les chemins de fer français, gérés depuis 1938 par la SNCF, sont à la fois les témoins mais aussi les acteurs de notre actualité.

Les commémorations prochaines de l'Armistice du 11 novembre 1918 me donnent l'occasion d'être parmi vous pour rendre hommage aux cheminots disparus pendant la Première Guerre mondiale et, plus largement, à tous ceux qui sont morts pour la France.

L'occasion, aussi, de saluer le remarquable travail de mémoire réalisé par la SNCF depuis de nombreuses années, au diapason de celui du Ministère des Armées et des Anciens combattants.


Pendant la révolution industrielle, le train symbolise le progrès dans l'imaginaire collectif.

" La terre a diminué, puisqu'on la parcourt maintenant dix fois plus vite qu'il y a cent ans ", s'enthousiasme-t-on dans le Tour du monde en quatre-vingt jours avant que Phileas Fogg n'enchaîne les trajets en locomotives pour réussir son pari fou.

Le train, c'est le moyen de transport moderne, qui permet de faire voyager Hommes et marchandises à travers le pays et au-delà de ses frontières.

Avers pacifique ! Revers guerrier.

Le chemin de fer s'impose dès la fin du XIXe siècle comme l'instrument indispensable de la logistique qui caractérise la stratégie des conflits modernes.

Il est au coeur du plan XVII qui fixe la planification de la mobilisation qui sera un grand succès. Les forces venues de la France entière seront au point de rendez-vous fixé.

A partir de la mobilisation d'août 1914, les voies sont militarisées et constituent des axes stratégiques.

Les 355 000 cheminots font le lien entre l'arrière et le front pour convoyer les troupes.

" Sommes dans nos wagons comme oiseaux en cage », se souvient Guillaume Apollinaire.

Ils transportent également munitions et vivres.

Une artillerie lourde sur voie ferrée est même développée à compter de 1915 pour tracter d'imposants canons initialement conçus pour équiper les navires de guerre.

Nous savons tous que l'issue de la bataille de Verdun, en 1916, doit beaucoup aux trains, la zone n'étant d'abord accessible côté français que par une mauvaise départementale et la ligne de chemin de fer meusienne qui fut ensuite renforcée d'une deuxième voie.

Dans l'autre sens, les trajets du front vers l'arrière permettent quant à eux d'évacuer les blessés.

Combien de vies sauvées grâce au travail et au dévouement des cheminots français ?

Ces voyages permettent aussi aux permissionnaires de retrouver leurs proches pour un temps.

L'anecdote peut paraître futile à qui ne connaît pas l'art de la guerre ; elle est en réalité capitale tant ces parenthèses sont nécessaires à la préservation de la force morale de troupes si durement éprouvées.

Des flux stratégiques, donc, dont le maintien entre 1914 et 1918 coûta la vie à 7 500 cheminots.

La Seconde Guerre mondiale leur fit payer un tribut plus lourd encore : 10 300 cheminots moururent au combat, furent tués par faits de guerre, fusillés ou morts en déportation.

Faisons mémoire de tous ces salariés qui choisirent de lutter contre l'Occupant dans la " Résistance-fer ", à bas bruit ou ouvertement, en menant une véritable " bataille du rail " devenue mythique depuis le film de René Clément. Elle fait partie aujourd'hui à part entière de notre récit national.

" Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu'on enchaîne ", disait le Chant des partisans.

Oui, certains ingénieurs et cheminots de la SNCF, au coeur de flux logistiques et humains, ont perçu l'alarme et transmis à la Résistance de précieuses informations.

Certains osèrent même des actions directes, à l'instar d'Albert Augé, qui fit sauter les châteaux d'eau de la gare de Caen pour en immobiliser les locomotives.

" Ohé, saboteur, attention à ton fardeau, dynamite ".

D'autres, comme l'ingénieur Louis Armand qui prit la tête du groupe « Résistance-fer » jusqu'à son arrestation par la Gestapo, surent aussi mobiliser.

" Ici chacun sait ce qu'il veut, ce qu'il fait quand il passe ".


Conserver la mémoire de ces cheminots héroïques est un travail de tous les jours.

Je salue donc l'important travail réalisé par la SNCF depuis la fin des années 1990 pour investir le champ mémoriel et en faire un patrimoine commun.

Mue par une démarche scientifique fondée sur la transparence, elle soutient la recherche historique, collecte puis met en ligne ses archives et honore la mémoire de tous ceux qui ont fait les grandes heures des chemins de fer français, sans occulter ses aspects les plus douloureux.

Merci à vous, Monsieur Jean-Pierre Farandou, en votre qualité de président directeur général, d'accorder à ce travail l'importance qu'il mérite.

Il est le socle de l'identité actuelle de la SNCF, porteuse de sens et tournée vers l'avenir.

A l'échelle de la France, ce travail est essentiel pour que les nouvelles générations n'oublient pas.


Les cheminots, parce qu'ils n'agissaient pas toujours en qualité de soldats, occupent une place à part dans les conflits modernes.

Cela ne diminue en rien, nous l'avons évoqué, le caractère stratégique de leurs actions et la valeur de leur sacrifice.

Rien d'étonnant ainsi à ce que nous nous soyons retrouvés liés au sein du groupement d'intérêt public « Mission Libération », afin de célébrer les 80 ans de la victoire des Alliés.

Je profite de l'occasion pour remercier l'entreprise d'en être mécène et de s'être investie dans l'organisation d'expositions.

Rien d'étonnant non plus à ce que vous vous engagiez à nos côtés pour soutenir le Bleuet de France.

A l'heure où la guerre gronde de nouveau aux portes de l'Europe, je souhaite insister sur le rôle stratégique que jouent encore les chemins de fer et les hommes qui les exploitent.

Le conflit russo-ukrainien nous rappelle en effet l'importance de ce mode de transport dans les approvisionnements logistiques et la défense d'un territoire national. La mobilité stratégique ferroviaire redevient un enjeu majeur.

Je salue, Monsieur le Président, votre engagement et à travers vous, celui de vos cheminots, pour l'Ukraine, à l'heure où une puissance révisionniste, la Russie, fait à nouveau régner la guerre au coeur de l'Europe. Les flux logistiques que vous assurez et l'humanisme dont vous témoignez à l'égard des personnes en situation de handicap sont bien dignes de la haute histoire de la SNCF.

A l'heure des incertitudes internationales, je tiens à vous dire, Monsieur l'Ambassadeur, que la France est et demeurera aux cotés de l'Ukraine, qui se bat pour sa liberté et le respect de droit international.

Slava Ukraini !

La France sait qu'elle peut compter sur la SNCF dans l'avenir, comme elle a compté sur ses cheminots hier.

La présence de dizaines de salariés qui ont choisi d'intégrer les rangs de la réserve opérationnelle pour soutenir nos Armées en est la preuve, et au nom de l'Etat je veux remercier la SNCF de ce soutien précieux pour la sécurité et la résilience de la Nation.

J'espère qu'ils seront toujours plus nombreux à rejoindre ces rangs et à contribuer toujours davantage au renforcement du lien entre la Nation-Armées.

Je retrouve dans leur engagement, l'esprit de ceux dont nous célébrons la mémoire aujourd'hui.

Ils ne sont pas oubliés puisque vous êtes là, nous sommes là.


Vive la République !
Vive la France !


Source https://www.defense.gouv.fr, le 8 novembre 2024