Texte intégral
ORIANE MANCINI
Et notre invité politique ce matin, c'est Agnès PANNIER-RUNACHER. Bonjour.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation, ministre de la Transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Ça fait beaucoup de sujets à voir avec vous. On voit ça dans quelques instants. Le temps de présenter Julien LECUYER. Bonjour, Julien.
JULIEN LECUYER
Bonjour, Oriane. Meilleurs voeux.
ORIANE MANCINI
Meilleurs voeux également, Julien, de La Voix du Nord, qui représente évidemment la presse régionale dans cette émission. On commence, avant de parler de vos dossiers, sur le Gouvernement qui poursuit donc ces discussions sur le budget. Jusque tard, hier soir, il y avait une réunion avec les partis de gauche hors LFI. Est-ce que vous êtes favorable, vous, à une suspension de la réforme des retraites pour trouver un accord de non-censure avec la gauche ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vais d'abord dire de quoi il est question, parce qu'on n'a pas de budget aujourd'hui. Je ne connais pas quelqu'un sur le terrain qui ne soit pas furieux. Je pense notamment à nos élus locaux. Vous savez que c'est la saison des voeux. Moi, je suis une élue du Pas-de-Calais, donc je rencontre beaucoup de maires en ce moment qui ne soient pas furieux de cette situation parce que l'absence de budget, c'est un poison lent et dans mes politiques, moi, je le vois tous les jours. Je ne sais pas, par exemple, comment je vais être capable de payer ma Prime Rénov. On n'a toujours pas trouvé la façon juridique de le faire. Donc, c'est un arrêt des politiques publiques qui est absolument terrible et donc, il faut qu'on puisse avancer.
JULIEN LECUYER
Il faut des compromis.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et pour avancer, il faut des compromis. Et la porte est ouverte, la main est tendue, c'est très clair. Et donc sur la réforme des retraites, bien sûr qu'on est prêt à avance, mais on est prêt à avancer de manière à ne pas reculer sur une chose qui est essentielle, qui est le financement des retraites. Parce que je rappelle que cette réforme de retraite, elle visait une chose : sauver notre système de retraite. Un système de retraite qui n'est pas financé, ça veut dire qu'un jeune, aujourd'hui, qui rentre sur le marché du travail, il sait d'emblée qu'il n'aura pas de retraite à la sortie.
JULIEN LECUYER
Mais la suspension, Madame la Ministre, la suspension, est-ce que vous pensez que c'est une manière d'adoucir les choses et de permettre tout simplement d'atterrir sur le budget ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais nous, ce que nous proposons, c'est d'ouvrir des discussions.
JULIEN LECUYER
Sans suspension.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça veut dire quoi suspendre ? Il faut une loi. Donc, il faut pouvoir voter. Donc, on commence par voter une loi avant d'avoir fait le projet de finance ?
JULIEN LECUYER
Non, c'est de dire : « On met en suspens, à l'heure actuelle, ce qui devait passer et on attend à la fin des discussions.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Julien LECUYER, moi, je suis quelqu'un de responsable, je suis une femme politique, on doit trouver un budget rapidement, on doit permettre aux Français de vivre normalement, on doit répondre à leurs questions, c'est tout ce qu'ils demandent, qu'on réponde à leurs questions.
ORIANE MANCINI
Mais juste, vous êtes prêts à aller jusqu'où sur la réforme de retraite ? Vous dites : « La ligne rouge, c'est le financement », est-ce que si vous trouvez d'autres sources de financement…
AGNES PANNIER-RUNACHER
La ligne rouge ce n'est pas le financement, la ligne rouge, c'est de sauver notre système de retraite. La ligne rouge, c'est de ne pas trahir les jeunes générations en les mettant dans une situation où ils n'ont pas de retraite. Et ça, c'est une ligne rouge que je pense que tout le monde partage.
ORIANE MANCINI
Est-ce que vous êtes prêts à revenir sur les 64 ans si d'autres sources de financement sont trouvées ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais je pense, encore une fois, que la porte est ouverte et la main est tendue.
ORIANE MANCINI
Y compris sur cette question des 64 ans.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Il n'y a pas de tabou sur la réforme des retraites. Par contre, les faits sont têtus, les chiffres sont têtus, nous sommes dans un déficit majeur, la population vieillit, j'enfonce une porte ouverte, la population vieillit en France. Et donc, là où il y a quarante ans, on finançait en moyenne treize ans de retraite, aujourd'hui, c'est quasiment le double et la démographie française fait qu'on fait moins de bébés en France, donc moins de jeunes capables de financer le système de retraite de leurs aînés. Et donc, ce sujet-là, il est sur la table et c'est l'intérêt des Français qu'on le prenne sérieusement. À partir du moment où on le prend sérieusement, je pense que nous, nous n'avons pas de tabou.
ORIANE MANCINI
Est-ce qu'en touchant à cette réforme des retraites, vous ne risquez pas de perdre sur la droite ce que vous pourriez gagner sur la gauche ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Parce que vous pensez qu'à droite, on aurait des oppositions sur le fait d'avoir un système de retraite équilibré et qui résulte d'une négociation avec les organisations, qui résulte d'une négociation avec les organisations professionnelles ?
ORIANE MANCINI
Non mais à droite, on peut avoir des oppositions sur le fait de revenir sur la réforme des retraites.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, je ne le pense pas. Je ne le pense pas à condition que la négociation se fasse de bonne foi.
ORIANE MANCINI
On sait que dans votre majorité, chez les LR, tout le monde acceptera de revenir sur la réforme des retraites ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je pense que les députés que j'entends, et j'ai été beaucoup au contact des députés non seulement de gauche, mais également LR, ne peuvent pas contester une réforme des retraites qui réponde à cet enjeu de responsabilité vis-à-vis des jeunes générations, mais également d'équité entre ceux qui ont eu des métiers pénibles par rapport à ceux qui, peut-être comme nous, ont des métiers un peu plus confortables, qui ne nous usent pas prématurément, physiquement. Ça, je pense que tout le monde le partage. La question aussi de l'égalité des femmes, on sait que les femmes, aujourd'hui, ont des retraites qui sont inférieures de 40% aux hommes. Personne ne peut se satisfaire de ça. Donc, ces sujets-là, ils étaient très largement partagés à l'Assemblée nationale. Donc, on le met sur la table, on a des organisations professionnelles qui sont aussi responsables, et avançons ensemble. Si on a cet esprit-là de co-construction et de responsabilité, on y arrivera. Si des gens veulent faire de la petite politique, bien sûr qu'on n'y arrivera pas, mais ça ne sera pas dans le sens de l'intérêt des Français.
ORIANE MANCINI
Allez, on passe à un autre sujet, Julien ?
JULIEN LECUYER
Oui. En fait, on va rester dans ce sujet, puisqu'on a parlé du budget de votre ministère, et de fait, on a besoin de savoir désormais si vous avez des garanties sur le maintien de votre budget, sur les moyens qui seront alloués à la transition écologique. On a beaucoup de doutes, puisque le budget BARNIER prévoyait des coupes dans la transition écologique, moins pour la Prime Renov', moins pour les aides à l'achat des véhicules électriques. Où est-ce qu'on en est actuellement ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, moi, je vais être très claire. Les difficultés financières dans lesquelles nous sommes n'enlèvent rien à l'urgence écologique. Je me suis exprimée très clairement sur ce sujet-là, il y a plusieurs mois. J'ai obtenu dans le Gouvernement BARNIER, des améliorations significatives du budget. Je pense au budget décarbonation de l'industrie, je pense à ce que j'ai obtenu sur ce qu'on appelle l'adaptation au changement climatique, pour être très concrète, c'est tout ce qui va nous permettre de financer des travaux pour protéger les gens contre les inondations, contre les incendies, etc. Ça, c'est très concret. On a un dérèglement climatique, on a des impacts climatiques majeurs, il faut protéger les Françaises et les Français. Donc ces garanties-là, ou ces avancées-là, je souhaite les conserver. Juste préciser une chose, nous n'avons pas de diminution sur Ma Prime Rénov, nous avons une augmentation, aujourd'hui, par rapport aux crédits consommés l'année dernière.
JULIEN LECUYER
Il n'y a plus la volonté de couper d'un milliard dans Ma Prime Rénové ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, c'est faux, puisque le budget que vous évoquez, il n'a jamais été donné en 2024. Donc, en réalité, nous sommes quasiment au niveau du budget le plus élevé de l'histoire de Ma Prime Rénov'. Et de ce fait-là, je suis tout à fait satisfaite de ce budget-là.
ORIANE MANCINI
Vous êtes confiante ? Parce que finalement, rien n'a été voté dans votre budget. Est-ce que vous êtes confiante sur le fait que les avancées que vous avez obtenues sur Michel BARNIER seront bien maintenues dans le budget qui va revenir au Sénat la semaine prochaine ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, ce que je comprends des discussions dans lesquelles nous sommes, c'est qu'effectivement, ces avancées constituent le point de départ de la discussion. Et donc, cette copie-là me satisfait.
JULIEN LECUYER
Ça veut dire que vous n'avez plus…
ORIANE MANCINI
Mais ça veut dire que ce sera bien le point d'arrivée surtout ? Parce que ce qui compte, ce n'est pas tant le départ, c'est l'arrivée.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Encore une fois, ces avancées, elles ont été discutées avec les députés et avec les sénateurs. Donc, effectivement, si on devait revenir sur le fonds chaleur par exemple, qui est un sujet sur lequel je me suis beaucoup battue. Alors, le fonds chaleur, pour ceux qui nous écoutent, c'est un peu mystérieux, mais en gros, c'est un financement qui permet aux collectivités locales de mettre en place des réseaux de chaleur qui font baisser la facture de leurs habitants sur leur territoire et en même temps, de baisser les émissions de CO2. Donc, c'est une mesure qui est particulièrement utile pour le pouvoir d'achat et pour l'écologie. Et en plus, ce sont des travaux qui se font en France avec des entreprises françaises. Donc on, est gagnant sur tous les tableaux. Donc, effectivement, s'il y avait des régressions sur ce type de dossier, je crois que ce serait absolument incompréhensible.
JULIEN LECUYER
Est-ce que vous avez aussi des assurances sur l'évolution de ce qu'on appelait la fiscalité verte ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, d'abord, sur la fiscalité, l'électricité, les décisions sont prises et elles sont prises dans le sens que j'avais poussé, c'est-à-dire le fait de ne pas surtaxer l'électricité. Là aussi, ça aurait été incompréhensible pour les Français. Les Français payent une facture d'énergie qui est très importante. Non seulement, on imaginait de revenir à la fiscalité d'avant la crise, mais en plus, on voulait en remettre une mouche. Je pense que ça, ce n'était pas acceptable. C'est d'autant que l'électricité française, elle est nucléaire, elle est renouvelable, elle est donc décarbonée. Nous sommes un des champions du monde de l'électricité décarbonée et elle est produite en France avec des entreprises françaises. Donc, là encore, on est totalement gagnant.
JULIEN LECUYER
Ça veut dire que les... Excusez-moi de revenir, parce que l'électricité, ça concerne beaucoup de gens sur leur facture. Ça veut dire qu'on va quand même réussir, là aussi, à garder quand même une facture d'électricité cohérente, sans augmentation dans les mois prochains ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est même une diminution de la facture. Au 1er février de cette année, le tarif réglementé va baisser de 14%. Ce n'est pas l'épaisseur du trait, 14%, c'est une bonne nouvelle. Alors, c'est une baisse qui intervient après des hausses successives, mais moi, je veux le dire, j'ai beaucoup tenu à ce qu'effectivement, on ait une baisse de la facture d'électricité, parce que c'est un enjeu absolument prioritaire pour le pouvoir d'achat des Françaises et des Français, et pour les entreprises, pour leur compétitivité.
JULIEN LECUYER
Quand je parlais de fiscalité verte, on a entendu dire aussi que François BAYROU serait favorable au maintien d'une hausse des taxes sur les billets d'avion, vous le confirmez ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, je soutiens cette taxe sur les billets d'avion. D'abord, tout le monde en France ne prend pas l'avion. Et l'aviation est un des facteurs d'émission de CO2 importants. Pas seul, mais c'est un facteur d'augmentation des émissions.
JULIEN LECUYER
Le secteur direct risque aussi de provoquer une crise de leur secteur, de leur filière.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça veut dire qu'en fait, sur un billet d'avion, et en particulier en classe affaires, on risque d'avoir des augmentations de quelques dizaines d'euros. Donc, je pense qu'en termes d'équité et de répartition de l'effort, c'est tout à fait acceptable. Et à un moment, il faut être un peu cohérent. Si on veut baisser les émissions de gaz à effet de serre, et je rappelle que baisser les émissions de gaz à effet de serre, c'est lutter contre des aléas climatiques, enfin, contre des catastrophes climatiques qui vont nous coûter très cher, qui mettent en danger les populations, et qui sont susceptibles d'impacter fortement notre pouvoir d'achat. Donc, à un moment, soit on agit, soit on ne fait rien. Moi, je suis dans le camp de ceux qui agissent.
JULIEN LECUYER
Juste une dernière question sur l'adaptation aux changements climatiques, la hausse de la fiscalité sur les très hauts revenus semble s'éloigner parce qu'il y a des difficultés, même au niveau juridique, pour le rattraper dans le budget de 2025.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement. À partir du moment, et c'est un des effets encore une fois, pas de budget au 1er janvier, il y a une partie des mesures qu'on ne peut pas mettre en oeuvre en 2025.
JULIEN LECUYER
On ne peut pas être rétroactif. Sauf que ça devait participer, je crois, au financement de l'adaptation au changement climatique. Ma question en fait, elle revient surtout à ça, c'est de savoir est-ce que la France aura les moyens de cette adaptation climatique ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, non, puisque vous savez que les recettes ne sont pas affectées à des dépenses, et que le budget que j'ai suis allée négocier dans le Gouvernement BARNIER a été augmenté de 30% sur l'adaptation au changement climatique. 30 % parce que, précisément, les besoins sont en train d'augmenter, et ce budget, il est calibré pour répondre à cette augmentation de besoins.
ORIANE MANCINI
Agnès PANNIER-RUNACHER vous êtes également ministre de la Pêche. Est-ce que d'abord vous nous confirmez la fermeture du golfe de Gascogne dans les prochains jours, pour notamment protéger les dauphins ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, oui, je vous le confirme, mais je vais peut-être expliquer de quoi il retourne à ceux qui nous écoutent. De quoi s'agit-il ? Depuis plusieurs années, on a constaté l'arrivée sur nos plages de dauphins morts. Et je ne parle pas de trois dauphins, je parle de milliers de dauphins qui s'échouaient sur nos plages, sur ce qu'on appelle le golfe de Gascogne. Alors là aussi, en fait, ça part de l'Espagne et ça va jusqu'à la pointe de la Bretagne. Donc, c'est une surface, c'est très large comme façade atlantique. On a été condamnés pour ça, puisque le dauphin est une espèce protégée. Et le risque était fort sur le maintien des dauphins dans cette zone. On a pris le taureau par les cornes, mes prédécesseurs ont pris le taureau par les cornes. Ils ont travaillé avec les scientifiques, avec les pêcheurs, sur la fermeture du golfe de Gascogne, un mois, pour 300 bateaux, qui évidemment, étaient indemnisés. Au bout d'un an, on a fait la mesure de cette action, de ce dispositif. On a diminué par quatre le nombre de dauphins morts sur nos côtes, donc ça marche. Effectivement, je vous confirme que j'ai décidé de prolonger ce dispositif, comme cela avait été envisagé initialement deux ans, non seulement cette année, mais l'année prochaine, que nous allons évidemment indemniser, et l'indemnisation, je vous l'annonçais, vingt millions d'euros d'enveloppes mobilisées pour indemniser les pêcheurs et indemniser aussi ce qu'on appelle l'aval de la filière, parce que vous avez des gens qui travaillent, avec, derrière les pêcheurs et c'est important qu'ils ne soient pas sans solution.
ORIANE MANCINI
Donc, c'est plus que l'enveloppe précédente, si je ne me trompe pas ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est un peu plus, en tout cas, on sécurise les moyens, ça, c'est clair. Et dernier point, nous allons surtout, parce qu'un pêcheur, il est là pour pêcher, et moi, je ne suis pas de ceux qui veulent empêcher les gens de faire leur travail. Donc, le plan que nous avons doit permettre, dans les semaines qui viennent, de mettre en place un certain nombre d'équipements, des caméras, de ce qu'on appelle des effaroucheurs, c'est-à-dire que pour éloigner les dauphins des bateaux de pêche lorsqu'ils sont en opération, d'autres systèmes, je ne rentre pas dans le détail, l'idée étant de prouver que ces systèmes fonctionnent, dans les deux ans qui viennent, et donc, de faire la démonstration que nous sommes capables d'avoir à la fois une activité de pêche qui n'empêche pas les dauphins d'évoluer dans le golfe de Gascogne et de concilier la pêche et la préservation des dauphins. Donc, nous faisons ça avec les pêcheurs et avec les scientifiques.
ORIANE MANCINI
Juste pour qu'on soit bien clair sur les dates, ce sera bien du 20 janvier au 22 février ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est du 22 février.
ORIANE MANCINI
Du 22 janvier au 20 février, c'est l'inverse, la fermeture. Ce sera donc reconduit à peu près à la même période l'année prochaine, en 2026 ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Les dates sont intangibles, 22 janvier-20 février.
ORIANE MANCINI
Même pour l'année prochaine. Vous parlez d'une indemnisation de vingt millions, est-ce que ça veut dire que les 300 pêcheurs dont vous parlez, en gros, ce sont ceux qui ont des bateaux de pêche de plus d'huit mètres, ils seront intégralement compensés de leurs pertes ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Les pêcheurs sont compensés à hauteur de 80 à 85 % de leurs chiffres d'affaires. Ça veut dire qu'a priori, ils sont assez largement compensés. On peut avoir des cas particuliers et on les étudiera de manière spécifique, le cas échéant, Moi, je suis évidemment ouverte à la discussion. Mais pour vous donner une idée, par rapport à la même situation, les pêcheurs espagnols sont compensés à hauteur de 46% du chiffre d'affaires. Donc, moi, j'assume de faire cet effort important de compensation de nos pêcheurs. On connaît la situation de nos pêcheurs, on sait que la ressource halieutique diminue, on sait qu'il y a de la concurrence, parfois déloyale, en tout cas très forte sur nos zones de pêche, donc, il faut être derrière eux et les accompagner.
ORIANE MANCINI
Parce que vous les entendez évidemment, ces pêcheurs, ils contestent cette mesure. Est-ce qu'il n'y a pas d'autres solutions pour protéger les espèces ? C'est notamment ce qu'ils demandent. On ne peut pas réfléchir à d'autres solutions ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, c'est ce que nous sommes en train de faire, c'est-à-dire que nous allons travailler avec eux sur ce plan. Je poursuis ce plan qui a fonctionné, encore une fois, on a divisé par quatre le nombre de dauphins échoués, donc ça marche, il n'y a pas de doute. Et ensuite, tout le travail qui est devant nous, il faut aller très vite, il faut vraiment le faire avec beaucoup de rigueur, avec les scientifiques et avec les pêcheurs. C'est de mettre en place ces équipements qui permettent d'éloigner les dauphins des bateaux et qui permettent, effectivement, aux pêcheurs de continuer leur métier. Moi, je comprends complètement leur frustration de ne pas pouvoir faire leur métier et ce n'est pas le sens de mon action. Moi, Je suis là pour que les agriculteurs puissent travailler, pour que les pêcheurs puissent travailler, mais avec des règles du jeu qui permettent de concilier environnement et activité économique.
JULIEN LECUYER
Il y a d'autres pêcheurs qui vous attendent avec impatience, ce sont les pêcheurs boulonnais chez qui vous allez demain, très tôt, parce que j'ai cru comprendre. Le président du comité régional des pêches des Hauts-de-France, c'est un peu offusqué qu'il n'y ait pas de ministère dédié à la pêche, il a eu des mots assez durs sur le sujet, souvent lié au fait qu'il n'est pas très rassuré sur le fait que, déjà, il n'y ait pas une permanence dans les ministères, et surtout à savoir quelles vont être vos positions vis-à-vis de la Grande-Bretagne, on sait qu'il y a une clause de revoyure du Brexit, il y a une forte concurrence avec les pêcheurs anglais, souvent très agressifs dans notre zone littorale, qu'est-ce que vous comptez leur dire à ces pêcheurs ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, je vais être très claire, j'ai négocié au niveau européen des dossiers difficiles comme le nucléaire face par exemple à l'Allemagne, et j'ai gagné, et négocier au niveau européen, je pense avoir un petit peu d'expérience sur le sujet, d'autres textes, j'ai également porté un certain nombre d'autres textes, donc, évidemment, dès maintenant je souhaite travailler sur la préparation de cette négociation sur le Brexit qui a vocation à se passer, enfin, à se dérouler pour 2026, mais ça commence aujourd'hui, ça commence dès maintenant, je serai à Bruxelles à la fin du mois et je rencontrerai les commissaires en charge de ces sujets, à la fois le commissaire de la pêche, mais également d'autres commissaires parce que vous savez que dans les décisions qu'on prend, dans la négociation du Brexit, il n'y a pas que les sujets de la pêche, donc, il faut trouver les contreparties, il faut trouver les éléments qui permettent de dire : « On sera très fort sur la pêche, mais on peut échanger ça contre quelque chose », donc il faut chercher, il faut travailler ça tout de suite. Et puis j'ai déjà passé quatre heures avec le comité national des pêches et son bureau, avec le président du comité des pêches et son équipe rapprochée pour travailler ces sujets-là. Moi, je le serai absolument intraitable sur le fait de défendre les intérêts de la pêche française vis-à-vis du Royaume-Uni et de faire en sorte que la Commission européenne prenne en compte ces intérêts de la manière la plus rigoureuse possible et n'en considère pas que c'est un élément secondaire de la négociation. Non, c'est un élément central de la négociation.
JULIEN LECUYER
Ils vont vous interpeller aussi sur les aides au carburant, sur le renouvellement de la flotte, sur l'abondance administrative, puisqu'eux aussi, un peu à l'instar des agriculteurs, sont touchés par ce léviathan administratif, comme on a l'habitude de l'appeler, là aussi est-ce que vous avez des choses à leur dire ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, sur le renouvellement de la flotte, c'est un sujet très important et je le prends d'autant plus à coeur que c'est un sujet de compétitivité, mais aussi de confort pour les pêcheurs. On a des flottes qui sont en train de vieillir et c'est un sujet de décarbonation et donc de baisse des émissions, donc c'est une façon, là encore, d'être au coeur de ce que je porte dans mon portefeuille, c'est-à-dire une écologie qui soit économiquement viable et une économie qui soit environnementalement responsable. Nous avons, avec les énergies marines renouvelables, une source de recettes qui va augmenter, le sujet est aujourd'hui comment on met en place une tuyauterie, donc, les éoliennes marines, comment on met en place une tuyauterie pour que les recettes qui viennent des éoliennes marines arrivent bien vers les pêcheurs et permettent de financer le changement de bateau, l'investissement dans les bateaux et ça, je crois que c'est un sujet prioritaire et je souhaite m'y investir très vite.
JULIEN LECUYER
Très bien.
ORIANE MANCINI
Julien.
JULIEN LECUYER
Question également sur, vous avez récupéré le portefeuille des forêts, alors, qui était historiquement rattaché à l'agriculture, alors, c'est vrai que là aussi ça a fait réagir puisque les acteurs de la filière bois notamment se sont posé la question du sens à donner à cette décision du Premier ministre, est-ce à dire qu'on n'a plus de vue sur l'économie ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vais le dire de manière très claire, ceux qui essaient de vous faire croire que l'écologie est un sujet de papillon et de dauphins n'ont rien compris à ce qu'est l'écologie. L'écologie, aujourd'hui, c'est un sujet de souveraineté, parce que lorsqu'on diminue l'accès aux ressources naturelles, on a un problème de souveraineté, si on n'a plus d'énergie, si on n'a plus d'eau, si on n'a plus de matériaux de construction, si on n'a plus de ressources alimentaires, si on n'a plus de ressources de poissons, c'est un problème de souveraineté, c'est un problème d'économie et d'emploi. 80% des emplois, en France, sont liés à un titre ou à un autre, à la nature. Toute la filière de l'industrie agroalimentaire, si vous ne produisez pas, elle n'est pas capable de travailler. Toute la filière de la pêche n'est pas capable de travailler s'il n'y a plus de poissons. Toute la filière du bâtiment a besoin d'un certain nombre de matériaux qui sont présents dans la nature. Donc, cette vision éculée de l'écologie doit complètement être renversée, et je veux porter ça. L'écologie, elle doit être envisagée sous un angle où nous continuons à protéger les Françaises et les Français, protéger leur emploi, leur activité, en permettant à nos activités d'être dans un environnement stabilisé.
ORIANE MANCINI
Pardon, une dernière question Julien, puisqu'aujourd'hui marque les dix ans d'attaque…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et donc, pour revenir sur la forêt, là aussi, j'ai passé deux heures avec la filière bois forêt, le 2 janvier ou le 3 janvier, donc, ça vaut dire que si je les ai reçues rapidement, pour les rassurer, c'est-à-dire que précisément, si on n'a pas une gestion durable des forêts, on risque de mettre à mal notre économie du bois et de la forêt.
ORIANE MANCINI
Une dernière question Julien, puisque je le disais aujourd'hui, marque les dix ans de l'attaque terroriste contre l'HYPER CACHER.
JULIEN LECUYER
Oui, il y a dix ans exactement, qui causait la mort de quatre personnes. Environ 1 500 actes d'antisémitisme ont été commis en 2024, un chiffre qui a été arrêté au 30 novembre. C'est autant qu'en 2023, année, qui avait connu déjà une explosion. Votre collègue Aurore BERGER, ministre déléguée à la lutte contre les discriminations, a dénoncé ce phénomène de société, attisée, dit-elle, par une gauche dévoyée. Vous êtes d'accord avec elle ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Écoutez, sur ce sujet-là, oui, je suis totalement d'accord avec elle, c'est-à-dire que, moi, je trouve insupportable de créer une sorte d'ambiguïté autour de la communauté juive en donnant le sentiment qu'ils seraient responsables de choses qui se passent à des kilomètres de la France. Et cette espèce de multiplication de faits antisémites est terrifiant. Moi, je souhaite qu'on soit intraitables dans la façon dont nous luttons contre l'antisémitisme. Intraitables. C'est un fondement de notre République que de protéger toutes les Françaises et les Français, quelles que soient leurs religions, quelles que soient leurs couleurs de peau, quelles que soient leurs origines. Et donc, à chaque fois qu'on attaque quelqu'un au nom d'une particularité quelconque, sa religion, sa couleur de peau, son origine, on attaque la République.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER. Merci d'avoir été notre invitée ce matin. Votre interview est à retrouver en podcast désormais sur notre site internet. Et là, une de la Voix du Nord, Julien, malheureusement, c'est un nouveau féminicide ?
JULIEN LECUYER
Oui, à Aumont, avec un hommage donné hier à la victime.
ORIANE MANCINI
C'est à lire dans la Voix du Nord. On va revenir sur notamment l'attaque de l'HYPER CACHER. Tout de suite dans le Club des Territoires.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 janvier 2025