Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur les relations entre la France et le Chili et les questions internationales, à Santiago du Chili le 20 novembre 2024.

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Circonstance : Conférence de presse conjointe de M. Emmanuel Macron, Président de la République, et de M. Gabriel Boric, Président de la République du Chili

Texte intégral

Merci beaucoup, Monsieur le Président, cher Gabriel. Je suis ravi avec la délégation qui m'accompagne de pouvoir être à vos côtés à Santiago aujourd'hui et Valparaíso demain pour consacrer cette relation historique entre nos deux pays et l'amitié entre nos deux peuples. Et malgré la distance, qu'il s'agisse d'ailleurs de l'Europe ou de la Polynésie française, nous avons toujours su faire preuve de solidarité dans les moments les plus sombres de notre histoire et d'affinité pour construire l'avenir. Et vous venez parfaitement de le décrire dans vos propos.

Aujourd'hui, toujours animés par ce sentiment, nous voulons porter de nouveaux projets et défendre une vision humaniste du monde dans la continuité des combats précédemment menés ensemble. Si je commence par les questions internationales par lesquelles le Président vient de terminer son propos, 1.000 jours après le début de la guerre d'agression menée par la Russie contre l'Ukraine, je veux saluer votre condamnation sans ambiguïté de la décision de la Russie de déclencher ce conflit dans le seul but de conquérir de nouveaux territoires. Le Chili a montré cette voie humaniste que j'évoquais, respectueuse du droit international, sans ambiguïté, allant jusqu'à apporter une aide humanitaire aux civils ukrainiens pris pour cible par l'armée russe. Et j'encourage tous les dirigeants de la région à manifester la même solidarité au peuple ukrainien. Fort d'une volonté inébranlable à promouvoir la paix, à protéger les civils, nous appelons aussi à un cessez-le-feu immédiat au Proche-Orient, à Gaza comme au Liban, et à la libération des otages, à la prise en compte de la sécurité d'Israël et à la reprise de négociations pour construire un chemin vers une solution politique, celle des deux Etats. Je sais à quel point la question palestinienne est intimement liée à l'histoire de nombreuses familles chiliennes, et vous pouvez compter sur l'engagement de la France à déployer tous les efforts nécessaires pour parvenir à une paix durable.

Vous pouvez aussi compter sur notre soutien face aux crises qui frappent durement le continent latino-américain et les Caraïbes. Le peuple vénézuélien a le droit à des élections transparentes et équitables, sans vivre dans la menace d'être détenu ou menacé pour délit d'opinion. Et à ce titre, toute la lumière doit être faite sur le dernier scrutin. Et je veux ici saluer la très grande solidarité du Chili et du peuple chilien à l'accueil de nombreux réfugiés vénézuéliens. Nous agissons aussi pour le peuple haïtien qui continue d'être la victime de la loi des gangs et de l'insécurité qui en découle.

Alors, dans ce monde de plus en plus fragmenté, nos deux pays partagent, et vous l'avez dit à l'instant, Président, la même volonté de retrouver de la convergence, de lutter contre les dérèglements climatiques et pour la biodiversité et nos océans. Nous reviendrons demain sur ce dernier point lors de la visite ensemble du plus grand brise-glace d'Amérique du Sud, L'Almirante Viel, dans la perspective, en particulier, des échéances à venir. Mais je veux ici dire combien, sur la protection de nos océans, le texte que nous signerons demain, cet appel de Valparaíso, sera un texte important qui nous permettra de préparer à la Conférence des Nations Unies sur les océans de juin prochain et actera, là aussi, une ambition commune dans à peu près tous les domaines de protection et de droit international.

Nous allons aussi porter une ambition commune en matière d'intelligence artificielle dans la perspective, vous l'avez dit, du Sommet de février prochain à Paris. Et à ce titre, l'accord que nous venons de signer est important. Il acte la création d'un centre franco-chilien et cette coopération historique entre nos deux pays, impliquant l'INRIA, va prendre une nouvelle dimension avec de nouveaux projets sur les modèles d'intelligence artificielle, permettant aussi de préparer tant des questions d'innovation que de régulation.

Ceci me conduit à évoquer la relation bilatérale. Vous l'avez dit, elle s'inscrit dans un cadre plus large que nous soutenons, que nous assumons, celui de l'accord entre l'Union européenne et le Chili. Nous avons ratifié l'accord intérimaire et nous soutenons la ratification finale. C'est un bon accord, et je crois qu'il devrait inspirer d'ailleurs beaucoup d'autres, parce qu'il fait partie de cette nouvelle génération qui est respectueuse des intérêts de part et d'autre. C'est un accord commercial qui est cohérent avec nos ambitions climatiques et de biodiversité et qui participe d'une stratégie de valorisation respectueuse de part et d'autre. À ce titre, je veux dire, en matière économique, combien nous soutenons la stratégie qui est la vôtre tout à la fois de diversification, d'industrialisation et de valorisation sur votre territoire. C'est dans ce cadre que nous voulons inscrire pleinement notre travail. La transition énergétique est, je crois, une des opportunités afin de créer des chaînes de valeurs plus intégrées entre nos deux pays. Les métaux critiques vont favoriser l'émergence d'un nouveau partenariat stratégique qui inclura des projets dédiés à la production d'hydrogène vert, au stockage d'énergie, mais aussi au développement de la filière des batteries. Et à ce titre, je veux dire ici combien la France souhaite être un partenaire en matière d'extraction et de valorisation du lithium, en matière aussi de filière d'exploitation et de valorisation du cuivre, y compris pour, là aussi, permettre de faire face à nos besoins en termes d'uranium et, je crois pleinement dans la logique qui est la vôtre, permettre d'avoir la valorisation de ces métaux critiques extraits sur votre territoire, mais du développement de filières industrielles permettant de créer plus de valeurs ajoutées sur celui-ci.

La France est un partenaire économique à travers de nombreuses entreprises déjà impliquées et qui souhaitent continuer à se développer à vos côtés. L'adhésion du Chili à l'Organisation internationale de la Francophonie lors du dernier sommet ouvre à ce titre de nouveaux partenariats pour aller plus loin dans les échanges. C'est pourquoi nous souhaitons être à vos côtés pour développer l'enseignement du français avec des classes franco-chiliennes, avec la possibilité aussi d'enseigner davantage le français dans l'enseignement secondaire, de favoriser des partenariats académiques et avoir des échanges universitaires encore plus denses.

Je souhaite à ce titre que nous puissions nous donner l'objectif d'accroître de 50% le nombre d'étudiants chiliens en France d'ici 2030. C'est un objectif ambitieux, mais définitivement réaliste. La culture, évidemment, aura aussi toute sa place dans ce nouveau partenariat. L'Opéra national de Paris lance ainsi une coopération d'une ampleur inédite pour former de nouveaux danseurs, tandis que le Centre Pompidou va explorer la possibilité d'ouvrir une antenne au Chili. Les industries culturelles et créatives sont portées par la même dynamique et nous allons ainsi travailler sur un nouvel accord de coproduction cinématographique, ce qui va contribuer à cet agenda. Vous le voyez, avec cette visite, le Chili et la France se retrouvent pour poursuivre une magnifique aventure faite de projets toujours plus ambitieux et portés au fond par cette amitié profonde qui alliait nos poètes, nos intellectuels, qui nous a réunis dans les moments les plus difficiles de nos histoires et qui, je crois, est indispensable plus que jamais dans ce que nous sommes en train de vivre.

Merci infiniment, Monsieur le Président, pour votre accueil, pour ce que nous venons de signer aujourd'hui et surtout aussi ce que nous préparons pour demain. Merci à vous et à votre gouvernement.