Interview de Mme Olga Givernet, ministre déléguée, chargée de l'énergie, à BFM Business le 12 novembre 2024, sur la COP29, la fermeture des centrales à charbon et la fiscalité de l'électricité.

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Média : BFM Business

Texte intégral

LAURE CLOSIER
Notre invitée avec Raphaël LEGENDRE, ce matin, c'est Olga GIVERNET. Bonjour.

OLGA GIVERNET
Bonjour.

RAPHAËL LEGENDRE
Bonjour Olga GIVERNET.

LAURE CLOSIER
Vous êtes ministre déléguée à l'Energie. On va parler bien évidemment de fiscalité, des enjeux pour notre pays. Mais avant, petit détour vers la COP29 qui se déroule à Bakou. C'est jusqu'au 22 novembre. Les négociations s'annoncent difficiles. J'ai eu du mal à se mettre d'accord sur l'ordre du jour. Il n'y a pas de dirigeant français présent sur place pour les négociations les plus importantes. C'est une première depuis les accords de Paris. Est-ce qu'on envoie, nous déjà, un mauvais signal ?

OLGA GIVERNET
Alors, la France va être présente sur cette COP29 mais pas maintenant, pas à l'ouverture, pas au moment des discussions diplomatiques. Oui, nous serons présents pour les négociations. C'est Agnès PANNIER-RUNACHER qui va y aller à partir du 21 novembre. Ces négociations doivent pouvoir aboutir et nous serons là.

LAURE CLOSIER
A la toute fin ?

OLGA GIVERNET
Vous savez, la France est détenteur des accords de Paris. On ne peut pas faire la chasse vide mais ce sera à la fin, quand les discussions auront pu être menées mais qu'il y a toutes les décisions en termes de négociations à faire.

RAPHAËL LEGENDRE
L'enjeu de cette COP est sur le financement. On en a déjà beaucoup parlé des aides climatiques pour les Etats développés. Mais sur la dette climatique et sur les sorties des énergies carbonées, est-ce qu'il faut s'attendre aussi à des décisions ? On voit que le paysage international est complètement divisé sur cette question. L'élection de Donald TRUMP ne va pas aider. Est-ce qu'on peut s'attendre à des résultats concrets à la sortie de cette COP ?

OLGA GIVERNET
Il faut maintenir les discussions, absolument. C'est pour ça que nous avons décidé d'y être présents malgré le contexte politique avec l'Azerbaïdjan. Mais il faut être aussi conscient qu'on a des problèmes aussi au niveau énergétique, au niveau mondial et que ces discussions doivent être menées en prenant en compte les avantages et les désavantages. Nous voulons aller, en France, vers une énergie décarbonée. Nous voulons maintenir notre souveraineté. C'est notre objectif. Il faut pouvoir aboutir avec les pays qui seront présents à cette COP.

LAURE CLOSIER
Il y a ce qu'il faut faire, mais il y a aussi les questions pragmatiques. Ce matin, on rallume en France une centrale à charbon parce qu'on en a besoin pour pouvoir passer le coup de froid qui vient sur cette semaine à venir. On garde les objectifs sur les questions de fermeture de centrales à charbon ?

OLGA GIVERNET
Nous gardons les objectifs. Fermeture en 2027, nous ne brûlerons plus de charbon ; c'est sûr. Mais il faut savoir aussi que j'ai été faire le tour de nos installations. Nous continuons et que nous allons passer l'hiver correctement. Nous avons les cuves pleines en gaz, nous avons de l'électricité et notre parc nucléaire qui revient à plein également. Donc, quand on ouvre une centrale à charbon, c'est pour venir répondre à un pic potentiel. Je crois qu'il faut être très conscient qu'en France, nous avons une politique énergétique volontaire de souveraineté. Cela permet de la compétitivité et cela permet aussi d'avoir une électricité décarbonée, fiable et le moins cher possible pour les Français.

RAPHAËL LEGENDRE
Vous l'avez dit, Olga GIVERNET, cette centrale notamment de Saint-Avold doit fermer en 2027. En tout cas, elle doit changer d'énergie. GazelEnergie, propriété de Daniel KRETINSKY, a indiqué qu'il souhaitait la changer pour repasser une centrale à gaz. On attend toujours le feu vert de l'exécutif. Quand est-ce qu'il arrivera ?

OLGA GIVERNET
Nous, nous attendons à un projet et nous attendons à un projet viable pour les employés, pour donner des perspectives. Nous devons aller vers des énergies décarbonées. Le gaz ne l'est pas. Si nous sommes au biogaz, c'est bien mieux. La biomasse est également une possibilité. Mais il faut d'abord que la copie soit solide.

LAURE CLOSIER
Ce qui n'est pas le cas.

RAPHAËL LEGENDRE
Alors, la faiblesse c'est autour de quoi ? Vous attendez quoi ?

OLGA GIVERNET
Pour le moment, nous attendons de savoir quelles sont les propositions qui sont prêtes pour ces reconversions de centrales. Vous le savez, lorsque nous prévoyons une centrale, notamment les EPR2 dans le nucléaire, ce sera aussi des centrales qui vont venir. À plus long terme, nous avons les énergies renouvelables. Ce sont nos deux jambes - le nucléaire et les énergies renouvelables - pour faire de la production décarbonée en France. Donc quand on nous propose quelque chose qui est différent, effectivement, on peut se poser des questions. L'éolien, le photovoltaïque couplés avec de l'hydroélectrique et du nucléaire, c'est notre mix énergétique. C'est celui qui est le meilleur pour décarboner, pour avoir la main sur notre production énergétique et pour la proposer au coût le plus bas pour les Français et les entreprises.

RAPHAËL LEGENDRE
L'actualité du jour, c'est aussi à l'Assemblée le vote de la première partie du budget, la partie recette. Dans ces mesures, il y a la fiscalité de l'électricité qui concerne tous les ménages français. On n'y voit pas très clair sur les arbitrages gouvernementaux autour de la TICFE. C'est la taxe sur l'électricité. Le message a été martelé par l'exécutif que la facture baisserait au 1er février de 9%. Au vu des informations dont vous disposez au ministère et des projections sur les prix d'électricité, la TICFE sera de combien au 1er février ?

OLGA GIVERNET
L'objectif du Gouvernement, avec moi, c'est de pouvoir faire baisser la facture des Français. Nous sommes revenus à une situation normale Nous avons réussi à passer la crise énergétique. Nous avons de l'énergie pour pouvoir être compétitif. Donc les prix du marché de l'électricité sont en baisse.

RAPHAËL LEGENDRE
Oui, mais en baisse de 15 à 20% ; les Français ne vont voir que 9%. Donc on augmente les impôts sur l'électricité.

OLGA GIVERNET
Nous venons à une situation de taxation normale qui est proposée au niveau du budget, en tout cas de la copie proposée par le Gouvernement. Et ça, moi je suis très en soutien du fait qu'il puisse y avoir cette variabilité qui est proposée également pour pouvoir prendre en compte exactement au 1er janvier les prix du marché. Puisque nous attendons que cela se stabilise. Vous l'avez dit, on ne sait pas si c'est 15, 18, 20%. Lorsque nous annonçons moins 9% aux Français en février, c'est bien que nous voulions atteindre cet objectif. Et ils pourront prendre en compte la baisse du prix du marché et le retour à la normale de la taxation.

RAPHAËL LEGENDRE
Retour à la normale, ça veut dire ?

OLGA GIVERNET
Je le rappelle, le bouclier tarifaire, c'était…

RAPHAËL LEGENDRE
32 euros.

LAURE CLOSIER
C'est fini.

OLGA GIVERNET
Nous avons même enlevé les taxations. Donc la taxation avant crise était de 32 euros.

RAPHAËL LEGENDRE
32 euros le mégawattheure.

OLGA GIVERNET
Nous avons fluctué entre 25-29 euros, jusqu'à 50 effectivement. Moi, je ne le souhaite pas.

RAPHAËL LEGENDRE
C'est le montant qui avait été évoqué par Bercy jusqu'à 50, ce qui serait une augmentation extrêmement importante de la fiscalité sur l'électricité.

OLGA GIVERNET
Importante et qui ne permettrait pas de faire les moins 9 % annoncés aux Français. Nous avons annoncé moins 9 % pour 80 % des Français qui, eux-mêmes, sont aux tarifs réglementés de vente. Il faut savoir que les autres 20 % ont déjà bénéficié de la baisse du marché et donc ce serait un réajustement.

RAPHAËL LEGENDRE
Eux, verront leur facture augmenter au 1er février.

OLGA GIVERNET
L'objectif pour les Français, pour les entreprises, c'est de bien réussir à faire baisser cette facture, d'être souverains, indépendants et compétitifs.

LAURE CLOSIER
Alors justement pour les entreprises du côté des électro-intensifs, ces entreprises les plus énergivores, où en sont les discussions ?

OLGA GIVERNET
Alors il y a des discussions, vous le savez, il y a un accord entre EDF et l'État de pouvoir proposer des contrats de moyen terme et de long terme aux entreprises. Nous sommes en relation avec EDF tous les jours pratiquement pour savoir, puisque nous avons…

LAURE CLOSIER
Elles veulent des contrats de long terme ?

OLGA GIVERNET
A une année, de cette discussion, ils veulent des contrats, il y a des avancées, des lettres d'intention pour pouvoir sécuriser ces contrats énergétiques à dix ans et participer également aux contrats d'approvisionnement en énergie nucléaire. C'est, en fait, gagnant-gagnant, c'est de l'investissement pour les entreprises de pouvoir investir dans notre parc nucléaire et dans nos systèmes de production en France. Ça permet d'être sûr d'avoir de l'énergie décarbonée, ça permet d'être sûr aussi des prix que nous pouvons proposer, il faut que tout le monde puisse jouer le jeu. Nous connaissons les difficultés qu'ont pu connaître les entreprises avec le prix de l'énergie, nous sommes très très attentifs, très vigilants que l'électricité en France et l'énergie de manière générale puissent être apportées aux entreprises, qu'elles restent compétitives et qu'elles ne puissent pas avoir envie de partir ailleurs.

RAPHAËL LEGENDRE
Justement, Olga GIVERNET, est-ce qu'il n'y a pas un hiatus entre cette augmentation de la fiscalité sur l'électricité qu'on souhaite développer de partout en France et le travail sur la compétitivité des entreprises, à la fois vous les taxez davantage et en même temps vous prenez la défense de la compétitivité des entreprises ? C'est compliqué.

OLGA GIVERNET
Je le disais tout à l'heure, c'est un retour à la normale, c'est aussi en prenant en compte la situation budgétaire de l'État, le bouclier tarifaire, nous ne pouvons plus nous le permettre. Nous avons réussi avec les moyens de programmation énergétique à pouvoir fournir de l'électricité et de l'énergie à bas coût, nous y travaillons encore largement avec la programmation pluriannuelle de l'énergie pour les dix années à venir, les propositions sont faites, en prenant en compte évidemment les besoins, les besoins en transfert d'usage, il faut sortir des énergies fossiles absolument si nous voulons pouvoir être dans les objectifs de décarbonation et de maintien du climat.

LAURE CLOSIER
Sur les transferts d'usage, on voit que dès qu'on arrête les stimuli, dès qu'on arrête les bonus, dès qu'on arrête de pousser les Français à changer de véhicule, ça s'arrête tout de suite, que sur le financement seul de ses propres deniers, ça ne fonctionne pas, et pourtant on est dans un cadre budgétaire où on ne peut pas aller plus loin, du coup qu'est-ce qu'on fait ?

OLGA GIVERNET
Écoutez, on a fait un effort monumental sur cette transition énergétique, nous avons proposé des aides pour pouvoir, au niveau des logements, obtenir des pompes à chaleur, notamment pour avoir de la rénovation énergétique, ce sont plusieurs centaines de milliers de foyers qui ont bénéficié de cela, pour les voitures également, voitures électriques, nous poursuivons le leasing social pour pouvoir donner envie d'acquérir une voiture électrique et de démontrer aussi qu'ils sont de moins en moins chers, et donc de pouvoir se retirer en termes d'aide publique au fur et à mesure que l'impulsion est donnée, mais vous avez raison, lorsqu'on est dans une période d'incertitude, et je crois qu'il va falloir encore travailler de nombreuses semaines pour pouvoir rassurer tout le monde, nous devons garder ce chemin, nous devons garder cette volonté de pouvoir avoir une souveraineté énergétique, une compétitivité avec de l'énergie décarbonée en France, nous en sommes très fiers par rapport aux autres pays, nous sommes bien en avance et nous comptons dessus.

LAURE CLOSIER
Olga GIVERNET, ministre déléguée à l'Énergie.

OLGA GIVERNET
Merci à vous.

RAPHAËL LEGENDRE
Merci, Olga GIVERNET.

LAURE CLOSIER
Merci d'être venue dans la matinale de l'Économie ce matin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 novembre 2024