Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur les forces armées françaises stationnées à Djibouti, à Djibouti le 20 décembre 2024.

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Circonstance : Visite aux forces stationnées à Djibouti

Texte intégral

Merci, mon général.
Messieurs les ministres,
Monsieur le président de la Commission de la Défense Nationale et des Forces Armées de l'Assemblée Nationale,
Monsieur le chef d'État-Major des Armées,
Madame l'Ambassadrice, mon général,
Messieurs les officiers généraux, officiers, sous-officiers, officiers mariniers, soldats, marins, aviateurs et personnels civils,


C'est, comme chaque année pour moi, un immense honneur d'être parmi vous, et ce soir, d'être à vos côtés à Djibouti en cette veille de Noël, un honneur, je dois le dire, qui se double d'un plaisir, avec un air de retrouvaille. Je veux ici remercier le général Vallette, puisque c'est la deuxième fois qu'il m'accueille. Il sera dit, mon général, que nous avons vocation à passer Noël ensemble, après le déplacement effectué l'année dernière sous d'autres cieux. Après la Jordanie, la corne de l'Afrique. Merci très sincèrement à tous, ainsi qu'à l'ensemble des FFDJ, de m'accueillir sur la base aérienne 188 aux portes du désert djiboutien.

Désert mythique, aride par son climat, mais fertile par son histoire, car Djibouti a longtemps été traversé par des aventuriers dont l'itinéraire était invariable. Arriver par la côte, constituer sa caravane en direction de l'Abyssinie, puis rembarquer à Djibouti pour retourner en Europe, continuer son voyage vers l'Orient. Et de Rimbaud à Albert Londres, Monfreid, Loti, Kessel, Gary et tant d'autres, nombreux furent fascinés par cette région. Oui, je vous retrouve ici pour ces fêtes de fin d'année, pour Noël, aux portes du désert. Presque un symbole, mais je le fais ici avec une immense gratitude à votre endroit, pour vous et pour vos familles.

Je sais que plusieurs ici, ce soir, sont pour des déplacements plus longs avec leurs proches, leurs familles, et pour beaucoup d'autres, et nous passerons un moment de convivialité ensuite ensemble, loin des leurs pour ces fêtes de Noël et cette fin d'année. Et être à vos côtés, c'est aussi vous dire la gratitude de la nation toute entière pour l'engagement qui est le vôtre, le choix qui est le vôtre, la force morale qui l'accompagne et les sacrifices qui vont avec. Alors, en étant devant vous ce soir, j'ai comme à chaque fois une pensée avant tout pour toutes les familles endeuillées qui passeront Noël sans l'être cher, et pour tous ceux qui, dans chacune de nos unités, manqueront à l'appel. Je ne les citerai pas tous ce soir, bien évidemment, mais j'ai une pensée toute particulière pour ceux morts en opération au Liban et la famille Claudin, ou en service aérien commandé en France, comme les familles Mabire et Laurens, et mes pensées vont aussi au caporal-chef Vasil Bychyk, décédé ici, à Djibouti, le 30 octobre dernier, lors d'un accident de la route, au retour d'un exercice.

Je pense aussi, en cet instant, à vos côtés, à nos blessés, à nos pensionnaires des Invalides et, au fond, à tous vos frères d'armes. La patrie, à jamais, leur est reconnaissante. Noël aux portes du désert, c'est aussi l'image de votre capacité à tenir. Par la chaleur humaine ressurgie au milieu de la désolation, la force des liens de la fraternité, le fil rouge des valeurs que vous portez au nom de notre pays. Et je pense à tous vos frères d'armes engagés en opération ou en mission. Engagés au Liban, où la FINUL fait un travail extraordinaire, où les forces armées libanaises doivent monter en puissance et la paix revenir. Engagés en soutien de l'Ukraine, que nous continuerons à aider, comme nous l'avons fait ces dernières années, et tout particulièrement avec la Brigade Anne de Kyiv formée dans les camps de la Marne, et aujourd'hui déployée sur le front contre l'agresseur russe. Je salue l'engagement de nos armées dans la discrétion, loin des projecteurs, du Proche-Orient au sol africain et partout à travers le monde. Oui, et j'aurai l'occasion d'y revenir lors de mes vœux à nos armées.

L'année 2024 l'a montré comme peu d'autres, mais nous vivons dans un monde en transformation accélérée où la menace elle-même change. Qui eût dit, il y a ne serait-ce que 3 ans, que la FINUL serait prise sous les feux, que notre Marine aurait à donner le feu en Mer Rouge, assurant d'ailleurs, de manière exemplaire, la sécurité maritime et participant à celle de la région. Que l'année 2025 allait s'ouvrir avec une Ukraine, vous l'avez sans doute vu ces derniers jours, où le débat change de nature et nous nous engageons dans d'autres composantes, et où, de manière accélérée, nous avons à penser aussi plusieurs de nos territoires et de nos emprises historiques.

Regardez, nos Outre-mer, nos armées y ont un rôle, pour certaines historiques, mais qui est complètement en train de se réinventer. On le voit quand il s'agit de lutter depuis tant d'années contre l'orpaillage illégal en Guyane. On le voit quand il s'agit de lutter contre les narcotrafics aux Antilles. Mais ce qui a été fait par nos forces armées en quelques mois, de la Nouvelle-Calédonie à Mayotte, est exemplaire. Exemplaire. Et je pourrais citer tous nos territoires ultramarins où les opérations conduisent, la présence de nos forces, La Réunion aussi, bien évidemment, changent la vie, marquent la présence de la France, et est au cœur des préoccupations du pays et de sa sécurité.

J'étais il y a quelques heures, comme vous le savez, aux côtés de nos compatriotes à Mayotte. J'ai vu la désolation, la détresse, le désarroi, l'État y est mobilisé dans toutes ses composantes, et je veux ici dire combien nos forces armées y jouent un rôle essentiel. Ce sont près de 900 soldats qui sont aujourd'hui déployés, en plus, évidemment, de nos policiers, de nos gendarmes. Et cette présence rassure, mais cette présence, elle aussi, change la vie, sécurise, stabilise. Et donc, je le disais, oui, nos outre-mer sont en train de changer, vous y jouez un rôle fondamental de la même manière, et je sais combien cela nourrit des interrogations légitimes ici.

Notre rôle change en Afrique, mais c'est ce que nous avons voulu, parce que le monde change en Afrique, parce que les opinions publiques changent, parce que les gouvernements changent. Et parce que nous avons décidé de manière souveraine, en février 2023, après plusieurs années de changement progressif, de rebâtir un partenariat qui repose sur des partenaires respectés qui doivent expliquer leurs besoins, les formuler, et vis-à-vis desquels nous devons aider à la formation, aider à l'équipement, aider en renseignement, aider pour des opérations spécifiques, mais changer de la logique qui était la nôtre dans trop de pays de base installée, pléthorique permanente, qui nourrissait des ambiguïtés. On le sait, quand la vie politique avait à changer, et qui ne conduisait plus à une relation partenariale mature parce qu'elle ne reposait plus sur l'expression d'un besoin clair, identifié. Donc, c'est la force de nos armées de penser cela et de revenir sur des habitudes prises. Je veux remercier le ministre pour tout le travail qui a été fait en la matière et remercier le CEMA. Vous faites bien, mon général. Et je sais la détermination et le courage qu'il faut pour parfois bousculer ces habitudes prises. Mais notre emprise évolue avec le monde, et c'est une bonne chose.

Alors ici, vous avez toujours été une emprise particulière, et cette base n'a jamais rien eu à voir avec le reste des bases que nous avons sur le sol africain. C'est d'ailleurs ce qui fait qu'il y a quelques mois, nous avons resigné pour 20 ans un traité qui l'installe et qui la pérennise, parce qu'elle nourrit la relation bilatérale. Oh combien ! Mais parce qu'elle a toujours eu un rôle stratégique qui va au-delà. Ici, et vous le savez mieux que quiconque, nous sommes au cœur de notre stratégie indopacifique. Je l'ai formulée en 2018, mais elle avait commencé avec cette base bien avant. Et entre Djibouti, les Émirats arabes unis, nos forces armées déployées sur notre sol, les FAZSOI en Réunion, eh bien, c'est ce triangle, si je puis dire, qui structure, avec les autres emprises, les opérations que nous pouvons faire en Océanie, plus largement dans le Pacifique. Cette stratégie indopacifique, elle ne serait pas possible militairement sans Djibouti.

De la même manière, c'est une mission de sécurisation dans tout le détroit pour des voies stratégiques de passage de défense et commercial, et c'est aussi, et ce sera d'ailleurs à réinventer, un point de projection pour certaines de nos missions africaines. Et donc, je veux ici marquer la différence entre ce que, chaque jour, vous bâtissez depuis cette base et ce qui est fait, la restructuration de notre approche sur le continent africain. De tout ça, j'aurai l'occasion de reparler, mais je voulais ce soir, en toute transparence et avec beaucoup de force, vous le redire.

Oui, ici, les FFDJ font un travail remarquable, indispensable, apprécié par notre partenaire djiboutien. J'étais avec le président il y a quelques instants et je le retrouverai demain, contribuant à rendre, comme je le disais, encore possible la liberté de navigation dans la Mer Rouge. Nous avons plusieurs partenaires, mais vous jouez un rôle fondamental. Si usant que soit, je le sais, cet état d'alerte permanent dans une zone en crise, vous coopérez parfaitement avec les forces armées djiboutiennes. Et je sais qu'une dynamique d'approfondissement se développe, et c'est aussi une des choses que nous voulons, à travers ce traité.

Opérations, exercices conjoints, entraînements dans des conditions extrêmes sont possibles grâce à la volonté des autorités djiboutiennes de nous accueillir ici, chez elles, dans cette terre des extrêmes, extrême beauté, extrême rudesse climatique, et de le faire en nous assurant, c'est aussi une des bases de cet accord, la liberté de mouvement. Et la capacité, justement, à bâtir nos exercices. À cet égard, nous sommes en effet des partenaires de longue date, des partenaires de choix, de cœur et d'avenir pour Djibouti et pour nos amis dans la région, et c'est pourquoi ce partenariat est en effet gagnant-gagnant. Et donc, comme je le disais, c'est fort de cela que nous avons décidé cette année de signer pour les deux décennies qui viennent un nouveau traité qui donne de la visibilité et qui approfondit encore celui-ci. Solidité dans le temps long, stratégie, qui reconnaît aussi l'importance de la relation bilatérale, car la communauté française aujourd'hui est forte de 5 000 personnes en cette terre, forme une population intégrée, appréciée, estimée. Et vous, militaires français qui formez une partie de cette communauté, qui vivez ici, pour certains en famille, portait aussi la marque de cette singularité de la relation.

La communauté française appartient à la vie de ce pays et je sais combien elle est importante pour nos hôtes et je veux ici les en remercier. Nous agissons pour, avec et au milieu des Djiboutiens, comme on a coutume de le dire, et je retire de cela une extrême fierté. Et nous pouvons légitimement être fiers, avec nos partenaires exceptionnels et multidimensionnels, d'être au cœur des opérations et de la coopération dans une zone stratégique.

2 000 militaires djiboutiens formés et entraînés cette année, 33 escales de bâtiments soutenus, la sécurité de la zone, la protection permanente de l'espace aérien djiboutien, des actions décisives pour garantir la liberté de navigation en mer, comme je le rappelais, un système crotale déployé à court préavis, parfaitement synchronisé avec les différents partenaires. Je ne cite qu'une partie des prouesses qui ont été effectuées, mais elles forcent l'admiration, le respect, et elles marquent surtout la fiabilité. Alors, merci de cela.

Et puis, je veux ici vous dire également combien les FFDJ sont au cœur des transformations. Il y a derrière nous une partie des équipements pour certains historiques qui, par leur robustesse, ont marqué nombre de théâtres. Le Caesar, et merci des rotations acceptées, certains ont pu être redéployés. Et le Caesar marque la force aussi de nos armées, de nos équipements à travers le monde sur le théâtre ukrainien. Vous serez également ici au cœur de la modernisation de nos armées, voulue à travers deux lois de programmation militaires, puisqu'eux auront à se déployer les Rafale dans les années qui viennent et la poursuite de la modernisation et tout le système SCORPION et ce qui s'en suit. Et donc, la modernisation de nos armées, voulue, pensée, eh bien, se traduira pleinement en actes et en capacités au cœur des FFDJ. Vous verrez donc ici la conséquence de ces choix. Je veux vous le dire aussi avec force, depuis maintenant près de 8 ans, j'ai l'honneur d'être à la place où les Français m'ont mis.

J'ai eu à cœur, à vos côtés, d'essayer de repenser l'état du monde et de décider, puis faire voter, deux lois de programmation militaire. Elles ont fait historique dans notre République, été respectées à l'euro près, quels que soient les changements du monde, les pandémies, le retour des guerres ou parfois les soubresauts. Et donc je veillerai, conscient aussi que toutes les forces politiques de la nation voient le monde tel qu'il est, et vos mérites. J'ai donc confiance dans notre capacité à continuer à exécuter notre loi de programmation militaire à l'euro.

Alors ce soir, aux portes du désert djiboutien, je redis ma confiance. Ma confiance à vous, Monsieur le Ministre, pour le travail que vous effectuez et merci à notre ministre de l'Europe et des Affaires étrangères d'être à nos côtés ce soir. Et je redis ma confiance dans le Chef d'état-major des armées, mon général. Merci de votre engagement exemplaire à mes côtés depuis ces années, avec ces profonds changements. Général, sous la direction duquel vous remportez des succès. Et je salue les Marsouins du 5 de guerre, je salue les aviateurs de la base aérienne 188, et je salue les marins de la base navale. Je salue les militaires et le personnel civil du groupement de soutien, commissariat, comme de l'ensemble des directions et services interarmées sans lesquels les FFDJ ne pourraient être ce garant de paix que j'évoquais au cœur de la corne de l'Afrique. Et je salue ici ce soir aussi les armées djiboutiennes, notre partenaire.

Au-delà de tout cela, et avant de vous rejoindre pour un moment plus convivial, laissez-moi vous dire que je salue votre courage et votre engagement. Ma plus grande fierté, c'est vous. Et mois après mois, nous parlons de changement de la menace, nous votons des lois, nous changeons les équipements, nous modernisons, et il faut le faire, nous innovons. Mais j'ai mesuré à chaque instant que la plus grande force de nos armées, c'est la force d'âme. Ce sont les femmes et les hommes qui la font. C'est le choix résolu de donner à la patrie tout ce qu'ils ont. C'est le choix résolu, pensé, de donner et ce jusqu'au sacrifice ultime. Cet engagement, c'est la plus grande force de la nation. Ne l'oubliez jamais. Et dans un monde où tout semble s'effondrer parfois, où les repères se perdent, où les commentaires sont parfois plus importants que les actes et où les esprits, quelquefois, se dissolvent, gardez cet engagement, sa solidité, sa robustesse. Gardez cette force d'âme. C'est ce qui nous sauve et ce qui nous tient.

Je suis fier d'être là devant vous, fier de ce que vous êtes, fier de pouvoir compter sur vous, comme vous pouvez être sûrs à chaque instant de pouvoir compter sur moi.


Vive l'amitié franco-djiboutienne, vive la République, vive la France.