Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Il est 8h32 et vous êtes bien sur RMC et BFM TV. Bonjour Antoine Armand.
ANTOINE ARMAND
Bonjour Apolline de MALHERBE.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie mais pour combien de temps ?
ANTOINE ARMAND
Ce sont les Français qui le décideront face à une coalition des contraires qui peut arriver à chaque instant dans un moment extraordinairement grave pour le pays. Le Premier ministre l'a rappelé. Je suis ministre des Finances d'un pays qui a 3 300 milliards de dettes, d'un pays qui a 6% de déficit et nous sommes, aujourd'hui, face à une responsabilité immense : donner un budget au pays.
APOLLINE DE MALHERBE
Donner un budget au pays.
ANTOINE ARMAND
Donner un budget à la nation.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que vous réussirez à échapper à la censure ? Quelles seraient les conséquences à la fois pour la France, pour les Français ? Vous commencez à évoquer la question d'un scénario à la grecque. On va essayer d'entrer dans les détails pour comprendre de quoi il s'agit derrière le mot de tempête prononcé par Michel BARNIER. Le 49.3 est-il inévitable ? Réussirez-vous à répondre aux attentes et aux lignes rouges posées par vos différentes oppositions ? Je voudrais qu'on rentre tout de suite dans le très concret. Censure ou pas censure, la France est déjà la Grèce. Depuis hier, on l'a vu, la France emprunte au même taux que la Grèce. Cela veut dire que ceux qui investissent en France estiment qu'on n'est pas mieux que la Grèce. Longtemps, on a vécu dans cette idée. C'est déjà le cas.
ANTOINE ARMAND
La France n'est pas la Grèce. La France a une économie. La France a une situation d'emploi, d'activité, d'attractivité, une puissance économique démographique qui est bien supérieure qui fait que nous ne sommes pas la Grèce. Mais qu'est-ce que nous a dit cet épisode hier qui a duré quelques minutes que vous avez commenté sur les taux d'emprunt ? Qu'il y a les pays qui font le travail, les pays qui ont été dans le rouge et qui se sont retroussés les manches et qui ont dit à leurs compatriotes " Ça va être difficile, mais on va faire des économies ensemble. "
APOLLINE DE MALHERBE
Ça, c'est la Grèce ?
ANTOINE ARMAND
On va passer par des moments difficiles. La Grèce, l'Italie, d'autres pays, l'Espagne sont passés par là. On fait cet effort et on dit " Regardez, si on fait cet effort ensemble, demain, on pourra investir à nouveau. Demain, on pourra faire de l'activité. "
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ce qui est dingue, c'est qu'eux retrouvent…. C'est sérieux. Mais nous, à l'inverse, on s'écroule.
ANTOINE ARMAND
On ne s'écroule pas, on risque de décrocher. Comme un avion qui est en altitude et qui, à un moment, risque de perdre le contrôle. Or, il y a un chemin. Ce chemin, c'est ce budget. C'est retrouver les 5% en 2025. C'est montrer qu'on ne sera pas le seul pays d'Europe à ne pas être sous les 3% dans quelques années. Ce chemin existe. Donc oui, aujourd'hui, on est face à un dilemme. On est devant deux chemins. Le premier chemin, c'est la responsabilité. C'est un budget. C'est, au fond, dire " Est-ce qu'il est parfait, ce budget ? Bien sûr que non. Est-ce qu'on peut l'améliorer ? Oui. Et on l'a déjà fait et on pourra encore le faire. " Et puis, il y a l'autre chemin. Il y a le chemin de l'inconnu. Il y a le chemin de la dégradation. Il y a le chemin de la dislocation du pays. Il y a le chemin du saut dans l'inconnu budgétaire, économique et financier. Et celui-là, je vous le dis, quelle que soit l'appréciation qu'on a du Gouvernement, quelle que soit sa coloration politique, quelle que soit sa sensibilité, personne, personne n'en a envie.
APOLLINE DE MALHERBE
Personne n'a envie, aujourd'hui… Ce que vous êtes en train de dire, vous vous adressez à ceux qui brandissent la menace de la censure. Et vous leur dites « vous prenez aujourd'hui la responsabilité de ce chaos que vous êtes en train de décrire ?
ANTOINE ARMAND
Ce que je dis aux partis politiques qui n'ont rien en commun, tout à droite ou tout à gauche de l'hémicycle, c'est ce n'est pas parce qu'on n'a pas un accord avec un Gouvernement qu'on affaiblit son pays. Ce n'est pas parce qu'on n'est pas d'accord avec une politique qu'on met un pays dans le rouge. Ce n'est pas parce qu'on n'est pas d'accord avec un Premier ministre et avec un Gouvernement qu'on plonge le pays dans l'inconnu budgétaire et financier.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors saurez-vous les convaincre ? Ils sont nombreux, effectivement, ceux... Désormais, le PS l'a annoncé hier après-midi. Ils voteront la censure. Le RN... Tiens, écoutons Jordan BARDELLA, qui, hier, faisait peu mystère du fait qu'aujourd'hui, sans doute, la décision serait aussi de vous censurer. Écoutez.
JORDAN BARDELLA, PRESIDENT DU RASSEMBLEMENT NATIONAL
Les lignes rouges n'ont pas varié depuis septembre. Maintenant, si le Gouvernement s'entête et ne veut pas discuter, alors ce Gouvernement tombera. Soit il prend en compte... Et je le dis avec beaucoup de transparence. Et je tiens le même discours depuis septembre. Soit il prend en compte nos revendications, à savoir une inquiétude sur le pouvoir d'achat, sur cet alourdissement de la fiscalité sur les entreprises. S'il s'entête dans un budget de punition et dans un budget qui va pénaliser la France qui bosse, alors ce Gouvernement tombera. Je le dis depuis des semaines. Et je n'ai pris personne en traître.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors ce Gouvernement tombera. La ligne rouge, elle est notamment sur la question de l'électricité. Allez-vous, oui ou non, remonter les taxes au niveau où vous aviez prévu de les remonter ? Ou pouvez-vous nous dire ce matin que vous ferez un geste ?
ANTOINE ARMAND
La porte de Michel BARNIER a toujours été ouverte, dès le premier jour. Il y a eu des évolutions sur le budget.
APOLLINE DE MALHERBE
Je veux bien que la porte soit ouverte, mais le taux sur l'électricité n'a pas varié.
ANTOINE ARMAND
Il y a eu des évolutions majeures sur les petites retraites, sur les allègements de cotisations. Le Premier ministre, au journal de 20 heures, a annoncé qu'il pouvait y en avoir une sur l'électricité et qu'il y a une discussion…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est maintenant, là.
ANTOINE ARMAND
Mais oui. Mais cette discussion, c'est celle du budget, parce que la taxe sur l'électricité, elle est dans le projet de loi de finances. Et cette discussion mérite de se tenir. Mais quelle est ma responsabilité…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais quand ? Ce n'est pas ce que vous imaginez que ça peut être aujourd'hui ou demain.
ANTOINE ARMAND
Mais quelle est ma responsabilité de ministre des Finances ? Pardon, mais je ne peux pas vous dire à la fois " Il faut redresser les comptes du pays " et vous dire " On peut prendre toutes les dépenses, toutes les baisses de recettes ", sans regarder ce qu'on met en face.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est pourquoi je vous en demande une. Je vous pose la question de l'électricité. Elle est devenue très symbolique. C'est à la fois le RN mais les autres partis qui, en réalité, vous le demandent. Ne pas alourdir la facture d'électricité des Français. Je vais répéter les choses pour que vous, vous puissiez directement aller au point politique. La facture d'électricité va baisser.
ANTOINE ARMAND
Merci de le rappeler.
APOLLINE DE MALHERBE
Elle aurait pu baisser d'environ 17% à 20%. Elle ne va baisser en réalité que de 9%, parce que malgré tout, vous remettez les taxes qui avaient été supprimées au moment du bouclier tarifaire. C'est ce geste-là que Marine Le PEN vous demande.
ANTOINE ARMAND
Et c'est ce geste-là que nous devons regarder très sérieusement.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais regardez…. Mais plutôt regardez, vous, ça fait 3 mois que vous regardez.
ANTOINE ARMAND
Que nous devons discuter et sur lequel, le Premier ministre l'a dit, une proposition devra être faite.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous êtes ministre de l'Économie.
ANTOINE ARMAND
Bien sûr. Et il y a un ministre du Budget et un Premier ministre avec lequel nous travaillons.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais j'imagine. Ça fait 3 jours que vous en parlez…
ANTOINE ARMAND
Évidemment. Et les négociations se tiennent. La question, c'est : est-ce qu'il vaut mieux un budget qui n'est pas exactement celui que nous voulons ou pas de budget ? Et évidemment qu'il vaut mieux travailler à un budget qui n'est pas exactement le budget initial. Il y a eu des évolutions. Pourquoi ? Pourquoi ? Pour les raisons que je vous ai dites. Parce que sinon, on plonge dans l'inconnu.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes donc prêt à ce qu'il y ait un budget qui n'est pas forcément celui qu'initialement, vous aviez souhaité. Je dois donc en déduire... Alors vous y allez progressivement. Mais bon. Je dois donc en déduire qu'en effet, vous n'allez sans doute pas remonter les taxes autant que vous imaginez le faire.
ANTOINE ARMAND
La question que je me pose quand j'entends certains... Je parlerai sans doute après des socialistes, parce qu'ils ont dépassé progressivement toutes les limites de ce qu'on peut attendre d'un parti de Gouvernement. C'est est-ce qu'on a, en face, des gens responsables qui sont prêts à accepter quelque chose ? Ou est-ce que vous savez... C'est comme le moniteur de natation. Vous êtes dans la piscine. Et plus vous nagez, plus la perche recule. Parce que si en fait, le principe, c'est simplement de faire bouger des lignes pour, à la fin, de toute façon censurer parce qu'on ne se sent pas responsable, on ne se sent pas à la hauteur…
APOLLINE DE MALHERBE
En fait, vous avez peur…
ANTOINE ARMAND
Non mais ce que je veux dire, c'est que ma responsabilité, c'est qu'à un moment, chacun doit se prononcer. Chacun doit agir. Est-ce que je préfère faire tomber un Gouvernement qui propose un budget pour le pays…
APOLLINE DE MALHERBE
Enfin malgré tout, moi, je continue à vous poser la question. Et vous n'y répondez pas.
ANTOINE ARMAND
Mais attendez. Je vous l'ai dit. …
APOLLINE DE MALHERBE
Allez-vous, oui ou non, faire un geste sur l'électricité ?
ANTOINE ARMAND
Je vous l'ai dit. Le geste sur l'électricité, nous y sommes prêts. Il ne doit pas se faire à n'importe quel prix. Il doit se faire en cohérence avec le budget que nous portons. Parce que si nous dépassons toutes les cibles budgétaires, ça ne sert plus à rien de dire qu'on redresse les comptes. C'est un budget qui doit redresser les comptes. Sinon, c'est aussi un risque majeur pour le pays. Et donc là, je me demande : est-ce qu'en face de nous, on a bien des gens qui sont en responsabilité et qui sont prêts à tenir un cap budgétaire ? Ou est-ce que le principe, c'est seulement d'animer les plateaux de télévision et les radios pour, à la fin, de toute façon censurer ?
APOLLINE DE MALHERBE
En fait, vous redoutez que les lignes rouges bougent au gré effectivement de l'opposition politique et que si vous leur donnez ça, ils vous demanderont autre chose.
ANTOINE ARMAND
Mais est-ce que vous avez entendu par exemple le Parti socialiste dire si on obtient telle ou telle concession, nous ne voterons pas la censure ? Est-ce que vous l'avez entendu ?
APOLLINE DE MALHERBE
Le problème aujourd'hui, pour vous, ce n'est pas tant le RN que le PS.
ANTOINE ARMAND
Je pense au Parti socialiste qu'on a connu il y a quelques années, avec lesquels on a des désaccords parfois très profonds, mais qui s'est toujours comporté au moment important de l'histoire, au moment important de l'histoire politique, au moment clé pour la nation, qui s'est toujours comporté avec une responsabilité et un esprit de Gouvernement qui ont fait la force de notre pays, de son identité. Et ce que je constate aujourd'hui, c'est qu'il est plus simple pour eux de ne pas discuter, de menacer, de ne rien proposer…
APOLLINE DE MALHERBE
Il dit que c'est vous qui ne parlez pas, mais bon…
ANTOINE ARMAND
Pardon, mais vous avez une proposition du Parti socialiste concrète concernant le budget qui leur aurait permis de ne pas voter la censure ? Vous en avez une ? Personne n'en a entendu une.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce que vous voulez dire, c'est que pour le coup, le RN de celui-là se comporte... Alors le RN dont vous disiez, lorsque vous êtes arrivé à Bercy, qui ne faisait pas partie de l'arc républicain, aujourd'hui, finalement, au moins, il vous donne un certain nombre de points. Et il vous dit, voilà, " nous, c'est la question de la taxe sur l'électricité et c'est la question des aides aux petites entreprises. "
ANTOINE ARMAND
Mais quelles que soient les différences de valeurs qu'on a, on est aujourd'hui face à une situation extrêmement grave pour le pays. Le Premier ministre a parlé de tempête. Ce n'est pas un mot choisi au hasard. C'est un mot qui a une résonance financière, économique et budgétaire. Et nous sommes évidemment prêts à des concessions pour éviter cette tempête. Évidemment parce que c'est notre responsabilité.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors moi, maintenant, je voudrais quand même savoir sur quoi. Sur quoi, ces concessions ?
ANTOINE ARMAND
Sur l'électricité. Le Premier ministre l'a dit. Sur davantage d'économies. Je suis ministre de l'Économie aussi. Je ne veux pas que les entreprises soient la variable d'ajustement de ce budget. Donc évidemment qu'à chaque fois... Et je l'ai dit dès le début de ce budget. À chaque fois qu'on peut remplacer 1 euro d'impôt par 1 euro d'économie… Le Premier ministre a parlé du train de vie de l'État. Nous y travaillons. J'y travaille dans mon propre ministère.
APOLLINE DE MALHERBE
Concrètement, ça veut dire que ce sera quoi, par exemple ? Puisque vous évoquez la question du train de vie. On a évoqué aussi la question de certains avantages auxquels ont droit les anciens premiers ministres, les anciens présidents ? Est-ce que là-dessus, vous allez demander des efforts concrets, conséquents ?
ANTOINE ARMAND
Oui. Ça veut dire que quand ça va mal, tout le monde doit faire un effort. Et l'État, le premier. Et j'ai un ministère qui baisse son budget de 22%.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez faire une cérémonie des voeux, par exemple, vous ?
ANTOINE ARMAND
Mais on verra. Pardon mais…
APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais parce que tout le monde se retrouve à annuler les cérémonies des voeux. J'ai l'impression que c'est même assez symbolique, désormais.
ANTOINE ARMAND
Nous sommes au milieu de l'examen du budget de la France, d'un pays qui a 6% de déficit. Je ne suis pas concentré sur la cérémonie de voeux. Ce que je veux vous dire, c'est que quand tout le monde fait un effort ; l'État, le premier, doit montrer exemple. Mon ministère baisse son budget de 22%. C'est un signe extrêmement fort. Tout le monde doit contribuer. Et je le dis. Pourquoi ? Parce que c'est pareil. On en parlera peut-être dans un instant. Dans une situation économique difficile, ce n'est pas les entreprises, ce n'est pas ceux qui créent de l'emploi qu'il faut d'abord aller taxer, à qui il faut d'abord demander des efforts, parce qu'à la fin, qui va payer ? Qui va payer ? Qui va payer s'il n'y a pas de budget ? Ce sont les entreprises qui ne pourront pas investir. Vous imaginez, s'il n'y a pas de budget, Apolline de Malherbe ? Vous imaginez une entreprise investir en France ? Il y a aujourd'hui des entreprises qui sont en pleine discussion pour investir ou ne pas investir.
APOLLINE DE MALHERBE
Elles attendent.
ANTOINE ARMAND
Est-ce qu'elles investiront ou est-ce qu'elles n'investiront pas s'il n'y a pas de budget ? Moi, je vais vous répondre. Elles n'investiront pas. Vous avez des ménages qui hésitent à s'engager dans des projets immobiliers, dans des projets de logement. Est-ce que ces ménages se lanceront s'il n'y a pas de budget ? Je ne le crois pas. Vous avez des personnes qui ont des petites épargnes qui sont importantes. Qu'est-ce qui se passera pour cette petite épargne si les taux décrochent ?
APOLLINE DE MALHERBE
Mais Antoine ARMAND, j'ai envie de vous dire que c'est déjà le cas. C'est déjà le cas. Aujourd'hui, beaucoup de gens attendent et ont le sentiment, en effet, que c'est une situation, un moment où tout peut basculer à un moment ou à un autre. Mais Antoine ARMAND, vous avez dit « on sera prêt à faire des concessions ». Cette phrase est très importante parce que c'est peut-être avec cette phrase-là que vous allez réussir à échapper à la censure. Le Parti socialiste, en sortant de la réunion avec Michel BARNIER, dit " nous n'avons pas vu de main tendue ". Jordan BARDELLA dit " nos lignes rouges n'ont pas été respectées ". Vous auriez pu arriver ce matin, Antoine ARMAND, en disant " voilà, moi je vous annonce ce matin que nous allons baisser de moitié les taxes que nous imaginions faire ". Pardon, mais ça aurait été un signal plus précis et plus concret que juste de dire " on va faire un geste ". J'ai quand même l'impression d'un temps perdu.
ANTOINE ARMAND
Pardon, mais ma responsabilité, c'est de faire des propositions qui sont financées. C'est de faire des avancées.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais là, ça fait un bout de temps que vous savez que ça va vous tomber dessus.
ANTOINE ARMAND
On y travaille. Simplement, je constate qu'il y a des propositions précises qui ont été faites par certains, sur lesquelles c'est de notre devoir de travailler, puisque notre devoir, c'est de donner un budget au pays. Et qu'en face, il faut qu'en responsabilité, celles et ceux qui ont fixé des propositions, ils répondent.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais votre timing, c'est lundi. Vous savez ça, Antoine ARMAND. Lundi, il faut le dire, il pourrait y avoir une censure sur le projet de loi de finances de la Sécurité sociale. Sur cette question-là aussi, le déremboursement d'une partie des médicaments, ça fait partie de ce qui a mis le feu aux poudres sur la question du pouvoir d'achat des Français. Est-ce que là aussi, vous êtes prêts à des concessions ?
ANTOINE ARMAND
On est prêts à des concessions mesurées dans tous les domaines. Maintenant, sur cette question précise. On est le pays en Europe qui a les dépenses de santé et de social public les plus importantes et qui augmentent chaque année. Les dépenses de santé, l'année prochaine, elles continuent à augmenter. C'est pour ça que je suis toujours extrêmement sceptique quand j'entends parler de budget d'austérité dans un pays où les dépenses de santé continuent à augmenter. On demande un effort, parce qu'on ne peut pas avoir éternellement des médicaments totalement remboursés pour tous, dans toutes les situations, quel que soit le revenu. Et ça, chacun peut l'entendre. C'est pour ça que je vous parlais de responsabilité. On ne peut pas, dans la situation dans laquelle on est, se contenter de dire " on a des lignes rouges, débrouillez-vous, et puis au pire, on ne votera pas le budget, on plongera le pays dans le chaos ". Ce n'est pas ce qu'attendent les Français d'un parti qui est représenté au Parlement, qui a vocation à servir le pays au-delà du Gouvernement, au-delà des différences politiques. Vous vous rendez compte ? Moi, je suis élu en Haute-Savoie. Vous imaginez les électeurs, les habitants de Haute-Savoie qui regardent ce qui se passe et qui se disent " mais attendez, ils ne vont quand même pas censurer un Gouvernement parce qu'ils ne l'aiment pas au risque de ne pas donner de budget au pays ". C'est la réalité, c'est ça qu'on vit aujourd'hui.
APOLLINE DE MALHERBE
Antoine ARMAND, allez-vous, dans les heures qui viennent, rencontrer les différents groupes ; vous, Michel BARNIER ? Est-ce que vous avez bousculé votre agenda en vous disant " on va remettre la dernière chance, toutes les cartes sur la table " ?
ANTOINE ARMAND
Il y a un ministre du Budget dont la porte est ouverte, qui travaille chaque semaine avec l'ensemble des groupes qui le veulent bien.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça ne suffit pas que la porte soit ouverte, il faut effectivement prendre son téléphone.
ANTOINE ARMAND
Il y a des discussions, il y a des travaux qui sont menés et c'est extrêmement important. Le ministre du Budget, comme ministre de l'Économie et des Finances, évidemment, je m'y associe dans le but de trouver des solutions et dans le but de rappeler…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous l'espérez encore ? Est-ce que vous vous dites au moment où on se parle là " oui, on peut échapper à la censure, en vrai " ?
ANTOINE ARMAND
Mon travail, ce n'est pas d'y espérer, c'est d'y travailler. Nous y travaillons cette semaine, nous y travaillerons jusqu'au bout. Et à un moment, il faudra que celles et ceux qui ont fixé des propositions, qui ont fixé des lignes rouges à grands coups de cris et de bruits médiatiques soient au rendez-vous de leur responsabilité.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous appelez le Parti Socialiste à s'abstenir en cas de motion de censure ?
ANTOINE ARMAND
Évidemment. J'appelle les partis qui se disent de Gouvernement, quel que soit leur désaccord avec le Gouvernement, à ne pas priver la France d'un budget et à ne pas mettre les Français en danger.
APOLLINE DE MALHERBE
Dans les différents points qui ont pu agiter sur la question du pouvoir d'achat, il y a notamment le bonus écologique. On a donc appris hier qu'en effet, il allait clairement baisser pour les particuliers, mais aussi d'ailleurs pour les entreprises. Ça veut dire moins aider ceux qui veulent acheter une voiture électrique. Et dans le même temps, on continue à leur dire qu'il va falloir que vous passiez à l'électrique quoi qu'il arrive et que vous abandonniez votre vieille voiture diesel ou essence. Est-ce que là, il n'y a pas une contradiction ? C'est-à-dire qu'alors vous arrêtez le bonus écologique ? Ok, mais dans ces cas-là, vous ne leur dites pas oui, mais en même temps, tu es quand même obligé de changer de voiture.
ANTOINE ARMAND
Ça fait partie des décisions difficiles à se prendre dans ce budget pour avoir un équilibre et pour réduire vraiment le déficit. Vous savez, on a des voisins qui ont coupé le bonus écologique, complètement.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce qu'ils continuent à dire et est-ce qu'ils réfléchissent… est-ce que l'Allemagne réfléchit par exemple à l'idée de supprimer cette date de 2035 pour la fin du moteur thermique ?
ANTOINE ARMAND
C'est une date européenne. Personne aujourd'hui en Europe ne la contesteront frontalement. Pourquoi ? Parce que sur l'électrique, il y a une course de vitesse. Il y a une course de vitesse avec l'Asie qui déploie à toute vitesse des véhicules électriques pour inonder les marchés. Et c'est pour ça que l'Europe a réagi. Elle a pris des droits de douane de 35% pour dire que la concurrence déloyale, ce n'est pas possible. Et c'est pour ça que malgré le contexte…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais si vous baissez le bonus écologique, les consommateurs, ils vont aller acheter…
ANTOINE ARMAND
On fait un budget d'effort et vous me dites qu'il y a des dépenses qui baissent. Mais oui, si aucune dépense ne baissait, je ne serais pas en train de vous présenter un budget de redressement. Donc oui, il baisse, mais il est maintenu, ce bonus. Et il est important parce qu'il est important de soutenir nos constructeurs et nos équipementiers dans la situation dans laquelle on est.
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a 10 jours, vous aviez provoqué une sorte de coup de tonnerre en parlant de l'impôt de trop lors d'une interview au journal Le Parisien. C'était presque jouer contre votre propre camp puisque cet impôt de trop dont vous parliez, c'était la taxe mobilité. J'avais d'ailleurs, ce jour-là, reçu le ministre des Transports qui n'est pas issu de la même famille politique que vous et qui s'était senti visé là-dessus. Et qui disait que vous n'auriez pas dû en parler dans la presse. D'abord, un, est-ce que vous êtes revenu dessus ? Est-ce que vous vous dites finalement la taxe mobilité, ce n'est pas l'impôt de trop ?
ANTOINE ARMAND
Ce que je disais dans Le Parisien, il était adressé aux parlementaires, il était adressé à la société qui regardait le budget qui était en train de se faire…
APOLLINE DE MALHERBE
Il l'a pris pour lui.
ANTOINE ARMAND
… et qui voyait 35 milliards d'euros votés à l'Assemblée nationale, puis rejetés, qui voyait une nouvelle taxe par semaine. Ce que je constate, c'est que nous trouvons des évolutions. La commission d'hier du projet de loi de la sécurité sociale…
APOLLINE DE MALHERBE
Commission mixte paritaire.
ANTOINE ARMAND
…est revenue sur 2,5 milliards d'allègements de cotisations qui ont été financés par ailleurs. Parce que les entreprises créent de l'emploi et qu'elles ne peuvent pas être la variable d'ajustement du budget. On ne peut pas, dans le pays qui taxe le plus au monde, dire « la seule solution pour rétablir les comptes, c'est d'augmenter les impôts. » Ça ne vise personne, c'est évidemment fait en pleine solidarité gouvernementale. Parce que la question aujourd'hui, c'est de trouver le chemin pour redresser les comptes.
APOLLINE DE MALHERBE
Voilà pour les entreprises. Pour les collectivités territoriales, la facture avait commencé à 5 milliards. 5 milliards d'efforts demandés aux collectivités territoriales. On en est où au moment où on se parle ? Est-ce que ça a baissé cet effort demandé ?
ANTOINE ARMAND
Il y a eu des travaux extrêmement conclusifs avec le président du Sénat, Gérard LARCHER, avec l'esprit de compromis qu'on connaît à Michel BARNIER pour que cette facture ne pèse pas d'abord trop sur les départements qui sont les collectivités les plus en vulnérabilité dans le moment, qu'on puisse réduire l'effort qui est demandé sur certaines collectivités parce que oui, on a besoin d'investissement local. Donc cet effort, il va se matérialiser dans les prochains jours dans le budget qui est examiné en ce moment au Sénat.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça pourrait être réduit.
ANTOINE ARMAND
Oui mais pendant que certains fixent des lignes rouges, je constate que là, au Sénat, il y a des travaux et il y a des votes de personnes qui sont des représentantes de la nation qui avancent. Donc regardons ce qui fonctionne aussi. Voyons qu'il y a aujourd'hui une démocratie parlementaire qui travaille au Sénat, qui fait avancer le budget plutôt que par des incantations menacées de censure alors même que la représentation nationale travaille.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous ne m'avez pas dit où ça atterrit. Enfin, ça attirera un peu moins que 5 milliards.
ANTOINE ARMAND
Il y a une discussion budgétaire en ce moment au Sénat. Certains amendements seront sans doute adoptés et le gouvernement l'a dit. Nous sommes sensibles à l'investissement local. Nous sommes sensibles à l'effort que font les communes chaque jour pour faire tourner le pays.
APOLLINE DE MALHERBE
Une dernière question, Antoine ARMAND, vous qui êtes ministre de l'Economie. Votre prédécesseur Bruno Le MAIRE sera dans 10 jours auditionné sur la question d'une forme d'irresponsabilité. C'est le mot prononcé par le Sénat de la perspective de croissance et du budget de l'année dernière. Charles de COURSON dit que si la situation avait été prise en compte plutôt dans une plus grande sincérité, alors l'effort demandé aujourd'hui aux Français serait moindre. Est-ce que vous estimez en effet que c'était une sorte de cadeau empoisonné ?
ANTOINE ARMAND
Ce que j'estime, c'est qu'il y a eu des erreurs de prévision et des erreurs d'estimation très importantes. On n'est pas les seuls. L'Allemagne a eu des écarts de croissance de plus d'un point. Mais nous en avons eu des très importantes. Il y a eu une commission d'enquête à l'Assemblée nationale. Il y a eu une mission d'information au Sénat. J'ai demandé, dès le premier jour de mon arrivée, à ce qu'on regarde très précisément. Il y a eu une mission d'inspection. J'ai monté un comité scientifique avec Laurent SAINT-MARTIN pour regarder mieux ce qui s'est passé et comment on pouvait améliorer les choses. Ça, c'est la priorité, regarder les choses factuellement. Ensuite, pour les responsabilités politiques, pour les commentaires individuels. Je laisse l'Assemblée nationale faire son travail.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci beaucoup, Antoine ARMAND…
ANTOINE ARMAND
Merci à vous.
APOLLINE DE MALHERBE
…d'avoir répondu à mes questions dans cette période cruciale. Vous qui êtes donc ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Et on l'a bien entendu, vous le dites, " nous sommes prêts à des concessions même si le compte à rebours est lancé. " Merci à vous. Il est 8 h 53 sur RMC-BFM TV.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 novembre 2024