Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invité, Antoine ARMAND, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie. Antoine ARMAND, bonjour.
ANTOINE ARMAND
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. J'ai plusieurs questions mais je vais commencer avec la réquisition, les réquisitions, enfin le réquisitoire contre Marine Le PEN et contre tous les prévenus dans le procès des dirigeants du Front national… du Front National, puisqu'à l'époque c'était le Front national. Antoine ARMAND, est-ce choquant que Marine Le PEN soit inéligible ?
ANTOINE ARMAND
Et Jean-Jacques BOURDIN, je suis ministre de la République et la séparation des pouvoirs, vous comprendrez que je ne peux pas commenter une décision de justice et encore moins procédure de justice en cours.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, je vous dis ça parce que Gérald DARMANIN, lui, n'hésite pas à dire que c'est choquant. Vous comprenez que DARMANIN puisse dire " c'est choquant qu'elle ne puisse pas se présenter en 2027 " ?
ANTOINE ARMAND
Chacun s'exprime. Il y a des parlementaires, des anciens ministres qui s'expriment. Si je ne commente pas la procédure de justice, je ne commente pas non plus les débats afférents à cette procédure.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Antoine ARMAND, vous êtes ministre de l'Économie. Le Mercosur, l'Union européenne va-t-elle signer, la semaine prochaine au G20, l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur, ces cinq pays d'Amérique du Sud ?
ANTOINE ARMAND
Jean-Jacques BOURDIN, je vais essayer de le dire très simplement ; dans les conditions actuelles, le Mercosur, c'est non. C'est non, parce que c'est nos agriculteurs et nos éleveurs en particulier qui seraient directement touchés, qui seraient directement affectés par l'arrivée de viandes et notamment bovines, dans des conditions absolument défavorables et déloyales. C'est non parce que climatiquement, cet accord ne respecte pas les standards que nous nous sommes fixés, que l'Union européenne s'est fixée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-il vrai que la France a passé un accord avec la Pologne, les Pays-Bas et l'Autriche pour bloquer l'accord et créer, en quelque sorte, une minorité de blocage ?
ANTOINE ARMAND
Ce que je peux vous dire, c'est que je ne fais pas que dire sur les plateaux de télévision et de radio que le Mercosur c'est non. C'est qu'on s'organise avec les pays européens pour faire comprendre le danger que représenterait cet accord.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, vous êtes en train de constituer une minorité de blocage ?
ANTOINE ARMAND
La France est totalement déterminée. Et quand je dis totalement, ça passe par les éléments que vous avez mentionnés à ce que le Mercosur ne soit pas signé en l'état.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Cela veut dire que nous sommes en train de créer une minorité de blocage avec d'autres pays d'Europe ?
ANTOINE ARMAND
Ça veut dire qu'on utilise tous les moyens, y compris les moyens institutionnels et de vote au niveau européen, pour que le Mercosur, en l'état, ne passe pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, il n'y aura pas d'accord ?
ANTOINE ARMAND
En l'état, cet accord est inacceptable et insupportable pour nos agriculteurs. Vous le dites souvent à cette antenne, vous les faites intervenir. C'est très clair. Ça doit être aussi très clair pour l'ensemble de nos compatriotes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais l'idée de l'accord, ce n'est pas une fausse information ? On est bien d'accord, la France discute avec ces pays-là ?
ANTOINE ARMAND
Évidemment, on convainc nos partenaires qui peuvent parfois hésiter du fait…
JEAN-JACQUES BOURDIN
De créer un front du refus en quelque sorte.
ANTOINE ARMAND
Et d'expliquer qu'on ne peut pas, aujourd'hui, dans la situation dans laquelle est notre agriculture, dans le combat qu'on mène pour le climat, accepter des accords qui dénaturent les engagements qu'on a pour le climat et qui découragent et qui feraient mal à notre agriculture.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le budget 2025 ; le Sénat examine le texte initial du Gouvernement. Alors, avant d'entrer dans le détail, notamment des propositions des sénateurs, Antoine ARMAND, le déficit à 6,1% fin 2024, est-ce le choix du Gouvernement actuel ?
ANTOINE ARMAND
Je vois à quelle partie de quelle audition vous pouvez faire référence.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est Bruno Le MAIRE qui l'a dit. Je vous pose la question.
ANTOINE ARMAND
C'est toujours une question de choix. C'est-à-dire qu'on aurait pu, pour ne pas atteindre ce déficit, taxer rétroactivement de 20 ou 30 ou 40 milliards les Français en leur disant " à la fin de l'année 2024, on vous taxe. " Est-ce que ça aurait été un choix raisonnable ? Est-ce que ça aurait été un choix loyal vis-à-vis des entreprises ? Non. Moi, ma responsabilité sous l'autorité de Michel BARNIER et avec mon collègue Laurent SAINT-MARTIN, c'est de dire la vérité. C'est dire « Voilà, aujourd'hui, on en est là. Le déficit va atteindre 6,1% au moins à la fin de l'année. Et ma responsabilité, c'est de dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Au moins, peut-être plus aujourd'hui.
ANTOINE ARMAND
Non, je crois qu'on sera autour de 6,1%. Les prochaines semaines permettront d'établir précisément le niveau. Pourquoi je dis ça ? Parce qu'il y a eu des écarts de prévisions. Il y a eu des différences de déficit. Et ma première responsabilité, c'est que la confiance soit totale entre nos concitoyens, les représentants de la nation et le Gouvernement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et qu'aujourd'hui, vous dites la vérité quoi.
ANTOINE ARMAND
Je fais de la transparence à chaque instant et si la situation doit évoluer, je le dirais. Si elle s'améliore, je le dirais. Si elle se dégrade, je dirais.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que la transparence n'a pas toujours été faite ?
ANTOINE ARMAND
Ça veut dire qu'on doit faire mieux. Et ce n'est pas pour accuser les prédécesseurs parce que ce serait trop facile. C'est simplement parce que quand vous avez 3 300 milliards de dette et 6% de déficit, vous ne pouvez pas commencer vos phrases par " Tout va bien. Circulez, il n'y a rien à voir. "
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais voilà ce que dit aussi Bruno Le MAIRE. Si toutes les mesures que nous avions préparées avaient été mises en oeuvre sans délai par le nouveau Gouvernement, elles auraient permis de contenir le déficit à 5,5, sans augmentation d'impôts. Est-ce vrai ?
ANTOINE ARMAND
Toutes les mesures qui avaient été pensées par le Gouvernement sur la dépense publique ont été mises en oeuvre à l'arrivée de ce Gouvernement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, il dit faux ?
ANTOINE ARMAND
Pas du tout. Parce qu'il y avait aussi possiblement d'autres mesures qui étaient envisageables sur la fiscalité, sur la taxe sur une production d'électricité qui avait été évoquée, vous vous souvenez, y compris ici. Et nous avons fait le choix de présenter un budget pour 2025 d'effort, d'effort extrêmement important, mais parce qu'il nous semblait que c'était important que ces mesures, y compris celles que vous avez mentionnées, soient étudiées dans le cadre d'un débat démocratique. Un débat démocratique qui, à la fin, à l'Assemblée, s'est transformé en grande foire fiscale où chacun a voulu rajouter son milliard d'impôts, qui sur une TPE, qui sur un ménage modeste, qui sur un français qui a épargné sur les assurances vie. Mais ce qui est important de dire, c'est, un, la transparence et deux, oui, ça va être un budget difficile. Moi, je ne suis pas venu vous dire tout va être simple. On a 3 300 milliards de dettes, on va se désendetter, mais on le fera simplement. Non, c'est difficile parce qu'il faut sortir de cette addiction à la dépense publique, aux déficits qui filent toujours plus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Antoine ARMAND, vous savez que je défends les PME et les TPE ici, donc j'ai besoin de savoir ce que vous leur proposez, ce que vous leur dites. Le crédit d'impôt recherche sera durci, si j'ai bien compris. Vous confirmez ?
ANTOINE ARMAND
Je voudrais leur dire une chose avant, si vous me permettez, c'est que les chefs de TPE, PME font 90% de l'emploi en France. Ils font tourner la boutique France au quotidien. Donc il faut leur dire un, merci et deux, on va vous aider. Ça, c'est la première chose.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment ? En durcissant le crédit d'impôt recherche et en encourageant par exemple les jeunes entreprises ?
ANTOINE ARMAND
Exactement. On va avoir une petite évolution du crédit impôt recherche, très marginale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il va durcir ?
ANTOINE ARMAND
Très légèrement, mais qui nous permettra d'utiliser cet argent pour le crédit d'impôt innovation qui touche les TPE, PME et les jeunes entreprises innovantes. Parce qu'il faut aussi sortir de l'idée selon laquelle il n'y aurait que les grands groupes, que les entreprises de taille intermédiaire qui sont indispensables, qui innovent. Les TPE, PME - je le vois tous les jours dans mon territoire de Haute-Savoie - ils innovent, ils créent de l'intelligence artificielle, de la numérisation, de la transition écologique. Donc il faut les aider sur l'innovation. Mais je vais vous dire quelque chose : à mon avis, la première chose qu'il faut rappeler, toujours et toujours, c'est que la première attente des chefs de TPE, PME, c'est la simplification. C'est qu'on vit dans un monde où il y a trop de normes et pas assez de travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez en supprimer.
ANTOINE ARMAND
Ma responsabilité, c'est de faire moins de normes et plus de travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelles normes, par exemple, vous allez supprimer ?
ANTOINE ARMAND
J'aurai l'occasion, dans les prochains jours, de présenter une manière de faire et une méthode... Parce que ce n'est pas moi, dans mon bureau de ministre de l'Economie, qui doit décider quelle norme on supprime. On va associer les TPE et les PME, avec mon collègue Guillaume KASBARIAN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez les réunir, vous allez convaincre…
ANTOINE ARMAND
Pour les réunir et pour, absolument, dire telle norme, telle norme et telle norme, un, simplifions. Et deux - moi, je n'ai pas peur de le dire ici – oui, simplifier, c'est aussi supprimer des normes. C'est aussi dire, à un moment donné…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez supprimer des normes.
ANTOINE ARMAND
C'est aussi dire, à un moment donné, qu'on est en train de plonger l'économie française dans le formol. Et moi, ma responsabilité, c'est de lui donner de l'oxygène, en particulier aux TPE et aux PME.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne toucherez pas aux conditions de transmission d'entreprise. On est bien d'accord, Antoine ARMAND ?
ANTOINE ARMAND
Quand vous vous comparez avec l'Allemagne, vous voyez qu'il y a parmi les différences le fait qu'en Allemagne on transmet bien les entreprises et notamment familiales. Ça permet de donner de la vision de long terme. Ça permet de se dire " Je vais investir sur 10-20 ans. " Donc croire que c'est en pénalisant la transmission des entreprises en France qu'on va améliorer l'économie et la société, c'est se tromper complètement. Il faut préserver les dispositifs qui existent, qui permettent de transmettre les entreprises.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Recherche… Réduction des exonérations de cotisations sociales ? Qu'est-ce que vous allez faire avec les cotisations sociales ?
ANTOINE ARMAND
Aujourd'hui en France, quand vous voulez augmenter un salarié au SMIC de 100 euros, il vous en coûte presque 400 euros. Inutile de vous dire que quand vous êtes un chef de TPE, PME volontaire qui se dit " je vais augmenter mes salariés " à cause du profil des exonérations, vous êtes comme pris à la gorge. Donc ça, c'est un vrai problème qu'il faut régler. Maintenant, je le dis, on a été alertés, notamment par le groupe EPR, augmenter le coût du travail au niveau du SMIC dans la période que nous traversons, ça risque… ça peut avoir des conséquences.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous ne le ferez pas ?
ANTOINE ARMAND
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, vous ne réduirez pas les exonérations de cotisations sociales ?
ANTOINE ARMAND
C'est le débat que nous sommes en train d'avoir avec le avec le groupe Ensemble pour la République, avec les autres groupes qui se sont manifestés. Maintenant, je dis… J'ai commencé en vous disant " On a 3 300 milliards de dette " Je dois le faire dans un principe de responsabilité budgétaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord, mais vous êtes contre la réduction ?
ANTOINE ARMAND
J'essaie de trouver la voie de passage avec mes collègues Laurent SAINT-MARTIN, sous l'autorité du Premier ministre, pour continuer à avoir un budget qui permet d'arriver à 5% de déficit, certes, et qui aide au maximum l'économie et donc qui pénalise au maximum les chefs d'entreprise qui essaient de mieux payer leurs salariés. Ce qui veut dire que si on réduit certaines des mesures qui sont prévues, il faut trouver des mesures en face. Il faut trouver des mesures d'économies. Il faut trouver des mesures pour travailler davantage. Il faut accompagner la société vers plus de travail et moins de normes et pas vers plus de normes et moins de travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
5 milliards d'euros d'économies demandées aux collectivités locales. On est bien d'accord ? Vous restez sur ces 5 milliards ?
ANTOINE ARMAND
C'est le projet initial du Gouvernement. Comme vous l'avez dit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça proteste.
ANTOINE ARMAND
Le débat arrive maintenant au Sénat qui est la Chambre qui représente les collectivités. On va avoir un débat au Sénat. Certaines propositions seront faites. Moi, j'ai dit quelque chose depuis le début. Si on arrive à remplacer des mesures qui freinent l'investissement ou des mesures qui sont de la fiscalité par des économies en dur, des économies de fonds le jour de carence, d'autres économies sur le transport sanitaire… Si on trouve des mesures fortes pour remplacer certaines mesures qui pénalisent l'investissement, je serai le premier à les retenir, à les instruire et à les garder. Maintenant, vous savez, c'est souvent plus facile de parler d'économies que de faire des économies.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors quelques questions directes : les tarifs de l'électricité, est-ce que ça va augmenter comme prévu au mois de février ?
ANTOINE ARMAND
Les tarifs de l'électricité ne vont pas augmenter, les tarifs de l'électricité vont baisser pour 80% des Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour 80%, ça va baisser en février.
ANTOINE ARMAND
…en février. Pour les 10% restants qui sont aux offres libres de marché, c'est-à-dire qui ne sont pas aux tarifs réglementés, qui ont eu des baisses extrêmement importantes, pour certains, ce sera stable. Pour d'autres, il y aura une hausse. Mais c'est important de le dire, parce que ce n'est pas parce qu'il y a des mesures qui sont prises sur l'électricité que le tarif de l'électricité va augmenter. Il va baisser 80% des Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais la baisse, 10% la baisse ?
ANTOINE ARMAND
A peu près.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A peu près, c'est…
ANTOINE ARMAND
Entre 9 et 10%.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Entre 9 et 10%. Est-il vrai que vous réfléchissez au lancement d'un grand emprunt public ?
ANTOINE ARMAND
Si l'emprunt public doit servir à financer la dette, je vous le dis clairement comme ministre des Finances, ce n'est pas absolument pertinent. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, la France se finance correctement pour le marché. Si la question, c'est comment on finance notre économie ? On a eu beaucoup de débats sur la question industrielle pour financer notre économie. En France, on a un système social qui fait qu'on a moins d'épargne qui sert à financer l'économie. Là, les sujets sont ouverts. C'est pour ça que le Premier ministre a parlé d'un livret industrie. Pourquoi il a parlé d'un livret industrie ? Parce qu'on a, aujourd'hui, en France, besoin d'installer plus d'usines et qu'on a besoin d'avoir les financements d'abord privés pour installer ces usines.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, pour avoir ces financements, vous êtes prêt à lancer un grand emprunt public ?
ANTOINE ARMAND
Ça doit d'abord passer par l'épargne. On a, aujourd'hui, un taux d'épargne très important en France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment allez-vous diriger cette épargne vers l'investissement ?
ANTOINE ARMAND
C'est la mesure annoncée par le Premier ministre qui s'appelle le livret industrie qu'il aura l'occasion lui-même de présenter dans les prochaines semaines, au début sans doute de l'année 2025.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quel taux ?
ANTOINE ARMAND
Vous comprendrez que je laisse la primeur au Premier ministre, Jean-Jacques BOURDIN. Sinon, je ne pourrais plus revenir sur Sud Radio pour vous parler d'autres mesures. Ce qui est important de dire ici, c'est qu'on a beaucoup d'épargne et qu'on a une possibilité d'utiliser l'épargne des Français pour financer l'usine à côté de chez eux. Et ça, ça a beaucoup de sens. Et ça, ça sert l'industrie française.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous renoncez, vous écartez la piste du lancement d'un grand emprunt public ?
ANTOINE ARMAND
Ce n'est pas, aujourd'hui, à l'ordre du jour parce qu'on travaille sur ce livret industrie. Je ne vais pas commencer par vous dire tout ce qui n'est pas possible alors que la vérité c'est qu'on a besoin de travailler davantage et d'investir davantage dans notre économie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Justement, travailler davantage. Est-ce que vous êtes favorable à la suppression d'un jour férié ?
ANTOINE ARMAND
Je crois que sur une question aussi importante, l'étape numéro un, c'est de rappeler qu'on travaille moins en France que dans d'autres pays. Un, qu'on travaille collectivement moins. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que le taux d'emploi en France est plus bas qu'aux Pays-Bas, qu'en Allemagne. Et deuxièmement, que pour ceux qui travaillent, la durée du travail, oui, est inférieure. Plutôt 1 500 heures en France, 1 570 dans l'Union Européenne, 1 700 dans l'OCDE. Est-ce que ça doit prendre la forme d'un jour supprimé ? Est-ce que ça doit prendre la forme de plusieurs minutes par jour ou par semaine en plus par an ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sept heures de travail en plus, propose le Sénat, par an et par salarié. Sept heures par actif, sept heures de travail en plus pour financer l'autonomie.
ANTOINE ARMAND
Je trouve que c'est une proposition qui est intéressante, qui est judicieuse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous la retenez ?
ANTOINE ARMAND
On va avoir le débat, parce qu'il faut évidemment regarder le détail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, Antoine ARMAND, mais vous, vous la retenez ou pas ?
ANTOINE ARMAND
Je ne vais pas vous dire ici qu'on la retient alors qu'on doit la travailler ensemble. Ce que je vais vous dire ici, c'est que toutes les propositions qui vont dans le sens de dire " il faut travailler davantage, on en prend acte " on les étudiera. Pourquoi ? Parce que ce n'est pas juste une question budgétaire. Parce que j'entends ce que certains disent. Ils disent « très bien, ils n'arrivent pas à faire des économies dans la dépense publique, donc ils nous demandent de travailler davantage. » Là, je vous parle d'une question économique. On est dans un pays…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui ne travaille pas assez.
ANTOINE ARMAND
Mais on est dans un pays qui ne libère pas le travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors comment allez-vous faire pour encourager les Français, aider les Français, pousser les Français, comme vous voulez, à travailler plus ?
ANTOINE ARMAND
D'abord, il faut arrêter de les décourager à travailler plus. Je vous donne deux exemples qui m'ont beaucoup frappé. Premier exemple, vous savez peut-être qu'en France, dans la loi, il est inscrit qu'on ne peut pas faire plus d'un certain nombre d'heures supplémentaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'allais y venir.
ANTOINE ARMAND
En moyenne, 4 heures par semaine. Je vous donne un autre exemple.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a un plafond, 220 heures.
ANTOINE ARMAND
Exactement. Ça veut dire qu'en moyenne, dans l'année, vous ne pouvez pas travailler plus de 4 heures supplémentaires. Même si vous, salarié, vous êtes d'accord et que votre employeur est d'accord. Dans quel pays où les salariés ont besoin de plus de pouvoir d'achat et où les employeurs ont besoin d'activité, il y a des normes comme ça qui empêchent chacun de travailler davantage ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, question : est-ce que vous allez défiscaliser totalement les heures supplémentaires ?
ANTOINE ARMAND
C'est une question qui est aussi une question budgétaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, on est d'accord. Mais est-ce que vous êtes favorable à cela ? À la défiscalisation totale des heures supplémentaires ?
ANTOINE ARMAND
Je crois qu'on ne peut pas s'interdire les débats qui consistent à travailler davantage dans notre pays. Et je vous donne un autre exemple qui me paraît extrêmement important.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour encourager le travail, des heures supplémentaires très bien payées et défiscalisées. Et on fait sauter le plafond.
ANTOINE ARMAND
Pardon, mais avant cela, il faut quand même regarder les normes qui, aujourd'hui, nous empêchent de travailler davantage. Je vous donne un autre exemple très frappant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est pour ça.
ANTOINE ARMAND
Un exemple très concret. Quand vous n'êtes pas en emploi, vous pouvez vouloir travailler pour plein de raisons, moins de 24 heures par semaine. Parce que vous avez des enfants à garder, parce que vous avez des proches à aider, etc. La loi l'interdit, Jean-Jacques BOURDIN. Il y a des dérogations, mais la loi interdit de travailler moins de 24 heures par semaine.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pouvez changer la loi.
ANTOINE ARMAND
Pardon, mais si le salarié est pour, si l'employeur est pour, pourquoi est-ce qu'on interdirait aux gens de travailler un certain nombre d'heures par semaine qui leur convient à eux ? On est dans une société qui évolue. On a des rythmes de vie, des rythmes de travail différents. Il faut libérer ça. Il faut libérer le travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Antoine ARMAND, cela veut dire que vous allez permettre aux salariés de travailler plus, on est bien d'accord, par la loi ?
ANTOINE ARMAND
Ça veut dire qu'il faut ouvrir les débats sur lesquels, souvent, au lieu d'avoir la discussion posée qu'on a ce matin, on entre dans la polémique de dire, comme ça arrivera sûrement après certaines de ces déclarations, il veut pénaliser les uns, il veut pénaliser les autres. Ce que je veux, moi, c'est que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc aidez les Français qui veulent travailler plus à pouvoir le faire. C'est votre idée ?
ANTOINE ARMAND
Mon idée, c'est que dans un monde où vous avez l'Amérique de TRUMP et la Chine de Xi JINPING, si vous voulez que la France s'en sorte, il faut que l'Europe, que la France produise davantage et ait une meilleure croissance et donc aussi, oui, que la France travaille davantage.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes ministre de l'Économie, vous voyez les plans sociaux se profiler à l'horizon. Je pense à MICHELIN, mais à tant d'autres. MICHELIN, c'est emblématique. Tant d'autres… Plans sociaux en pagaille, c'est dit par le Gouvernement, par un membre du Gouvernement. Plans sociaux en pagaille, Antoine ARMAND ?
ANTOINE ARMAND
On est dans une situation mondiale européenne qui fait qu'il y a une pression énorme, c'est le cas de MICHELIN, c'est le cas d'autres entreprises qui s'appliquent. La première cause, il ne faut pas avoir peur de le dire ici, la première cause, c'est la compétitivité du pays. Autrement dit, quand les situations font que pour une entreprise, c'est plus difficile, plus coûteux de produire en France, parce qu'il y a des impôts énormes, les entreprises ne sont pas intéressées et ça, c'est la solution de long terme. Sur le court terme, mon travail, ma mission avec le ministre de l'Industrie, avec la ministre du Travail, c'est d'accompagner chaque cas. Pourquoi ? Pour, un, trouver des repreneurs à chaque fois que c'est possible, pour, deux, accompagner les salariés et trois, faire de la reconversion de sites. On a lancé un certain nombre de programmes, j'en parle pare que c'est extrêmement important, parfois, on trouve une solution, c'est le cas de NICHE FUSED AMLUMINA en Savoie, c'est le cas d'autres entreprises qui l'ont annoncé récemment. Parfois, ce n'est pas possible et là, c'est une reconversion de sites. On a annoncé, le Gouvernement a annoncé hier, 1,6 milliard d'euros pour la décarbonation des sites, c'est-à-dire qu'au moment où les entreprises se disent : « Est-ce que je reste en France ou est-ce que je vais investir ailleurs ? », le Gouvernement est là pour dire : « Quand vous faites l'usine de demain, quand vous restez en France, l'État vous soutient, parce que produire en France et produire écologique, ça, c'est l'industrie de demain. Ça, c'est des emplois pérennes ».
JEAN-JACQUES BOURDIN
Antoine ARMAND, chômage à 7,4 ; des économistes promettent, enfin promettent, c'est une mauvaise promesse, 8 % de taux de chômage fin 2025. Vous retenez ce chiffre ?
ANTOINE ARMAND
Je ne prédis pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
ANTOINE ARMAND
Je constate un point. Le chômage est aujourd'hui à peu près stable, c'est quand même le plus bas niveau depuis quarante ans. Si on veut qu'il continue à baisser.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il ne baisse plus-là. Il est même légèrement augmenté.
ANTOINE ARMAND
Justement. Si on veut reprendre ce combat-là, ça doit passer par le fait que les personnes qui ne sont pas en emploi aujourd'hui, les inactifs, comme on dit, les personnes qui sont sans emploi, sans travail, sans formation, soient mises au travail. Il y a eu la réforme du RSA qui permet l'accompagnement de ceux qui travaillent. Il faut encourager les gens à travailler. Et il faut, je le dis très simplement, que les aides payent moins que le travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'ailleurs, cette réforme du RSA, vous en êtes où ?
ANTOINE ARMAND
Elle est en train d'être appliquée. Il y a déjà des premiers résultats dans l'Est et dans le Nord de la France qui montrent l'efficacité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Généralisée, ça va être généralisée ? Vous allez la reprendre ?
ANTOINE ARMAND
Oui, c'était le principe de la loi que nous avons adopté. Oui, bien sûr, mais la loi a suivi son cours, elle est aujourd'hui en oeuvre. Pourquoi, c'est important ? Parce que je ne peux pas vous dire une minute : « Il faut que les personnes qui travaillent, travaillent davantage », sans regarder qu'il y a des gens en France qui ne travaillent pas et qui peuvent contribuer à l'effort national.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous êtes favorable - Les grèves aussi s'annoncent, sont annoncées partout - Est-ce que vous êtes favorable à l'encadrement du droit de grève dans les transports pendant les vacances de Noël, par exemple ?
ANTOINE ARMAND
On commence toujours par dire, et on a raison de le dire, le droit de grève est un droit constitutionnel.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça, on est d'accord, tout le monde est d'accord.
ANTOINE ARMAND
On le préserve et je ne suis pas là pour dire qu'un tel ou un tel ne devrait pas faire grève. Maintenant, quand vous êtes un Français, une Française qui travaille toute l'année et que les dix jours où vous avez prévu d'aller voir votre famille dans le centre de la France, dans le Nord, et qu'il n'y a pas de service qui permet de le faire, même pas un minimum de service, je pose la question, c'est au ministre des Transports, oui, d'y répondre, de l'instruire, mais je le dis aussi comme ministre de l'Économie. Il n'est pas entendable pour moi que les pays soient mis à l'arrêt ou soient dans des situations aussi difficiles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, vous êtes favorable à l'encadrement du droit de grève dans certains cas.
ANTOINE ARMAND
Il y a déjà un encadrement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a un service minimum, mais minimum.
ANTOINE ARMAND
Mais je crois qu'il faut qu'on regarde posément si ce service minimum peut être amélioré, comment il se décline concrètement en tout état de cause. Et en tout état de cause, il faut penser aux Françaises et aux Français qui seront directement pénalisés au quotidien dans leurs vacances.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, vous n'êtes pas opposé, je change ma question, à l'encadrement des droits de grève dans les transports notamment.
ANTOINE ARMAND
Il y a aujourd'hui des mesures. Regardons les mesures telles qu'elles sont, et nous verrons ensuite si elles peuvent être améliorées. Ce sera au ministre des Transports d'y répondre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le Gouvernement a renoncé à geler les retraites pendant six mois. Laurent WAUQUIEZ qui n'est ni Premier ministre ni ministre a imposé ce choix. Est-ce que vous l'avez appris en regardant TF1 ?
ANTOINE ARMAND
Comme ministre de l'Économie et des Finances, je suis évidemment pleinement associé aux discussions sur ces sujets. On a eu des discussions notamment avec le groupe de la droite républicaine. Je ne vais pas commenter l'effet, la méthode, ce qui compte.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et la méthode, pourquoi ne pas la commenter ? Vous n'avez plus la méthode ? Est-ce qu'elle vous a dépassé, franchement, Antoine ARMAND ?
ANTOINE ARMAND
Non. Je crois que ce qui est important, c'est de se dire que les petites retraites, dans un effort collectif important, vont être protégées davantage et que oui, c'est une négociation qu'on a eue, c'est une demande qui a été faite par le groupe EPR, par le groupe…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais les retraites au-dessus du SMIC seront moins protégées et moins revalorisées que prévues.
ANTOINE ARMAND
On a fait des propositions au groupe de la droite républicaine, c'est celle qui a été retenue par le groupe de la droite républicaine, dont acte.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dont acte. Je termine avec Elon MUSK, nommé par Donald TRUMP ministre de l'Efficacité Gouvernementale. Guillaume KASBARIAN a félicité Elon MUSK et dit avoir hâte de travailler avec lui. Vous aussi ?
ANTOINE ARMAND
C'est l'homologue de Guillaume KASBARIAN, c'est normal que Guillaume KASBARIAN félicite son homologue.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est vrai, enfin, faire des économies, ça vous parle aussi ?
ANTOINE ARMAND
Oui, mais vous posez une question fondamentale qui est : " Dans quelle situation, demain, on sera, et comment nous allons-nous travailler avec les États-Unis de Donald TRUMP " ? Nous sommes des Français et des Européens responsables. On est là pour protéger l'Europe, défendre les intérêts européens, évidemment. Mais on a aussi une question qui est celle de l'Asie et de la manière dont l'Europe et les Etats-Unis doivent s'entendre, commercialement, offensivement, industriellement, pour tenir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un adversaire commun.
ANTOINE ARMAND
Ce ne sont pas des adversaires, ce sont des concurrents qui ont des politiques extrêmement agressives. On a pris des tarifs douaniers en Europe. Moi ce que je vois, c'est que quand on regarde les pratiques et les mesures prises par les administrations, BIDEN comme TRUMP d'ailleurs, de ce point de vue-là, en termes de commerce, les Etats-Unis sont très offensifs, je dis à nos partenaires européens : « L'Europe doit faire beaucoup plus fort, beaucoup plus vite ».
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, merci, Antoine ARMAND.
ANTOINE ARMAND
Merci à vous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'être venu nous voir ce matin sur l'antenne de Sud Radio. Il est 9h maintenant.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 novembre 2024