Déclaration de M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants, su la flamme de la Nation, à Camaret-sur-Mer le 29 novembre 2024.

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  • Jean-Louis Thiériot - Ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants

Circonstance : Cérémonie de clôture du parcours de la flamme de la Nation en Finistère

Texte intégral

Monsieur le préfet,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Monsieur le président du conseil départemental,
Monsieur le maire,
Monsieur le préfet maritime, amiral,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames les sous-préfètes,
Officiers, officiers-mariniers, sous-officiers, soldats et marins,
Mesdames, Messieurs,
Chers élèves,


En cette pointe d'Extrême-Occident, nous voici réunis au pied de ce qui fut le signe d'une espérance inébranlable, dans la grande tempête qu'eut à traverser la France, et dans laquelle son honneur faillit sombrer.

Cette grande croix de Lorraine, taillée dans le granit breton, invite à porter le regard au large, vers l'inconnu.

L'inconnu qu'embrassèrent sans hésiter de jeunes marins d'ici, lorsqu'ils entendirent les mots du général de Gaulle, le 18 juin 1940 :

" La France a perdu une bataille, mais la France n'a pas perdu la guerre. Dans l'univers libre des forces immenses n'ont pas encore donné. Un jour ces forces écraseront l'ennemi. "

C'est en ce lieu, où se dresse la mémoire de la France libre, que la flamme de la Nation nous a menés, pour achever aujourd'hui son parcours en Finistère.

80 ans après la Libération, la flamme de la Nation, cette formidable idée, se retrouve ici pour commémorer l'événement.

Je tiens à saluer publiquement cet effort conjoint de la préfecture, du département du Finistère, de l'Éducation nationale, qui a mobilisé ses forces, et de nos Armées, représentées ici par le préfet maritime, pour avoir cette commémoration pleine de sens : la jeunesse, notre jeunesse de France, autour de ces souvenirs, autours de ces héros, pour bâtir l'avenir.

Alors oui, cette flamme qui a sillonné le territoire, portant le souvenir vivant de tous ceux qui ont pris les armes pour la Liberté et pour une certaine idée de l'Homme, mérite d'être saluée.

Signification profondément ancrée dans notre passé de cette flamme ; action actuelle de la jeunesse, ici représentée ; nécessité collective de l'engagement, dans ces temps incertains : tels sont donc les axes que je voudrais maintenant développer devant vous.


L'histoire de la flamme de la Nation débute avec la Première Guerre mondiale.

La France sortait victorieuse du plus terrible conflit de son histoire, au prix d'un effort titanesque.

1 million 400 000 morts, 3 millions 500 000 blessés et plus d'un million d'invalides. Notre pays défiguré dans sa chair.

Avant même la fin des combats, dès 1916, devant l'ampleur inédite du sacrifice exigé de la Nation en armes, germe l'idée d'un hommage symbolique à la sépulture d'un soldat inconnu.

À travers lui seraient ainsi honorés tous les combattants français tombés au champ d'honneur.

Le 10 novembre 1920, sur le site devenu sacré du fort de Verdun, parmi huit cercueils contenant les dépouilles restées méconnaissables de poilus ayant combattu sur les lieux des principales batailles, un humble fantassin de 2e classe désignait celui qui deviendrait dans l'éternité le Soldat inconnu.

Le lendemain, deux ans jour pour jour après l'Armistice, son corps était transféré sous l'arc de triomphe de l'Étoile.

Afin que sa mémoire ne sombre jamais dans l'oubli, l'idée d'une flamme du souvenir brûlant perpétuellement sur la tombe est retenue.

Pour la première fois, le 11 novembre 1923, André Maginot, ministre de la guerre, allumait cette flamme sous l'Arc de Triomphe. Elle ne s'éteindra jamais, même durant la Seconde Guerre mondiale.

Cette flamme est veillée pieusement par les associations d'anciens combattants, et c'est cette flamme, prélevée sur le lieu sacré de la tombe du Soldat inconnu, que nous ravivons aujourd'hui, à Pen Hir.


Jeunes gens, jeunes filles, chers professeurs, vous avez porté de nombreux projets pour faire résonner la mémoire des 80 ans de la Libération : je ne doute pas, et les discours que nous avons entendus l'ont largement prouvé, que vous mesurez la valeur de ce symbole.

Votre travail des derniers mois, l'enseignement précieux dont vous avez bénéficié, vous ont permis de mesurer ce que fut la force d'âme de ceux qui, parfois à peine sortis de l'enfance, s'engagèrent dans le combat et acceptèrent l'hypothèse de la mort afin de rendre à notre pays, la France, sa liberté.

Je pense, ici, à l'équipage du bateau l'Audacieux, je pense aux pécheurs de l'île de Sein, je pense à certains groupes de francs-tireurs bretons, à Jean Baudry, patron d'un autre bateau du même port, fusillé au Mont-Valérien le 5 avril 1944.

Je pense aux 15 maquisards exécutés le 15 mai 1944 sur les dunes de Mousterlin, à Fouesnant ; les moins âgés avaient 19 ans.

Jeunes gens, gardez précieusement dans vos mémoires le souvenir de ces hommes et de ces femmes qui n'ont jamais cédé à la résignation.

N'oubliez jamais, à leur exemple, que " l'espérance, c'est de faire face ", y compris dans le désespoir surmonté.

Car ce n'est pas le culte des cendres que nous célébrons — culte des morts que l'on remue, des grands mots devenus vides que l'on agite. C'est le feu, le feu de la France, le feu de notre Patrie que nous devons tous porter ensemble.


Je vous redis aujourd'hui ce mot de Bernanos, en 1944, qui disait, s'adressant à la jeunesse de France : " jeunes gens et jeunes filles, c'est d'abord en vous, c'est dans vos esprits, que vous sauverez la liberté. "

Chacun d'entre vous, individuellement responsables par vos efforts personnels, par votre exigence morale, par le déploiement de votre intelligence, par la fraternité que vous saurez exigence morale, par le déploiement de votre intelligence, par la fraternité que vous saurez construire, vous serez ceux qui porteront la communauté nationale dans l'unité.

Un écrivain, qu'il nous faut tous relire dans ces temps difficiles, Saint-Exupéry, mort aux commandes de son avion en défendant la liberté en 1944, écrivait dans Citadelle : " si tu veux que [les hommes] se haïssent, jette-leur du grain ", mais " force-les de bâtir ensemble une tour et tu les changeras en frères ". Car " une civilisation repose sur ce qui est exigé des hommes, non sur ce qui leur est fourni. "

Oui, nous avons tous, dans nos fonctions, dans nos rôles et selon nos âges, plus de devoirs que de droits.

Il nous appartient, chaque jour, d'assurer les conditions de notre survie commune en tant que Nation.

Je vous invite à relire un texte qu'on étudie tout le temps dans les classes, en terminale ou ensuite, à l'université, mais qu'on ne se donne jamais le temps de lire en entier : " Qu'est-ce qu'une nation ? " de Renan, publié en 1882. C'est ancien, mais toujours aussi actuel.

" La nation, nous disait-il, est l'aboutissant d'un long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements. (…) On aime en proportion des sacrifices qu'on a consentis, des maux qu'on a soufferts. On aime la maison qu'on a bâtie et qu'on transmet.

Oui, osait-il affirmer, la souffrance en commun unit plus que la joie.

En fait de souvenirs nationaux, les deuils valent mieux que les triomphes, car ils imposent des devoirs, ils commandent l'effort en commun. "

C'est aujourd'hui à notre pays tout entier, à vous qui en portez le futur, qu'il incombe de faire preuve d'effort et de courage — " la vertu des temps difficiles " disait le général de Gaulle, qui permet de gagner la guerre avant la guerre, c'est-à-dire de l'éviter.

En ce moment stratégique qui s'ouvre devant nous, où le combat de haute intensité fait son retour en Europe, où des puissances révisionnistes, je pense à la Russie qui écrase une population européenne sous les bombes, l'Ukraine, envisagent de plus en plus crânement le recours à la force et respectent de moins en moins le droit international, prenons garde.

Prenons garde que la paix qu'il ont construite de leur sang est un bien toujours fragile qui, pour sa préservation, suppose la force et la puissance.

Si vis pacem, para bellum : " si tu veux la paix prépare par la guerre ".

ll y faut l'adhésion de tout un peuple.

Rendant hommage à Jeanne d'Arc, André Malraux, ministre du général de Gaulle, affirmait : " le tombeau des héros, c'est le coeur des vivants ".

Oui, c'est dans votre coeur que se trouve la vraie tombe du Soldat inconnu, et la flamme de la Nation.

Cette flamme que portait le sergent Maxime Blasco, lorsqu'il sauva héroïquement deux camarades en 2019, avant de reprendre le sac et de mourir au combat, deux ans plus tard, au Mali.

Cette flamme que portaient les premiers maîtres Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello lorsqu'ils avançaient dans la nuit pour libérer nos compatriotes retenus otages au Burkina Faso.

C'est cette flamme que portent au coeur tous nos soldats, que porte le soldat d'hier, d'aujourd'hui et de demain --- et désormais c'est vous, vous tous qui la portez.


Soyez dignes de ces témoignages qui vous ont été transmis.

Soyez dignes de l'espérance qu'ils ont portée, contre les facilités et les renoncements.

Soyez dignes de ces pérennités françaises.

C'est vous tous qui devez le porter dans votre coeur, et c'est à vous individuellement, jeunes gens, jeunes filles, que je m'adresse.

Soyez dignes de la flamme qui brûle à présent dans vos coeurs, que vous devrez entretenir, fortifier, transmettre à votre tour : nous ne sommes que des porteurs de flambeau, des transmetteurs d'espérance.


Vive notre Nation,
Vive la République,
Vive la France !


Source https://www.defense.gouv.fr, le 4 décembre 2024