Déclaration de M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins, sur la situation de la santé mentale des jeunes, à l'Assemblée nationale le 15 janvier 2025.

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  • Yannick Neuder - Ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins

Circonstance : Intervention à l'Assemblée nationale

Texte intégral

M. le président
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème "La santé mentale des jeunes".
La conférence des présidents a décidé de l'organiser en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.

(…)

M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Je remercie le groupe Horizons & indépendants d'avoir inscrit ce débat à l'ordre du jour. Le sujet est particulièrement inquiétant et je suis satisfait que François Bayrou, comme Michel Barnier avant lui, ait souhaité en faire une grande cause nationale.

Bien entendu, cette proclamation ne suffira pas pour que les choses s'arrangent spontanément. Il s'agit d'un sujet de longue haleine, sérieux, qui doit transcender nos divergences politiques, pour que nous puissions y apporter des solutions pérennes.

Je ne plaide pas pour mon cas, mais il faut aussi que le ministre de la santé puisse inscrire son action dans la durée – en quatre mois, rien n'est possible sur des sujets aussi graves.

La souffrance psychologique d'une partie de notre jeunesse doit nous interpeller. La crise sanitaire a été un révélateur, mais aussi un accélérateur, de ce phénomène préoccupant. Pourtant, elle n'est pas seule en cause, vous l'avez évoqué – éco-anxiété ou isolement derrière les écrans sont aussi responsables de la situation.

Les chiffres sont là : un enfant sur douze et 8,3 % des petits de 3 à 6 ans présentent des problèmes de santé mentale. En outre, nous sommes le premier pays consommateur de psychotropes en Europe ; c'est très inquiétant.

Je ne reviendrai pas sur les chiffres. Vous les connaissez, parfois même mieux que moi puisque certains d'entre vous ont travaillé sur le sujet – je pense notamment à Mme Dubré-Chirat qui, avec Sandrine Rousseau, vient de rendre un rapport sur la prise en charge des urgences psychiatriques.

On ne peut s'habituer à de telles statistiques, ni les accepter. C'est pourquoi je compte prendre ce sujet à bras-le-corps.

Je salue l'investissement du Parlement, et l'engagement des parlementaires de tous bords. Nous devons travailler ensemble au service de cette cause nationale, et coconstruire un plan d'action. En tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales, dès le 11 décembre, j'avais estimé que le rapport présenté par Mmes Dubré-Chirat et Rousseau pouvait constituer la trame d'une proposition de loi transpartisane.

Le point de vue du ministre que je suis devenu depuis n'a pas changé, d'autant que le temps presse. Nous n'avons pas le loisir de reprendre les diagnostics ; il faut agir, en s'appuyant sur certains d'entre vous, experts, comme Sébastien Peytavie, ou Anne-Cécile Violland, qui s'est penchée sur la santé mentale des femmes dans le cadre des travaux de la délégation aux droits des femmes. Enfin, n'oublions pas le groupe d'études santé mentale, qui a également fait des propositions.

Samedi, à Annemasse, aux côtés des soignants agressés, j'ai constaté combien la prise en charge des urgences psychiatriques peut aussi désorganiser celle de nos urgences – en l'espèce, sur soixante patients pris en charge là-bas, dix l'étaient pour des symptômes psychiatriques, et il s'agissait souvent de jeunes.

Les urgences sont le lieu où tous les problèmes de la société, mais aussi de la psychiatrie, se cristallisent.

Ce secteur manque de moyens, en premier lieu humains : il fait face à une pénurie de professionnels de santé, médicaux et paramédicaux, à même de prendre en charge ces jeunes patients dont les cas relèvent de l'urgence. Il manque aussi de lits : les fermetures de lits ont été trop nombreuses, en particulier dans ces secteurs. Le chiffre de 8 000 lits fermés en vingt ans, guère contesté, est inacceptable. Il faut désengorger ces services saturés, d'autant que cette situation alimente insidieusement la violence envers les soignants – 30 % des auteurs de violences sur des soignants souffrent de troubles psychiatriques. Les difficultés sont donc majeures.

La pédopsychiatrie les concentre encore davantage, puisqu'elle doit affronter à la fois les difficultés propres à la psychiatrie et celles qui caractérisent le secteur de l'enfance. Les pédopsychiatres ne représentent que 5 % des psychiatres en France, soit 780 praticiens – c'est très peu. Que ce soit en tant que député ou comme rapporteur général, j'ai répété que la formation devait être une priorité ; il faut former davantage. Mais former plus de médecins, de psychiatres, de psychologues, de paramédicaux prendra du temps. Je souhaite lancer un grand plan de formation des professionnels de santé et en garder la maîtrise afin d'éviter la fuite de tous ceux, jeunes ou moins jeunes, qui veulent se consacrer aux autres mais ne trouvent d'autre solution que de se tourner vers l'étranger pour se former.

Ces filières souffrent aussi d'un problème d'attractivité. Les internes ne les considèrent pas comme des filières comme les autres, vers lesquelles ils peuvent envisager de s'orienter. D'autres filières pâtissent de cette désaffection – la gériatrie, les soins palliatifs. Pas moins de 62 % des futurs médecins considèrent la psychiatrie comme une spécialisation moins prestigieuse – je reprends les termes employés dans le sondage –, et pour 37 % des internes, elle fait peur. Le problème n'est donc pas tant les conditions de travail, le statut ou la rémunération que l'image de la profession.

Des missions d'information ont eu lieu, bien qu'elles commencent à dater. Nous pouvons certes envisager de procéder à un audit sur les conditions de travail en psychiatrie, mais cela ne doit pas retarder l'amélioration de la prise en charge à laquelle nous devons travailler tous ensemble. Des travaux sérieux ont été menés par deux parlementaires et présentés en commission des affaires sociales. L'urgence à agir est telle que nous pouvons partir de ces travaux, et je soutiendrai le cas échéant une proposition de loi transpartisane qui s'en inspirerait.

S'agissant du déploiement de moyens supplémentaires pour la psychiatrie, la situation est assez paradoxale : les tensions n'ont jamais été aussi fortes dans ce secteur, et elles se font toujours plus aiguës en ce qui concerne les urgences, alors que l'engagement au plus haut niveau de l'État pour mettre au point un plan ambitieux en faveur de la psychiatrie est considérable – je pense notamment à ce qui a été fait entre 2018 et 2021. Nous partons cependant d'une situation qui reste très préoccupante.

Des mesures ont été évoquées. Le député Cyrille Isaac-Sibille a ainsi proposé de généraliser l'expérimentation qui a été menée dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il nous revient à présent d'analyser les résultats des différentes expérimentations de ce type. En fonction de leur pertinence, il faut envisager la possibilité de les étendre à tout le territoire national. Il est en effet crucial d'ancrer nos décisions dans les territoires. Je ne vois pas l'intérêt d'aller réinventer une autre expérimentation si celle menée à l'initiative du député Isaac-Sibille, qu'il me fera découvrir, peut être généralisée et s'adapter aux spécificités de chaque territoire, qu'ils soient ruraux, urbains, frontaliers ou montagneux. Lors de mon déplacement en Haute-Savoie samedi, mes interlocuteurs ont notamment insisté sur les particularités des territoires frontaliers.

Nous pouvons également renforcer les maisons des adolescents, comme l'un d'entre vous l'a souligné. Cette année consacrée à la santé mentale doit être le point de départ d'une politique de santé mentale en faveur de tous, en particulier des plus jeunes. J'espère donc qu'elle permettra de mettre sous le feu des projecteurs ce dispositif sous-utilisé, mal connu et insuffisamment inséré dans le réseau des acteurs.

Je tiens aussi à évoquer la stratégie nationale – j'y reviendrai, car il y a des questions sur ce point, notamment sur la prévention primaire et secondaire du suicide par le biais du dispositif d'accompagnement VigilanS, doté d'un numéro de téléphone. J'entends les critiques de Mme Guetté à l'encontre de Mon soutien psy, mais je m'en étonne, car en commission des affaires sociales, nous nous sommes beaucoup battus pour que ce dispositif soit généralisé et pour favoriser l'accès direct. En avez-vous pris acte ? Je n'étais au départ pas favorable à l'accès direct, mais les arguments de mes collègues en commission m'ont convaincu. C'est ainsi que les travaux parlementaires nous font évoluer : alors que l'on a ses propres convictions sur un sujet, on peut changer d'avis en écoutant des collègues qui connaissent beaucoup mieux la question. Nous veillerons collectivement – le sujet ne m'appartient pas – à ce que l'accès direct soit réintégré au projet de loi de financement de la sécurité sociale. J'avais demandé un rapport portant sur l'accès direct pour évaluer le taux d'hospitalisation, de suicide et de recours aux psychotropes à l'issue de ces douze séances, afin de déterminer si cette prise en charge est efficace.

Dans la continuité de mon action en tant que rapporteur général puis ministre, une de mes premières décisions a été de signer une lettre de couverture pour permettre à toute personne de plus de 3 ans de bénéficier de ces douze séances remboursées à hauteur de 50 euros à partir du 1er janvier 2025. Il faut cependant pouvoir évaluer correctement cette prise en charge. Nous devons être pragmatiques : la prise en charge proposée n'est peut-être pas suffisante, mais il faut bien partir de quelque part. Dans un contexte très tendu, avec des gouvernements dont la durée de vie n'a pas permis de mener un travail de fond, il est essentiel d'assurer la continuité des dispositifs qui fonctionnent. La hausse de la rémunération des séances est susceptible d'améliorer l'adhésion des psychologues au dispositif. Il faut aussi tenir compte du coût de la mesure, notamment rapporté au nombre de psychologues œuvrant au sein des centres médico-psychologiques. Vous avez été nombreux à dénoncer les délais inacceptables imposés à nos concitoyens, et qu'il faudrait raccourcir. Il faut concilier ces deux paramètres, ne pas avoir à choisir entre l'un et l'autre. Disposons-nous de suffisamment de soignants au sein des CMP ? Il faut adapter les capacités des formations pour pourvoir ces structures qui assurent une prise en charge de secteur. Cette séance est un débat, pas une soirée d'annonces, mais je souhaite que nous retravaillions sur ce point.

Le député Le Fur a rappelé que la prise en charge par secteurs pouvait poser des problèmes. L'organisation de la psychiatrie en secteurs a des avantages, mais elle implique aussi une hiérarchisation des urgences quand on passe d'un secteur à l'autre, ce qui peut constituer un frein. Quand un patient ne peut pas être pris en charge dans son secteur, il faut prévoir des dérogations pour qu'il puisse être pris en charge dans un secteur voisin. J'imagine que les petites Zoé sont nombreuses en France. Il faut voir comment on peut, au cas par cas, quand l'offre de soins est insuffisante, la trouver dans d'autres structures – c'est ce qu'on fait pour d'autres pathologies – sans enfreindre les règles.

M. le président
Monsieur le ministre, je vous rappelle que votre intervention sera suivie de quinze questions, soit une heure de débat en prenant en compte votre temps de réponse. Or il est déjà vingt-trois heures dix. Je vous laisse finir votre propos, mais gardez à l'esprit que vous pourrez aussi répondre après chaque question. Je voulais vous donner cet élément afin que nous ne débordions pas trop.

M. Yannick Neuder, ministre
Je vous remercie, monsieur le président. Je vais conclure, mais j'avais encore des choses à dire. J'ai déjà parlé dix-huit minutes, me laisserez-vous aller jusqu'à vingt ?

M. le président
Bien sûr, monsieur le ministre !

M. Yannick Neuder, ministre
Je souhaite répondre aux questions précises qui m'ont été posées. Je connais votre investissement sur ces sujets, madame Violland. Vous souhaitez que nous agissions. Je ne souhaite que cela, mais de grâce, laissons-nous le temps d'agir !

Mme Bourouaha a évoqué la question des outre-mer, un sujet d'importance, en particulier s'agissant de Mayotte. Les élus mahorais que j'ai rencontrés lors de mon déplacement souhaitent que l'on puisse trouver dans chacun des centres communaux d'action sociale (CCAS) des dix-sept communes de l'archipel un soutien psychologique. Je suis en train d'y pourvoir.

Monsieur Allegret-Pilot, les travaux que vous avez évoqués ont été menés avant le covid, or il y a un avant et un après covid. Je regrette les délais pour créer une mission interministérielle, délais en décalage avec la réalité. Nous n'allons pas mettre en place une mission interministérielle dans la minute, mais nous disposons d'un rapport d'information de qualité, présenté par des collègues, et par souci d'efficacité, je vous propose de nous en inspirer.

Madame Lorho, vous avez alerté à juste titre sur la hausse incroyable et inquiétante des prescriptions de psychotropes. Outre l'aspect financier, il faut en effet étudier les effets secondaires de ces traitements. Les plans de prévention sur lesquels j'aurai l'occasion de revenir dans la suite du débat doivent retenir comme critère d'efficacité la baisse de consommation de psychotropes, en particulier chez les jeunes.

Mme Nicole Dubré-Chirat a co-écrit un excellent rapport d'information qui définit cinq axes pouvant servir de base à la proposition de loi que j'appelle de mes vœux. Pour gagner du temps, je préciserai que l'on peut retrouver mon avis sur la question à la page 214 du rapport – j'étais alors rapporteur général, mais cela reste d'actualité maintenant que je suis ministre.

Madame Guetté, je ne souhaite pas polémiquer sur les sujets que vous avez évoqués. L'urgence est la cohésion nationale et les Français attendent que nous trouvions des solutions, que nous travaillions vite. Je n'en suis plus à chercher à savoir qui est responsable de quoi : en m'occupant de la santé psychologique et psychiatrique des Français, de la santé des soignants, je veux être le plus pragmatique possible. (Mme Clémence Guetté s'exclame.)

Votre proposition de loi sur les moyens de prévention, madame Jourdan, reviendra probablement sur l'organisation que vous appelez de vos vœux. Vous avez demandé un rendez-vous que j'espère pouvoir honorer au plus vite – en tout cas avant l'examen de votre texte dans le cadre de la niche parlementaire de votre groupe. Nous verrons alors si nous pouvons procéder à la généralisation que vous suggérez.

Je vous ai déjà répondu, monsieur Le Fur.

Monsieur Peytavie, je vous ai également répondu. Lors de l'examen du PLFSS, nous maintiendrons les mesures que nous avons défendues ensemble, notamment l'accès direct au dispositif Mon soutien psy et la possibilité de l'évaluer.

Je visiterai volontiers, monsieur Isaac-Sibille, les lieux de l'expérimentation que vous conduisez dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Je retiens votre lapsus, madame Piron, évoquant Parcoursup au lieu de Mon parcours psy. J'ai des enfants qui ont été confrontés à Parcoursup et je sais l'angoisse que ce dispositif a pu provoquer quelques dimanches soirs, quelques nuits.

Mme Marie Mesmeur
C'est hors sujet !

M. Yannick Neuder, ministre
Je m'interroge, je n'ai pas de solution.

Mme Marie Mesmeur
Abroger !

M. Yannick Neuder, ministre
Tout n'est pas blanc et tout n'est pas noir. On doit pouvoir orienter correctement nos étudiants sans forcément les stresser. C'est en tout cas ce que suggère le bon sens.

Je conclurai en répondant à M. Mathiasin. Vous avez souligné que les maisons des adolescents étaient peu nombreuses en outre-mer. Nous devons porter un regard particulier sur la santé en général en outre-mer. Malheureusement, depuis trois semaines que je suis ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins, je n'ai pu me rendre que dans les lieux de crise potentielle, qu'il s'agisse de Mayotte ou de La Réunion. On se rend toutefois vite compte de la spécificité de l'outre-mer, où les difficultés sont démultipliées. Je souhaite que nous travaillions sur cette question. Il faut déployer des moyens et réfléchir aux processus de formation.

J'ai peut-être été un peu long, mais je ne savais pas exactement ce que vous attendiez de moi…

Mme Clémence Guetté
Le sens de la synthèse !

M. Yannick Neuder, ministre
…et je répondrai de mon mieux à vos questions. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)

M. le président
Nous en venons aux questions. Je rappelle que la durée des questions, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes. Compte tenu de l'heure, je serai particulièrement vigilant sur le respect de cette règle.
La parole est à Mme Béatrice Bellamy.

Mme Béatrice Bellamy (HOR)
Chaque suicide est une catastrophe à l'origine de grandes douleurs, de traumatismes. Or celui-ci est en grande partie évitable, en particulier quand il s'agit des jeunes. En 2021, plus de 4 % des 18-25 ans ont déclaré avoir pensé à se suicider au cours de l'année. Depuis, cette spirale négative n'a fait que s'intensifier et c'est tout le secteur de la santé mentale des jeunes qui traverse une crise sans précédent.

Exposées à des pressions sociales et parfois familiales accrues, au harcèlement en ligne et aux violences sexistes et sexuelles, les jeunes femmes constituent un groupe particulièrement vulnérable. Aujourd'hui, le système psychiatrique est en grande difficulté pour répondre à cette urgence. Je le constate en Vendée, dans ma circonscription. L'établissement public de santé mentale déplore les délais d'attente qui s'allongent, les structures d'accueil débordées, la raréfaction des ressources humaines. Ce constat est d'autant plus alarmant qu'une prise en charge précoce est cruciale pour prévenir des drames.

Les jeunes sont l'avenir de la société, ils sont la France que nous construisons. Notre responsabilité collective est de garantir leur bien-être mental et de leur offrir le soutien dont ils ont besoin. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur plusieurs points ? D'abord, comment mieux intégrer dans la pédopsychiatrie les problèmes liés au psychotraumatisme, qui ne font qu'augmenter et favorisent les passages à l'acte suicidaire ?

Ensuite, la prostitution adolescente est de plus en plus présente. Une réponse spécifique, spécialisée, s'impose donc.

Enfin, quels sont les moyens les plus stratégiques alloués au projet territorial de santé mentale en cours d'élaboration ? Il s'agit là d'une urgence qui nécessite une action rapide et ambitieuse.

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre
Le suicide représente malheureusement 16 % des décès chez les 15-24 ans et 20 % chez les 25-34 ans. Je ne vous accablerai pas de chiffres, mais il faut savoir que les taux d'hospitalisation ne cessent d'augmenter et que, par défaut d'armement de soignants, nous ne disposons pas du nombre de lits suffisant. La situation est donc très tendue. Il va falloir agir au plus vite pour former plus de soignants et donc rouvrir des lits d'hospitalisation, afin de détendre les systèmes d'aval des urgences.

Il conviendra en outre de revaloriser les dispositifs de prévention primaire, comme VigilanS, pour accompagner les mineurs, de faire évoluer le 3114 en proposant une connexion permettant de tchatter, d'expérimenter le dispositif ElioS destiné à repérer, sur les réseaux sociaux, les jeunes en souffrance mentale. À ce propos, je ne reviendrai pas sur le fait que des adolescents peuvent se voir proposer par certains réseaux sociaux des tutoriels pour mettre fin à leurs jours – c'est tout simplement insupportable. Je sais que des parents ont à raison saisi la justice contre ces réseaux sociaux.

Enfin, il faudra nous rapprocher de l'éducation nationale, secteur qui souffre de la même instabilité que celui de la santé. Grâce à des mesures de long terme, nous disposerons de protocoles de santé mentale dans les établissements et pourrons repérer les plus jeunes en détresse.

M. le président
La parole est à M. Marcellin Nadeau.

M. Marcellin Nadeau (GDR)
Un rapport de la Cour des comptes, publié en mars 2023, a émis de fortes inquiétudes sur l'offre de soins en pédopsychiatrie. Si le nombre de psychiatres augmente, celui des pédopsychiatres diminue – de 34 % entre 2010 et 2022.

Comme l'ont souligné plusieurs de nos collègues, la situation est plus grave dans les collectivités d'outre-mer, où l'on compte moins de cinq praticiens pour 100 000 habitants de moins de 16 ans. À La Réunion comme à la Martinique, il est donc impossible d'assurer un accès précoce aux soins. Or dans nos pays, 30 % des moins de 20 ans sont confrontés à de graves addictions, à des violences, ou souffrent de détresse psychique.

Mais la psychiatrie présente un autre problème dans les collectivités d'outre-mer – je l'ai évoqué dans un précédent débat. C'est l'insuffisance du suivi psychiatrique dans les prisons. Et si c'est le cas en France, c'est pire en outre-mer, où les structures manquent. Avec les représentants syndicaux de l'administration pénitentiaire, nous parlons vraiment de discrimination structurelle entre l'Hexagone et les collectivités d'outre-mer. L'offre de soins n'y est pas inadaptée, mais quasi absente en milieu pénitentiaire – comme dans le milieu public.

Dans nos territoires, il n'existe en effet pas d'unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) ni d'unité pour malades difficiles (UMD), notamment en Martinique. Or seul ce type d'établissement pourrait répondre décemment aux besoins des patients, des familles et de la société – déjà fortement anxieuse. La création d'une UMD inter-régionale en Martinique est ainsi indispensable pour la zone Antilles-Guyane. Quand j'avais fait part de cette demande, lors d'un précédent débat, Mme Vautrin s'était engagée à la prendre en compte.

Puisque le premier ministre fait de la santé mentale des jeunes une priorité, peut-on espérer une véritable politique psychiatrique dans les dix collectivités d'outre-mer, notamment en ce qui concerne la pédopsychiatrie et la prise en charge des malades psychiatriques en milieu carcéral ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS.)

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre
Il ne serait pas crédible que, trois semaines après mon arrivée, j'aie la réponse à toutes vos questions. Reste que les collectivités d'outre-mer concentrent des difficultés économiques et démographiques supplémentaires, sans oublier l'éloignement du système de formation. Vous avez également parlé de la prise en charge psychologique et psychiatrique dans les prisons, sujet que j'ai déjà évoqué avec le ministre de la justice. Il arrive en effet que des places de prison soient occupées par des prisonniers qui ont des problèmes psychiatriques et sont de fait des patients qui devraient plutôt être pris en charge dans des unités de psychiatrie. Or nous en manquons.

Nous nous trouvons à une période charnière de crise de notre organisation politique. C'est pourquoi je propose une pluriannualité de nos budgets. Je souhaite également une hausse de l'Ondam qui nous permette de renforcer le plus rapidement possible la formation, d'augmenter les moyens de façon à prendre à bras-le-corps toutes ces questions. Je suis donc tout à fait disposé à travailler avec vous, mais je le répète, il faut voir loin car nous aurons à former les professionnels qui n'existent pas.

M. le président
La parole est à M. Olivier Fayssat.

M. Olivier Fayssat (UDR)
Quelque 10 % des lycéens ont envisagé au moins une fois une tentative de suicide ; un jeune sur sept risque une dépression. La prise en considération de ce mal-être profond suppose qu'on en identifie les causes et qu'on propose des mesures préventives avant d'avoir à en traiter les conséquences.

Dans cet effort nécessaire, je porte une attention particulière à la consommation de stupéfiants qui, à un âge où la personnalité est en construction, a des conséquences dévastatrices, y compris lorsqu'il s'agit de drogues douces – qui n'en sont plus.

Pour lutter contre ce fléau, il faut de la volonté, de la fermeté et des effectifs de police. Oui, nous avons besoin de brigades antidrogue pour sécuriser collèges, lycées et facultés. Nous jugerons de la volonté à leur déploiement à proximité des établissements d'enseignement. Quant à la fermeté, elle résidera dans la réponse judiciaire.

Je tiens par ailleurs à appeler votre attention sur le harcèlement scolaire, autre enjeu majeur face auquel il conviendra de répartir les efforts entre prévention, information et répression.

Enfin, il faut aussi regarder derrière nous. Tout n'était pas mieux avant, mais quand une situation se dégrade, il faut s'interroger sur ce qui a changé. Je pense à l'impact qu'auront les absurdités wokistes culpabilisant nos enfants sur une histoire révolue. Les enfants européens sont-ils vraiment coupables d'esclavage, complices de l'Inquisition et comptables de tous les conflits passés ? Naissent-ils endettés envers le monde ? Et que faire pour espérer le pardon de ceux qui ne sont d'ailleurs pas leurs victimes ? (Murmures sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

Rappelons-nous aussi la simplicité de ce monde ancien, peuplé seulement d'hommes et de femmes, un monde au sein duquel chacun pouvait se construire sur le fondement de la certitude d'être ce qu'il est. Toutes ces idéologies, inutiles et anxiogènes, infusent une vision déprimante, sans issue, d'un monde dans lequel notre jeunesse entre à peine. Pouvons-nous compter sur votre engagement pour protéger cette jeunesse ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre
Oui, vous pouvez compter sur mon engagement pour protéger l'ensemble de nos concitoyens, quel que soit leur âge, en particulier les plus vulnérables comme les adolescents et les jeunes.

Ont notamment été évoqués la consommation de drogues, la consommation de psychotropes, la consommation d'alcool et le harcèlement. Tous ces sujets nécessitent des politiques publiques sur le temps long.

Au risque de me répéter, je rappelle que pour pouvoir agir, il nous faut d'abord une certaine stabilité. Si vous souhaitez que nous travaillions ensemble, ce ne peut être simplement à l'occasion de ce débat. Du moins nos échanges auront-ils permis d'entendre les propositions des uns et des autres, et il me semble que sur 90 % des sujets, nous pouvons tomber d'accord et travailler collectivement à des solutions.

Je vous propose donc de travailler ensemble sur les sujets que vous avez évoqués, particulièrement inquiétants pour notre jeunesse. Mais, dans un premier temps, il nous faut un budget qui, je l'espère, nous donnera des moyens, et, dans un deuxième temps, une politique qui s'inscrira dans la durée afin d'agir au plus vite.

Seul, on avance vite, mais je pense qu'ensemble, nous pouvons aller plus loin, dans l'intérêt de notre jeunesse.

M. le président
La parole est à M. Julien Limongi.

M. Julien Limongi (RN)
Nos jeunes constituent nos forces vives. Ils sont notre avenir. Nous avons le devoir de les protéger et de leur permettre de s'épanouir.

Pourtant, leur santé mentale est dans un état alarmant : troubles anxieux, troubles alimentaires, insomnies. Parmi les causes de ce mal-être, j'aimerais attirer votre attention sur deux fléaux : le harcèlement scolaire et, plus généralement, la violence à l'école.

Ces phénomènes ne sont pas de simples incidents ; ils détruisent des vies et instaurent un climat de peur dans ce qui devrait être un sanctuaire.

Je pense aux élèves du lycée de Coulommiers, qui m'ont confié à quel point les violences minent leur moral, les angoissent et les empêchent de se concentrer sur leurs études.

Je pense aussi à ces parents de Melz-sur-Seine qui m'ont raconté la peur constante de leurs enfants face à un enfant violent et imprévisible, qui malheureusement pourrit la vie de tout un village sans qu'une solution soit trouvée.

Les élèves victimes, comme leurs familles, se sentent abandonnés. Le mal-être grandit, la motivation chute, et pour certains, cette fragilité mentale s'aggrave face à un désespoir qui devient leur quotidien, jusqu'à commettre l'irréparable.

Pourtant, que faisons-nous face à ces situations ? Plans symboliques, lignes d'écoute, cours d'empathie, mais malheureusement, nous ne nous attaquons pas directement à la violence.

La culture du "pas de vague", qui persiste dans nos administrations, tue à petit feu. Trop souvent, les victimes sont abandonnées, tandis que les agresseurs restent dans les établissements, perpétuant leur comportement.

Quand mettrons-nous à l'écart les élèves violents ou harceleurs, afin de recréer un climat paisible dans nos écoles ? Quand contraindrons-nous les administrations scolaires à prendre des mesures fermes et immédiates ?

Nous devons faire primer l'intérêt collectif en envoyant un signal fort aux victimes, pour leur dire qu'elles ne sont pas seules, et aux agresseurs, pour leur signifier que leurs actes auront des conséquences. Jules Ferry disait que l'espoir d'une nation réside dans sa jeunesse. Protégeons cet espoir avant qu'il ne sombre dans le désespoir. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre
Vous avez évoqué de nombreux sujets, probablement inspiré par des exemples concrets vécus dans votre circonscription. Nous avons malheureusement tous connu des épisodes de harcèlement dans nos circonscriptions. Je partage votre souhait de renforcer la répression en la matière. Oui, la peur doit changer de camp ; ce n'est pas le harceleur qui doit être maintenu dans l'établissement, c'est à lui de le quitter.

Le sujet ressort davantage du champ de l'éducation nationale que de celui de la santé ; mais je n'ai aucune intention de le contourner, bien au contraire. Je transmettrai donc tous ces éléments à ma collègue ministre de l'éducation nationale.

Sur ces sujets, qui nécessitent une prise en charge en profondeur, la réponse est encore la même : il faut de la stabilité et un travail sur le long terme. Je vous rappelle qu'existent des objectifs de renforcement des compétences psychosociales des enfants et des jeunes dans le cadre d'une stratégie nationale, à l'horizon 2037. Il faut que l'on puisse les appliquer.

Or notre pays ne dispose pas de budget actuellement, ni pour son éducation nationale ni pour sa santé – il n'y a de budget pour rien.

J'entends tous les maux que vous relevez, en tant que député de proximité, mais quels que soient les ministres et leur volonté d'agir, si l'on ne s'inscrit pas dans la durée et que l'on ne dispose pas d'un budget pour développer des politiques publiques, il n'y aura pas de solution. Si l'on veut être responsable en regard des situations que vous décrivez, il faut que nous agissions ensemble.

Mme Nadine Lechon
Cela fait longtemps qu'on vous le demande !

M. le président
La parole est à M. Alexandre Dufosset.

M. Alexandre Dufosset (RN)
Ce soir, nous tombons tous d'accord pour dire que la santé mentale des jeunes Français est très préoccupante. Sans répéter les nombreuses statistiques qui ont été évoquées, j'en retiendrai une qui me glace le sang, ayant passé le cap des 25 ans il n'y a pas si longtemps.

Selon une étude Axa d'octobre dernier, 56 % des moins de 25 ans sont en état de détresse psychologique, soit plus d'un jeune sur deux. Les troubles de la jeunesse reflètent ceux de la société entière et les agriculteurs sont particulièrement touchés par la détresse psychologique.

Tous les deux jours, l'un d'eux se donne la mort. Selon un rapport de Santé publique France publié en 2021, les agriculteurs présentent un risque de suicide 43 % plus élevé que la moyenne nationale.

C'est dans ce contexte particulièrement pesant que plus de 150 000 jeunes se forment aujourd'hui aux métiers de l'agriculture, du CAP – certificat d'aptitude professionnelle – au BTS – brevet de technicien supérieur. À ces jeunes, il faut ajouter les milliers d'autres qui chaque année s'installent en exploitation.

Nombreux sont ceux qui ont déjà connu des épisodes de détresse psychologique. Combien seront-ils demain, ou dans quelques années, une fois confrontés aux difficultés du métier ?

Un élève en lycée agricole me disait l'autre jour sur un rond-point de Cambrai, au moment des feux de la colère que la profession organisait, "J'espère que je ne me suis pas engagé dans un métier maudit." Étant moi-même un ancien de l'enseignement agricole, je dois dire que son interrogation ne m'a pas paru illégitime.

Quels dispositifs spécifiques mettre en place pour prévenir chez les jeunes les risques supplémentaires liés au métier d'agriculteur ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre
La situation particulièrement difficile des agriculteurs les conduit hélas à être particulièrement exposés au suicide et à de forts impacts psychologiques. Je pense notamment aux éleveurs confrontés à des attaques de loups. L'impact psychologique est probablement sous-estimé et leur rémunération n'en tient pas compte.

Il faut également rappeler les difficultés des agriculteurs en matière de santé mentale. Ils ont souvent besoin du salaire de leur épouse pour vivre correctement et procurer à leur famille un niveau de vie décent. C'est ce qu'ils me disent dans ma circonscription, et probablement ce qu'ils vous disent aussi.

Des mesures de prise en charge existent. Agri'écoute, un dispositif que nous connaissons tous, fait un travail de proximité et je remercie l'ensemble de ses bénévoles, qui sont souvent eux-mêmes des agriculteurs.

Il y a aussi Agri Sentinelles : au 30 juin 2024, 6 552 sentinelles ont été formées pour mailler le territoire et être à l'écoute des agriculteurs.

Les chambres d'agriculture ont également un rôle important dans le soutien des agriculteurs. Enfin, il y a les équipes mobiles de santé mentale, qui assument des permanences décentralisées et qui mènent des expériences, notamment dans les Ardennes.

Si on s'écarte un instant du sujet, on constate que ce sont souvent de mauvaises conditions de travail qui sont en cause. On peut évoquer la santé mentale, mais on peut aussi mentionner la faible rémunération en regard du nombre d'heures travaillées. Si nous voulons vraiment soulager les agriculteurs et leur charge mentale, faire en sorte qu'ils soient moins dépressifs, alors dépêchons-nous de voter la loi d'orientation agricole et de nous doter d'un budget afin de pouvoir accompagner les agriculteurs ! Vous secouez la tête, mais vous ne devriez pas.

Mme Nadine Lechon
Il fallait agir avant !

M. Théo Bernhardt
Ces problèmes ne datent pas d'aujourd'hui !

M. Yannick Neuder, ministre
C'est bien d'être vigilants quant à l'accompagnement des agriculteurs, mais ceux-ci ne veulent pas de soutien psychologique (M. Corentin Le Fur applaudit) : ce qu'ils veulent, c'est des prix, pouvoir faire leur travail et nourrir leur famille. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)

M. Rodrigo Arenas
C'est faux !

M. le président
La parole est à M. Jean-François Rousset.

M. Jean-François Rousset (EPR)
Hier, lors de sa déclaration de politique générale, le premier ministre a confirmé que la santé mentale devait être la grande cause nationale de 2025. Vous la reprenez à votre compte, je vous en remercie.

Il s'agit d'un enjeu majeur de santé publique, car la maladie mentale et les troubles psychiques touchent près d'un cinquième de la population française, soit 13 millions de nos concitoyens. Pourtant, peu d'entre eux sollicitent de l'aide, particulièrement les jeunes.

Selon Santé publique France, en 2022, 35 % des 18-24 ans déclaraient avoir l'impression de ne pas prendre soin de leur santé mentale ou de leur bien-être. Parmi eux, 32 % avouaient ne pas savoir comment s'y prendre.

Ces chiffres révèlent un problème majeur, celui du diagnostic des difficultés psychologiques. Que ce soit lié à l'environnement, à la famille ou à l'individu lui-même, le jeune fait souvent face à un obstacle qui l'empêche d'identifier ses difficultés, donc d'accéder à un traitement.

En Aveyron, comme dans certains territoires, les maisons des adolescents jouent un rôle essentiel. Structures pluridisciplinaires, elles constituent de véritables lieux de ressources sur l'adolescence et ses problématiques, pour un public âgé de 11 à 25 ans. Tel un guichet unique, elles offrent un accompagnement coordonné et organisé entre les différents acteurs du territoire – sanitaires, sociaux ou éducatifs – grâce aux éducateurs spécialisés et aux psychologues.

Ces maisons des adolescents sont pourtant largement méconnues. Combien savent qu'il en existe presque sur l'ensemble du territoire ? Combien connaissent leurs missions ou savent comment les contacter ?

D'un côté, il existe des structures dédiées à la santé mentale des jeunes, de l'autre, il y a des jeunes qui ignorent qu'elles existent. Pourquoi cette ignorance et comment y remédier ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR.)

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre
Je vous remercie de parler des maisons des adolescents. Je suis d'accord avec vous, ce sont des structures qui manquent de visibilité et qui gagneraient à être connues et reconnues.

Tout d'abord, par les familles de ces adolescents, parfois grands adolescents – 11 à 25 ans. On en dénombre 125. Leur doublement est un objectif et j'espère qu'il sera tenu. J'espère aussi que la réaffirmation de la santé mentale comme grande cause nationale nous permettra de mettre un coup de projecteur sur ces structures, pour les faire connaître davantage dans les milieux scolaires et auprès des missions locales, pour mieux les articuler avec la médecine scolaire et la protection judiciaire de la jeunesse.

Nous pouvons aussi contribuer collectivement à faire connaître ces structures, à les développer et surtout à valoriser leur prise en charge multidisciplinaire.

Là encore, il n'y a pas une seule solution concernant la santé mentale des jeunes, mais un ensemble de solutions qui nous permettra d'améliorer sa prise en charge.

M. le président
La parole est à M. Stéphane Vojetta.

M. Stéphane Vojetta (EPR)
Les ados français passent en moyenne cinq heures par jour devant les écrans, dont deux rien que sur TikTok ; 67 % des élèves de primaire sont inscrits sur des réseaux sociaux, pourtant interdits aux moins de 13 ans.

Malgré un arsenal législatif français et européen renforcé, les mineurs restent encore trop souvent exposés à des contenus inappropriés à leur âge ou encourageant des comportements à risque.

De récents rapports, ainsi que des plaintes déposées par des familles, mettent en lumière les conséquences psychologiques dévastatrices dues à l'exposition excessive à ces plateformes : addiction, troubles de l'alimentation ou de l'attention, harcèlement, anxiété, voire incitation au suicide.

Pendant ce temps, l'association e-Enfance, qui gère le 3018, numéro d'appel pour les jeunes victimes de harcèlement et de violences numériques, attend désespérément les 2 millions d'euros d'argent public qui lui permettront d'embaucher des répondants et d'éviter que deux tiers des enfants qui appellent pour demander de l'aide n'aient personne au bout du fil.

La censure du gouvernement Barnier a hélas à nouveau empêché cette promesse d'être tenue.

Pendant ce temps, la vérification de l'âge sur internet reste une chimère et il suffit toujours de cliquer sur un bouton pour avoir accès à de la pornographie 24 heures sur 24, à 7 ans comme à 77 ans.

Pendant ce temps, réapparaissent les publicités des influenceurs pour la chirurgie esthétique, malgré l'interdiction posée par la loi Delaporte-Vojetta et malgré leurs effets psychologiques désastreux sur des filles toujours plus jeunes.

Pendant ce temps, les outils de modération, de signalement ou de contrôle parental des plateformes numériques sont souvent inefficaces ou inoffensifs face à des algorithmes trop puissants.

Pendant ce temps, enfin, le rapport du groupe d'experts sur l'impact de l'exposition des jeunes aux écrans remis au président de la République le 30 avril croupit au fond d'un tiroir, le suivi de ses préconisations ayant été empêché par l'instabilité gouvernementale.

J'aurais pu vous demander quelles actions concrètes votre gouvernement entend mener pour mieux protéger les mineurs des dangers que présentent les écrans pour leur santé mentale, mais je vais vous faciliter la tâche. Je préfère vous annoncer que mon collègue socialiste Arthur Delaporte et moi-même avons lancé les travaux préparatoires d'un nouveau texte transpartisan, qui viendra compléter les dispositions de la loi précitée et s'attachera également à combattre l'exposition excessive aux écrans. Ce deuxième texte bénéficiera-t-il lui aussi du soutien du gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et HOR.)

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre
Vous connaissez probablement ces sujets mieux que quiconque, puisque ce n'est pas la première fois que vous légiférerez en la matière. Je ne rappellerai pas les méfaits des écrans sur l'endormissement, ni le risque d'obésité et les problèmes sociaux induits par la sédentarité. Naturellement, je soutiendrai votre deuxième proposition de loi.

Vous soulignez la nécessité d'une stabilité au sein du Parlement, quelles que soient les différences politiques qui séparent les uns et les autres. Vous évoquez la soumission aux écrans et leurs impacts psychologiques et sanitaires sur les enfants ; ce sont des sujets qui ne sont ni de droite ni de gauche.

Il importe de responsabiliser les parents pour interdire l'accès à un téléphone portable ou à une tablette à partir d'une certaine heure. Il faut aussi adopter un budget qui permettra à l'association e-Enfance de fonctionner. Nous devons agir de manière responsable.

Le rapport rendu par Amine Benyamina et Servane Mouton en avril 2024 est actuellement étudié par mes services. J'espère que nous pourrons appliquer ses recommandations, ce qui suppose que mon ministère dure plus de quatre mois.

M. le président
La parole est à Mme Marie Mesmeur.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP)
Alors qu'un lycéen sur dix a déclaré avoir fait une tentative de suicide au cours de sa vie et que quatre étudiants sur dix présentent des symptômes dépressifs, il est temps d'avoir ce débat.

Ces données ne sont pas à considérer avec un mépris paternaliste, elles révèlent une souffrance profonde, celle d'être projeté de force dans un monde angoissant, égoïste et violent. Quatre jeunes sur cinq ressentent de l'angoisse face à la machine à trier Parcoursup, qui engendre une compétition permanente et alimente un système éducatif toxique. Ce monde refuse de leur offrir des perspectives claires et rassurantes.

Il y a aussi la souffrance liée à la misère. Oui, les étudiants sont pauvres et le montant maximal des bourses est largement inférieur au seuil de pauvreté. Peut-on aller bien quand on dort dans sa voiture, quand on a faim, quand on vit avec quelques centimes par jour ?

Il y a la souffrance de l'épuisement. Au lycée, tous les élèves sont accablés par les rythmes scolaires et à l'université, la moitié des étudiants sont contraints d'avoir un emploi pour payer leurs études.

Il y a l'inquiétude face à votre inaction pour endiguer le réchauffement climatique et mettre en place la nécessaire planification écologique. Vous avez fait de la santé mentale une grande cause nationale, mais vous ne pouvez déplorer les effets dont vous chérissez les causes. Votre obsession austéritaire est en train de briser les derniers remparts de la protection sociale. En France, on compte un psychologue pour 30 000 étudiants, contre un pour 1 500 aux États-Unis, alors que l'OMS recommande une densité huit fois supérieure.

L'inaction a un coût social et économique, puisqu'elle a de nombreuses conséquences sur les systèmes de santé et d'éducation. Grande cause nationale, oui, mais pour quels actes ? Combien de psychologues supplémentaires recrutés ? Combien d'étudiants sortis de la misère ? Vous parliez de formation, mais quand Parcoursup sera-t-il abrogé ? Enfin, soutiendrez-vous le repas du Crous à 1 euro pour toutes et tous, sur lequel l'Assemblée nationale doit se prononcer la semaine prochaine ?

Sachez-le, vous ne pourrez pas améliorer la santé mentale des jeunes à coups de 49.3. Seul un budget à la hauteur y parviendra, alors laissez-nous faire ! (M. Rodrigo Arenas applaudit.)

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre
Je ne peux pas vous répondre quand vous me demandez combien de psychologues ont été formés depuis que la santé mentale a été proclamée grande cause nationale. À cause de la censure, ce n'est qu'hier que cela a été confirmé, et bien qu'il soit possible de travailler mieux et plus vite, je crains qu'en une nuit nous n'ayons pas formé beaucoup de psychologues.

Soit on se contente de se mettre en scène dans de courtes vidéos (Mme Marie Mesmeur s'exclame)… Je ne vous ai pas interrompue et je ne vous ai pas parlé sur un ton paternaliste. Soit on essaie d'agir sur ce problème, ce qui nécessitera de mobiliser un budget et d'identifier ses causes. Vous en avez d'ailleurs cité un grand nombre, comme la précarité étudiante.

Que Parcoursup soit anxiogène, je l'ai moi-même reconnu, mais convenons qu'il faut bien des dispositifs permettant l'orientation des jeunes. Vous dites qu'il faut former plus de psychologues et, plus généralement, vous évoquez la situation de la médecine et de la santé. Il y a des déserts médicaux partout, mais c'est aussi dans les universités qu'il faut agir ! La réussite de nos étudiants et la complétude de leur parcours scolaire passent par l'accès à la restauration, au logement, aux transports, aux équipements sportifs, aux lieux culturels et à la santé, dans le cadre d'une prise en charge globale.

Au risque de me répéter, pour tout cela, il nous faut un budget. On peut considérer que les budgets ne sont pas suffisants, mais il est certain qu'on précarise encore plus les étudiants et qu'on les expose à toujours plus de risques si l'on prive notre pays de budget. Autrement, seuls les étudiants qui ne sont pas en difficulté s'en sortiront. Ce sont bien les plus précaires que protège notre système social.

M. le président
La parole est à M. Rodrigo Arenas.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP)
Vous ne pouvez pas vous dédouaner des sept années dont vous êtes l'héritier, monsieur le ministre ! Vous ne pouvez pas invoquer la censure pour refuser d'admettre que les mesures qui ont été prises sont insuffisantes. Vous demandez du temps, mais du temps, nous n'en avons pas.

Dans ma circonscription se trouve l'Institut mutualiste Montsouris, qui possède un département de psychiatrie de l'adolescent et du jeune adulte très réputé. Il croule sous les demandes et peine à répondre à toutes les familles confrontées à la détresse de leurs enfants. Mais après ces sept années, cet institut est menacé de dépôt de bilan. Je n'ose imaginer ce que sa fermeture impliquerait pour les patientes et les patients en mal de soins psychiatriques.

À cheval sur ma circonscription, l'hôpital Sainte-Anne, établissement de renommée mondiale, dit lui aussi son manque criant de soignants et de lits, alors qu'il doit accueillir de plus en plus de jeunes fracassés par la crise sanitaire et confrontés aux angoisses d'un avenir incertain et d'un quotidien stressant.

À ces jeunes en grande difficulté s'ajoutent les enfants qui forment une génération bouleversée par le covid-19, qui ne parvient pas à retrouver ses marques dans une école battue par les vents de l'austérité. Nous ne pouvons décemment affirmer que les élèves bénéficient d'une attention médicale et psychiatrique à l'école en France : ce n'est pas vrai ! C'est aussi votre bilan, car vous êtes le continuateur et l'héritier de cette politique. Le 49.3 ou la censure n'y changeront rien.

Vous et votre gouvernement avez prétendu vouloir consacrer 600 millions d'euros à la grande cause nationale qu'est la psychiatrie. Quelle somme ou quelle part de cette somme allez-vous flécher vers la pédopsychiatrie, pour donner de l'air à des hôpitaux qui en ont largement besoin et qui le demandent depuis bientôt sept ans, voire plus longtemps ? Vous n'êtes peut-être pas comptable des échecs du passé, mais vous l'êtes du présent et des actes de gouvernements dont vous êtes le continuateur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre
Je vous répondrai sur un ton plus calme que le vôtre. Pourquoi ?

M. Rodrigo Arenas
Vous direz cela aux patients !

M. Yannick Neuder, ministre
Justement, les patients – que je rencontrais encore souvent jusqu'en décembre – ne veulent plus de ce type de discussions. Ils veulent de la stabilité, mais pas savoir si telle mesure est de gauche ou de droite. Ils veulent qu'on agisse dans leur intérêt.

Il n'y a pas de majorité dans cet hémicycle et il n'y en aura pas demain, quel que soit le gouvernement. (M. Rodrigo Arenas s'exclame.)

Un certain nombre des sujets qui clivent notre Assemblée ne seront tranchés que lors de l'élection présidentielle de 2027, où chacun votera selon ses idées. Je ne suis pas d'accord pour que la santé – mentale, mais pas seulement – des Français et celle des soignants soient prises en otage d'ici là. Deux ans et demi, soit la durée qui nous sépare de la prochaine élection présidentielle, c'est quasiment le temps de formation d'une infirmière et c'est presque trois promotions d'aides-soignantes. Voilà le temps qu'il nous reste.

Pour répondre correctement aux besoins de votre circonscription, il ne suffit pas d'énumérer les différentes structures d'hospitalisation qui ont des problèmes. Ces problèmes ne datent pas d'aujourd'hui et ce n'est certainement pas en privant la France d'un budget de santé et d'un Ondam qu'ils seront réglés.

Vous évoquez l'Institut mutualiste Montsouris, mais je n'ai été informé de ses difficultés qu'il y a quarante-huit heures.

M. Rodrigo Arenas
Ça fait trois ans que j'en parle !

M. Yannick Neuder, ministre
Sa liquidation judiciaire pourrait intervenir dans quelques jours. Vous qui provoquez l'instabilité gouvernementale du pays, vous demandez qu'une réponse soit apportée ce soir à une situation instable.

M. Rodrigo Arenas
Mais non !

M. Yannick Neuder, ministre
Laissez-moi le temps de découvrir la situation de cet institut, voyons quel Ondam hospitalier sera fixé à l'issue de nos débats et envisageons ensuite la manière dont nous pourrons aider les établissements en difficulté. En tout état de cause, ce n'est pas en refusant de doter la sécurité sociale d'un budget que nous pourrons améliorer la santé des Français. Patient ou soignant, personne ne dira le contraire ! (M. Rodrigo Arenas s'exclame.)

M. le président
La parole est à M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet (SOC)
Notre jeunesse fait face à une double menace : des addictions qui persistent et de nouvelles formes de dépendance qui émergent. Selon l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives, en 2022, 15,6 % des jeunes âgés de 17 ans fumaient quotidiennement du tabac et 13,9 % consommaient du cannabis au moins une fois par mois. Ce pourcentage grimpe à 58,6 % pour la consommation d'alcool.

Malgré les progrès enregistrés depuis la dernière enquête, menée en 2017, ces chiffres demeurent trop élevés. Plus inquiétant encore, les conduites addictives évoluent, pour ne plus se limiter aux substances toxiques : les jeux vidéo, les paris en ligne et l'usage excessif des réseaux sociaux touchent de plus en plus nos jeunes, ce qui entraîne des troubles comportementaux et psychologiques qui nécessitent une attention accrue et des réponses adaptées.

Les dispositifs actuels sont clairement insuffisants. Le fonds de lutte contre les addictions reste sous-alimenté compte tenu des besoins, tandis que les associations et établissements scolaires manquent de moyens pour déployer des actions à grande échelle. Il est donc urgent d'agir avec des mesures à la hauteur des enjeux.

Il faut tout d'abord prévenir, en intensifiant les interventions en milieu scolaire et en concevant des programmes éducatifs interactifs qui prennent en compte les nouvelles formes d'addictions. Ensuite, il faut renforcer l'accompagnement, en augmentant les moyens des structures d'accueil, des consultations jeunes consommateurs (CJC) et les associations spécialisées. Enfin, nous devons mieux réguler, en limitant l'accessibilité des substances addictives et en encadrant la publicité des plateformes en ligne qui captent l'attention des plus jeunes.

Il est temps de passer des mots aux actes et de faire de la santé mentale et de la lutte contre les addictions chez les jeunes une priorité nationale. Comment comptez-vous lutter contre les conduites addictives qui hypothèquent l'avenir et nuisent à la santé mentale des jeunes ?

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre
En faisant exactement ce que vous préconisez ! Vous avez évoqué tous les facteurs de vulnérabilité pour notre jeunesse – le tabac, l'alcool ou les drogues. Vous êtes par ailleurs membre d'un parti de gouvernement et pour répondre à tous les besoins que vous avez listés et que je ne conteste pas, je ne vous demande qu'une chose : donnez-moi un budget ! Donnez-nous un budget, donnez un budget à la sécurité sociale, et nous essaierons de lutter ensemble contre ces pratiques addictives !

N'allez pas imaginer que trois semaines après ma nomination, et à minuit moins cinq, je vais répondre à toutes ces questions. Il faut avancer sur tous ces sujets, c'est certain, mais ce n'est pas en privant notre pays de budget que nous y arriverons. Avançons ensemble.

Concernant le cannabis, ma position est très ferme : oui au cannabis thérapeutique, mais certainement pas au cannabis récréatif, car c'est la porte d'entrée vers des drogues encore plus dures.

M. le président
La parole est à Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago (SOC)
Je suis rapporteure de la commission d'enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l'enfance. Depuis six mois, nous auditionnons des pédopsychiatres, des psychiatres, des pédiatres et de nombreux autres spécialistes de la question de l'enfance.

La santé mentale des enfants est une question cruciale, car lorsqu'on parle de la santé mentale en général, on se réfère d'abord au développement de l'enfant et à la compréhension de ses besoins fondamentaux. Les recherches cliniques permettent désormais, grâce aux neurosciences, d'avoir une vision globale des choses – qui nous manque en France. Je travaille beaucoup avec le Québec, qui a su faire le point sur la santé de ses jeunes et a lancé le programme Agir tôt. Le ministre de la santé québécois est un grand neurologue, qui a fait de la jeunesse, et des enfants en particulier, une priorité budgétaire et en matière de politiques publiques.

Je publierai mon rapport au mois d'avril : j'aurai plaisir à venir vous le présenter, car il contiendra de nombreuses préconisations. Avant d'être députée, j'ai été pendant douze ans vice-présidente, chargée de la protection de l'enfance, dans le Val-de-Marne. Croyez bien qu'avec les hôpitaux, la pédopsychiatrie, la maison de l'adolescent, et j'en passe, nous avons accompagné les jeunes. Mon engagement s'inscrit dans la durée.

En mai dernier, j'ai alerté la ministre de la santé de l'époque sur la situation en santé et en santé mentale de nos enfants en pouponnière. Je trouve scandaleux que, malgré l'alerte nationale que j'ai lancée, rien n'ait été fait pour ces bébés qui, alors âgés de trois mois, souffraient du syndrome de l'hospitalisme ; aujourd'hui, ils sont certainement porteurs de handicap à vie. C'est notre responsabilité collective et, oserai-je dire, gouvernementale.

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre
La question que vous évoquez transcende les oppositions partisanes. Je n'en ai pas connaissance mais je veux que nous en parlions rapidement ensemble pour voir si, à mon niveau et avec vous tous, nous pouvons agir vite. Il ne faut pas perdre une journée, une heure, une minute. L'inaction coûte de l'argent…

Mme Isabelle Santiago
38 milliards !

M. Yannick Neuder, ministre
Il n'y a pas besoin d'autant d'argent pour mettre ces enfants à l'abri. Je souhaite que nous travaillions ensemble sur ce sujet très rapidement.

Mme Isabelle Santiago
Je suis à votre disposition.

M. Yannick Neuder, ministre
La situation que vous venez d'exposer ne relève pas de la politique, mais de l'aide envers les plus vulnérables et nous devons absolument travailler ensemble là-dessus.

M. Joël Aviragnet
Et cela n'a rien à voir avec le fait que le budget ait, ou non, été voté.

M. le président
La parole est à M. Corentin Le Fur.

M. Corentin Le Fur (DR)
Monsieur le ministre, je sais combien la santé mentale des jeunes vous tient à cœur – c'est un sujet majeur – et à quel point vous êtes attelé à la tâche avec détermination, compétence et passion. Merci pour votre réponse au sujet de Zoé : sa famille se bat et a parfois l'impression de se heurter à des murs. Il y a vraiment urgence et je vous remercie par avance de l'attention que vous pourrez porter à ce dossier.

La sectorisation n'a pas que des défauts, vous l'avez rappelé, mais en l'occurrence, il n'y a pas de solution pour Zoé dans le département des Côtes-d'Armor et il est indispensable qu'elle soit prise en charge à Rennes. J'espère de tout cœur qu'elle le sera dans les plus brefs délais. Le cas de Zoé n'est qu'un exemple parmi tant d'autres, qui montre à quel point la santé mentale des jeunes est une question fondamentale. Je sais qu'avec votre gouvernement, vous en êtes totalement conscient et je vous souhaite un plein succès.

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre
Le cas particulier que vous évoquez doit nous donner l'occasion de faire le point avec les directeurs des agences régionales de santé, que je verrai toutes et tous la semaine prochaine, sur les défauts de prise en charge dans les différents territoires et sur le recours aux soins. Je vais voir avec les ARS, notamment avec celle de la région Bretagne, ce qu'elles proposent lorsque des patients ne trouvent pas dans leur département l'offre de soins dont ils ont besoin et que la prise en charge est sectorisée. Cela nous permettra d'établir une sorte de cartographie de l'offre de soins et je reviendrai très vite vers vous.

M. Corentin Le Fur
Rien ne bouge à l'ARS.

M. le président
La parole est à M. Arnaud Bonnet.

M. Arnaud Bonnet (EcoS)

En 2019, les médecins des urgences préconisaient un suivi pédopsychiatrique dans 67 % des cas chez les jeunes. Ces derniers temps, les services de pédopsychiatrie reçoivent de plus en plus de jeunes traumatisés, victimes de maltraitance et de violences sexuelles, mais aussi de plus en plus de jeunes qui craquent sous la pression scolaire.

C'est notre énième débat sur la santé mentale : j'espère que cela finira par déboucher sur une hausse des moyens qui lui sont dévolus. Nos secteurs médicaux et paramédicaux craquent du fait du manque de moyens. Il va quand même falloir finir par l'entendre – peut-être l'examen du budget sera-t-il enfin l'occasion d'agir ? Il faut donner des moyens aux établissements et aux professionnels de santé, notamment en santé mentale, et encore plus en pédopsychiatrie.

Qui aurait pu prédire que les jeunes craqueraient sous la pression scolaire ? Tous les syndicats, les enseignants, les élèves et les parents dénoncent depuis des années la pression engendrée par les réformes successives et le renforcement de la sélection et de la compétition. Quand traiterons-nous enfin les causes de cette dégradation profonde de la santé mentale, plutôt que d'en déplorer les conséquences ?

J'aimerais pour finir vous alerter sur deux points.

Je viens de la Seine-et-Marne, qui fait la moitié de l'Île-de-France. Par pitié, ne raisonnons pas en faisant des moyennes régionales et en disant que parce qu'il y a tant de médecins à Paris pour telle superficie, il en faut tant à tel endroit ! Ce qu'il faut, c'est garantir l'accès aux soins.

Deuxièmement, la charge de travail de nos professionnels de santé,  notamment de nos pédopsychiatres, devient immense. Prenons soin des personnes qui prennent soin, avant de ne plus en avoir.

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre
Je me retrouve dans beaucoup de vos propos. Il est vrai, tout d'abord, que la pédopsychiatrie est complètement sinistrée. Je suis parlementaire depuis 2022. Votre groupe politique fait partie de ceux qui ont voté la proposition de loi que j'avais déposée pour former davantage de soignants. C'est un problème que, malheureusement, je ne découvre pas. J'attends juste que vous me donniez les moyens nécessaires pour former beaucoup plus de professionnels de santé dans le secteur médical. Pour le paramédical, vous savez que c'est au niveau régional que cela se décide. Chaque minute qui nous éloigne de l'adoption d'un budget est une minute de perdue pour la formation.

Il faut que nous formions plus de professionnels, et plus vite. Parmi les solutions, je propose notamment de rapatrier tous les étudiants qui sont à l'étranger pour qu'ils finissent leur cursus en France : je souhaite par exemple que l'on puisse accueillir en troisième cycle les étudiants qui sont en cinquième ou sixième année en Roumanie. Dans le lot, il y aura peut-être des pédopsychiatres qui iront exercer dans votre département. Il faut former plus, former mieux, former plus vite : pour ce faire, je ne demande qu'une chose, c'est un budget et des moyens.

J'apprécie votre remarque relative au chiffrage et aux moyennes : je suis favorable à une territorialisation des décisions, afin de prendre en compte les spécificités régionales. La différenciation doit permettre un bon maillage du territoire : c'est aux élus de prendre leurs responsabilités en la matière.

M. le président
Merci de conclure, monsieur le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre
J'avais encore une remarque à vous faire, mais j'y reviendrai tout à l'heure.

M. le président
La parole est à Mme Géraldine Bannier.

Mme Géraldine Bannier (Dem)
Ma question est simple, monsieur le ministre : comment améliorer l'accès à un suivi médical approprié dans des territoires sous-dotés en spécialistes en santé mentale ?

Je prendrai un exemple concret. Du fait d'une mutation professionnelle, une mère doit déménager de Vendée en Mayenne et s'inquiète pour sa fille. Âgée de 11 ans, en mal-être, elle était jusque-là suivie dans un centre médico-psychologique : après une première hospitalisation, elle y était reçue pour des entretiens hebdomadaires. Pourra-t-elle bénéficier de la même réponse dans le département sous-doté qui est le mien ?

Le suivi médical d'un jeune – j'en ai vu tellement qui en auraient besoin dans les collèges que je ne compte plus le nombre de ministres que j'ai alertés sur cette urgence – nécessite un accompagnement long et stable avec, si possible, une coordination étroite entre les adultes qui sont au contact du jeune : le personnel de l'éducation nationale, les éducateurs, les professionnels du secteur médico-social et les élus doivent pouvoir intervenir en équipe et sur plusieurs années auprès du jeune. Comment faire pour éviter les ruptures et s'assurer que le suivi est bien constant ?

Le livre Cramés, les enfants du monstre, de Philippe Pujol, démontre le besoin absolu de soins dans les quartiers Nord de Marseille, qui sont également sous-dotés en professionnels. L'auteur déclare que face au monstre, il faut traiter toutes les vulnérabilités, parce que les failles éducatives et psychologiques enferment vite les jeunes dans le cercle vicieux de la drogue et de la violence.

Comment faire pour avoir, dans ces quartiers, des professionnels en nombre suffisant ? Nous savons combien il est difficile d'attirer les gens vers ces métiers exigeants, de relation à l'autre et d'écoute, vers ces métiers humains.

Ma question est très simple, la réponse est sans doute plus complexe. Nous avons des propositions à vous faire et nous attendons les vôtres pour améliorer la répartition des médecins sur tout le territoire.

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre
Vous faites partie du groupe d'études sur les déserts médicaux et l'accès aux soins et c'est bien la question centrale. Pour assurer à nos concitoyens, quel que soit le lieu où ils habitent, une offre de soins suffisante, je répète, au risque de rabâcher, qu'il faut former plus de soignants. Comme cela va prendre un peu de temps, il faudra trouver des solutions alternatives.

Je l'avais déjà indiqué au moment de l'examen de ma proposition de loi et, malheureusement, les chiffres n'ont pas bougé : on forme le même nombre de soignants qu'en 1970 ; notre système étant trop restrictif, beaucoup de jeunes partent à l'étranger ; la population a vieilli ; nous sommes 15 millions de plus ; et le rapport au travail a changé, puisque pour remplacer 1 généraliste qui s'en va, il en faut désormais 2,3.

Le constat, nous le connaissons, et il a été confirmé par le rapport de la Cour des comptes au mois de décembre. Je ne souhaite qu'une chose : c'est d'avoir un budget pour agir vite, pour former plus, pour faire de la délégation de tâche, pour travailler avec les professionnels du secteur paramédical sur de la pratique avancée et de l'accès direct. Ce n'est pas une mesure, ce sont plusieurs mesures qui permettront d'améliorer la prise en charge médicale. Cela va prendre du temps et je répète que chaque minute que nous perdons ici à nous invectiver ou à menacer de censurer le gouvernement nous fait perdre du temps. Les patients et les soignants ne le comprennent pas.

Monsieur Bonnet, je voulais revenir sur la fin de votre intervention. Vous dites qu'il faut protéger les soignants : c'est tout le sens de mon déplacement à Annemasse. C'était aussi le sens de la proposition de loi de notre collègue Philippe Pradal, du groupe Horizons, qui a été adoptée en mars dernier. Du fait des multiples interruptions qu'a connues le travail parlementaire, ce texte n'a pas encore été examiné par le Sénat. Il vise pourtant à infliger des peines plus lourdes à ceux qui s'en prennent aux soignants ; il contraint les établissements à signaler les violences et garantit l'anonymat du dépôt de plainte pour éviter les représailles.

Sur l'ensemble de ces sujets, je crois que nous finirons par nous accorder. Pour agir, il faut du temps et des moyens, et nous allons le faire tous ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

M. le président
La parole est à Mme Sophie Errante.

Mme Sophie Errante (NI)
Si nombre de choses ont été dites, un sujet n'a pas encore été évoqué : à partir de 16 ans, les jeunes entrent dans la médecine adulte, et cela pose un certain nombre de problèmes. C'est assez violent pour eux et pour leurs familles, et les soignants sont eux aussi perturbés par cette arrivée de jeunes dans le milieu adulte. Vous avez évoqué les catégories d'âge et je pense que le parcours lié à l'âge soulève une question.

Ma deuxième question porte sur la répartition géographique et, surtout, sur les inégalités territoriales. On a évoqué les cas spécifiques des zones ultramarines et de la ruralité mais on observe, plus généralement, de grandes disparités d'un territoire à l'autre. Dans certains, il existe des solutions effectives, mais pas partout. Doit-on nécessairement passer par une loi pour y remédier ? Je pense que vous auriez d'ores et déjà la possibilité de faire beaucoup. Nombre de rapports ont été remis. Cela fait douze ans que je suis députée et que je légifère, et j'admets que l'on ressent, chez les professionnels comme chez les parlementaires, un certain épuisement à voir les rapports s'empiler (Mme Isabelle Santiago approuve), répétant les mêmes choses sans jamais déboucher sur une concrétisation, voire aboutissant à des disparités territoriales dans les mises en œuvre. Il existe en matière de santé mentale une très grave inégalité géographique et sociale.

C'est un sujet difficile : la santé mentale est souvent perçue de manière honteuse ; les problèmes sont cachés, ils relèvent de l'intime. Les gens qui viennent nous voir dans nos circonscriptions ont vraiment besoin qu'on les écoute et qu'on les aide. Pour moi, l'année 2025 devra aussi être l'occasion de parler de toutes les questions relatives à la santé mentale.

Merci beaucoup, monsieur le ministre.

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre
Vous dites probablement tout haut, madame la députée, ce que chacun pense tout bas. Je pense moi aussi qu'au sein de ce parlement, il y a parfois trop de débats, trop de rapports, trop de propositions de loi. Nous sommes tous pour la démocratie, mais à un moment, on nous demande de l'action. Ne légifère-t-on pas trop ? Quand on va en circonscription, notamment à l'occasion des vœux, on voit bien que le Parlement n'est pas perçu comme efficace, et cela renforce la défiance à son égard.

Je vais essayer de vous répondre le plus factuellement possible.

En premier lieu, petit sujet de satisfaction, les pédopsychiatres peuvent prendre des patients jusqu'à 18 ans, et non 16.

Ensuite, je pense qu'il faut examiner les choses au cas par cas. Peut-être faudrait-il légiférer moins, de manière à désengorger les commissions et l'ensemble du système, et examiner tout ce qui peut être fait par voie réglementaire. Si vous en êtes d'accord, et sous réserve que l'on ne m'accuse pas de vouloir priver le Parlement de ses prérogatives, tout ce qui peut être fait par voie réglementaire doit l'être, de manière à accélérer les choses et à soulager.

Troisièmement, j'avais l'intention de vous proposer – et les débats de ce soir me confortent dans l'impression que cela pourrait vous intéresser – une sorte de loi de simplification visant à lever les facteurs de blocage que vous avez repérés. Peut-on concevoir rapidement quelque chose qui serait susceptible d'assouplir les processus en vigueur et de simplifier l'accès aux soins, en utilisant autant que possible la voie réglementaire ?

N'hésitez pas non plus à relayer les expérimentations locales, afin que l'on trouve les budgets pour éventuellement les pérenniser à l'échelon national. Je me suis beaucoup battu dans le cadre de l'examen du PLFSS pour maintenir les crédits du fonds d'intervention régional (FIR), qui permet à chacune des agences régionales de santé d'apporter de la souplesse, de voir ce qui marche et ce qui ne marche pas et d'accorder des financements dédiés. Il s'agit parfois de petites enveloppes destinées à des solutions locales, mais cela peut améliorer la prise en charge localement. Et si cela convient aux professionnels de santé et facilite les soins, allons-y ! Simplifions les démarches auprès des ARS et allons dans le sens d'une territorialisation des décisions. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)

M. le président
Le débat est clos.

source https://www.assemblee-nationale.fr, le 17 janvier 2025