Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Il est 8 h 32 et vous êtes sur RMC et BFM TV. Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Apolline,
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être dans ce studio, ce matin, et en particulier, ce matin, parce qu'on a besoin avec vous de faire le premier bilan. Bilan de cette nuit de neige, de verglas, les questions nombreuses sur l'électricité, le chauffage, les transports. Vous êtes la ministre de la Transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques précisément. Premier épisode hivernal avec encore, ce matin, de nombreux points noirs, le Doux, l'A36. Il y a encore 150 camions qui sont plantés par le verglas. Il y a également l'A28, il y a également le sud de l'Ile-de-France. On va y revenir, mais je dirais qu'on commence par le Doux, parce que c'est là que ça a été le plus compliqué la nuit dernière. Et encore, au moment où l'on se parle, on parle de près de 1 000 camions qui se sont engagés. Je voudrais vous écouter le témoignage de Morgan, il est directeur commercial, c'est donc un particulier. Il était bloqué, sans aucune aide toute la nuit sur l'autoroute. Il m'a appelé, ce matin, sur RMC.
MORGAN
C'est du n'importe quoi. Franchement, les poids-lourds, ils se mettent sur les trois voies et ils sont travers. Moi, je suis bloqué jusqu'à 10 h, ce matin. Les poids lourds ne rouleront pas avant 10 h et comme il y en a de bien partout, on ne pourra pas rouler, quoi. Dans le Doubs, franchement, je vous assure, je vais énormément dans le Doubs, il y a tout le temps de la neige et du verglas et là, il n'y a personne.
APOLLINE DE MALHERBE
Il n'y a personne.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors d'abord, juste préciser de quoi on parle. C'est un événement hivernal précoce qui est remarquable, mais qui n'est pas exceptionnel.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est pour ça que ça m'inquiète.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vais vous dire. Deuxième chose, lorsqu'on place à peu près un tiers de la France en vigilance orange, c'est parce qu'il y a la volonté de faire appliquer des consignes de sécurité qui ont vocation à s'appliquer à tout le monde, et en particulier aux poids lourds. Lorsqu'on interdit la circulation des poids lourds, c'est pour que cette affaire, cette circulation, est dangereuse pour les poids lourds. Elle est dangereuse pour les autres véhicules. Donc ça, c'est le premier point. Deuxième chose, évidemment, les forces d'intervention, elles sont déployées sur tout le territoire. Et François DUROVRAY, qui est le ministre des Transports, était en cellule de crise, hier soir tard, pour s'assurer que là où pouvait intervenir les forces de secours étaient bien en intervention.
APOLLINE DE MALHERBE
Je vous arrête tout de suite sur un des points que vous avez immédiatement répondu à Morgane. Vous dites que : " Ça a vocation à s'appliquer à tout le monde ", sous-entendu. C'est ce que j'entends à la fois dans votre propos et dans celui de la directrice de cabinet du préfet du Doubs que j'ai eu en ligne, ce matin, sur RMC, qui laissait quand même entendre qu'il y avait une forme de responsabilité des poids lourds à ne pas avoir suivi les consignes.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous imaginez bien que si on interdit aux poids lourds de circuler, c'est parce qu'on sait que s'ils s'engagent dans les conditions climatiques, météorologiques en l'occurrence, sur la route, c'est qu'il y a un risque pour eux. Et évidemment, ils peuvent avoir un risque.
APOLLINE DE MALHERBE
Ils n'ont pas suivi ces consignes ? Une partie des poids lourds n'ont pas suivi ces consignes ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Lorsqu'il y avait interdiction de circuler et qu'on a des poids lourds sur la route, c'est que les consignes n'ont pas été suivies. Maintenant, il ne faut pas pleurer sur les renversées, il faut intervenir. Et c'est pour ça que les forces de secours sont en intervention. Et ces interventions sont rendues plus difficiles. Et moi, encore une fois, je mesure ce que c'est de rester coincé toute la nuit, sous la neige, dans sa voiture, dans son camion, parce qu'on s'est engagé sur la route, peut-être qu'on n'a pas eu la bonne information, je peux l'entendre. Mais c'est aussi cette culture du risque que nous devons collectivement développer lorsqu'on donne des consignes de sécurité. Ce n'est pas, pardonnez-moi l'expression triviale, pour emmerder les gens, c'est pour les protéger. Et on voit bien, avec la répétition d'événements climatiques, et encore une fois, celui-là n'est pas exceptionnel, que ces consignes, elles sont importantes.
APOLLINE DE MALHERBE
J'ai envie de dire raison de plus. Si cet épisode-là n'est, en effet, pas si exceptionnel, au fond, qu'il neige dans le Doux, ce n'est pas non plus très surprenant. Et ça n'est que le premier, effectivement, de l'hiver qui arrive. Agnès PANNIER-RUNACHER, est-ce que désormais, en tirant justement les leçons, et on va refaire un point dans un instant parce que l'épisode n'est pas non plus derrière nous, et il y a également l'A28, et il y a encore des camions coincés sur l'A36, mais en commençant à tirer les premières leçons, est-ce que ça veut dire qu'il faut peut-être davantage de sanctions pour ceux qui ne respecteraient pas les alertes, les consignes, la discipline demandée ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, ce qu'on va faire avec François DUROVRAY, qui est le…
APOLLINE DE MALHERBE
Le ministre des Transports.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Le ministre des Transports, c'est, d'abord, de faire un retour d'expérience de cet épisode, et de voir si, effectivement, dans notre communication, on doit être encore plus clair, si ce sont les bons canaux de communication. Mais effectivement, c'est un appel aussi à la responsabilité individuelle, et c'est ce message que je veux marteler lorsqu'on donne ces consignes de sécurité, lorsque ce sont les forces de secours qui les donnent, lorsque ce sont les préfectures, c'est fait pour protéger les Français, ce n'est pas fait pour être contraignant, inutilement. Il y a une réalité d'intervention de secours, une réalité de prise en compte du risque derrière, et donc, vraiment, j'invite chacun à les respecter, c'est un…
APOLLINE DE MALHERBE
Sanctions, pas sanctions ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
On n'y est pas, moi, je veux dire, encore une fois, les gens, aujourd'hui, ils sont coincés sur la route…
APOLLINE DE MALHERBE
Non, parce qu'après, la responsabilité dont vous parlez, effectivement, quelqu'un comme Morgane, mais j'ai eu de très nombreux auditeurs qui m'ont appelée cette nuit…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous avez totalement raison.
APOLLINE DE MALHERBE
… Qui se retrouvent effectivement, parce que certains, semble-t-il, si j'écoute le scénario qui s'est dessiné à la fois à travers vos propos et ceux de la directrice de cabinet du préfet du Doubs, c'est qu'effectivement, certains ont été, non seulement imprudents, mais même ont bravé les interdits, et avec les conséquences de très nombreux naufragés qui ont dû passer la nuit dans la voiture.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais si vous le permettez, Apolline de MALHERBE, d'abord, on va intervenir pour faire en sorte que ces personnes arrivent à bon port. C'est l'urgence, et on le fait. Et ensuite, on regardera concrètement ce qui s'est passé. Moi, je ne suis pas là pour donner des bons points et des mauvais points, je suis là pour que ça se passe bien, et mon collègue au transport également.
APOLLINE DE MALHERBE
Avant de faire le bilan sur l'électricité, le bilan humain également, on reste sur les transports. Il y a également, donc l'A28, notamment sur le tronçon entre Rouen et Le Mans, où il y a eu, là encore, de nombreux naufragés de la route qui m'ont appelé pour alerter, ce matin. Est-ce que vous savez où ça en est, ce matin ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, c'est, là aussi, encore compliqué. Les forces de secours sont en intervention. Je n'ai pas précisément le nombre de véhicules qui sont encore bloqués, puisque ça évolue vraiment de minute en minute.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça n'est donc pas terminé au moment où l'on se parle. Agnès PANNIER-RUNACHER, il y a également le sud de la région parisienne, la N104 intérieure au sud de Paris, qui est coupée suite à un important accident lié aux conditions météo de verglas. Il y a des automobilistes qui sont bloqués derrière. Je crois que juste avant que je rentre dans ce studio, on me parlait d'un bouchon estimé à deux heures minimums. Est-ce que vous savez, là encore, quelles sont les perspectives qu'on peut donner à ceux qui nous regardent ou qui nous écoutent ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Là aussi, la situation évolue de minute en minute. Les forces de secours sont en intervention. Notre objectif est de dégager le plus rapidement possible la chaussée de façon à rendre la circulation plus fluide. On sait que le matin, c'est un moment de tension, puisque beaucoup de voitures sont sur la route. Et je le redis, si on peut éviter de circuler, et je sais que ce n'est pas facile, et je sais que tout le monde n'a pas cette liberté, mais ça facilitera aussi l'intervention des forces de secours.
APOLLINE DE MALHERBE
Votre appel à ceux qui le peuvent de ne pas s'engager sur ces secteurs. Je rappelle qu'il y a toujours 29 départements en vigilance orange qui vont de la Normandie jusqu'à la Franche-Comté. Bilan humain, est-ce qu'il y a à déplorer des accidents graves ou des blessés ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
À ce stade, nous n'avons pas d'informations en ce sens, et nous sommes toujours à compter. Et puis on est en train de regarder surtout la dimension électricité, puisque vous savez que nous sommes montés au milieu de la nuit jusqu'à 270 000 clients coupés de l'électricité.
APOLLINE DE MALHERBE
Foyers privés d'électricité.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Foyers privés d'électricité. Nous sommes intervenus en pilotage de réseau, c'est-à-dire que compte tenu des conditions de sécurité, des conditions météorologiques, il n'était pas possible de faire des interventions partout, même s'il y a 2 600 agents d'ENEDIS et sous-traitants qui sont, aujourd'hui, sur le terrain. Mais toute cette nuit, c'est par pilotage…
APOLLINE DE MALHERBE
A distance, donc.
AGNES PANNIER-RUNACHER
A distance qu'on a pu récupérer 70 000 foyers.
APOLLINE DE MALHERBE
70 000 foyers récupérés, ça veut dire qu'il en reste 200 000 qui sont pris d'électricité au moment où on se parle ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
200 000 à 7 heures, donc on continue à dépanner. Mon point date de 7 heures, il a dû s'améliorer. L'objectif d'ENEDIS, c'est de rétablir l'électricité, d'ici demain soir, pour 90% des foyers et dimanche soir pour la totalité. Pourquoi ?
APOLLINE DE MALHERBE
Mais avec la situation de froid.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Parce que le phénomène de neige que nous avons, la neige est lourde, elle verglace, elle casse les lignes. Et donc ce sont des interventions qui sont complexes, il faut rétablir les lignes. Quand c'est un arbre qui tombe sur une ligne, on y arrive rapidement lorsque c'est la neige et qu'elle casse la ligne façon puzzle, c'est malheureusement…
APOLLINE DE MALHERBE
On l'entend bien, même si ça doit être terrible pour ceux qui nous écoutent sur une radio à pile et qui se disent qu'ils vont devoir attendre encore peut-être 24 voire 48 h.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous, nous faisons le maximum, 2 500 personnes déployées, des hélicoptères, des drones pour faire la reconnaissance, c'est vous dire la nature des moyens qui sont déployés. ENEDIS, est sur le terrain en cellule de crise, 24 heures sur 24, mais effectivement, 200 000 foyers privés d'électricité à cette heure et l'objectif de résoudre la situation pour 90% d'entre eux d'ici demain soir.
APOLLINE DE MALHERBE
Quel premier bilan vous pouvez tirer aussi de la question de la prévention ? Je le disais, vous êtes non seulement la ministre de la transition écologique, mais également de la prévention des risques. Est-ce qu'effectivement, face à un épisode qui doit être un épisode relativement banal de début d'hiver, vous vous dites, il y a quand même des leçons à tirer, des choses à améliorer, pour que les prochains épisodes neigeux à venir ne provoquent pas une telle pagaille ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
D'abord, redire que c'est un épisode qui a touché une grande partie de la France. On était, à peu près, un tiers des…
APOLLINE DE MALHERBE
Près de la moitié de…
AGNES PANNIER-RUNACHER
La moitié du territoire. Deuxième chose, effectivement, il faut améliorer notre culture du risque. Le fait que ces consignes de vigilance, de comportement ne soient pas respectées par tout le monde est un problème et il faut balayer devant notre porte. Encore une fois, ça veut dire qu'il faut bien communiquer.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous dites, bon, pour l'instant, il n'y aura pas de sanctions, mais ça veut dire qu'effectivement, ceux qui n'ont pas respecté ces consignes, vous espérez qu'en quelque sorte, les conséquences que cela a eues suffisent à plaider pour les respecter la prochaine fois quoi ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, je veux surtout comprendre pourquoi ils se sont engagés sur les…
APOLLINE DE MALHERBE
Peut-être qu'ils ont aussi la pression d'aller bosser, c'est-à-dire que pour nombre d'entre eux, ce sont des chauffeurs routiers qui se disent…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Est-ce qu'il faut voir avec leur patron ? Est-ce que c'est au niveau des entreprises qu'il faut agir ? Est-ce que c'est au niveau particulier ? Est-ce que l'information n'est pas arrivée jusqu'à eux ? Est-ce que le fait qu'on soit régulièrement en vigilance orange finit par donner l'impression que ce n'est pas grave et que du coup, on s'engage quand même ? Il faut comprendre. Il faut analyser très simplement. On n'est pas là pour donner des leçons. On est là pour que ça se passe mieux la prochaine fois et on fera le point encore une fois avec mon collègue ministre du Transport puisqu'on a un sujet transport. Ensuite, il y a le sujet électricité. Sur le sujet électricité, là, on est sur un sujet technique, c'est-à-dire, comment fait-on pour protéger les lignes électriques ? Lorsqu'il y a du vent, lorsqu'il y a de la neige, la seule manière de les protéger, c'est de les enterrer, c'est un coût d'investissement considérable et ça pose aussi un sujet puisque lorsqu'on les enterre, c'est au moment des inondations qu'on a des problèmes. Voyez bien qu'il n'y a pas de solution miracle dans ces moyens-là par rapport à ça. Et ensuite, est-ce qu'on a les bons moyens ? Et là, ENEDIS est en train de déployer des moyens importants. Moi, je suis en relation avec la patronne d'ENEDIS, avec ma ministre déléguée à l'Énergie qui est sur le pont pour suivre cela pour voir si aussi, on peut mieux s'équiper pour permettre de traiter ce type de situation.
APOLLINE DE MALHERBE
Agnès PANNIER-RUNACHER, vous évoquiez à l'instant le ministre des Transports. Vous êtes plutôt ministre des Transports ou ministre de l'Économie ? Vous voyez bien à quoi je fais référence hier et je vais repréciser pour ceux qui ne l'auraient pas en tête, hier matin dans les colonnes du journal Le Parisien, le ministre de l'Économie, qui est pourtant normalement censé défendre son propre budget, mettait en garde contre des taxes qui sont dans son budget. Alors, c'est difficile à comprendre, mais en particulier, il parlait de l'impôt de trop, si je le cite, l'impôt de trop, c'est en particulier une taxe qu'on appelle taxe mobilité qui sera payée par les entreprises pour financer, justement, notamment des transports publics, etc. Et donc, sur mon antenne, sur RMC hier matin, le ministre des Transports a non seulement défendu sa propre taxe, cette taxe mobilité, mais il a aussi taclé les propos du ministre de l'Économie estimant qu'il n'avait pas, si je puis me permettre, à laver le linge sale hors de la famille du Gouvernement. Alors ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, Apolline de MALHERBE, moi, je suis solidaire du Gouvernement, mais j'appartiens à une famille politique, Ensemble pour la République, qui est la famille politique d'Antoine ARMAND, le ministre de l'Économie. Ce que pointe Antoine ARMAND, et avec beaucoup de mesures et de responsabilités, c'est la question de la compétitivité de nos entreprises, c'est la question de leur capacité à créer de l'emploi à un moment où l'économie européenne est en train de tousser et où il faut faire attention à ne pas créer des chômeurs. Donc, je suis évidemment…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous n'êtes même pas tiraillée, en fait, vous êtes du côté du ministre de l'Économie, vous partagez la même vision de la politique et de la dépense publique que lui, donc.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais nous avons une conviction, depuis sept ans maintenant, qui est de dire, il faut donner aux entreprises…
APOLLINE DE MALHERBE
Sauf que vous bossez pour un Premier ministre qui est issu des rangs de LR…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Apolline de MALHERBE, il faut donner les moyens aux entreprises de créer de l'emploi. On est à un moment où on commence à avoir des plans sociaux, où le taux de chômage repart à la hausse. Il faut être extraordinairement vigilant. Je ne crois pas que c'est faire de la polémique, de poser ce sujet-là qui intéresse les Françaises et les Français.
APOLLINE DE MALHERBE
Disons que quand on est le ministre de l'Économie et qu'on alerte sur les dérives de son propre budget, c'est vrai que c'est saugrenu.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, je crois que c'est important d'être en responsabilité. Je sais que le Premier ministre, il est à l'écoute. Moi, j'avais alerté sur mon budget il y a un mois et le Premier ministre.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous aviez d'ailleurs alerté à ce même micro. Vous aviez dit combien il était important pour vous d'avoir un budget plus conséquent. Vous estimiez que le budget qui vous était octroyé n'était pas suffisant. Est-ce qu'au moment où l'on se parle, vous avez obtenu un certain nombre de garanties ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Il y avait des enjeux de fiscalité aussi. Le Premier ministre, en tout cas, était à l'écoute. Il a augmenté le fonds qui permet d'accompagner l'adaptation au changement climatique de 30%, c'est le fonds BARNIER. Il a et c'était aussi un combat de mes collègues Marc FERRACCI et Antoine ARMAND à l'Industrie et à l'Économie, débloquer une enveloppe d'1,6 milliard d'euros pour la décarbonation de l'industrie, c'est essentiel si on veut continuer à être compétitif et créer de l'emploi. On a de bonnes discussions sur le fonds chaleur, donc, bien sûr qu'il est à l'écoute et je sais qu'il est à l'écoute de la famille politique qui aujourd'hui représente le plus grand nombre de députés à l'Assemblée nationale.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors, je voudrais quand même vous entendre, précisément, au-delà de l'attitude politique, sur la taxe mobilité, est-ce que ça veut dire que vous estimez que cette taxe mobilité, c'est la taxe de trop pour les entreprises ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, je vais vous dire très simplement, ce qu'il faut regarder, c'est l'ensemble de la taxation sur les entreprises. Et nous sommes particulièrement vigilants, à Ensemble pour la République, avec Gabriel ATTAL, à dire : " Attention sur les allégements de charges et attention aux taxes additionnelles ". Après, c'est des questions…
APOLLINE DE MALHERBE
Les allégements de charges, l'idée, c'est de réduire ces allégements de charges. Donc, en gros, de rajouter…
AGNES PANNIER-RUNACHER
D'augmenter le coût du travail, pour être plus simple.
APOLLINE DE MALHERBE
Effectivement, d'augmenter…
AGNES PANNIER-RUNACHER
D'augmenter le coût du travail pour les entreprises et du coup, de les mettre dans une situation où, peut-être, elles n'ont pas les moyens de recruter ou elles peuvent se séparer de certaines personnes.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes inquiète ? Quand je vous écoute, vous êtes s'inquiète des conséquences que le budget pourrait faire peser sur les entreprises. Vous dites que les arbitrages n'ont pas été en faveur de l'emploi.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas du tout ce que je dis. Ce que je dis, c'est qu'on est dans une situation qui est complexe. Moi, j'adorerais être dans un moment de croissance, à un moment où les finances publiques sont en forme, un moment où les rentrées fiscales sont au rendez-vous.
APOLLINE DE MALHERBE
Disons que les arbitrages, pour vous…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas la situation. Et donc, il faut essayer de trouver un équilibre et il est compliqué et on le fait en conscience e le Premier ministre est à l'écoute, il faut aussi le dire. Il est à l'écoute des différentes forces politiques qui composent sa coalition. Il faut trouver un juste équilibre entre l'effort de réduction de nos dépenses, parce que celui-là risque de nous priver de moyens d'accompagner les services publics. Pourquoi ? Parce qu'on va nous demander de payer plus d'intérêt si on apparaît comme n'étant pas sérieux sur les finances publiques vis-à-vis de nos prêteurs. Donc ça, ça serait perdant. Et de l'autre côté, de faire en sorte d'avoir une politique économique qui continue à créer de l'emploi. Donc on voit bien qu'on est sur un chemin étroit. Évidemment, toutes les oppositions sont très confortables. Elles nous disent : " Faites ceci, ne faites pas cela ", et leur budget n'est pas équilibré à la fin. Donc ce sont des débats compliqués, on le fait au sein d'une coalition, on le fait en responsabilité. Moi, je suis confiante sur le fait qu'on trouvera un bon point d'équilibre.
APOLLINE DE MALHERBE
Deux points encore à voir avec vous : Ma Prime Rénov' et le chèque énergie. Ma Prime Rénov', c'est un naufrage quand même, parce que les gens ne s'y retrouvent plus. On a donné les chiffres sur RMC, le Parisien les donne encore ce matin. Il parle d'une année noire pour la rénovation énergétique en 2023. Et encore 40% de moins du nombre de rénovations aidées par le dispositif Ma Prime Rénov' cette année et le problème, c'est tout simplement que les Français ne s'y retrouvent plus. Les acteurs du secteur ne comprennent plus, je cite, " les évolutions incessantes de la réglementation ". C'est quand même un comble, c'est-à-dire qu'on veut aider les gens, mais en fait, on leur complexifie la vie.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, Apolline de MALHERBE, juste pour quand même expliquer ce qui se passe à ceux qui nous écoutent. En fait, ce qui a été fait, c'est qu'en mai 2024, Christophe BECHU, mon prédécesseur, a précisément pris la décision de ne pas faire les modifications qui inquiétaient le secteur et qui, effectivement, ont expliqué que les cinq premiers mois de l'année, les acteurs du secteur de la rénovation thermique étaient un peu perdus sur les mesures et qu'on a constaté un très faible nombre de dépôts de dossiers de rénovation. Il a mis un terme à ça en mai 2024. Valérie LETTARD, qui porte ce dossier avec moi aujourd'hui, a très clairement dit qu'on ne changerait pas les règles pour qu'il y ait de la stabilité.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ils ont cru qu'on les changeait, donc ils ne savent plus.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, non, non, on a été très clair. Ça a été dit dès les premières semaines de la prise de fonction.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que le nombre de dossiers remonte ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et le nombre de dossiers remonte.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, ce matin, vous pouvez nous dire ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Il remonte significativement et je veux juste vous dire un chiffre, on aura 1,7 milliard à peu près, peut-être 1,8 milliard d'euros consommés cette année pour la rénovation thermique. On a une enveloppe, l'année prochaine de 2,3 milliards, c'est-à-dire qu'on se donne l'espace budgétaire de faire plus et mieux. Et 1,7 milliard d'euros, ce n'est pas une petite performance par rapport à il y a quatre ou cinq ans.
APOLLINE DE MALHERBE
Encore faut-il qu'il soit utilisé. Encore faut-il qu'il soit demandé, donc, par le secteur.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, 1,7 milliard, c'est ce qu'on aura consommé, c'est ce qui aura été utilisé. Donc je le redis, on a multiplié par dix en six ans le nombre de rénovations thermiques, dont en France, c'est un succès, il faut aller plus loin. On fait les efforts pour le faire.
APOLLINE DE MALHERBE
J'ai un tout dernier point, parce que je voudrais que ceux qui nous écoutent, qui peuvent peut-être prétendre 270 euros du chèque énergie et qui ont jusqu'au 31 décembre pour le déposer, puissent le faire. Au moment où l'on se parle sur un million de nouveaux bénéficiaires potentiels de ce chèque énergie, il n'y en a que 53 000, 53 000 ménages qui ont fait la demande. Les autres ne savent pas qu'ils peuvent y prétendre.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, tout à fait. Alors, deux choses.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est la même question. C'est la confusion.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et là aussi, pour expliquer, Apolline, pour expliquer. Première chose, pourquoi n'ont-ils pas le chèque de manière automatique ? Parce qu'avant, c'était fondé sur la taxe d'habitation, c'est un fichier qui est vieux de cinq ans. En cinq ans, vous avez dit divorce, des mariages, des séparations, des déménagements, des décès. Ce fichier n'a plus de valeur. On enverrait n'importe quoi d'énergie aux gens. On est en train de recréer cette base et d'envoyer automatiquement…
APOLLINE DE MALHERBE
Cette base de données.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Cette base de données et d'envoyer automatiquement le chèque énergie aux gens dont on connaît et l'adresse et le revenu fiscal et qui ont droit. Ça, c'est la première chose. Et la deuxième chose, c'est qu'avec ma collègue, Olga GIVERNET, nous sommes en train de mobiliser notamment les collectivités locales, les énergéticiens, ceux qui fournissent l'électricité pour qu'ils battent leur appel en disant où on peut aller chercher le chèque qui est de droit et automatique pour les personnes qui ont des revenus modestes. Et je leur dis, c'est cinq millions, plus de cinq millions de ménages qui ont droit à ce chèque. Demandez-le. Tous les éléments sont sur notre site. Demandez-le à votre client, à votre fournisseur d'énergie.
APOLLINE DE MALHERBE
Et il faut le faire avant le 31 décembre, on le rappelle à ceux qui nous écoutent.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Demandez-le à votre CCAS. Ils ont les éléments. On est là pour vous soutenir, c'est jusqu'à 270 euros et on souhaite vraiment que ce chèque soit demandé.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la Transition écologique, d'avoir répondu à mes questions.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 novembre 2024