Interview de Mme Anne Genetet, ministre de l'éducation nationale, à Sud Radio le 11 décembre 2024, sur la nomination d'un Premier ministre, la loi spéciale pour le budget de l'État, les conséquences de la censure dans l'éducation nationale, l'embauche et la rémunération des enseignants, les atteintes à la laïcité et à la République, le nouveau programme d'éducation à la sexualité, les résultats d'une étude concernant les élèves de CM1 et de 4ème.

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Média : Sud Radio

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes sur Sud Radio. Merci d'être avec nous. Nous recevons, ce matin, Anne GENETET, qui est ministre de l'Éducation Nationale. Bonjour,

ANNE GENETET
Bonjour, Jean-Jacques BOURDIN,

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Vous allez nous aider à comprendre la situation politique. Où en est-on ? Le choix du Premier ministre incombe au président de la République qui a dit : "Nous aurons un nom dans les 48 h." Il a dit cela hier, nous sommes le lendemain, matin. Avant demain soir, nous aurons le nom d'un Premier ministre. Vous le pensez ?

ANNE GENETET
En tout cas, je le souhaite. Je l'attends, comme tous les Français d'ailleurs. On a besoin d'un Premier ministre pour pouvoir avancer.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On a besoin d'un premier ministre. Bien, alors il y aurait un accord avec plusieurs parties. En fait, c'est finalement la,… Comment dire, le retour des grands partis ? Ben oui, puisque les partis se sont réunis autour d'Emmanuel MACRON. C'est Emmanuel MACRON qui les a réunis, hier, hors RN et hors LFI. Accord sur quoi ? On ne censure pas ? On n'utilise pas le 49.3, quel que soit le Premier ministre. C'est ce que vous avez compris ?

ANNE GENETET
Ce que j'entends sur tout. Mais ceux qui nous entendent en ce moment-là, vous avez des gens qui vont emmener leurs enfants à l'école ou qui viennent juste de les déposer, et ceux qui vont travailler, ceux qui ont déjà commencé à travailler. Tous ces gens-là, franchement, c'est ça qu'ils attendent ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais non.

ANNE GENETET
Eh bien non. En ce moment, ils attendent, surtout, qu'on s'occupe de leurs fins de mois. Parce que là, c'est Noël. Quel cadeau je peux mettre sous le sapin ? Ils ont envie de parler de sécurité, s'assurer qu'ils vont pouvoir fêter Noël, tranquillement. Ils ont envie de pouvoir parler d'accès aux services publics. Et il se trouve que ces trois éléments là, ils étaient justement dans le budget qui viennent d'être mis à bas par le RN et LFI. Donc moi, je pense surtout à tous les Français qui vous écoutent en ce moment, qui nous écoutent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, donc il faut quand même trouver une solution politique pour faire avancer, pas parce qu'il va falloir voter un budget, à un moment donné ou à un autre.

ANNE GENETET
C'est la responsabilité de chacun. C'est pour ça qu'il y aura une loi spéciale présentée tout à l'heure, en Conseil des ministres. Il faut que l'État puisse avancer. Il a besoin de pouvoir lever l'impôt en janvier. Il a besoin de pouvoir payer ses fonctionnaires, donc tout ça sera fait pour que l'État puisse continuer à fonctionner en respectant, strictement à la lettre, nos institutions et notre Constitution. Et les Français, au bout du compte, ils ont surtout envie qu'on puisse s'intéresser à leur pouvoir d'achat, à leur sécurité, à l'accès aux services publics. Et c'est ce que nous faisons.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. J'espère, d'ailleurs, que cette loi spéciale sera qui sera soumise à l'Assemblée nationale la semaine prochaine, sera votée par les députés, je crois. Je ne vois pas…

ANNE GENETET
C'est la responsabilité de chacun.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.

ANNE GENETET
Et j'en appelle à la responsabilité de tous, y compris de ceux qui s'accrochent comme une moule sur son rocher, à la France Insoumise, par exemple.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ? Qui s'accroche toujours à la France Insoumise ?

ANNE GENETET
On a bien le Parti socialiste notamment, qui a pourtant un passé de parti de Gouvernement, qui a exprimé quelques valeurs et dont j'entends d'ailleurs qu'il bouge récemment. Je suis assez intéressé par les bouger, comme on dit de ce parti, et qui montre qu'il y a un appel à la responsabilité qui fait mouche. Et c'est une bonne chose, encore une fois pour nos concitoyens.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le président de la République a été clair : "Je ne tiendrai pas la main au RN." Personne ne veut redonner la main au RN. C'est ce qu'il a dit. C'est clair. C'est la raison pour laquelle le RN n'est pas convié.

ANNE GENETET
Il y a plusieurs choses. D'abord, nous avons…

JEAN-JACQUES BOURDIN
11 millions d'électeurs ou 10 millions.

ANNE GENETET
Nous avons 50 millions d'électeurs en France, parmi lesquels, nous avons 11 millions d'électeurs, effectivement du Rassemblement national. Mais nous avons l'ensemble des Français et la responsabilité d'un parti politique, quel qu'il soit, me semble-t-il, c'est de s'adresser à la totalité des Français, à tous les Français sans exception. Et dans les propositions qui sont faites, le budget qui en vient, encore une fois, d'être mis à mal, d'être censuré par le Rassemblement national, était un budget qui apportait des réponses à tous les Français. Je veux vraiment insister là-dessus, absolument à tous les Français. Je vous donne deux exemples avait, par exemple, ces mesures qui permettaient de prolonger, on en a beaucoup parlé, la validité des titres restaurants. Oui, pour l'année 2025 pour continuer à les utiliser dans les grandes surfaces. On avait également le prêt à taux zéro. Là, aujourd'hui, on a des Français qui avaient un projet d'immeuble, d'achat immobilier pour avoir leurs logements et c'est le fondement d'avoir un toit sur la tête. Le prêt à taux zéro tombe à cause de la loi qui vient d'être censurée par madame LE PEN et ses députés. Voilà des projets très concrets qui étaient pour l'ensemble des Français. Derrière, il y a des offres politiques dès le début, des prises de position politiques avec lesquelles ils sont complètement en désaccord. Moi, je ne veux pas que nous ayons une France qui refuse d'apporter sa contribution à l'européenne et faisant par là une sorte de Frexit déguisé. N'oublions pas que l'Europe, c'est elle qui apporte de l'aide aux agriculteurs qu'ils réclament, aujourd'hui, à cor et à cri qui ont été trahis par madame LE PEN. C'est ça la réalité. Nous avons derrière, un Rassemblement national, qui aurait envie de s'aligner dans sa politique étrangère, soit sur Monsieur POUTINE d'un côté, soit sur la politique commerciale de Monsieur TRUMP. Ce n'est absolument pas ma façon de concevoir ce qui me semble bon pour le pays. Donc nous parlons à tous les Français, nous faisons des offres pour tous les Français et pour ceux qui nous écoutent très concrètement le pouvoir d'achat, la sécurité et l'accès aux services publics. Vous savez que l'accès aux services publics, dans la loi de finances que madame LE PEN a censuré, c'était 100 MAISONS FRANCE SERVICE. De plus, on arrive à un total de 2 900. C'est là que les Français peuvent aller. Par exemple, en ce moment, ils ont un problème numérique informatique, ils peuvent y trouver de l'aide. Ils peuvent demander une aide, une bourse pour leurs enfants, une aide pour leur logement. C'est là qu'ils peuvent la trouver. Ne pas censurer MAISONS FRANCE SERVICE, c'est incompréhensible.

JEAN-JACQUES BOURDIN
La censure, quelles conséquences dans l'éducation nationale enseignante, Anne GENETET ?

ANNE GENETET
Les conséquences. Alors, très concrètement, il y a du très concrètement. C'est, par exemple, des recrutements pour améliorer la sécurité de nos établissements scolaires. C'est des assistants d'éducation qu'on ne peut pas embaucher. C'est la rénovation de nos établissements scolaires pour les sécuriser, pour apporter, la sécuriser, pour avoir des dispositifs anti-intrusion. Oui, les 500 millions sur la table, qui tombent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est aussi, pas de suppressions de postes.

ANNE GENETET
Donc oui, mais derrière, n'oublions pas que nous avons aussi une réalité. Il faut dire la vérité aux Français. On a une réalité démographique, on a perdu 100 000 élèves, cette rentrée, on en perdra encore probablement 100 000 à la rentrée prochaine. Gouverner, c'est aussi anticiper, donc il faut aussi tenir compte de cela. Quand on embauche un professeur, nous embauchons pour 40 ans. Il faut aussi avoir cette vision et cette lucidité.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Sauf qu'il y a dans nos écoles, de plus en plus de contractuels malheureusement, parce qu'il y a de moins en moins de candidats à l'enseignement.

ANNE GENETET
Nous avons un sujet d'attractivité des métiers…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est un sujet majeur.

ANNE GENETET
… Qui qui comporte plusieurs composantes, la rémunération sur laquelle nous avons beaucoup bougé. Le président de la République avait demandé que nous les augmentations de 10 %, nous sommes allés au-delà, ils ont été augmentés de 11 %, ce qui fait que les débuts de carrière, aujourd'hui, vous n'avez pas un enseignant qui démarre, aujourd'hui, sa carrière comme titulaire, en dessous de 2 100 euros net par mois. C'est la réalité. Ensuite, avec un ensemble de moyens qui permettent d'augmenter la rémunération, nous avons travaillé sur les fins de carrière qui leur permet de partir en retraite dans de bonnes conditions. Nous avons ouvert, nous avons mis à l'agenda social. C'était là, c'était prévu, le traitement des milieux de carrière parce qu'il y a encore une progression à améliorer. Ça, c'est le côté rémunération mais aussi les conditions d'exercice du métier. Et là, il y a aussi un chantier que j'avais ouvert, parce que nous savons que nos enseignants, aujourd'hui, travaillent parfois dans des conditions difficiles, nous devons également les soutenir.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais y revenir. Mais concrètement, pas de budget, censure, donc, pas de suppressions de postes, 2 000 prévues dans la dernière version du Sénat, on est bien d'accord ?

ANNE GENETET
Absolument, votée à l'unanimité, sur laquelle j'ai émis un avis de sagesse, d'ailleurs.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pas de création de poste d'AESH, aussi.

ANNE GENETET
Il y avait 2 000, et ça accompagne nos enfants en situation de handicap. C'est le deuxième métier du ministère. Nous avons, aujourd'hui, des enfants en situation de handicap. Un peu plus de 300 000 bénéficient d'une aide pour pouvoir être scolarisé et suivre une scolarité normale. Nous en avons d'autres qui sont en attente. Nous avons besoin de recruter dans ces métiers là aussi. C'étaient 2 000 postes supplémentaires qui étaient prévus.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Qui veut devenir prof ? J'en parlais, il y a un instant. Combien de candidats inscrits aux concours d'enseignants ?

ANNE GENETET
Alors cette année, nous avons 1 900 postes ouverts. Je veux dire que là aussi, on est obligé de nous projeter sur 40 ans, 1 900 postes et j'espère que nous aurons 1 900 admis.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais oui, 1 900 postes ouverts, ça veut dire moins que les années précédentes.

ANNE GENETET
L'année dernière, c'était 1 700 admis.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon.

ANNE GENETET
Donc voilà, nous avons 1 900, cette année.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Anne GENETET, vous voulez rester ministre de l'Education nationale ?

ANNE GENETET
Je suis au service de mon pays comme je l'ai toujours été depuis de nombreuses années et notamment depuis 2017.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous aimeriez rester ?

ANNE GENETET
Je suis à la disposition du président de la République. C'est son choix et son seul choix qui compte.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais ça on l'a bien compris. Mais aimeriez-vous rester ?

ANNE GENETET
C'est une belle maison, dans laquelle, il y a beaucoup de choses à faire. Et je note aussi que c'est une maison qui a besoin de stabilité, c'est certain. Vous savez d'autant que toutes les mesures sont prises à la dimension.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, c'est clair, ça veut dire : "J'ai envie de rester", stabilité. Effectivement, combien de ministre de l'éducation nationale différente ? Quatre depuis…

ANNE GENETET
Je crois que, cette année, 4 en 2024, en effet.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quatre ministres de… Oui.

ANNE GENETET
Bon, vous avez raison de le souligner. Néanmoins, je veux comme souligner aussi que depuis 2017, d'abord, l'école est la priorité du Président de la République. Il a impulsé ce souci.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, enfin, priorité toujours des classes sans prof.

ANNE GENETET
Souci. Il y en a très peu, il y en a encore et c'est toujours un drame. Un prof qui manque, c'est toujours un drame et nous cherchons et nous recrutons constamment toute l'année avec également des...

JEAN-JACQUES BOURDIN
Taux de remplacement, 15 %.

ANNE GENETET
Donc les remplacements de courte durée s'améliorent constamment.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On est passé de 5 à 15.

ANNE GENETET
Mais oui mais ça s'améliore, Il faut les trouver les profs. Donc nous avons aussi besoin d'aller les chercher. Au salon de l'orientation, d'ailleurs, il y avait un grand stand où vous devenez enseignant et où j'ai rencontré notamment un enseignant qui était un reconverti cadre du secteur salarié et qui était passionné, qui a souligné l'excellente qualité de l'accompagnement dont il a bénéficié pour pouvoir devenir enseignant. J'en appelle à toutes ces personnes qui se posent des questions aux 35 45 ans, qui ont envie de donner du sens à leur carrière. Devenez enseignant, Il y a des belles choses à y faire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les atteintes à la laïcité, où en est-on ? Vous avez des derniers chiffres ?

ANNE GENETET
D'abord, la première chose…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur l'année, par exemple, de 2024.

ANNE GENETET
Je vais vous dire monsieur BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, allez-y.

ANNE GENETET
Une seule atteinte à la laïcité, ce serait inadmissible. Donc de toute façon, une est toujours une de trop. Donc ce qui est important de noter, c'est qu'il reste des attentats. Elles sont sensiblement, si je prends les ports de signes ostensibles, ils sont en baisse. Les contestations d'enseignements. En revanche, les atteintes aux valeurs de la République sont en légère progression, sont en progression. Mais il faut les combattre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les atteintes aux valeurs de la République, c'est quoi ?

ANNE GENETET
Alors c'est, par exemple, quelqu'un qui va contester l'Etat de droit, qui va contester notre notion de Liberté-Egalité-Fraternité. Qui va contester la liberté de la presse, par exemple ? C'est totalement inadmissible et c'est là que nos enseignants sont souvent contestés. Un sur deux dit être contesté dans ses enseignements. La plupart disent qu'à travers un dialogue…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un sur deux est contesté dans ses enseignements.

ANNE GENETET
Contesté dans ses enseignements, et c'est absolument…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais contesté par les élèves ou par les parents ?

ANNE GENETET
Les deux, par les élèves, les contestations de parents progressent, soit sur des enjeux de laïcité, soit de valeurs de la République, soit par exemple de contenu d'un enseignement, une note qui ne leur convient pas, un thème qui ne leur convient pas, notamment, en ce moment, on en parle beaucoup, l'éducation à la sexualité qui fait partie du droit obligatoire. Donc là, si vous voulez, il faut aussi voir le soutien que nous avons apporté à nos professeurs. Il faut aussi voir que les chiffres que nous citons, là, témoignent aussi du fait qu'il n'y a plus de pas de vague. C'est tolérance zéro. Et nos professeurs et les personnels éducatifs sont encouragés à parler, à dire, à remonter. Tous les jours sur mon bureau, tous les jours, j'ai la remontée de tous les faits dans tous les établissements de français. Je vois exactement, tous les jours, il y a à peu près un fait quelque part en France, sur le territoire national d'atteinte à la laïcité. Mais derrière, que ce passe-t-il ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un par jour ?

ANNE GENETET
Un par jour, à peu près. Mais que se passe-t-il derrière ? Nous avons immédiatement, dès qu'un enseignant est menacé, la protection fonctionnelle, quand c'est plus sévère, la protection par des forces de l'ordre. Nous avons également des équipes valeurs de la République qui peuvent venir dans l'établissement auprès du professeur dans son cours, même, pour le soutenir. Tout cela est mis en place et nous avons un élément qui manque, auquel je souhaiterais pouvoir travailler, qui est, que lorsque l'enseignant peut déposer plainte et systématiquement le dépôt de plainte plus un signalement au procureur de la République de la part de l'institution. Mais il faut encore un élément de plus. Ce qui manque dans la loi, c'est que l'institution puisse, elle aussi, en tant que fonction publique, déposer plainte pour soutien, aussi, nos enseignants contestés.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous demandez à ce que l'institution puisse déposer plainte ?

ANNE GENETET
Absolument. Ça, c'est un fait très important.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous aimeriez que ce soit inscrit dans la loi.

ANNE GENETET
Absolument, ça doit être inscrit dans la loi, ça concerne toute la fonction publique et pas seulement les enseignants. Ça concerne également les hôpitaux. Il faut pouvoir avancer sur ce sujet-là.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien oui, aujourd'hui, il y a une actualité du jour, si je puis dire, puisque le procès de cette jeune fille de 18 ans qui a giflé et frappé son enseignante parce que son enseignante lui demandait d'ôter son foulard.

ANNE GENETET
C'était un exemple typique d'atteinte d'un système qu'il faut soutenir.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut que les sanctions soient exemplaires, aussi, Anne GENETET.

ANNE GENETET
Les sanctions sont exemplaires, elle sera, il y aura systématiquement sanction disciplinaire puisque c'est une infraction scolaire grave. De même que l'enseignant est protégé, il a bénéficié de la protection fonctionnelle.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle a été sanctionnée, la jeune fille ?

ANNE GENETET
Je ne sais pas où en est le conseil de discipline, il y a toujours un conseil de discipline qui est convoqué. D'ailleurs, je tiens à souligner que les modalités de convocation au conseil de discipline ont été simplifiées pour que ça puisse aller beaucoup plus vite.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc que ça puisse aller beaucoup plus vite,

ANNE GENETET
Donc, ça c'est très important, qu'il n'y ait pas de délai, qu'il y en ait le plus court possible entre eux, l'infraction et la sanction. La sanction doit être systématique et la certitude de la sanction est très importante pour la prévenir, ces atteintes très graves à la laïcité.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors soyons clairs, maintenant sur l'éducation à la sexualité, parce que ça provoque débat depuis plusieurs jours et il n'y aura pas de réunion, jeudi. Le projet de programme d'éducation à la sexualité devait être examiné. Sera-t-il examiné en décembre comme le demandent les syndicats d'enseignants.

ANNE GENETET
Il faut qu'il puisse être examiné pour pouvoir ensuite être présenté et écrit.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, il sera examiné en décembre ?

ANNE GENETET
La difficulté, c'est comme l'affaire courante. Moi, personnellement, je ne peux pas présider ce conseil. Or, il faut un portage politique fort. Moi, je veux être la ministre qui présente ce programme, qui le défend. Il est important. D'ailleurs, je veux ajouter un point très important, qui est important, ce programme qui fait partie du code de l'éducation. L'éducation de la sexualité fait partie du code de l'éducation, comme les programmes de math, de français ou d'histoire-géographie ou d'éducation physique et sportive. Mais derrière, attention, il n'y a aucune éducation aux pratiques sexuelles. On n'apprend pas les pratiques sexuelles dans ce programme, il y a des fausses informations et des rumeurs.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ou de promotion d'une quelconque sexualité.

ANNE GENETET
Du tout, absolument zéro. Ce sont des fausses informations. Je démens formellement cela, ce programme ne contient pas cela. Ce programme, en revanche, il appelle à quoi ? Il appelle au respect. Il apprend le consentement. Il apprend à dire non. Vous savez, le procès de la jeune actrice, Adèle HAENAL, montre qu'apprendre à dire non quand on est mineur, c'est très difficile. Il faut pouvoir accompagner nos jeunes pour qu'ils puissent dire non dans ces moments si graves. N'oublions pas qu'aujourd'hui, un jeune sur trois, entre deux et trois jeunes par classe, sont victimes d'atteintes sexuelles, qu'aujourd'hui… C'est le chiffre de l'ARCOM, on a 2,3 millions de mineurs qui, chaque mois, en France, chaque mois, accèdent à un site pornographique pour répondre à leurs questions. Moi, je ne veux pas qu'on ait accès à la pornographie pour faire l'éducation à la sexualité. Je vais vous dire, c'est très simple, entre Pornhub et l'école, moi, je choisis l'école.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Anne GENETET, vous choisissez l'école, ça veut dire concrètement que ce texte présente trois axes. Un, se connaître soi-même, vivre et grandir avec son corps. Deux, rencontrer les autres et construire avec eux des relations, s'y épanouir. Et trois, trouver sa place dans la société. Ce sont les trois axes.

ANNE GENETET
Soi-même, les autres, la société.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Concrètement, à l'école élémentaire, puis au collège, quel serait cet enseignement, cette éducation à la sexualité ?

ANNE GENETET
Alors je vais donner un exemple très concret.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, allez-y !

ANNE GENETET
C'est par exemple apprendre à lire les émotions sur un visage. Là, nous nous parlons, vous me parlez, je vous regarde et je vois à travers votre visage quelles sont les émotions que vous pouvez transmettre. Pour un professeur, c'est très important par exemple ; quand il donne une consigne, "Sortez vos affaires", il faut que les élèves puissent comprendre. Quand il dit : "Sortez vos affaires, c'est une consigne banale qui demande de sortir ses affaires le matin quand on commence un cours, ça n'est en aucun cas un message agressif. Il faut apprendre à décrypter ce que dit le visage en plus de la parole. Eh bien, ça, c'est ce qu'on apprend à travers ce programme en toutes petites sections, lire, décrypter sur un visage la peur, la colère, la tristesse, la joie. Ça, il faut savoir le… Voilà, en primaire, c'est par exemple ce qu'on va apprendre à décrypter.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Se connaître soi-même.

ANNE GENETET
Se connaître soi-même et connaître l'autre aussi, savoir ce que me dit l'autre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et connaître l'autre. Alors grandir avec son corps, c'est quoi ?

ANNE GENETET
Eh bien, c'est apprendre d'abord à reconnaître ce qu'est par exemple… qu'est-ce que je dois considérer comme une partie qui m'appartient à moi-même, que personne ne doit toucher ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.

ANNE GENETET
Eh ben il faut l'apprendre, ça. La jeune Adèle HAENEL, dans le procès qui est en cours, quand elle a été agressée sexuellement, est-ce qu'elle savait dire : "Là, on n'a pas le droit de me toucher" ? Vous savez, on est témoins aujourd'hui de scènes, notamment mimées, jouées, faites par des élèves très jeunes qui montrent qu'ils ont eu accès à des images, à des comportements qui ne relèvent pas d'un comportement de leur âge. Il faut pouvoir leur dire et leur expliquer. Donc il faut qu'ils comprennent ce qu'est leur corps, ce qui leur appartient et à eux seuls et à personne d'autre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc est-ce que… Oui, mais qu'ils comprennent ce qu'est leur corps, est-ce ça l'enseignant, – Je ne sais pas – à une association de leur expliquer ce qu'est leur corps, ou aux parents ? Parce que beaucoup se disent et s'inquiètent : "L'Ecole n'a pas à se substituer aux parents."

ANNE GENETET
Alors les parents sont un partenaire indispensable, il y a une éducation fondamentale qui est évidemment faite en famille. J'espère que connaître son corps, ça se fait déjà en famille. Mais quand on prend, pour les plus grands, l'éducation à la sexualité, qu'on s'aperçoit que seuls 15 % des parents proposent une éducation, ont un éveil à la sexualité de leurs enfants, notamment à travers essentiellement la connaissance et l'apprentissage des maladies sexuellement transmissibles, il manque une immense partie, une immense partie de ce qu'est l'éducation à la sexualité. Et cela, nous pouvons être partenaire. Donc l'école a son rôle à jouer à côté des parents.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc si vous êtes reconduite au ministère de l'Education nationale, il y aura ce Conseil supérieur de l'éducation avant fin décembre ?

ANNE GENETET
Absolument. Il doit se tenir parce que ce programme doit être présenté. Les professeurs ont besoin de s'en… Vous savez, c'est aussi un soutien pour nos professeurs qui peuvent avoir parfois l'objet d'une question d'un de leurs élèves. A un moment inattendu, complètement déconnecté du cours qui a lieu, il faut que nos professeurs puissent répondre. Ce programme est un soutien pour nos élèves, un soutien pour nos professeurs, un soutien aussi pour parents qui auront d'ailleurs accès à la totalité du programme qui sera entièrement en accès libre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous avez été catastrophée par les résultats publiés la semaine dernière de nos enfants ? Résultats en français, en mathématiques.

ANNE GENETET
Les résultats d'une étude internationale.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, de cette étude internationale.

ANNE GENETET
Qui ont été étudiés sur des élèves de CM1 et de 4ème, qui montrent que nous sommes à la traîne, clairement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
A la traîne, oui, mais plus qu'à la traîne.

ANNE GENETET
Alors qui demandent… qui justifient toutes les mesures qui sont mises en place pour pouvoir mieux former nos professeurs, pour pouvoir mieux accompagner nos élèves en grande difficulté. Maintenant, je voudrais aussi les mettre aussi en parallèle, sans non plus négliger ces résultats qui sont très importants à prendre en considération, qui justifient toutes les mesures. L'acte deux du Choc des savoirs que j'ai annoncé, c'est ça, c'est de l'aide individualisée, c'est la réécriture des programmes, par exemple en CM1. On voit qu'en maths, puisque c'était une étude sur les maths, nous ne sommes pas bons.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.

ANNE GENETET
On s'aperçoit, quand on regarde de près, que l'étude des fractions, des décimaux, quand on dit un gamin va acheter une demi-baguette, "une demi", 1/2, eh bien, on s'aperçoit qu'on ne sait rien dans ce test. Ils ne savaient pas ce que c'était. Pourquoi ? Parce que l'apprentissage mathématique de cette notion est fait en France trop tard par rapport aux autres pays. La réécriture des programmes que j'ai fait publier à la Toussaint, c'est justement une réécriture qui permet d'avancer cette notion. Désormais, elle sera enseignée dès le CE1. Oui, il y a des mesures qui ont été prises pour pouvoir répondre à ce niveau de nos élèves français qui, en école primaire, est insuffisant, et en 4ème également. Derrière, n'oublions pas que nous avons besoin de scientifiques, nous avons besoin de gens qui sauront faire de la robotique, du numérique, des ingénieurs. Nous avons besoin de scientifiques, il faut absolument monter niveau en maths. Réjouissons-nous quand même de savoir que la France est très bonne en maths plus loin, parce que nous avons beaucoup de médailles Fields, mais ça nécessite un travail dès l'école primaire, et c'est ce que nous faisons.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Anne GENETET, hier, je recevais Sandrine ROUSSEAU qui a tenu des propos très commentés sur l'arrestation, l'emprisonnement de Boualem SANSAL. Vous avez pris connaissance de ses propos ? Comment réagissez-vous ce matin ?

ANNE GENETET
Alors d'abord, moi, je…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes ministre de l'Education nationale. C'est un écrivain français, franco-algérien, mais français.

ANNE GENETET
Absolument. J'ai lu Boualem SANSAL, notamment "2084" qui est un livre qui doit nous interpeller, c'est une dystopie, mais qui est extrêmement prenante et qui nous fait comprendre comment nous pourrions peut-être, avec beaucoup de bonne foi semble-t-il, nous laisser embarquer vers un modèle de société qui n'est pas le nôtre, et notamment vers cette poussée de l'islam politique contre lequel nous luttons avec beaucoup de fermeté.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous luttez contre l'islam politique ?

ANNE GENETET
Ah, et notamment dans les écoles. Ah oui, notamment dans les écoles.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Absolument. La poussée, vous la sentez ? Elle est forte, la poussée.

ANNE GENETET
Elle est forte. Et il y a d'ailleurs un livre qui vient d'être publié en Belgique, "Allah n'a rien à faire dans ma classe" qui en témoigne. Et je suis convaincue que nos enseignants sont aussi soumis à cette…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Allah n'a rien à faire dans les classes françaises.

ANNE GENETET
Dans ma classe. Il n'a rien à faire dans les classes françaises non plus, et c'est pour ça que nos enseignants sont soutenus, je leur apporte mon soutien, ils ne doivent pas être contestés dans leurs enseignements. Et donc c'est toutes les mesures que nous avons mises en place pour qu'ils puissent parler, dire et refaire reculer cette pression de l'islam politique.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pour en revenir à Boualem SANSAL, vous avez été étonnée par ces propos de Sandrine ROUSSEAU ?

ANNE GENETET
Absolument, parce que je crois qu'il combat avec beaucoup de courage justement cette question de l'islam politique. Et nous avons besoin d'écrivains, la littérature est aussi un moyen d'exprimer ce rejet de la pression de l'islam politique.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ses réserves, ça veut dire quoi selon vous ?

ANNE GENETET
Ça, il faut lui demander, c'est à elle, ce sont ses propos à elle. Moi, je considère que Boualem SANSAL est un écrivain extrêmement intéressant et qui nous aide, à travers la littérature, à prendre conscience de cette pression et à la manière dont nous devons à tout prix le combattre et le rejeter.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Anne GENETET d'être venue nous voir ce matin sur l'antenne de Sud Radio.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 décembre 2024