Texte intégral
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
7 h 45 sur France Info, c'est donc l'heure de l'interview politique de la matinale. Alix BOUILHAGUET, vous recevez ce matin la ministre de l'Éducation nationale au lendemain de cette annonce de réforme, Anne GENETET.
ALIX BOUILHAGUET
On va naturellement parler de ce plan, et acte 2 du choc des savoirs.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
C'est parti pour l'interview politique de la matinale.
ALIX BOUILHAGUET
Bonjour Anne GENETET.
ANNE GENETET
Bonjour.
ALIX BOUILHAGUET
Merci d'être avec nous ce matin. On va décortiquer les principales mesures de votre plan, mais d'abord un mot sur le contexte. En primaire, le niveau ne décolle toujours pas. Au collège, il y a de grosses alertes sur le niveau en quatrième et l'année dernière, le classement PISA a été catastrophique. Comment vous expliquez qu'on en soit arrivé là ?
ANNE GENETET
Alors attention, en primaire, on voit des résultats encourageants, pas dans toutes les dimensions, pas sur toutes les compétences, mais il y a des résultats encourageants, notamment en CE1 et en CE2, qui sont le fruit des mesures que nous avons mises en place, notamment le dédoublement des classes en grande section, CP et CE1. Il est vrai qu'en CM2, on a encore 30 % de nos élèves qui ne sont pas encore fluides en lecture, ce qui est un handicap énorme pour l'entrée au collège, évidemment. Mais tous ces groupes de besoins qui ont été lancés, il y a un an, sont juste en train de se mettre en place. Là, c'est les premières semaines. Certains mêmes ne les ont mis en place que la semaine dernière, au retour des congés d'automne. Nous en sommes au tout début…
ALIX BOUILHAGUET
Les groupes de besoins dont vous parlez, ils sont en place depuis un an sur les sixièmes ?
ANNE GENETET
Non, non, ils ne sont en place que depuis cette rentrée scolaire.
ALIX BOUILHAGUET
Sur les sixièmes et les cinquièmes ?
ANNE GENETET
Cette rentrée scolaire sur les sixièmes et les cinquièmes, et même, certains établissements seulement aux vacances d'automne, donc, ça fait une semaine.
ALIX BOUILHAGUET
Donc, ça veut dire que vous n'avez aucun bilan, si je puis dire ?
ANNE GENETET
Et c'est pour cela que j'ai mandaté une mission de l'inspection qui va suivre la mise en place et l'impact de ces groupes de besoins et j'aurai un premier point d'étape en mars et un autre en fin d'année et je tiens ces évaluations pour voir comment cela se met en place et quel en est l'impact sur nos élèves.
ALIX BOUILHAGUET
Sur ce qui se passe en sixièmes et en cinquièmes, il y a une enquête du SNES-FSU qui dit que six collèges sur dix n'ont pas mis en classe ces groupes de niveau souhaités par, initiés en fait par Gabriel ATTAL il y a un an. Comment ça se fait ?
ANNE GENETET
Alors, il a lancé l'idée, le projet il y a un an, mais la demande était que ce soit mis en place pour sept rentrées scolaires avec une liberté d'appréciation pour les chefs d'établissement. Certains, j'en ai rencontré, l'ont mis en place dès le mois de septembre, d'autres ont choisi le retour des vacances d'automne pour le mettre en place. Donc, c'est peut-être pour cela qu'ils ont des décalages. L'objectif est bien que la totalité de nos collèges mettent en place ces groupes de besoins pour toutes les classes de sixièmes et cinquièmes en français et en mathématiques.
ALIX BOUILHAGUET
Vous allez donc l'élargir à la quatrième et à la troisième, mais pourquoi est-ce que vous l'élargissez sur une version un peu light, un peu allégée, c'est-à-dire une heure en alternance maths/français par semaine ?
ANNE GENETET
Alors, c'est une version différente. Elle n'est pas allégée, elle est différente dans son approche pour les groupes de besoins. Pourquoi ? Parce que nous avons, d'une part, des élèves qui sont à un moment différent de leur développement. On n'est pas en quatrième et troisième comme on est en sixième et cinquième. De plus, en quatrième et troisième, on prépare le brevet. On est dans une autre dimension. On est moins sur de monter les fondamentaux, dont j'espère qu'ils auront été mis en place et nettement améliorés avec ce qu'ils ont eu comme soutien en sixième et cinquième. Là, en quatrième et en troisième, on se projette vers autre chose. Il faut différentes mesures, nous avons les groupes de besoins sur une heure pour continuer à travailler sur ces fondamentaux, mais nous avons aussi besoin d'avoir des méthodes hors classe, que j'appelle hors classe, les devoirs faits, les vacances apprenantes, les stages de réussite, qui permettent d'apporter différentes manières de soutenir un jeune qui est dans une construction, dans un moment différent de son développement.
ALIX BOUILHAGUET
Mais il n'y a aucun rapport avec le fait qu'il faudrait, si on avait voulu calquer le modèle sixième-cinquième sur le troisième-quatrième, il aurait fallu 2 000 recrutements de professeurs en plus.
ANNE GENETET
Alors, on va mettre de côté cet aspect-là qui est important, mais qui n'est pas prépondérant. Je veux souligner aussi une chose très importante. Lorsque vous avez les groupes de besoins en sixième et cinquième sur la totalité de l'emploi du temps en maths et en français, il faut d'ailleurs que nos professeurs de mathématiques et nos professeurs de français puissent également être professeurs principaux d'une classe. Là, avec ces groupes de besoins, ils ne peuvent pas l'être en sixième-cinquième, ils le sont en quatrième-troisième. Je veux que nos professeurs de mathématiques, nos professeurs de français puissent également être professeurs principaux, car c'est une fonction très importante pour mener une classe, pour accompagner nos élèves vers la réussite, donc ils pourront continuer à parallèlement. Ça, c'est un aspect, je dirais, opérationnel.
ALIX BOUILHAGUET
Mais va-t-il y avoir des recrutements ?
ANNE GENETET
Le plus important, il y aura à peu près un millier de recrutements pour assurer ces groupes de besoins au niveau de la quatrième et la troisième, en complément des sixièmes et cinquièmes que nous conservons. Et puis, pour l'ensemble du dispositif, un suivi, nous avons un suivi spécifique par l'inspection générale, mais également toutes les évaluations qui seront toujours là en sixième, en quatrième, optionnelles en cinquième, en troisième, mais l'évaluation, c'est vraiment, voyez-vous, ce qui permet, je crois que les Français l'attendent, que chaque professeur et chaque parent, puisqu'il y a une restitution auprès des parents, puissent se rendre compte du progrès de leurs enfants et c'est ce qu'on demande, c'est ce que j'attends.
ALIX BOUILHAGUET
Alors, si on progresse, là, on est quatrième, troisième, ça m'amène à la deuxième nouveauté. Pour entrer en seconde, il faudra désormais, à partir de 2027, obtenir le brevet des collèges. Est-ce que ça ne veut pas dire qu'on va brader, finalement, ce brevet des collèges pour pénaliser le moins d'élève possible ?
ANNE GENETET
Non, au contraire, l'idée, c'est que nous avons aujourd'hui un examen qui existe, qui est le diplôme national du brevet, mais qui n'en étant pas obligatoire, n'est pas forcément super motivant. Et voyez-vous, quand vous avez une étape, et qu'on vous dit : "Là, si tu franchis la ligne d'arrivée à cette hauteur-là, tu vas donc monter en compétences, tu seras capable d'aller plus loin". Moi, ce que je dis aux jeunes, c'est : "Tu vas voir, tu vas y arriver, tu es capable, j'ai confiance en toi, tu peux le faire". Les parents aussi le demandent. Et au bout du compte, avoir un diplôme qui soit obligatoire, d'abord, c'est un vrai diplôme, avec des vraies notes, il n'y aura pas de correctifs académiques, des endroits où les notes seraient gonflées. On aura un vrai diplôme et d'ailleurs, ça prépare aussi à la suite, c'est aussi un rite de passage. Vous savez, à cet âge-là, les rites de passage, c'est constructeur, c'est formateur pour nos jeunes, moi, j'y crois beaucoup. Donc, ceci, au contraire, va, à mon avis les encourager à progresser, à travailler, parce qu'ils auront envie de le réussir. J'ai vu hier des petits jeunes qui étaient en cinquième, je peux vous dire qu'ils sont déjà dans une…
ALIX BOUILHAGUET
Ils sont déjà motivés…
ANNE GENETET
Oui, oui, oui…
ALIX BOUILHAGUET
Et ce n'est pas une manière d'alléger aussi la filière dans le secondaire, c'est-à-dire, en disant : "On fait le tri, on fait le tri et on évacue des élèves ?"
ANNE GENETET
Ah non, surtout pas, justement, aujourd'hui, nous avons à peu près entre un peu plus de 86 % de réussite au diplôme national du brevet. Moi, ce que je veux, c'est que ce chiffre progresse. Au contraire, j'en veux beaucoup plus qu'ils réussissent le brevet, c'est bien ça mon objectif. On ne va certainement pas… D'abord, les programmes sont les mêmes. On a un programme costaud, qui est sur la classe de troisième d'ailleurs, pour évaluer les épreuves, notamment terminale du brevet, à partir, donc, de 2026 pour l'évaluation sur le programme et 2027 pour le côté obligatoire, pour entrer directement en classe de seconde.
ALIX BOUILHAGUET
Donc, en cas d'échec au brevet, le collégien, il pourra être soit aiguillé vers un CAP ou une prépa seconde. La prépa seconde, ça veut dire que c'est une nouvelle classe, c'est une nouvelle chance, si je puis dire, pour accéder à la première, à la seconde ?
ANNE GENETET
Alors, elles existent déjà de manière expérimentale. On en a une par académie. Ce sont des petits groupes de vingt élèves qu'on essaie de remettre dans une dynamique de scolarisation avec derrière la possibilité pour eux, ou après, à nouveau, d'aller vers un diplôme professionnalisant de type CAP ou bien de rentrer au lycée. En gros, ce que je suis en train de préparer, c'est de leur dire : "Moi, je te propose de réussir ton lycée en quatre ans, alors qu'aujourd'hui, je te propose un échec en trois ans". Ça fait quand même une grosse différence.
ALIX BOUILHAGUET
Et là, ça veut dire aussi des recrutements supplémentaires pour ces nouvelles classes ?
ANNE GENETET
Pour le moment, ça n'est pas l'objet. Les moyens ont été déployés pour cette rentrée scolaire, pour ces classes, et puis là encore, comme je suis certaine que j'aurai beaucoup plus d'élèves qui seront réussis du brevet, je n'aurai pas forcément besoin d'autant de classes dites prépa seconde qu'on pourrait le croire aujourd'hui.
ALIX BOUILHAGUET
On est en plein débat budgétaire, 4 000 postes sont actés comme devant être supprimés dans le prochain budget.
ANNE GENETET
C'est une dimension que j'entends, mais vraiment, je me bats tous les jours d'abord pour que ça change, mais n'oublions pas que nous devons une vérité aux Français.
ALIX BOUILHAGUET
Donc vous pensez que ce ne sera peut-être pas le cas ?
ANNE GENETET
Aujourd'hui, le débat est à l'Assemblée. Je note d'ailleurs qu'il y a une unanimité sur les bancs politiques sur la priorité qui doit être donnée à l'école, mais on doit, encore une fois, une vérité aux Français. On a une vérité démographique, on a une vérité territoriale. Les deux nous commandent forcément d'agir sur le curseur du nombre de postes. Mais derrière, il y a aussi, au moment où le budget a été présenté, il y a l'ambition que je prépare pour l'école n'était pas encore présentée. Je viens de le présenter, maintenant, j'attends que le Parlement puisse adapter le budget à l'ambition que je porte pour l'école.
ALIX BOUILHAGUET
Un mot aussi sur l'épreuve anticipée de maths en première pour le bac. Cette épreuve concerne tous les élèves filière générale comme technologique. Ça veut dire que ceux qui n'ont pas pris de spécialité maths en première, il y aura deux évaluations pour ceux qui seront en spécialité maths en première et ceux qui n'ont les maths que dans le tronc commun ?
ANNE GENETET
L'idée, on a une épreuve anticipée de Français qui existe déjà. Donc on est capable de faire monter toute une génération à une épreuve commune en français, c'est exactement la même chose sur notre autre fondamentale que sont les mathématiques. Nous sommes aussi une nation de mathématiques, n'oublions pas que nous avons des médailles Fields. Je veux qu'on fasse tomber ce mythe qui dit qu'en France, il y a des bons en maths et des mauvais en maths. Tout le monde…
ALIX BOUILHAGUET
Mais vous prenez à rebond Jean-Michel BLANQUER qui a supprimé les maths en première ? Il a fait l'erreur ?
ANNE GENETET
Je comprends, l'idée qu'il avait était de dire : « Vous pouvez faire plein de choses même sans faire de maths », ce qui est une réalité. Mais en revanche, il faut quand même qu'il y ait un tronc commun en maths et ce qu'il avait d'ailleurs mis en place derrière. Donc il y a besoin d'avoir ce tronc commun et il y aura en effet une épreuve anticipée de maths pour tous les élèves qui aujourd'hui sont en seconde, qu'on soit en technologie, qu'on soit en général. Ceux qui ont choisi la spé math auront leur deuxième épreuve de maths en épreuve terminale comme c'est le cas aujourd'hui, ça ne changera rien. Et puis ceux qui ont leurs trente supplémentaires par semaine qui n'ont pas l'intention de faire une spé math en terminale auront aussi une épreuve anticipée de maths et après ça s'arrêtera, sinon ils en ont envie.
ALIX BOUILHAGUET
Un dernier mot, quinze secondes sur le climat au sein du socle commun comme on l'appelle. Vous êtes proche de Gabriel ATTAL, on n'a pas l'impression que le groupe vit bien.
ANNE GENETET
Alors, le groupe s'alliait à l'Assemblée, côté Gouvernement aucun…
ALIX BOUILHAGUET
Le groupe, c'est-à-dire notamment à la cohabitation avec les Républicains.
ANNE GENETET
Nous avons tous à cœur, je peux vous dire, que ce Gouvernement réussisse, il n'y a aucun doute là-dessus. Et moi, je travaille, je fais très attention, je suis sur des sujets qui ne concernent pas seulement mon ministère, mais d'autres ministères, Bruno RETAILLEAU sur la Sécurité sur le chemin de l'école, Catherine VAUTRIN sur la Cohésion des territoires pour le travail avec les Collectivités locales, Patrick HETZEL avec le lien avec l'Enseignement supérieur…
ALIX BOUILHAGUET
On sent quand même qu'entre Laurent WAUQUIEZ et Gabriel ATTAL, ce n'est pas le grand amour.
ANNE GENETET
A mon niveau, s'agissant de l'Éducation nationale et de la priorité qui en est une pour le président de la République, pour Michel BARNIER, pour Gabriel ATTAL, et pour moi, je n'ai aucune difficulté à travailler avec mes collègues LR.
ALIX BOUILHAGUET
Merci beaucoup, Anne GENETET.
ANNE GENETET
Merci à vous.
ALIX BOUILHAGUET
Bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 novembre 2024