Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur la question de l'eau et la lutte contre le changement climatique, à Riyad le 3 décembre 2024.

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Circonstance : One Water Summit

Texte intégral

Monsieur le Prince héritier d'Arabie saoudite, cher Mohammed Ben Salmane, je vous remercie du fond du cœur pour votre accueil chaleureux à Riyad. 
Monsieur le président de la République du Kazakhstan, cher Kassym-Jomart TOKAÏEV, Messieurs les chefs d'État, 
Messieurs les Premiers ministres, 
Monsieur le président de la Banque mondiale, cher Ajay, 
Mesdames et Messieurs les ministres, 
Mesdames et Messieurs les envoyées spéciales, envoyés spéciaux, 
Ambassadrices et ambassadeurs, 
Mesdames et Messieurs les représentants des organisations internationales du monde de la science, des entreprises et de la société civile,


Merci d'être avec nous aujourd'hui pour ce One Water Summit qui se déroule à Riyad alors que la COP16 désertification vient également de commencer.

Votre Altesse Royale, je tiens ici en votre présence à remercier du fond du cœur sa Majesté le Roi pour son hospitalité, et sa vision très claire en nous accueillant dans son pays aujourd'hui.

Dans la lutte contre le changement climatique et ses impacts, l'eau a été jusqu'ici trop souvent traitée comme un enjeu secondaire, une question technique, et c'est là, oublier non seulement des chiffres, mais des réalités. Je veux ici les rappeler. Dans 9 cas sur 10, les enjeux d'adaptation sont liés à l'eau, sa rareté ou son excès, sa disponibilité ou sa qualité et au bouleversement de son cycle qui rend l'approvisionnement plus aléatoire. Et donc, partout où on a un agenda d'adaptation, l'eau est centrale. Chaque année, 12 millions d'hectares de terres sont dégradés. Lorsque ces terres ne sont plus exploitables, elles perdent leur capacité à nous nourrir, forcent la conversion des forêts en terres agricoles et renforcent les grandes crises du climat et de la biodiversité. Et donc, à cet égard, le combat pour l'eau est totalement jumeau de celui de la lutte contre la désertification. 60% des ressources en eau douce sont transfrontalières. Le sujet de l'eau ne peut donc pas être réglé simplement à l'échelle nationale. Il suppose, par nature, parce que, précisément, la nature et nos frontières n'épousent pas les bassins parfaitement de la coopération. L'accès, la gestion de l'eau, doit être traité comme un bien commun, et de nombreux conflits existants ou à venir seront liés à l'eau.

Enfin, aujourd'hui, une personne sur quatre n'a pas accès à une eau potable de qualité, une personne sur deux connaît au moins un mois de pénurie d'eau chaque année, alors que l'accès à l'eau est normalement un droit fondamental. Et évidemment, une fois encore, les populations les plus vulnérables sont, comme toujours, les plus touchées. 200 millions d'heures par an, c'est le temps passé par les femmes et les jeunes filles à collecter l'eau partout dans le monde. Et donc, partout où il y a un manque d'eau, il y a une inégalité qui s'accroît pour les jeunes filles et les jeunes femmes encore par rapport au reste. Ces chiffres montrent à quel point tenir cette conférence sur l'eau relevait de l'évidence.

J'en ajouterai un seul pour convaincre tout le monde qu'il ne faut pas simplement avoir des mots, mais investir sur le sujet. Pour un dollar investi dans la résilience hydrique, ce sont quatre dollars d'économies qui sont réalisées, notamment grâce à la baisse des dépenses de santé et l'augmentation de la productivité. Donc, investir pour l'eau et l'accès à l'eau potable, l'accès à l'irrigation, c'est un investissement très rentable. Pour cela, donc, nous devons agir, et nous ne pourrons le faire que collectivement, compte tenu de ce que j'évoquais. La France a commencé à s'engager sur ce chemin. Nous avons mis en place un plan national pour réduire de 10% notre consommation à horizon 2030, qui s'est appuyé sur la science, les modèles climatiques pour anticiper tous les scénarios, y compris les plus dégradés, et pour, là aussi, mobiliser tous les leviers, la sobriété, l'innovation, la technologie, au service de tous les secteurs. Et cette action, nous la poursuivons au niveau international à travers l'Agence Française de Développement, qui a déjà engagé plus de 10 milliards de dollars dans le secteur de l'eau, dont près de 2 milliards de dollars uniquement en 2023.

Alors à l'échelle planétaire, il y a plusieurs chantiers qui sont à mener et je voudrais très rapidement ici couvrir les cinq principaux à mes yeux. Le premier, c'est celui de la connaissance. Le changement climatique modifie profondément et rapidement le cycle de l'eau, ainsi, avoir les bonnes données est vital. C'est ce qui permet ensuite d'avoir les bons modèles et du coup, de prendre les bonnes décisions pour les gouvernements, pour les municipalités, pour l'ensemble des communautés. Je me réjouis donc du lancement aujourd'hui, et je remercie vraiment nos envoyés qui ont fait tout le travail, de la One Vision Alliance, qui réunira une trentaine d'instituts de recherche, d'organisations internationales, pour agir en ce sens, en particulier grâce à l'observation satellitaire et au partage de données. Premier aspect, la science, la science ouverte, indépendante et partagée.

Le deuxième chantier, c'est le développement des technologies et leur diffusion, en particulier pour les deux technologies clés, que sont : dessalement d'un côté et réutilisation de l'eau de l'autre, qui permettent d'éviter beaucoup de tensions sur les réserves d'eau douce. Notre capacité, vraiment, à stabiliser, à continuer à innover sur ces deux techniques et à les diffuser au plus vite partout dans le monde est un enjeu fondamental. C'est au cœur du projet, pour n'en citer qu'un, National Water Conveyor, développé par la Jordanie, que nous soutenons, aux côtés d'autres partenaires. L'accès à l'eau est en effet essentiel aussi pour notre agriculture et pour notre sécurité alimentaire. Le Programme Alimentaire Mondial en atteste ô combien et conditionne tout le reste. Et c'est ce qui est aussi au cœur du projet Inga porté par la République démocratique du Congo. Et je veux redire ici le soutien à ces deux grands projets qui sont présentés. Et donc, deuxièmement, les technologies, un bouquet de technologies stabilisées qu'on diffuse.

Le troisième chantier, c'est celui d'une utilisation plus responsable de l'eau par tous les acteurs, y compris le secteur privé. Je veux ici saluer l'engagement des entreprises qui ont travaillé avec nous pour préparer ce Sommet. Nous devons consommer moins et mieux, et donc tout ce qui est justement de la réutilisation, mais la fermeture du cycle, la capacité à lutter contre le gaspillage est fondamentale, à améliorer la gestion de l'eau dans nos villes et pour nos campagnes et tout ce qui permet aussi d'investir pour limiter la pollution des ressources en eau. Et alors même que les négociations du traité plastique, dont le 5ème cycle vient de se clore à Busan, n'ont été qu'une étape, on sait qu'on doit aller beaucoup plus loin, la mobilisation de tous sur la question du plastique est vitale si on veut préserver l'eau.

Quatrième chantier, c'est avoir une attention toute particulière et une prise en compte des populations les plus vulnérables. La France s'est engagée en ce sens. En 2023, nous avons signé l'appel à l'action, la WASH RoadMap, pour accroître notre action en matière d'accès à l'eau, d'assainissement, d'hygiène dans les environnements de fragilité, de conflit, de violence. Et l'un des objectifs de cet appel était la création d'un envoyé spécial de l'ONU pour l'eau, ce qui est chose faite, avec Madame Retno MARSUDI. Cet engagement est très important, cette tâche est essentielle.

Et puis enfin, vous l'avez évoquée, Votre Altesse Royale, c'est la question de la gouvernance internationale de l'eau. Elle doit se construire avec tous les acteurs, États, organisations internationales, secteurs privés. Alors, je veux en particulier saluer la Water Finance Coalition du réseau Finance in common, qui regroupe aujourd'hui plus de 60 banques publiques de développement en 2024. Et ce réseau a déjà engagé plus de 50 milliards de dollars sur l'eau. À celui-ci, je voudrais qu'on puisse associer maintenant et installer véritablement une alliance très concrète, la New Water Coalition, c'est-à-dire une alliance qui permette de mettre autour de la table les États, les communautés, communes, gouvernements locaux, les grandes entreprises et les technologies et ces grands financeurs qui ont déjà mobilisé 50 milliards d'euros, pour avoir un bouquet de solutions qui permettent, d'une part, d'identifier la cartographie des besoins, en particulier sur les questions de désalinisation, de réutilisation, de stabiliser l'offre technologique qui existe et de la rendre disponible et accessible, et de mobiliser les financements au plus vite pour développer ces solutions de manière très concrète sur le terrain d'autre part. À l'échelle du Royaume du Maroc, c'est ce qui a été fait avec les autoroutes de l'eau, qui est un exemple formidable, je crois, de ce succès. Vous avez réussi à mobiliser toutes les techniques et face aux défis et à la fois de l'irrigation et des défis urbains, vous avez montré que les choses étaient possibles. Cette New Water Coalition, nous avons besoin, nous, Arabie Saoudite, Kazakhstan, France, aux côtés de la Banque Mondiale, de vous mobiliser tous. Et donc, à l'issue de ce sommet, je souhaite qu'on puisse bâtir véritablement cette coalition concrète d'action, la New Water Coalition, avec l'ensemble des parties prenantes qui seront prêtes à la rejoindre, pour précisément apporter des solutions concrètes à tous.

J'appelle de mes vœux donc cette coalition des bonnes volontés, aussi, pour qu'en 2025, alors que nous célébrerons les 10 ans de l'accord de Paris, nous puissions travailler à tous ces objectifs, faire avancer ces cinq chantiers et faire de la question de l'eau un véritable succès collectif.


Merci pour votre attention. Merci encore pour votre accueil, Votre Altesse Royale.