Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat, et la prévention des Risques, à Sud Radio le 27 novembre 2024, sur la taxe concernant l'électricité, le budget 2025, l'accord avec le Mercosur et la biodiversité.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Agnès Pannier-Runacher - Ministre de la Transition écologique, de l'Energie, du Climat, et la Prévention des Risques

Média : Sud Radio

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est 8h35. Agnès PANNIER-RUNACHER, bonjour !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous, ministre de la Transition écologique, de l'Energie, du Climat et de la Prévention des risques. Hier soir au Sénat, s'est passé un évènement qu'on commence à commenter ce matin, qui est important. Et c'était peut-être un revers pour le Gouvernement sûrement, vous allez me dire ce que vous en pensez, de quoi s'agit-il ? Le Sénat a refusé toute hausse des taxes sur l'électricité. Le Sénat, qui majoritairement soutient Michel BARNIER, est-ce un revers pour le gouvernement ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, ce n'est pas un revers pour le Gouvernement, puisque Michel BARNIER l'a dit lui-même, il a mis sur la table un budget qui a été construit en 15 jours. Ce budget, il est soumis à une discussion parlementaire, et on veut aller jusqu'au bout de la discussion parlementaire. Et on est ouvert à des évolutions. Je veux corriger un point peut-être, Monsieur BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Juste pour dire que le Sénat n'a pas refusé d'augmentation de la taxe sur l'électricité, il a remis cette taxe au niveau d'avant-crise. En revanche, il n'a pas voté l'augmentation au-delà du niveau d'avant-crise.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà, il n'a pas voté ce que voulait le Gouvernement, soyons clairs, Agnès PANNIER-RUNACHER, la hausse des taxes.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce qu'a présenté le Gouvernement. Si, il a voté une hausse des taxes, mais qui ne va pas au-delà du niveau d'avant-crise. C'est bien d'être précis, parce que sur l'augmentation qui était prévue de 6 milliards d'Euros, il a voté une augmentation de 3 milliards d'Euros. Cette décision, elle n'est pas nouvelle, puisque tous les groupes politiques à l'Assemblée nationale…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il a voté une augmentation ? Vous êtes sûre de ça ? De 3 milliards d'Euros, vous êtes certaine de ça ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Aujourd'hui, la taxe de l'électricité est à 22 Euros. Il a voté le retour au niveau d'avant-crise. Vous savez qu'on avait un bouclier énergétique, donc ça revient à 36 Euros. En revanche, il n'a pas voté l'article qui permettait, qui donnait la faculté au Gouvernement d'aller au-delà.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà, d'aller au-delà.

AGNES PANNIER-RUNACHER
D'aller au-delà.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est donc un revers pour le Gouvernement. Pardon ! Le Gouvernement voulait aller au-delà, le Sénat a dit non.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Le Gouvernement se donnait la possibilité d'aller au-delà. C'est comme ça que c'est écrit.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, d'accord.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et par ailleurs, Jean-Jacques BOURDIN, en précision, tous les partis, tous les groupes politiques à l'Assemblée nationale avaient voté la même chose. Et d'ailleurs, ma famille politique portait cette vision-là. Donc on sait que c'est un sujet de débat du budget sur lequel il faut travailler.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est contre la volonté du Gouvernement, notamment de Michel BARNIER. Pardon de vous le répéter, mais c'est la réalité. En revanche, le Sénat a augmenté la hausse des taxes sur le gaz, et ça rapportera 1,2 milliard d'Euros. C'est bien cela ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors le Sénat a augmenté la taxe sur le gaz. En fait, il finance une partie de ce qu'aurait dû rapporter l'augmentation de la taxe sur l'électricité. Par une petite augmentation de la taxe sur le gaz, le chiffrage d'1,2 milliard est probablement un petit peu surévalué.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas moi qui le donne, c'est le Sénat.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vous le dis puisque je suis ministre de l'Energie. Et ça correspond d'ailleurs à un débat que nous avions eu, y compris au sein du Gouvernement, comme étant une possibilité. Puisque moi, je rappelle ma position sur cette question de la taxation de l'électricité, revenir au niveau d'avant-crise, c'est quelque chose auquel toutes les entreprises sont préparées. Ça permet de baisser la facture des Français, parce que le coût de fourniture de l'électricité sur les marchés internationaux, je ne rentre pas dans le détail, c'est technique, mais a baissé donc la facture des Français, allait baisser. Aller au-delà pouvait nous mettre en risque par rapport à trois choses. Première chose, le pouvoir d'achat des Français, aller trop au-delà. Deuxième chose, la compétitivité des entreprises, puisque les entreprises françaises sont en compétition avec les entreprises, par exemple, allemandes, belges, espagnoles, italiennes, qui n'ont pas les mêmes niveaux de taxes. Et troisième chose, la question de la transition écologique. Il faut que se chauffer au gaz reste plus cher que se chauffer à l'électricité, si effectivement le prix du gaz est supérieur à celui de l'électricité.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, même si les entreprises françaises paient leur électricité plus chère que les entreprises allemandes.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, ce n'est pas exact aujourd'hui. Les entreprises françaises paient leur électricité…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Moins chère ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moins chère que les entreprises allemandes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Est-ce qu'on va manquer d'électricité cet hiver ou pas ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, on ne va pas manquer d'électricité, on est même à un niveau de production inédit qui fait que nous allons exporter plus que jamais à l'international. Nous avons battu notre record d'exportation d'électricité le 13 novembre dernier.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Autre sujet qui vous concerne directement dans cette discussion budgétaire, les véhicules électriques et les aides à la vente de véhicules électriques. Les aides sont en baisse puisqu'on va passer pour des ménages modestes, 50% des ménages, de 7000 à 4000 Euros, c'est bien cela ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans le projet de budget, 7000 à 4000 Euros. Est-ce que vous le regrettez ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors vous le savez, on doit faire des efforts budgétaires, donc j'ai fait, j'ai travaillé…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Même des efforts sur la transition écologique ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Les efforts budgétaires, ils sont pour tous les périmètres ministériels. Ils sont pour la santé, ils sont pour les armées, ils sont pour la sécurité, ils sont pour l'éducation nationale, qui sont aussi des priorités de notre Gouvernement. Donc nous faisons en sorte de mettre l'argent là où il a le plus d'impacts. Et effectivement, nous faisons des efforts budgétaires, pas parce que ça nous fait plaisir, mais parce que si nous voulons continuer à emprunter de l'argent pour financer notre dette, il faut que la qualité de notre budget soit suffisante pour pouvoir continuer à emprunter. C'est essentiel. Sinon, qu'est-ce qu'il se passe ? On va payer plus d'intérêts. Et payer plus d'intérêts, c'est moins d'argent à consacrer aux services publics ou plus d'impôts pour pouvoir financer ces augmentations de taux d'intérêt. Ce n'est pas une vue de l'esprit, Monsieur BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, bien sûr.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas une vue de l'esprit puisque notre taux d'intérêt ne cesse d'augmenter, alors petit à petit, mais aujourd'hui, nous avons un taux d'intérêt qui est grosso modo celui de la Grèce. C'est-à-dire que la qualité de notre signature, de la confiance que les prêteurs font à la France, s'est dégradée. Donc nous ne voulons pas que ça continue à se dégrader.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le risque est grand, là, aujourd'hui ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, parce que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'aujourd'hui... Quel est le risque majeur aujourd'hui, Agnès PANNIER-RUNACHER ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Le risque, c'est la défiance des marchés. Le risque, c'est la défiance des prêteurs.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire quoi, la défiance des marchés ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça veut dire qu'ils nous demandent beaucoup plus d'argent pour accepter de nous prêter. Et ce n'est pas une vue de l'esprit, c'est quelque chose qui est déjà arrivé en Italie, en Espagne, en Grèce, et même en France.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous sommes dans la situation de la Grèce ? est-ce que nous sommes…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne dis pas que nous sommes dans la situation de la Grèce. Je dis simplement que si nous voulons… Et ça concerne tous les Français, ce n'est pas la question de l'avenir du Gouvernement, c'est anecdotique, ça concerne tous les Français. Si nous voulons continuer à payer des intérêts qui soient limités, nous devons faire preuve – Comment dire ? - de sérieux sur nos finances publiques. Mais c'est comme quand vous allez demander un prêt à la banque. Si vous ne faites pas la démonstration que vous êtes capable de rembourser, la banque ne vous prête pas.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ça veut dire que…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Si vous montrez que vous êtes un peu serré aux entournures, la banque vous fait un prêt à des conditions moins favorables que si vous démontrez que vous êtes à l'aise.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que le marché pourrait ne plus prêter à la France, ou elle va prêter plus cher ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça veut dire que le marché pourrait augmenter les taux d'intérêt. Et à chaque fois que ça augmente de 0,1%, ce qui est ridicule, ce qui est tout petit, c'est 3 milliards d'Euros que nous devons payer. Donc c'est loin d'être un idéal.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors pourquoi est-ce que Michel BARNIER recule ici ou là sur la rigueur budgétaire ? C'est ce qu'il fait, c'est ce qu'il fait à la demande, un coup, des anciens, de Gabriel ATTAL, un autre coup, de Laurent WAUQUIEZ, une troisième fois, du Rassemblement National, une quatrième fois…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je n'ai pas vu ça exactement, Jean-Jacques BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah, vous n'avez peut-être pas vu ça ? Mais moi, j'ai vu ça.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Parce que vous n'avez peut-être pas vu qu'il y a aussi eu des compléments de baisse de dépenses qui ont été faites ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Par exemple, les collectivités territoriales ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Jean-Jacques BOURDIN, il y a eu aussi des efforts complémentaires. Nous, nous avons passé par amendement gouvernemental 5 milliards de baisse de dépenses complémentaires. On n'en parle pas de ça. Ces efforts-là, moi, je les vois dans mon budget.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On est toujours à 60 milliards ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Il faut voir l'atterrissage de la copie, puisque nous ne sommes pas au bout de la discussion budgétaire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, nous ne sommes pas au bout.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais l'objectif… Nous ne sommes pas au bout de la discussion budgétaire. Vous le savez, l'objectif du Gouvernement, c'est d'avoir un déficit qui soit aux alentours de 5%. Et ce qui est très important, c'est de conserver la confiance des Français, de montrer qu'on fait le travail.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors Agnès PANNIER-RUNACHER, je vais vous poser une question toute simple. Est-ce qu'il faut réduire les allégements des cotisations patronales ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien, moi, je le dis très clairement, j'appartiens à une famille politique, à laquelle je suis fidèle, qui s'appelle Ensemble pour la République, et qui effectivement est inquiète sur ce sujet-là, du niveau – Comment dire ? – de taxes qu'on veut faire sur les…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on ne réduit pas ces allégements, on est bien d'accord ? C'est ce que vous demandez ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, je soutiens ma famille politique qui dit qu'il faut réduire la facture. Sur ce sujet-là, pourquoi ? Parce que c'est de l'emploi qui est derrière. Parce que c'est la rémunération des Français, et parce qu'il fut faire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Réduire la facture, ça veut dire renoncer à des allégements. C'est ce que ça veut dire ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Renoncer à une partie des allégements, oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Renoncer à des allégements. Encore une fois, vous reculez sur la rigueur budgétaire.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne suis pas d'accord avec ça. Parce que nous sommes dans une économie dans laquelle à chaque fois que vous créez de l'emploi, ça rapporte des charges sociales et ça rapporte de l'impôt sur les sociétés au budget. Donc ce n'est pas juste des dépenses, c'est aussi notre potentiel de création de richesses qui est en jeu. Et c'est pour ça qu'il y a des réglages fins à faire et que sur ce sujet-là, nous sommes le parti qui avons toujours soutenu l'emploi. Nous pensons qu'avoir accès à un emploi, c'est la meilleure façon d'avoir du revenu, du pouvoir d'achat, de pouvoir aussi vivre dignement et de ne pas dépendre de prestations sociales qui sont très importantes. Mais personne ne veut dépendre de prestations sociales, les gens veulent avoir un emploi, et un emploi qui soit correctement rémunéré. Et c'est pour ça que c'est important.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et les Français en ont assez de cet imbroglio politique. Agnès PANNIER-RUNACHER, on les entend, ils le disent. Dites-moi, si Michel BARNIER tombe, c'est le chaos ou pas ? C'est quoi ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors premier…

JEAN-JACQUES BOURDIN
S'il tombe, si la censure est votée la semaine prochaine, tiens, sur le budget de la Sécurité Sociale, que se passe-t-il ? C'est le chaos ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, j'alerte sur le sujet du signal que ça envoie à ceux qui nous prêtent de l'argent aujourd'hui. Et ça, on ne peut l'ignorer. Et aucun groupe…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc c'est le chaos financier. C'est le chaos financier.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Jean-Jacques BOURDIN, si je peux aller jusqu'au bout. Aucun groupe politique ne pourra dire qu'il ne savait pas. Donc chacun est face à ses responsabilités. Avoir un budget dans un pays, c'est important, ce n'est pas pour se faire plaisir, là encore, et c'est tous les Français qui sont concernés.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Le Mercosur, hier, débat et vote non contraignant à l'Assemblée Nationale, accord Union Européenne-Mercosur, la France s'oppose toujours à cet accord de libre-échange. Parfois, il y a des accords de libre-échange qui sont efficaces.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait !

JEAN-JACQUES BOURDIN
On est bien d'accord, Agnès PANNIER-RUNACHER ? Celui-là…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait. Je rappelle que les agriculteurs bénéficient beaucoup de leur capacité à exporter. C'est quasiment un tiers du revenu des agriculteurs, les exportations, aujourd'hui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc la France serait-elle prête à signer si elle obtient des garanties ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Le sujet que nous avons avec le Mercosur, c'est que c'est un accord qui a été négocié depuis une vingtaine d'années.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, exact.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et donc, si vous voulez, il a été négocié à un moment où toutes les problématiques qu'on aborde aujourd'hui, qui sont la question des phytosanitaires, des hormones dans la viande, des conditions dans lesquelles les pays du Mercosur, donc les pays d'Amérique latine, font de l'élevage ou cultivent des produits, tout ça a changé depuis le début de la négociation. Et donc nous, c'est très difficile d'imaginer qu'on arrive à complètement revoir cet accord dans un sens qui comporterait des clauses-miroirs, voire des mesures miroirs fortes. C'est quoi, des clauses-miroirs ? C'est de dire très simplement, si nous en France, on interdit les hormones dans la viande, pas un gramme de viande qui comprend des hormones rentre en France. C'est ça une clause-miroir. Et c'est de se donner les moyens de vérifier la viande qui rentre en France et de se donner les moyens de sanctionner.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour l'instant, il y a un nouveau round de négociation entre l'Union Européenne et le Mercosur à Brasilia.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait !

JEAN-JACQUES BOURDIN
En ce moment, pendant qu'à l'Assemblée nationale, on dit non au Mercosur. Bien.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais moi, je rappelle une chose, Jean-Jacques BOURDIN, ça fait sept ans que le Président de la République et les Gouvernements successifs s'opposent à cet accord parce qu'ils n'intègrent pas cette notion de…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ils vont continuer à s'y opposer jusqu'au bout ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Donc non seulement nous continuons à nous y opposer, mais nous ne sommes pas seuls. Moi, j'ai entendu le ministre de l'Agriculture italien dire qu'il ne soutenait pas l'accord du Mercosur. La Pologne n'est pas en soutien de l'accord du Mercosur. Ce n'est pas juste aujourd'hui un sujet français.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et d'autres pays sont prêts à nous rejoindre ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous travaillons avec d'autres pays pour…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Lesquels ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je viens de les citer, l'Italie notamment, la Pologne.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais l'Italie et la Pologne, oui, mais d'autres pays ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ben c'est beaucoup, ça représente plus de 150 millions de la population européenne. C'est un tiers des Européens, ce n'est pas rien.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors puisque vous parliez du Mercosur, et de ce qui se fait ailleurs et de ce qui se fait en France, des produits que l'on peut utiliser ailleurs et qu'on ne peut pas utiliser en France, dites-moi, ce qui est autorisé en Europe, doit-il l'être en France ? Et je pense, par exemple, à l'acétamipide qui est un produit…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mipride.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Acétamipride, pardon, oui, qui est un produit utilisé par les producteurs de noisettes ou de betteraves à sucre. Est-ce qu'on doit l'autoriser en France ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors de quoi s'agit-il d'abord ? Ce produit, il est utilisé pour tuer des pucerons qui attaquent les cultures, entre autres, pour faire très court. Il est utilisé aussi…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui ravagent les cultures.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, il tue aussi les abeilles et les pollinisateurs. Il tue aussi les abeilles et les pollinisateurs qui sont un des facteurs…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc en Europe, on accepte que les abeilles soient tuées ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait. Un des facteurs de baisse des rendements de notre agriculture. Premier point : Ce produit, il est soupçonné d'avoir un effet de perturbateur endocrinien et d'être un neurotoxique du développement. Deuxième sujet : Ce produit peut se retrouver dans l'eau potable, par infiltration. Donc c'est évidemment un sujet de santé qui n'est pas à prendre à la légère. Je le dis très directement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais je vous écoute. Donc il continuera à être interdit, si ce n'est pas à prendre à la légère.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas à prendre à la légère, c'est pour ça que moi…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il continuera à être interdit ou pas ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Monsieur BOURDIN, si je peux aller jusqu'au bout à nouveau.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y ! Moi, j'attends la réponse.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et vous allez avoir la réponse. Ce sujet, il est aujourd'hui proposé par un sénateur dans une proposition de loi. D'accord ? Le Gouvernement n'a pas pris position sur cette proposition de loi. Moi, à titre personnel, et pour très bien connaître le sujet, parce que je l'ai travaillé avec les agriculteurs en cherchant des solutions, en mettant en place des solutions alternatives, notamment sur la betterave. Vous savez que sur la betterave, on avait un risque très élevé. J'ai donné des dérogations sur des produits nouveaux qui permettraient de limiter l'impact de ce puceron sur la betterave. Ça a plutôt bien marché pendant l'année 2024.

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'attends la réponse, Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et moi, à titre personnel, je suis contre la réintroduction des néonicotinoïdes pour la raison que je vous donne.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes opposé à cela ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
A titre personnel.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Annie GENEVARD, la ministre de l'Agriculture, dit le contraire.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh ben c'est pour ça que nous avons deux positions personnelles opposées, très simplement, et c'est à ça que sert un Gouvernement, et un arbitrage interministériel, c'est d'avoir une position finale.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Vous voulez soutenir les agents de l'OFB, l'Office Français de la Biodiversité ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Comme je soutiens tous les agents qui ont une mission de service public.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je dis ça parce qu'ils sont pris pour cible par les agriculteurs, certains agriculteurs en colère.

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est très regrettable. C'est même, si vous voulez… Les agents de l'OFB appliquent la loi que nous faisons. Donc je crois que si on a des critiques à l'égard de la loi, de la réglementation, il faut s'adresser à ceux qui la font, aux ministres, aux parlementaires. Mais on ne peut pas reprocher à un agent qui a une mission de service public d'exercer cette mission de service public. Que font les agents de l'OFB ? Ils sont la police de l'environnement, donc ils sont comme les policiers municipaux ou nationaux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils surveillent.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Sauf que leur sujet, c'est la qualité de l'eau, la qualité de la biodiversité et tout ce qui pourrait contrevenir à cette qualité. C'est aussi la police de la chasse au passage. Ce sont notamment les anciens gardes champêtres qui sont aujourd'hui dans cette appellation nouvelle d'Office Français de la Biodiversité. Donc ils font un travail qui est nécessaire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ils contrôlent bien plus souvent les industriels que les agriculteurs. Il faut le savoir, je regardais le nombre de contrôles.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait ! Il y a aussi moins d'industriels que d'agriculteurs, donc c'est plus facile.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est vrai. J'ai deux dernières questions. Cette COP29…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, mais moi, je vais être très claire. Autant les agriculteurs ont toute latitude pour manifester, autant toute attaque… Ce n'est pas seulement ma position, c'est celle du ministre de l'Intérieur, Bruno RETAILLEAU, c'est celle de la ministre de l'Agriculture. Toutes attaques qui visent l'intégrité physique de ces agents, et je parlais par exemple d'un agent dont la voiture a été sabotée, la roue arrière a été dévissée, sont inacceptables. Et nous devons les protéger. Ce sont des agents du service public.

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai deux dernières questions. La première, COP 29, décevante. Franchement décevante.

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est ce que je dis.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce que vous avez dit. J'ai vu cent milliards par an pour les pays qui sont les premières victimes de la crise climatique et ils en voulaient 1 300. Paiera qui voudra ? Ce sont des prêts, enfin, bon, ça n'engage absolument personne. Pourquoi ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas tout à fait vrai. D'abord, c'est 300 milliards qui est prévu, pas cent milliards.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, enfin, c'est cent milliards par an. Oui, ils demandaient 1 300.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, non, 300 milliards par an, c'est un triplement et les 1 300, si on figure bien dans le texte, c'est de l'argent public plus de l'argent privé. Sur ce sujet-là, ils ne demandaient pas 1 300 milliards d'argent public.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ce n'est pas contraignant, vous le savez bien.

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est tellement contraignant qu'on le fait, c'est-à-dire que l'engagement que nous avons pris à la COP…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Enfin, et pourquoi sont-ils tous mécontents alors ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Parce qu'ils voulaient plus. Parce que nous sommes tous confrontés au dérèglement climatique et que, évidemment, il y a une espèce de côté vertigineux de tout ce que nous devons faire, d'abord pour adapter... Vous imaginez des pays qui n'ont pas de moyens et qui doivent protéger leur territoire contre des inondations à répétition, contre des sécheresses à répétition et qui sont endettés parce qu'ils n'ont pas de ressources économiques, pour eux, c'est vertigineux. Ils ont besoin d'être accompagnés et si nous ne voulons pas qu'il y ait des millions de réfugiés climatiques, bien sûr qu'il faut avancer, mais nous, ce que nous disons en européen, c'est que nous prenons nos responsabilités, mais que nous voulons que d'autres pays prennent leurs responsabilités, qu'il y a des pays, depuis 1990, qui se sont développés à toute vitesse. Des pays émergents, on pense évidemment à la Chine, l'Inde, le Brésil. Ces pays ont toute leur place pour être aussi une partie de la solution.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le Black Friday, débauche de consommation, aucune régulation, 8 % des émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale, l'industrie du textile. Vous regrettez ? Est-ce qu'il faut réguler ? Est-ce qu'il faut… Je ne sais pas moi…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, j'agis surtout, Jean-Jacques BOURDIN. Demain, je mettrai en place l'expérimentation d'un affichage environnemental sur les textiles. Pour que le consommateur sache quel est le score de chaque…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Affichage environnemental sur le textile ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement, c'est-à-dire que vous allez dans un magasin et vous avez un score environnemental qui est donné pour les articles. Tel manteau…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Comme pour le logement, quoi ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, c'est un peu la même idée, c'est exactement ça, c'est de se dire, tel vêtement, quel est son impact ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou le Nutri-Score ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est la même démarche, c'est la même idée, la même démarche. Les consommateurs veulent de l'information. Ils veulent savoir si un vêtement est polluant ou n'est pas polluant.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment ça va s'appeler ? Ça a un nom ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça s'appelle le score environnemental.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Score environnemental, oui.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ou le coût environnemental, pour être très précise. Le coût environnemental, c'est un score, c'est-à-dire que vous avez 300 points, 400 points, 500 points. Plus le score est élevé, plus l'impact environnemental du vêtement est important. L'impact environnemental, c'est d'abord la contribution aux émissions de gaz à effet de serre, mais c'est aussi parce que beaucoup de vêtements sont en matière synthétique, le fait que ça relâche des microplastiques qu'on retrouve ensuite dans l'eau potable et dans la mer, c'est encore la question de l'ultra-fast fashion. Donc, tous ces éléments sont bien mesurés, on s'appuie sur toute la démarche qui a été faite en Européen. On a rajouté trois critères pour mieux prendre en compte notamment la question des microplastiques et ça permettra aux consommateurs de savoir où il met les pieds. On ne dit pas aux consommateurs ce qu'il faut acheter, mais par contre, on évite qu'ils se fassent balader.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Agnès PANNIER-RUNACHER. Merci peut-être un Gouvernement de compromis après Michel BARNIER, non ? Gauche socialiste et bloc central ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Écoutez, je ne fais pas de politique fiction.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, ne faites pas de politique fiction.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je travaille.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est 8 h 57. Merci d'être avec nous Patrick ROGER, juste après les infos.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 novembre 2024