Déclaration de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur le conflit en Ukraine, à Camp de Champagne le 14 novembre 2024.

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Circonstance : Déclaration conjointe à la presse de M. Sébastien Lecornu, ministre des armées et des anciens combattants, et de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en marge de leur déplacement au camp de Champagne

Texte intégral

Cela fait bientôt 1.000 jours que Vladimir Poutine a lancé sa guerre d'agression en Ukraine, qui est la guerre de haute intensité la plus dévastatrice depuis la Première Guerre mondiale.

Quel bilan peut-on tirer, alors que nous arrivons au 1.000e jour ? C'est d'abord l'échec de Vladimir Poutine, qui n'a pas réussi, avec son opération spéciale, à atteindre ses objectifs, et dont toutes les offensives se sont brisées sur la résistance ukrainienne, qui plie mais qui ne rompt pas.

Deuxième enseignement, c'est l'épuisement de la Russie dans cette guerre, qui a engouffré des ressources considérables, qui a sacrifié des centaines de milliers de vies, qui a asphyxié son économie, avec des taux d'intérêts aujourd'hui à 21%, avec des pénuries de main-d'oeuvre, avec un déficit public abyssal. Une Russie qui est obligée de s'agenouiller devant la Corée du Nord aujourd'hui pour aller chercher des troupes qu'elle n'arrive plus à mobiliser chez elle.

Et puis le troisième enseignement, c'est évidemment le courage, la bravoure des Ukrainiens, qui payent un très lourd tribut dans cette guerre : plus de 10.000 morts parmi les civils, plus de 20.000 blessés, des enfants ukrainiens arrachés à leurs familles, déportés en Russie, ce qui vaut d'ailleurs à Vladimir Poutine un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre.

Et 1.000 jours après le début de cette guerre, le ministre [Sébastien Lecornu] l'a dit, la France et l'Europe soutiennent l'Ukraine comme depuis le premier jour, avec constance, avec détermination et avec endurance. Aujourd'hui même, la Commission européenne a annoncé une nouvelle enveloppe de 300 millions d'euros, qui va permettre de financer l'acquisition, par des pays européens, d'équipements et de munitions permettant le renouvellement de nos stocks suite à nos envois à destination de l'Ukraine, dont 60 millions d'euros pour les missiles Mistral français.

Dans les prochains jours, ce sont les soldats ukrainiens qui ont été formés ici, grâce aux armées françaises, qui vont gagner le front après avoir été formées, après avoir été équipées, et dans le cadre d'un programme plus large, programme européen EUMAM, qui aura permis, depuis deux ans et demi, de former 60.000 soldats ukrainiens sur le sol européen, dont 15.000 par la France. Mais la formation de la brigade Anne de Kiev, comme cela nous a été rappelé tout à l'heure, est tout à fait inédite par son ampleur et par la dimension des équipements qui vont partir avec les soldats dans quelques jours, sur le front.

Dans quelques semaines, les Ukrainiens recevront 50 milliards de dollars d'aide des pays du G7 qui vont être financés, ni par les contribuables américains, ni par les contribuables européens, mais par la Russie, au travers de la mobilisation des revenus d'aubaine tirés des actifs russes gelés. Et puis, dans quelques mois, c'est le Mirage français qui volera dans le ciel de l'Ukraine.

Aujourd'hui, 1.000 jours après le début de la guerre, la responsabilité de la France, la responsabilité de l'Europe et des alliés de l'Ukraine, c'est de permettre aux Ukrainiens, au moment et dans les conditions qu'ils jugeront pertinentes, d'entrer dans des négociations de paix en position de force.

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Q - Est-ce que la formation d'une nouvelle brigade ukrainienne est prévue dans les mois ou semaines à venir en France ?

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R - J'ajoute que le programme européen EUMAM, qui cofinance les efforts de formation de soldats ukrainiens sur le territoire européen et qui va cofinancer une partie de cet effort considérable qui est consenti par les armées françaises, s'est vu prolonger le 8 novembre dernier, ce qui signifie que des moyens seront disponibles, prélevés sur le budget européen, si de nouvelles opérations comme celles-ci devaient se reproduire.

Q - Monsieur Barrot, c'est important pour la France d'être à la pointe de l'aide à l'Ukraine, surtout quand on sait que l'allié américain peut devenir un peu ambivalent et pas forcément le plus fidèle de l'Ukraine, avec une politique internationale de Donald Trump qui est assez floue pour le moment ?

R - Je vous l'ai dit, depuis 1.000 jours, les Ukrainiens se battent pour défendre leur liberté, pour défendre l'intégrité de leur pays. Ils se battent aussi pour assurer, d'une part la sécurité sur le continent européen, mais aussi le respect du droit international. Et il serait inconcevable qu'on puisse aujourd'hui abandonner les Ukrainiens en rase campagne. Cela consacrerait la loi du plus fort, cela précipiterait le droit international dans le chaos, avec des conséquences très lourdes, non seulement pour le continent européen mais aussi pour le reste du monde.

Q - En cas de retrait américain, est-ce que l'Europe peut prendre le relai, militairement, diplomatiquement ? Est-ce qu'on pourrait pratiquement doubler l'aide qu'on apporte à l'Ukraine, en tant qu'Européens ?

R - D'abord rappelons que c'est l'Europe qui est aujourd'hui le principal soutien des Ukrainiens - en tout cas, si l'on additionne les sommes - sur le plan financier. Rappelons aussi, comme je le disais tout à l'heure, que dans quelques semaines, les Ukrainiens vont recevoir 50 milliards de dollars d'aide qui vont leur permettre de soutenir leur effort de résistance, de construire une position de force, pour pouvoir, le moment venu, engager des discussions de paix lorsqu'ils le jugeront pertinent. Et cette somme-là, que nous avons prélevé sur les actifs russes gelés, elle est actée avec notre partenaire américain, et elle va donner aux Ukrainiens les moyens d'aborder l'année 2025 en bonne situation.


source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 novembre 2024