Interview de Mme Anne Genetet, ministre de l'éducation nationale, à BFM TV le 12 novembre 2024, sur la suppression de 4 000 postes d'enseignants, l'acte 2 du Choc des savoirs, la réforme du brevet des collèges et du baccalauréat et la sécurité à l'école.

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Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Il est 8h32, vous êtes bien sur RMC et BFM TV. Bonjour Anne GENETET.

ANNE GENETET
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions. Vous êtes la ministre de l'Education nationale. Et il y a justement de très nombreuses questions à vous poser. Vous venez nous annoncer l'acte 2 du Choc des savoirs, la réforme du brevet, la réforme du bac. L'objectif, c'est de relever le niveau des élèves. On va aussi parler de la question de la sécurité à l'école. Et puis, je voudrais vous interroger sur les propos de Nicolas SARKOZY. Vous l'avez entendu, bien sûr. Pour lui, la France n'a plus les moyens d'avoir 1 million de profs. Et puis surtout, est-ce qu'il bosse assez ? On l'écoute.

NICOLAS SARKOZY, ANCIEN PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
On me dit qu'il n'y a pas assez de fonctionnaires dans l'Education nationale. Mais c'est d'une démagogie invraisemblable. Le statut du professeur des écoles - je ne critique personne, je ne veux d'ennuis avec personne, je dis des faits – c'est 24 heures par semaine, mais François XAVIER, ce qu'on ne dit pas, six mois de l'année. Eh oui, parce qu'entre les vacances et les week-ends. Et je sais que c'est un boulot difficile d'être enseignant, mais il faut dire la vérité maintenant, nous n'avons pas les moyens d'avoir 1 million d'enseignants.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous en dites quoi ?

ANNE GENETET
Que je ne suis pas d'accord. Je ne comprends pas ses propos. Cela m'étonne. Il parle des faits. Moi, les faits, je suis sur le terrain depuis que je suis ministre de l'Education nationale. J'ai rencontré des professeurs qui sont très engagés, très dévoués, qui sont passionnés par leur métier et franchement qui font un métier très difficile. Ils me l'ont tous dit. Donc moi, c'est ce que j'ai observé. Et je crois qu'aujourd'hui, il faut saluer cet engagement de nos professeurs. Et je veux leur apporter mon soutien dans des conditions… Encore une fois, leur exercice est souvent difficile. Et je veux qu'ils sachent que je suis toujours à leurs côtés.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais, il dit aussi Nicolas SARKOZY, en vrai, on n'a pas les moyens d'avoir 1 million d'enseignants. Au fond, vous dites un peu la même chose puisque dans ce budget, vous allez en supprimer 4 000.

ANNE GENETET
On a surtout 851 000, à peu près, enseignants qui sont aux côtés de nos jeunes tous les jours, pour essayer de les faire réussir. Moi, ce que je veux dire, c'est que s'agissant des postes... Moi, je me bats tous les jours. Je me bats tous les jours pour justement pouvoir avoir les moyens de porter une politique qui permette à tous nos élèves de réussir. Et derrière, n'oublions pas que moi, j'observe dans les deux assemblées, au Sénat comme à l'Assemblée. Je vois qu'il y a un consensus politique sur le soutien à l'école. Et c'est ça auquel je crois.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais ce nombre de postes de profs supprimés, on est bien d'accord, il y en a 4 000 ?

ANNE GENETET
C'est ce qui est dans la copie initiale du budget.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc, vous allez réduire le nombre de profs ?

ANNE GENETET
Et maintenant, j'attends de voir qu'elle sera la sortie. Ce sont les parlementaires qui sont à la main du budget maintenant. Donc j'attends de voir quelle sera la copie de sortie.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous, vous êtes plutôt côté parlementaire ou côté Gouvernement ?

ANNE GENETET
Moi, je suis du côté du Gouvernement.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous êtes pour la suppression de ces 4 000 postes ?

ANNE GENETET
Je viens de vous dire que je me bats tous les jours pour pouvoir avoir les moyens dont j'ai parlé. Je suis allée présenter mon projet "Le choc des savoirs" dont nous allons parler au Premier ministre Michel BARNIER, qui a compris le projet que je porte, qui est un projet ambitieux, qui va de l'école primaire jusqu'au lycée et qui a pour objectif de revenir à une école qui permet l'égalité des chances.

APOLLINE DE MALHERBE
Sur le brevet, sur le bac, sur Le Choc des savoirs, on va vraiment prendre le temps de comprendre. Mais je m'arrête quand même là-dessus. C'est que je veux bien que vous soyez engagée pour les moyens, etc. mais sur le nombre de professeurs, qui est la question qui nous intéresse là, vous confirmez que vous souhaitez la suppression de 4 000 postes d'enseignants ?

ANNE GENETET
Je viens de dire que moi, je me bats tous les jours auprès du ministre du Budget, auprès du Premier ministre, pour pouvoir mener la politique que je souhaite mener, avec notamment... J'ai besoin de postes également. Mais il ne faut pas oublier une chose.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est-à-dire quoi avoir ?

ANNE GENETET
Il y a aussi une vérité….

APOLLINE DE MALHERBE
Si au fond, on vous dit à l'issue de ce débat parlementaire, "Ecoutez, on a trouvé des moyens ailleurs, donc on peut vous garder 4 000 postes" Vous les garderez ? C'est ça votre souhait ?

ANNE GENETET
Oui, tout en disant aussi la vérité aux Français. N'oublions pas une chose, on a deux réalités dont il faut tenir compte. On a une réalité démographique et une réalité territoriale. La réalité démographique est, rien qu'à cette rentrée, on a perdu 100 000 élèves. C'est juste la démographie, c'est la vérité. Rentrée prochaine, 100 000 élèves encore de moins. La réalité territoriale, c'est qu'il y a une grande disparité. Il y a des territoires où il y a vraiment besoin d'enseignants et des territoires où on a trop… enfin, on a insuffisamment d'enseignants. Donc voilà, ces deux réalités, il faut en tenir compte.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais donc ça, ça veut dire qu'il faut supprimer 4 000 postes ?

ANNE GENETET
Globalement, on a toujours, tous les ans, supprimé un peu des postes. Heureusement, parce que depuis 10 ans, on a perdu 750 000 élèves. Donc, c'était logique de s'adapter, d'adapter notre échelle de nombre de postes au nombre d'élèves que nous avons à accompagner. C'est ça qu'il faut voir. Après, derrière, on a aussi de l'ambition pour l'école et comment on peut la servir. Moi, je vois que la copie qui m'est proposée, je souhaiterais qu'elle soit... Je vois avec les parlementaires…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous leur dites aux parlementaires ? "Rendez-moi les 4 000 postes" ?

ANNE GENETET
Les parlementaires, ils n'ont pas forcément besoin que je leur donne des consignes. Je vois simplement qu'il y a consensus sur leur banc, dans tous les groupes politiques, pour dire que ce n'est pas forcément 4 000 postes qu'il faut supprimer. Je l'observe.

APOLLINE DE MALHERBE
Moins ? Un peu moins ? Moitié moins ?

ANNE GENETET
Il y a même des groupes politiques, si je ne me trompe pas, qui ont demandé qu'on ne supprime pas du tout de postes. Je crois qu'il faut aussi dire la vérité aux Français. Entre 0 et 4 000, il faut surtout se dire…

APOLLINE DE MALHERBE
La réalité est entre 0 et 4000 ?

ANNE GENETET
Elle est probablement entre les deux, en tenant compte, encore une fois, de cette vérité qu'il faut dire : la réalité démographique d'un côté et la réalité territoriale de l'autre.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais le problème, c'est est-ce qu'il y aura, de toute façon, suffisamment de candidats pour avoir ces 4 000 ? Je vois que la date limite d'inscription pour le concours des enseignants était fixée au 7 novembre. Et elle vient d'être repoussée au 21 novembre à midi. Ça veut dire quoi ? C'est-à-dire qu'il n'y a pas assez de candidats pour les postes ?

ANNE GENETET
On a un sujet d'attractivité. Nous y avons répondu déjà en travaillant notamment sur les rémunérations. On a fait un pas important à ce moment-là. Maintenant, l'attractivité du métier, c'est aussi les conditions d'exercice du métier. C'est un enjeu fort. C'est pour ça que je commençais, tout à l'heure, par cette notion à laquelle je tiens beaucoup, qui est de soutien aux enseignants. Aujourd'hui, ils sont contestés dans leurs enseignements, contestés dans leur manière de faire. Ça, je ne l'accepte pas.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que s'il y a moins de candidats - et visiblement pas suffisamment puisqu'on remet deux semaines de plus pour pouvoir candidater - est-ce que le problème ne va pas être la baisse du niveau ? Parce qu'évidemment, s'il y a moins de candidats, techniquement, le concours baisse.

ANNE GENETET
Sur certaines disciplines, on a effectivement parfois un manque de lauréats, de gens qui réussissent le concours derrière. Nous avons une politique derrière qui nous permet d'aller rechercher d'autres candidats, notamment ceux qui étaient juste à la limite. On a des contractuels également qui sont recherchés.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire que si vous aviez eu plus de candidats, vous auriez eu des candidats de meilleur niveau quoi ? On a quand même un problème. C'est-à-dire qu'on veut un meilleur niveau pour les élèves, mais on va se retrouver avec des profs qui sont, eux-mêmes, moyen niveau.

ANNE GENETET
Non, non, non. Soyons très clairs. On a tout un dispositif de formation de nos enseignants, d'accompagnement. On a d'ailleurs des enseignants qui sont recrutés comme contractuels et qu'on accompagne et qui finalement, en chemin, se disent « le métier me plaît, je vais passer le concours ». Donc c'est aussi cette politique d'attractivité qui est très large, qui permet au bout du compte, n'oublions pas la formation continue, qui permet en permanence d'élever le niveau et d'assurer à nos enseignants qu'ils ont les outils pour pouvoir élever le niveau de leurs élèves et assurer leur réussite. C'est ça qu'on veut.

APOLLINE DE MALHERBE
« Choc des savoirs, acte 2 ». Sur un certain nombre de points, d'abord, le brevet des collèges. Il n'était plus obligatoire. Il l'est désormais, y compris pour passer en seconde, quelle que soit la seconde, générale, professionnelle ?

ANNE GENETET
L'idée, c'est d'avoir un vrai diplôme. D'abord, un diplôme qui soit vraiment avec la vérité des notes. Il n'y a plus de correctif académique, il n'y a plus d'académie qui va gonfler artificiellement les notes. Et au bout du compte, on a quelque chose que je veux pouvoir être motivant pour les élèves qui se disent « j'ai envie de réussir ». C'est quand même une grande étape dans leur vie. Je passe un vrai examen avec toutes les règles que représente un examen avant celui pour l'entrée éventuellement dans l'enseignement supérieur que sera le baccalauréat. C'est vraiment un temps très important dans la formation d'un jeune et je veux que ce soit motivant pour lui. Motivant, mais pas non plus couperet. Donc là, nous mettons en place, depuis cette année, des moyens qui permettent à chaque élève, à plus d'élèves, d'être en dynamique de réussite. Et donc, c'est à cette première cohorte, qui est aujourd'hui en cinquième, que je dis "toi, en cinquième, j'ai mis à ta disposition des outils pour réussir. Derrière, ton brevet à toi sera obligatoire pour entrer directement en classe de seconde."

APOLLINE DE MALHERBE
Et ceux qui échoueront, ils iront où ? est-ce qu'ils redoublent ?

ANNE GENETET
Ils auront le choix. Ils auront la possibilité de refaire une troisième, ils auront la possibilité d'aller vers ce que nous appelons les classes prépa seconde qui sont un dispositif en expérimentation pour le moment, qui font l'objet d'une évaluation, pour voir ce que ça va donner.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est quoi ?

ANNE GENETET
Alors, ce sont des classes avec une vingtaine d'élèves à peu près et qui permettent de revoir les fondamentaux et de projeter les jeunes, s'ils le souhaitent, vers une entrée en classe de seconde. On ne parle plus de brevets à ce moment-là. Et en gros, ça permet à des élèves d'être en réussite sur quatre ans, avec un parcours lycée derrière, plutôt que d'être en échec sur trois ans. Pour le dire simplement.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc ils auront une année de plus pour faire le lycée en quelque sorte.

ANNE GENETET
Exactement. Encore une fois, on veut les faire rentrer dans une dynamique de réussite. Mais il y a aussi la possibilité pour d'autres qui le préféreraient, d'aller vers une voie professionnalisante comme le sont les CAP, soit avec une alternance, soit avec un CAP scolaire. Peu importe. L'idée, c'est de leur donner le moyen de se projeter et d'être en dynamique de réussite, que ce soit sur une voie professionnelle ou sur une voie lycée.

APOLLINE DE MALHERBE
Anne GENETET, les maths, les résultats sont en baisse. Et surtout, une inégalité aussi dans les résultats entre les garçons, les filles. Vous allez remettre les maths pour tous ?

ANNE GENETET
Alors, il y a déjà des maths pour tous. En classe de première, il y a déjà un parcours. Pour ceux qui n'ont pas l'intention de poursuivre des maths au-delà de la classe de première, il y a déjà un parcours d'une heure et demie par semaine.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais il n'y a plus le bac de…

ANNE GENETET
Voilà. L'idée, c'est que moi, quand je me suis saisie du dossier, j'ai dit que c'était quand même étrange. Mettre une discipline qu'on enseigne, sans moyen de vérifier, de l'évaluer, de voir comment ils ont réussi, comment ils ont performé, c'était étonnant.

APOLLINE DE MALHERBE
Il n'y avait plus des profs de maths pour tous.

ANNE GENETET
Absolument. Et puis, même chose, on dit, les fondamentaux, c'est maths et français. Et dans plein de pays au monde d'ailleurs, on évalue nos jeunes à l'issue de leur parcours, leur premier parcours scolaire sur les maths également. Il n'y a pas de fatalité qui est de dire que certains sont bons en maths, d'autres ne sont pas bons en maths. Ça, c'est un mythe très français. On peut tous être bons en maths avec un niveau qu'il faut adapter. Et c'est le cas du programme qui est prévu pour cette heure et demie en classe de première. Moi, ce que je dis, en classe de première, je veux que les maths soient évaluées. On évalue bien le français pour tout le monde. De la même manière, on évaluera les maths pour tout le monde. Nos deux fondamentaux - maths et français - seront évalués de la même manière en classe de première.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc, ça veut dire qu'à la fin du bac de première, dans l'épreuve anticipée du bac, il y a le bac français – c'est pour tout le monde - et il y aura une épreuve de maths pour tout le monde.

ANNE GENETET
Il y aura une épreuve de mathématiques. Et qui n'empêche pas ceux qui font des maths experts en terminale de poursuivre en maths expert et d'avoir leur épreuve de maths expert en terminale de la même manière. Et ceux qui ne souhaiteront plus faire de maths, ils ne feront pas plus de maths en terminale qu'ils n'en font aujourd'hui.

APOLLINE DE MALHERBE
Les groupes de niveaux, appelés groupes de besoins… Enfin, on a bien compris que c'étaient quand même des groupes de niveaux donc, en français et en maths. Ils sont maintenus, ils sont étendus ?

ANNE GENETET
Donc, l'idée, c'est qu'aujourd'hui, ils sont en place pour les 6e et 5e sur la totalité du volume horaire. Donc, 4 heures en maths, 4 heures en français, toutes les semaines, pour permettre à tous nos élèves d'être dans une dynamique de réussite. On est vraiment sur… J'allais dire presque des groupes de réussite. On veut pouvoir réussir. C'est ça qui nous manque aujourd'hui. N'oublions pas qu'on a un collège très inégalitaire, avec des élèves qui sont en très grande difficulté et d'autres qui avancent. Donc, cette inégalité, ce fait que certains ne parviennent pas à réussir, c'est ça que je veux combattre. Je veux permettre à chacun de pouvoir réussir.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça marche ? Quand on écoute les témoignages, il y a quand même de nombreux professeurs. On en entendait un ce matin sur RMC, qui est prof de français, qui disait "en fait, les demi-groupes de niveaux ont donné le sentiment à certains qu'ils étaient coincés chez les plus mauvais, d'autres au contraire." Il dit "il y a un problème d'émulation. Je n'arrive plus à créer cette émulation."

ANNE GENETET
Alors, chacun met… On a laissé la main aux enseignants et aux équipes de direction la manière de mettre en oeuvre ces groupes. Moi, j'ai vu des groupes qui étaient plutôt sur un mode de vitesse d'apprentissage, d'autres qui étaient sur une hétérogénéité un peu moindre, tout en conservant l'hétérogénéité au sein d'un groupe. Chacun le met en place comme il le souhaite. L'objectif - et je suis certaine que ce professeur a le même objectif - c'est faire réussir nos élèves, leur donner les moyens de se sentir à l'aise. Moi, j'ai rencontré des élèves qui m'ont dit « écoutez, là pour une fois, moi, j'ai besoin d'un peu plus de temps pour apprendre. Enfin, j'ai le temps d'avoir aussi du temps avec mon professeur pour me réexpliquer et j'ai l'impression d'avancer plus vite. » Et puis au bout du compte, quand vous retrouvez la classe entière et que ceux qui étaient en difficulté ont pu progresser, c'est toute la classe qui en bénéficie. C'est ça l'esprit de ce qu'on voudrait mettre en place en quatrième, troisième. Avec des élèves… Il ne vous a pas échappé qu'entre les 12-13 de sixième, cinquième et les 14-15 voire 16 de quatrième, troisième, on change beaucoup. Et là, on ne peut pas tout à fait proposer la même chose. C'est ça aussi l'idée des groupes de besoins : proposer un temps où on n'est vraiment plus près du besoin, de l'attention qu'on porte à l'élève, le temps de la classe entière et puis, on a le hors-classe. Qu'est-ce que je peux faire hors-classe pour continuer à…

APOLLINE DE MALHERBE
Hors-classe, c'est quoi ? C'est les devoirs le soir ? C'est les stages de soutien ?

ANNE GENETET
Les devoirs faits. On va être parfois en tout petit groupe. Là, on va rejoindre des tout petits groupes qui peuvent être à moins de 10 par exemple.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est ce qu'était l'étude, mais de manière plus efficace.

ANNE GENETET
Voilà, c'est du coup très égalitaire. Tout le monde y a accès. Ça c'est important et notamment ceux qui en ont le plus besoin. On est vraiment sur un service public de l'aide aux devoirs. Et puis, on a également les stages de réussite en période de vacances scolaires. On peut commencer un peu plus tôt avant la rentrée.

APOLLINE DE MALHERBE
Pré-rentrée.

ANNE GENETET
Pré-rentrée par exemple. J'ai rencontré des stages de réussite aux vacances d'automne récemment à Besançon avec un matin consacré aux apprentissages et l'après-midi avec beaucoup de sports. Les sports c'est en l'occurrence dits de rue. Je ne sais pas comment on dit ça précisément. Avec du skate, du BMX, des choses comme ça. Et vraiment, les élèves étaient hyper contents du dispositif. Et là, ils se sentent à la fois avec de l'activité, l'action physique

APOLLINE DE MALHERBE
Donc ça, vous allez le généraliser ?

ANNE GENETET
Et ça, on va l'offrir à beaucoup plus. On va doubler. Ça existe déjà en quatrième, troisième, on va le donner accessible à 800 000 élèves. C'est deux fois plus d'élèves qu'aujourd'hui. Parce que nous savons que nous avons des élèves qui sont en difficulté et qui ont tous envie de réussir, tous ont envie d'aller vers le brevet et de poursuivre.

APOLLINE DE MALHERBE
Anne GENETET. Vous avez eu immédiatement la levée de boucliers d'un certain nombre. Sophie VENETITAY qui est à la tête du SNES-FSU, qui dit avoir déposé un préavis de grève chaque semaine. Il ne suffira pas qu'Anne GENETET nous dise merci pour la 2732e fois et qu'on est les chevaliers du chemin des lumières. On veut des hausses de salaire sans contrepartie. On veut la suppression du jour de carence. On veut des postes en plus. On veut… Et elle dit même, le SNES-FSU est prêt. Pour nos salaires, nos métiers, l'heure est à la riposte. Construisons une mobilisation qui s'inscrit dans la durée.

ANNE GENETET
Je n'ai aucun doute que madame Sophie VENETITAY est tout à fait favorable à ce que nous ayons une école qui soit juste et efficace. Je n'en ai aucun doute. Et je suis certaine que nos enseignants sont sur cette ligne également.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous ne prenez pas au sérieux cet appel à la riposte ?

ANNE GENETET
Je ne dis pas que je ne prends pas au sérieux l'appel social. Je l'ai pris très au sérieux. L'ensemble des organisations syndicales ont été reçues par mon ministère dans les 72 heures qui ont suivi leur appel, leur alerte sociale. Donc oui, je prends les choses très au sérieux. S'agissant des rémunérations, elles ont été revues. Elles ont été revues largement, de plus de 11%. C'est 268 euros net de plus par mois, chaque mois, avec vraiment un gros effort qui a été fait, notamment sur les débuts de carrière. Nous avons un sujet, une question qui est posée sur ce qu'on appelle les milieux de carrière. Je sais que madame VENETITAY… Nous lui avons proposé d'ouvrir le dialogue social sur ce sujet-là. Mon ministère est ouvert pour que nous puissions en parler, voir comment nous pouvons avancer. Sur l'attractivité des métiers, elle a raison. C'est vrai qu'on manque de profs dans certains secteurs, dans certaines disciplines.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est vrai que c'est tout le paradoxe. Il y a quand même dans ce projet de loi de budget 4 000 postes supprimés, et vous nous dites qu'on manque de postes.

ANNE GENETET
Parce qu'on voit bien qu'on a en plus une inégalité territoriale, des contraintes démographiques, ça dépend des disciplines. Ce n'est pas la même chose au premier degré ou au second degré. Il y a beaucoup moins d'ailleurs de suppressions de postes envisagées au second degré qu'au premier degré. Mais on a un vrai sujet d'attractivité des métiers. Je pense notamment à certaines disciplines comme maths et français.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais quand même, concrètement, le SNES-FSU réactive son fonds de solidarité de caisse de grève avec effectivement l'idée de pouvoir anticiper des grèves dans la durée.

ANNE GENETET
L'appel que je veux lancer, c'est aujourd'hui, j'entends Mme VENETITAY ne veut pas que je lui dise merci. Moi, c'est ma façon de faire. J'ai besoin de dire merci aux gens parce que je reconnais la difficulté de leur métier. Je reconnais leur engagement. Je reconnais leur détermination. Et je veux qu'au-delà d'ailleurs de la ministre de l'Éducation nationale que je suis, la totalité de la société française, d'ailleurs, soit en soutien de nos enseignants qui font un travail difficile, mais un travail essentiel. L'école, c'est le cœur de la République. Et quand l'école réussit, l'école publique réussit, derrière, c'est la République qui triomphe. Donc, moi, j'ai besoin de ça. Et je suis certaine que nos enseignants ont à cœur de faire réussir notre élève, ont à cœur… Je suis sûre que madame VENETITAY a à cœur de réduire ces inégalités que nous observons aujourd'hui qui font que le collège est devenu profondément inégalitaire dans la réussite de nos élèves. Donc, c'est le projet que je propose. Faire réussir tout le monde.

APOLLINE DE MALHERBE
Anne GENETET, j'ai encore plusieurs questions à vous poser sur la sécurité, sur la sécurité aussi des élèves, sur la question de l'islamisation, sur la question du harcèlement. D'abord, sur la question de l'islamisme ou non à l'école. Est-ce qu'aujourd'hui, ça reste un problème majeur ? On sait qu'un de vos prédécesseurs, Gabriel ATTAL, en avait fait un des éléments majeurs de son combat. Est-ce qu'aujourd'hui, ça reste un problème majeur ?

ANNE GENETET
Ça reste un combat essentiel. Apprendre la laïcité. Expliquer ce que c'est. Apprendre les valeurs de la République. Expliquer ce que c'est. Comment on doit, chacun, chaque élève, chaque parent, chaque enseignant, les respecter, c'est fondamental. Nos enseignants sont formés. Mais ils me l'ont dit. Ils me l'ont dit. « Parfois, le contenu de la formation, nous souhaiterions qu'elle soit plus dense, plus étoffée. » Ils m'ont dit aussi qu'ils avaient besoin d'outils pour mieux savoir comment passer, comment transmettre ces valeurs fondamentales à leurs élèves.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a parfois des questions très précises, très concrètes, qui paraissent presque anodines, qui sont l'endroit où se trouvent le miroir et les toilettes. Je vais vous prendre un exemple. Cette professeure qui a été giflée par une élève à qui elle demandait d'enlever le voile dans l'enceinte de l'établissement. Ce qu'on comprend lorsqu'on s'intéresse un peu au dossier, c'est que les jeunes filles qui portent le voile veulent l'enlever et le remettre devant un miroir. Et que ces miroirs, ils sont dans les toilettes. Et que les toilettes, elles sont, je ne sais pas, à 20 m à l'intérieur de l'enceinte de l'établissement. En l'occurrence, la jeune fille avait remis son voile dans les toilettes et donc elle était encore dans l'enceinte de l'établissement, lorsqu'elle croise cette professeure qui lui demande de l'enlever. Il y a certains lycées qui ont décidé de mettre des miroirs sur le mur extérieur de l'enceinte du lycée. D'autres qui ne le font pas et qui disent bon ben on tolère du coup les 20 m. C'est dans ce genre de détails que se trouve finalement l'espace aussi de la confrontation. Qu'est-ce que vous dites ? Est-ce que vous avez des solutions à leur proposer, y compris sur des questions aussi matérielles d'application de la loi ?

ANNE GENETET
Je ne pense pas que ce soit à moi, ministre de l'Education nationale, de rentrer dans les détails. Encore une fois, je crois beaucoup aussi, et je veux saluer cette professeure qui a simplement fait appliquer et la loi et le règlement intérieur de son établissement et c'est ça que nous attendons des professeurs. C'est ça qu'ils font tous les jours et je veux les soutenir dans ce travail qui est difficile. Je comprends qu'ils sont régulièrement contestés, qu'ils sont régulièrement menacés pour certains d'entre eux verbalement, physiquement, moralement et que c'est totalement inacceptable.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a des cours pour les profs et puis il y a des cours pour les élèves. Richard MALKIN, qui était à ce même micro il y a une semaine, demandait à ce qu'il y ait des cours de laïcité pour les élèves, comme il y a des cours d'éducation civique. Est-ce que vous y pensez ?

ANNE GENETET
C'est prévu dans l'enseignement moral et civique. C'est prévu d'expliquer justement c'est ce que faisait d'ailleurs monsieur Samuel PATY qui expliquait à ses élèves ce que c'est que la laïcité, ce que c'est que la liberté d'expression. Et je veux saluer le courage qu'il a eu. Et tous les jours, nous avons des enseignants qui dispensent cet enseignement, souvent les professeurs d'histoire, mais je note aussi que certains autres enseignants sont parfois contestés. Je pense à certains professeurs de mathématiques notamment, ce qui est totalement inacceptable. Donc nous avons cet enseignement qui est déjà prévu, qu'il faut renforcer. Oui, je veux que chaque élève comprenne ce qu'est la laïcité à la française. N'oublions pas que nos élèves sont également soumis à, ils sont devant les enjeux de laïcité à l'anglo-saxonne qui est très différent de la nôtre, qui est très perturbant pour eux, raison de plus, pour que notre enseignement moral et civique contienne notre enseignement d'histoire, contienne, comme il le fait déjà, cet enseignement à la laïcité et qu'on renforce les moyens pour nos enseignants de bien dispenser.

APOLLINE DE MALHERBE
Le ministère de l'Intérieur va redonner, cet après-midi, les tout derniers chiffres de l'antisémitisme. Est-ce que vous avez des dernières remontées ? On sait que l'antisémitisme, y compris dans les toutes premières classes, c'est-à-dire même en maternelle, est présent dans les écoles de France. Est-ce que vous avez des chiffres et des remontées là-dessus ?

ANNE GENETET
Alors, je note qu'en effet, les phénomènes de harcèlement d'un côté ou d'atteinte à la laïcité aux valeurs de la République de l'autre ne sont pas à l'apanage uniquement des collèges ou des lycées, que ça existe également au premier degré en école primaire, de la part d'élèves, de la part parfois de parents d'élèves. Et que pour toutes ces raisons, la formation de l'ensemble de nos professeurs, depuis les toutes petites classes jusqu'aux plus grandes, est fondamentale et que la formation continue doit prévoir cela. Nous avons à peu près des centaines de milliers d'enseignants qui sont déjà formés, mais l'objectif, c'est que tous soient formés d'ici 2027. C'était un cycle de cinq ans. Et moi, je tiens, j'ai demandé d'ailleurs qu'on aille au-delà de ça, car une fois la formation passée, il faut recommencer. C'est un éternel recommencement. Il ne faudra jamais lâcher, jamais, sur les enjeux de laïcité, d'antisémitisme et d'atteinte aux valeurs de la République. Jamais. Et je veux que nos professeurs sachent que je serai toujours en soutien, très fort et que je n'accepte pas qu'ils soient contestés. Je veux même dire que chaque fois qu'ils seront contestés, pas un soutien ne doit manquer à un seul de nos professeurs.

APOLLINE DE MALHERBE
Et vous soutiendrez, y compris juridiquement, chaque professeur qui sera…

ANNE GENETET
Alors avec un élément important, donc aujourd'hui, ils ont automatiquement, dès qu'ils sont menacés, ce que nous appelons la protection fonctionnelle. Je veux pouvoir travailler, notamment avec mon collègue ministre de la Fonction publique, pour que nous puissions ajouter un élément qui permettra à un établissement scolaire de déposer plainte. Pour le moment, la plainte est déposée à titre individuel, professeur par professeur. Je veux aussi que l'établissement puisse le faire et montrer ainsi son soutien complet et total à nos professeurs menacés.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci, Anne GENETET, ministre de l'Education nationale, d'avoir répondu à mes questions.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 novembre 2024