Déclaration de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur le conflit au Proche-Orient, à l'Assemblée nationale le 14 janvier 2025.

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Circonstance : Débat à l'Asseùmblée nationale sur le thème : " Palestine/Liban : le rôle de la France dans l'effondrement du droit international ".

Texte intégral

M. le président
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : " Palestine/Liban : le rôle de la France dans l'effondrement du droit international ".

Ce débat, demandé par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, se tient en salle Lamartine afin que des personnalités extérieures puissent être interrogées.

La conférence des présidents a décidé d'organiser le débat en deux parties. Nous commencerons par une table ronde en présence de personnalités invitées, d'une durée d'une heure, qui donnera lieu à une séance de questions-réponses, puis, après une intervention liminaire du gouvernement, nous procéderons à une nouvelle séquence de questions-réponses d'une durée d'une heure également. La durée des questions et des réponses sera limitée à deux minutes sans droit de réplique.

(…)

M. le président
La séance est reprise.
La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
Dans son discours de clôture de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs comme dans sa déclaration de politique générale, le premier ministre a décrit l'une des dynamiques les plus structurantes de notre temps : celle qui voit la force de la loi contestée par la loi de la force.

Nous sommes confrontés à la loi de la force au Proche-Orient depuis le 7 octobre 2023.

Nous y avons été confrontés en premier lieu par l'attaque terroriste du 7 octobre elle-même, pire massacre antisémite perpétré depuis la Shoah. Un an après, le 7 octobre 2024, je suis venu marquer le triste anniversaire de cet attentat barbare sur le site du festival Nova, là où les terroristes du Hamas ont massacré, violé, fauché la vie de tant de jeunes gens qui n'aspiraient qu'à la célébrer. J'ai rendu hommage à toutes ces victimes – notamment à nos quarante-huit compatriotes assassinés en ce jour noir – et à l'héroïsme de tous ceux qui ont donné leurs vies pour que d'autres puissent échapper au pogrom. Il est interdit de relativiser ou de minimiser l'horreur de ce massacre, horreur que nous avons éprouvée dans notre chair en France où les évènements du 7 octobre ont ranimé les souvenirs effroyables de l'Hypercacher et du Bataclan.

Je pense aussi aux otages : à ceux qui ont été libérés, à ceux qui ont été tués – notamment Elia et Orion –, à ceux qui demeurent otages – nos compatriotes Ofer Kalderon et Ohad Yahalomi, retenus captifs depuis plus d'un an dans les tunnels de Gaza. La France n'abandonnera jamais les siens et ne cessera pas d'exiger la libération de tous les otages.

La loi de la force, nous y avons ensuite été confrontés du fait de la terrible guerre de Gaza et de son cortège de désolation et d'indicibles souffrances pour les civils : une enclave entièrement détruite, plus de 46 000 morts, dont beaucoup de femmes et d'enfants, 100 000 blessés, deux millions de déplacés, une situation humanitaire catastrophique, des restrictions inacceptables à l'entrée de l'aide humanitaire.

Je le dis en ami d'Israël : Israël avait, a et aura le droit de se défendre mais la façon dont Israël a conduit cette guerre n'est ni acceptable, ni conforme au droit international humanitaire. Le président de la République l'a rappelé il y a quelques jours : depuis des mois, il n'y a aucune justification militaire à la poursuite des opérations israéliennes à Gaza, aux entraves délibérées à l'aide humanitaire et à l'état de faim et de dénuement extrême auquel la population civile se trouve réduite.

La loi de la force, nous la voyons également à l'œuvre en Cisjordanie où nous assistons depuis le 7 octobre tout à la fois à une accélération de la colonisation – laquelle, illégale en droit international, menace la continuité et la viabilité d'un futur État palestinien sans lequel on ne voit pas comment une paix durable pourrait s'installer – et à une multiplication des violences émanant tant de colons israéliens extrémistes que de terroristes palestiniens.

La loi de la force, nous la voyons enfin se déployer au Liban, entraîné dans la guerre par le Hezbollah au lendemain du massacre du 7 octobre. Les deux mois de conflit de haute intensité qui se sont déroulés entre la mi-septembre et la fin novembre ont fait près de 4 000 morts – dont de nombreux civils – et 15 000 blessés. Ils ont conduit au déplacement de plus de 1,3 million de personnes – soit presque un tiers de la population libanaise – auxquels s'ajoutent les 60 000 résidents du nord d'Israël déplacés depuis le début des attaques du Hezbollah. Cette guerre a ravagé le Sud du Liban, la plaine de la Bekaa et la banlieue de Beyrouth provoquant des destructions d'une ampleur considérable dans un pays déjà durement éprouvé par une crise économique sans précédent.

Face à cette crise régionale qui ébranle le droit international, la France s'est pleinement mobilisée. Nous nous sommes engagés dans la lutte contre l'organisation terroriste du Hamas en accueillant le 13 décembre 2023 une réunion internationale qui a amélioré la coopération des partenaires internationaux en matière de sanctions contre ses dirigeants et ses sources de financement.

Au niveau européen, nous avons désigné les trois principaux responsables des attaques du 7 octobre et plusieurs entités coupables de violences sexuelles. Nous avons créé un régime européen visant le Hamas et le Jihad islamique palestinien qui a permis de sanctionner douze individus et trois entités soutenant matériellement et financièrement ces groupes.

En parallèle, la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos) a diligenté plus de 120 procédures contre la propagande en ligne du Hamas, que ce soit en lien avec le pôle national de lutte contre la haine en ligne ou, dans le cadre européen, avec Europol qui signale et fait retirer des contenus terroristes. Notre objectif est clair : le Hamas ne doit plus jamais se trouver en position de perpétrer des attaques criminelles contre Israël, ni de gouverner la bande de Gaza.

À Gaza, nous avons multiplié les efforts pour venir en aide aux populations civiles. Un mois après le début de la guerre, une Conférence internationale s'est tenue à Paris afin de mobiliser un milliard d'euros pour répondre à la crise humanitaire. La France a été le premier pays occidental à soigner des Gazaouis blessés grâce à l'engagement de moyens militaires, notamment le porte-hélicoptères Dixmude. Avec ses partenaires, la France a acheminé plus de 1 200 tonnes de fret humanitaire jusqu'à la bande de Gaza grâce à des opérations aériennes ou terrestres et mobilisé plus de 200 millions d'euros au profit de la population civile de Gaza, 50 millions d'euros d'aide étant prévus en 2025.

C'est la France qui, sur le plan diplomatique, a été le premier pays du G7 à appeler au cessez-le-feu et à soutenir les quatre résolutions adoptées aux Nations unies à ce sujet.

C'est la France qui a été un moteur pour l'adoption de sanctions à l'encontre des colons extrémistes et violents en Cisjordanie : au niveau national, des sanctions ont été prises contre vingt-huit individus et deux trains de mesures l'ont été au niveau européen après un travail de conviction que nous avons mené.

Nous soutenons, enfin, les efforts des médiateurs qatariens, égyptiens et américains en vue d'un cessez-le-feu assorti de la libération des otages. Les négociations ont progressé et nous espérons qu'un accord puisse, dans les prochains jours, mettre fin à la tragédie ouverte le 7 octobre et réengager une dynamique en faveur d'une solution politique au conflit israélo-palestinien.

La France s'est mobilisée pour avancer concrètement vers cette issue : la solution à deux États et l'établissement d'un État palestinien viable, contigu, vivant en paix et en sécurité aux côtés d'Israël.

À l'ONU, nous avons voté, tout d'abord, le 18 avril, en faveur d'un projet de résolution au Conseil de sécurité demandant l'admission pleine et entière de la Palestine comme État membre des Nations unies, puis, le 10 mai, en faveur d'une résolution sur le rehaussement des droits de la Palestine dans le cadre des Nations unies.

En soutien de la Cour internationale de justice, nous avons voté le 18 septembre en faveur de la résolution palestinienne à l'Assemblée générale des Nations unies relative à l'avis consultatif de la Cour sur le caractère illicite de l'occupation israélienne des territoires palestiniens.

Au sein de l'Union européenne, nous avons contribué à faire adopter deux paquets de sanctions, en avril et en juillet, contre des individus et entités soutenant la colonisation violente. Un troisième paquet est en cours de négociation – et, en la matière, croyez bien que la France se situe aux avant-postes.

À titre national, nous avons sanctionné vingt-huit colons violents. Il s'agit de protéger la solution à deux États en condamnant ceux qui travaillent à la rendre impossible.

Nous avons par ailleurs accentué notre soutien, politique et budgétaire, à titre national et européen, à l'Autorité palestinienne, partenaire d'Israël pour la paix, qui doit pouvoir administrer l'ensemble des territoires palestiniens. La France est l'un des rares pays à la soutenir directement.

Le chemin pour parvenir à la paix ne sera toutefois probablement pas exclusivement israélo-palestinien, mais bien régional : il nous faut aimanter la dynamique de normalisation des accords d'Abraham et le processus de paix israélo-palestinien. C'est pourquoi nous travaillons avec l'Arabie saoudite, qui constitue la clé de voûte d'un tel mouvement, et avec laquelle nous allons coprésider en juin à New York une conférence internationale sur la création d'un État palestinien. Il nous reviendra d'en faire un moment décisif.

Au Liban, enfin, nous avons obtenu des succès diplomatiques majeurs qui ont permis une sortie de crise. Comme le président de la République, je m'y suis investi personnellement à chaque étape.

Le 17 septembre, après un an de guerre de basse intensité, l'explosion des bipeurs et des talkies-walkies du Hezbollah a lancé une escalade militaire de grande ampleur qui a rapidement dévasté le Liban.

Le 24 septembre, j'ai demandé la tenue d'une réunion d'urgence au Conseil de sécurité consacrée au Liban. Le même jour, le président de la République et le président Biden ont mis sur la table une première proposition franco-américaine de cessez-le-feu.

Le 29 septembre, j'ai effectué mon premier déplacement bilatéral à Beyrouth – sous les bombes, si je puis dire – pour manifester la solidarité de la France et notre engagement à mettre fin au plus vite à cette tragédie. Dans cette perspective, j'ai multiplié les déplacements, me rendant deux fois en Israël en un mois, et enchaîné les contacts avec mes homologues américains, israéliens et libanais.

Le 24 octobre, nous avons accueilli à Paris une conférence de soutien qui a permis de rassembler 1 milliard de dollars pour le Liban, dont 100 millions d'aide française – auxquels il faut ajouter 100 tonnes de fret humanitaire –, mais aussi, en marge, de travailler au cessez-le-feu.

Le 27 novembre, l'accord de cessez-le-feu proposé par la France et les États-Unis a finalement été accepté.

Le 30 décembre, je me suis de nouveau rendu au Liban pour saluer nos soldats, engagés au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban, la Finul – auxquels, bien sûr, je rends hommage –, mais aussi pour encourager l'application de l'accord, et ce dans le cadre d'un mécanisme de surveillance franco-américain.

Le 7 janvier, le premier retrait massif de forces israéliennes a eu lieu. Tsahal s'est retiré de la partie ouest de la zone qu'il contrôlait et entame son retrait des autres secteurs, où l'armée libanaise se déploie, tandis que les violations du cessez-le-feu ont drastiquement baissé. Nous allons continuer à encourager cette dynamique en vue d'un retrait complet fin janvier.

Le 9 janvier, à l'issue de mon propre déplacement au Liban et d'une ultime mission de bons offices de l'envoyé personnel du président de la République Jean-Yves Le Drian, dont je salue les efforts inlassables, le parlement libanais a élu à une très large majorité M. Joseph Aoun président de la République, après plus de deux ans d'une vacance qui paralysait l'ensemble de l'État. Le 11 janvier, un nouveau premier ministre, M. Nawaf Salam, a été désigné.

En trois mois, nous avons aidé le Liban à passer de l'escalade au redressement et à ouvrir une nouvelle page porteuse d'espoir. Fort d'un soutien populaire, d'un large consensus interne et d'un appui international, le nouvel exécutif libanais peut agir de façon décisive pour la restauration de la souveraineté de l'État et la reconstruction du Liban. Nous serons aux côtés des Libanais dans cette entreprise.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire il y a quelques jours à la conférence des ambassadrices et ambassadeurs, notre pays a œuvré, depuis les horreurs des guerres mondiales, avec la conviction qu'il n'y a pas de paix durable sans justice et pour que s'édifie un ordre international reposant sur le droit ainsi que sur des principes d'autodétermination des peuples et d'intégrité territoriale.

Si la voix de la France est toujours entendue, c'est parce qu'elle est toujours du côté de la justice, du droit et des règles collectives, dans un monde où ces dernières sont constamment remises en cause.

Nous continuons aujourd'hui de travailler à améliorer et à renforcer le droit, à rendre plus fort ce qui est juste. J'en veux pour preuve notre soutien résolu à la Cour internationale de justice et à la Cour pénale internationale, dont nous sommes le troisième bailleur, mais aussi nos efforts pour réformer le Conseil de sécurité afin de limiter les effets délétères du droit de veto ou encore notre soutien à l'initiative du CICR, le Comité international de la Croix-Rouge, pour une pleine applicabilité du droit international humanitaire.

Nous évoquons aujourd'hui le conflit israélo-palestinien et le Liban. Nous y avons dénoncé les violations du droit international et du droit international humanitaire partout et en tout temps – en Israël par le Hamas, à Gaza par Israël, au Liban par Israël, en Israël par le Hezbollah. Nous pourrions tout aussi bien citer l'Ukraine, la Syrie, le Venezuela, la Birmanie, l'Afghanistan, et tant d'autres crises. Il n'y a pas, dans le langage de la France, de double standard.

Ces dénonciations ne sont pas des incantations. Elles trouvent leur prolongement dans l'action au service des populations civiles pour contrecarrer sur le terrain ceux qui déstabilisent le droit international et pour trouver des solutions aux crises qui le mettent en péril – avec humilité, car nous n'avons pas tous les leviers pour les résoudre seuls, mais aussi avec détermination, car nous sommes capables de peser, comme nous l'avons montré au Liban.

Vous pouvez compter sur moi pour persévérer dans nos efforts, au Proche-Orient et ailleurs, pour sauvegarder le droit et bâtir des paix justes, les seules qui assureront durablement la stabilité de cette région et la nôtre.

M. le président
Nous en venons à la séquence de questions-réponses. Je rappelle que la durée des questions et des réponses est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon (GDR)
À Gaza, depuis plus d'un an, l'humanité est ensevelie sous un tapis de bombes. Ceux qui survivent risquent de mourir de faim, de soif ou faute de soins. Tous affrontent une guerre génocidaire menée par Israël.

Force est de constater, malheureusement, que la position de la France relève d'un deux poids, deux mesures, d'un double standard. En effet, vous refusez que notre pays endosse le rôle qu'il devrait jouer face aux crimes commis par le gouvernement israélien en Palestine et au Liban : être le fer de lance du droit international et de la justice internationale.

Cette incohérence se manifeste par votre refus – et celui de vos prédécesseurs – de condamner clairement les crimes israéliens et de prendre les sanctions qui s'imposent. Comme vos prédécesseurs, vous avez par exemple rejeté la qualification de génocide défendue par plusieurs États, dont l'Afrique du Sud, l'Espagne et l'Irlande devant la Cour internationale de justice, par des experts indépendants des Nations unies et par la plupart des organisations de défense des droits de l'homme.

De même, en novembre 2024, vous avez invoqué une prétendue immunité fonctionnelle de Benyamin Netanyahou pour justifier le refus d'exécuter le mandat d'arrêt délivré contre lui par la Cour pénale internationale. Or je rappelle que cette immunité est tout à fait contraire au droit international.

Cette posture incohérente a des conséquences graves pour la France et pour le droit international. Elle affaiblit la crédibilité de notre pays en tant que défenseur du droit international et érode profondément l'influence dont la France disposait au Moyen-Orient et dans le reste du monde. Les mandats d'arrêt émis ne sont pas de simples formalités administratives, mais des actes de justice qui rompent avec les logiques coloniales et le double standard qui en résulte. Elle fragilise aussi le droit international, perçu comme de moins en moins juste et universel, et renforce le discours des régimes autoritaires pour lesquels le recours à la force est la seule solution politique.

Ces contradictions ne sont plus tenables. Dans votre réponse à ma question, je vous demanderai de faire comme si, quand vous parlez du régime israélien, vous parliez de n'importe quel autre pays dans le monde qui, depuis des décennies et quotidiennement, bafoue le droit international.

Allez-vous enfin aligner les actes de la France sur ses principes et engagements internationaux ou avez-vous décidé de sacrifier nos principes, nos valeurs et le droit international pour préserver l'impunité historique dont jouissent les gouvernements israéliens pour les crimes qu'ils commettent en Palestine et au Liban ?

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre
Vous m'interrogez sur deux sujets : la reconnaissance du génocide et les mandats de la Cour pénale internationale.

Premièrement, s'agissant du génocide, les mots ont un sens. En droit, le génocide est défini à l'article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 ainsi qu'à l'article 6 du statut de Rome qui a créé la Cour pénale internationale.

En vertu de ces dispositions, un génocide s'entend comme la commission de certains actes dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel.
La qualification de génocide sur le fondement de l'une de ces dispositions relève exclusivement de la compétence du juge, non de l'appréciation d'un État. En l'occurrence, ni la Cour internationale de justice ni la Cour pénale internationale n'ont jugé, à ce jour, qu'Israël ou ses dirigeants commettaient un génocide à Gaza.

L'ordonnance du 26 janvier 2024 de la Cour internationale de justice n'a pas rendu de décision définitive sur le fond, jugement qui ne devrait pas intervenir avant 2026 ou 2027. Elle s'est bornée à exiger qu'Israël applique une série de mesures conservatoires pour prévenir un tel risque, dispositif complété par une nouvelle ordonnance le 24 mai 2024 qui prévoit deux mesures conservatoires supplémentaires.

À Gaza, notre objectif est que la guerre prenne fin, qu'un cessez-le-feu immédiat et durable soit déclaré, que les otages soient libérés sans plus de délai – une exigence partagée par la Cour internationale de justice – et que l'aide humanitaire parvienne massivement et sans entrave aux populations civiles qui en ont urgemment besoin, comme l'a d'ailleurs demandé également la CIJ.

Nous avons très largement soutenu les mesures conservatoires exigées par la Cour internationale de justice, à la fois au moyen de résolutions adoptées au Conseil de sécurité des Nations unies ou par des déclarations faites au niveau national.

J'en viens à la question des mandats de la Cour pénale internationale. Dans la déclaration à laquelle vous faites référence, nous avons simplement rappelé qu'il existe deux obligations en droit international. La première est de coopérer avec la Cour pénale internationale, dont nous sommes le troisième bailleur, la seconde de respecter les immunités existantes.

En aucun cas nous n'avons dit que l'une des deux obligations devait primer sur l'autre, pour la bonne et simple raison que cette question relève de la seule appréciation du pouvoir judiciaire. Or, en France, l'autorité judiciaire agit en toute indépendance. Comme pour toute autre situation, la capacité de décider de l'exécution, ou non, du mandat d'arrêt émis contre Benyamin Netanyahou s'il devait se rendre en France, reviendrait donc à la justice. La position du Gouvernement sur cette question serait portée à sa connaissance mais in fine, c'est bien l'autorité judiciaire qui déciderait souverainement et en toute indépendance.

En résumé, dans la déclaration à laquelle vous avez fait allusion, nous nous sommes donc bornés à rappeler le droit.

M. le président
La parole est à Mme Eléonore Caroit.

Mme Eléonore Caroit (EPR)
Face aux tragédies qui secouent le Proche-Orient, la France doit demeurer un acteur clé en faveur de la paix et du respect du droit international. Comme l'a rappelé M. le ministre, notre pays est fortement engagé dans la région avec pour ambition de rétablir une stabilité pérenne et de protéger les populations civiles.

Au Liban, vous l'avez rappelé, la France a pris des mesures concrètes face aux frappes meurtrières et à la crise politique et économique que connaît le pays. Elle a été à l'initiative de conférences internationales, mobilisé une aide humanitaire et économique et réaffirmé son soutien aux forces de maintien de la paix de la Finul. Le rôle de la France a également été essentiel au sein du mécanisme de supervision du cessez-le-feu à Beyrouth. Ces initiatives sont cruciales pour assurer la continuité de l'État libanais.

Parallèlement, le conflit israélo-palestinien demeure à l'évidence le plus grand obstacle à la paix dans la région. Or la France est un acteur clé des négociations pour une paix durable. La conférence qu'elle coprésidera avec l'Arabie Saoudite en juin 2025 témoigne de cet engagement consistant à privilégier le dialogue et à éviter l'escalade.

C'est en maintenant une ligne diplomatique exigeante et en menant des actions concrètes que la France continuera de jouer un rôle central dans la préservation du droit international et dans la construction d'une paix durable.

Dès lors, mes questions portent sur ces actions concrètes. Tout d'abord, quels résultats attendez-vous de la conférence qui sera coprésidée par la France et l'Arabie Saoudite en juin prochain ?

J'en viens à la Syrie. Suite à la chute du régime Assad, quelles actions le gouvernement entend-il mener en vue d'éviter que l'intervention de Tsahal sur le territoire syrien ne conduise à une escalade supplémentaire ?

Enfin, quelles mesures concrètes la France prend-elle pour garantir que l'aide humanitaire et financière bénéficie directement à la population libanaise et ne soit pas détournée ?

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre
Je répondrai à votre première question au sujet de la conférence que la France et l'Arabie Saoudite coprésideront en juin, en soulignant son opportunité pour l'ancrage du principe d'une solution à deux États et donc du principe même d'un État palestinien.

Je le dis devant la représentation nationale : ce dernier principe, largement voire unanimement défendu dans notre pays, ne l'est pas partout avec autant de ferveur. Au vu de la nouvelle administration américaine, on peut s'attendre à ce que la perspective de son application soit fragilisée.

L'objectif de ce rendez-vous du mois de juin sera donc d'agréger un soutien aussi large que possible à cette perspective, en travaillant d'ici là à en tracer le chemin. En effet, du cessez-le-feu jusqu'à l'établissement d'un État palestinien dont les habitants vivent en paix et en sécurité et qui bénéficie de reconnaissances mutuelles et de garanties pour chacun, il y a une période intermédiaire dont il faut pouvoir définir et garantir les paramètres.

Cette conférence visera donc à établir des paramètres aussi affinés et consensuels que possible en défendant la perspective politique qui, de notre point de vue, est la seule susceptible de garantir la paix dans la région contre les manœuvres que pourraient tenter ceux qui ne partagent pas la même analyse que nous.

S'agissant des actions concrètes menées pour que cessent les violations du droit international perpétrées en Syrie, c'est-à-dire pour assurer le respect de l'accord de désengagement entre Israël et la Syrie de 1974 et le retrait des troupes israéliennes des territoires qu'elles occupent en violation du droit international, nous déployons des efforts à tous les niveaux.

Je me suis entretenu avec mon homologue israélien précisément à ce sujet. Notre ambassadeur vient de faire connaître notre position à la directrice politique du ministère des affaires étrangères israélien. Auprès de nos interlocuteurs, comme nous l'avions fait publiquement, nous avons non seulement condamné ces violations, mais aussi expliqué le danger que représenterait une violation trop durable du droit international pour le processus de redressement et de transition politique en Syrie. Si ce processus n'aboutissait pas, il en résulterait un danger bien plus grand encore pour la sécurité d'Israël.

Enfin, vous avez raison de vous préoccuper de l'aide financière au Liban. L'afflux des fonds nécessaires aux efforts humanitaires aussi bien qu'à la reconstruction du sud du pays, largement dévasté notamment par les frappes israéliennes, aurait été inenvisageable sans le redressement politique du pays, l'élection d'un président de la République libanais et la nomination d'un premier ministre, dont je rappelle qu'il est président de la CIJ.

En effet, l'expérience de 2006 a rendu frileux les bailleurs internationaux : ils ont alors eu le sentiment que l'aide apportée avait pu être détournée et que ce détournement avait conduit à la détérioration du Liban, qui a elle-même suscité la situation présente.

La première étape était donc le cessez-le-feu et la deuxième le redressement politique. Il appartient à présent au gouvernement récemment entré en fonction de créer les circuits à même de rassurer les bailleurs internationaux afin qu'ils participent pleinement à la reconstruction libanaise.

M. le président
La parole est à Mme Ersilia Soudais.

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP)
La semaine dernière, le 7 janvier, un symbole du colonialisme français, un homme qui a torturé et tué des Algériens lorsque la France menait une guerre coloniale sans merci, s'est éteint. Mais le colonialisme français, lui, ne s'est pas éteint.

Il continue de s'exprimer, notamment par une solidarité avec d'autres colons, au détriment de nos propres concitoyens. L'arrestation du journaliste Sylvain Mercadier alors qu'il réalisait un reportage en Syrie, près de la zone du Golan occupée par le régime colonial israélien, est une nouvelle insulte qu'Israël lance à la France.

Que fait notre gouvernement ? Il se livre à des condamnations à demi-mot et procède à des convocations futiles, comme après l'interpellation de deux gendarmes français à Jérusalem-Est par l'armée israélienne en novembre dernier. Voilà le prix de l'impunité !

Le passe-droit accordé à Israël pour son génocide à Gaza ne fait que s'étendre, comme on a déjà pu le voir avec les bombes au Liban et les incursions en Syrie, et il perdurera aussi longtemps que l'impunité où il trouve son origine. Il ne s'agit pas d'éviter l'escalade, comme le dit Mme Caroit, car l'escalade est déjà là, depuis bien longtemps.

Pendant ce temps, Israël nous ridiculise aux yeux du monde entier, même si vous faites mine de croire que la France est toujours entendue – vous devez vraiment vivre dans une dimension parallèle !

Après le massacre de plus de 45 000 Palestiniens, auxquels s'ajoutent plus de 100 000 blessés, je vous le demande : quand la France cessera-t-elle d'être le valet des génocidaires israéliens ? Ce serait le minimum au regard de notre lourd passé colonial. Quand se rangera-t-elle enfin réellement aux côtés de ceux qui luttent pour l'émancipation et l'indépendance de leurs nations ?

Il ne suffit pas, monsieur le ministre, d'organiser une conférence avec l'Arabie Saoudite pour évoquer la création d'un État palestinien. Peut-être pensez-vous faire ainsi illusion mais, si vous persistez à être le paillasson d'Israël, l'avenir de la région ne sera que chaos et désolation.

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Paul Lecoq
Va-t-il répondre à la question ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre
À vrai dire, je ne suis pas sûr qu'une question ait été posée…

M. Jean-Paul Lecoq
C'est que vous n'avez pas écouté !

M. Jean-Noël Barrot, ministre
Je relirai le compte rendu, dont je ne doute pas qu'il soit fidèlement établi.

Au sujet de Sylvain Mercadier, nous sommes intervenus immédiatement et il a été relâché dans les heures suivant son interpellation. Les services du Quai d'Orsay se sont pleinement mobilisés, comme à chaque fois que nos ressortissants sont arbitrairement détenus.

Concernant l'escalade que vous évoquez, je suis au regret de vous dire que, s'agissant en particulier du Liban – même si votre question ne portait pas seulement sur ce pays –, cette escalade s'est interrompue. La seule interruption de la violence dont cette région est le théâtre depuis bientôt un an et demi a été obtenue par les efforts conjugués des États-Unis et de la France. C'est un fait. Il suffit de consulter les chiffres publiés par les Nations unies pour prendre la mesure de la diminution drastique des hostilités, des trajectoires de tir et des survols du territoire libanais. Si nos efforts diplomatiques n'aboutissent pas à tous les coups, ils sont inlassables et, au Liban, nous sommes parvenus à mettre fin à l'escalade.

Ensuite, sommes-nous les valets d'Israël ? Je n'en ai vraiment pas le sentiment. Je vous invite, si vous ne l'avez déjà fait, à vous rendre en Israël. On vous dira que la France est loin d'y jouir d'une bonne réputation, car nous avons été les premiers à appeler au cessez-le-feu, à dénoncer les violations du droit international et à soigner des Gazaouis blessés. Nous avons organisé la conférence internationale que vous avez évoquée. Nous avons joué un rôle moteur dans la création, à l'échelon européen, d'un régime de sanctions à l'encontre des colons extrémistes et violents et dans son activation à deux reprises.

Nous agissons actuellement afin qu'il soit activé une troisième fois. Si vous consultez les comptes rendus du Conseil des affaires étrangères de l'Union européenne, vous constaterez que la France agit. Je n'en tire toutefois aucune gloire, puisque les Canadiens et les Britanniques ont pris des sanctions contre des entités que l'Union européenne n'a pas encore sanctionnées, ce que je regrette.

Si tous les pays européens et plus largement occidentaux s'étaient comportés comme la France, je crois que nous n'en serions pas là, à Gaza comme ailleurs dans la région.

M. le président
La parole est à M. Peio Dufau.

M. Peio Dufau (SOC)
Votre discours introductif est en total décalage avec les propos tenus par les experts en droit international que nous venons d'auditionner. Si l'action du Hamas a, selon certains, légitimé les exactions de l'État israélien, nous constatons que des enfants meurent de froid à Gaza. Les vivres manquent. L'aide humanitaire reste bloquée et ne parvient pas à la population. On parle d'un secours humanitaire à une population civile démunie. Malheureusement, malgré des atteintes claires aux droits les plus élémentaires, cette situation ne semble que très peu émouvoir l'État français.

Deux rapports démontrent que la France vend des armes à Israël, qui s'en sert potentiellement contre les populations civiles palestinienne et libanaise. Comment cela est-il possible ? Mesurez-vous les risques que court ce faisant l'État français ?

Qu'attend la France pour reconnaître l'État palestinien, comme l'ont fait l'Espagne et plus de 100 États ? Le volontarisme que vous prôniez dans vos propos introductifs doit conduire à cette reconnaissance dans les plus brefs délais et lancer un mouvement européen global en ce sens et dans le sens de la paix. Sans cela, la réponse française demeurera structurellement asymétrique, donc inaudible.

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre
Comme vous, je suis meurtri et ému par la situation des civils à Gaza, en particulier des enfants. On parle de 45 000 civils morts depuis le 7 octobre. Nous ne disposons pas encore d'un décompte précis des victimes, mais on évoque le décès de 14 000 enfants. On dit que la tranche d'âge la plus touchée par les bombardements, celle au sein de laquelle le nombre de victimes est le plus important, est celle des 5-9 ans.

Voilà de quoi susciter une émotion profonde et motiver un certain nombre d'initiatives que nous avons prises, tant sur le plan humanitaire que sur celui du droit international.

S'agissant des armes, si tout le monde s'était comporté comme la France, nous n'en serions pas là. Je trouve paradoxal que vous accusiez le gouvernement français de livrer des armes à Israël pour mener sa guerre à Gaza alors que, comme vous l'avez entendu, la France est accusée par d'autres d'avoir appelé à un embargo sur la vente d'armes à Israël.

Il est un fait que nous exportons des équipements vers ce pays, mais dans des volumes historiquement très limités – 0,2% de nos exportations de matériel de défense – et suivant des procédures de contrôle extrêmement strictes reposant sur l'observation d'un ensemble de critères, dont le respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire par le pays destinataire. Nous ne vendons donc pas d'armes susceptibles d'être utilisées en violation du droit international à un État dont nous disons ouvertement et publiquement qu'il viole ce droit.

Enfin, s'agissant de la reconnaissance de l'État palestinien, nous avons toujours affirmé qu'il n'existait bien, d'après nous, qu'un seul horizon : celui d'un État palestinien et d'un État israélien vivant côte à côte, jouissant de reconnaissances mutuelles et de garanties de sécurité.

Nous avons indiqué vouloir que la reconnaissance d'un tel État par la France, qui n'est pas la reconnaissance de n'importe quel pays et peut entraîner celles d'autres pays, intervienne à un moment où non seulement elle revêtirait une valeur symbolique, mais susciterait aussi un effet d'entraînement susceptible d'ancrer définitivement cette perspective.

En effet, nous constatons un fait simple : la décision de reconnaissance prise par certains de nos partenaires avant que nous ne le fassions – je comprends qu'ils l'aient prise, parce qu'ils partagent notre objectif et notre horizon – n'a pas suffi à produire un effet d'entraînement capable de cranter durablement une telle perspective.

M. le président
La parole est à M. Jean-Claude Raux.

M. Jean-Claude Raux (EcoS)
Aucun État ne peut avoir le privilège de se placer au-dessus du droit international, et pourtant… La semaine dernière, j'étais à Jérusalem-Est, dans le cadre d'une délégation parlementaire écologiste ; nous y avons fait de nombreuses visites et de nombreuses rencontres, notamment de responsables de l'Unrwa, l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient. L'Unrwa a commencé ses activités en 1950 pour garantir l'aide humanitaire en faveur des réfugiés palestiniens et leurs droits politiques, dont le droit au retour. Son mandat a été renouvelé jusqu'en juin 2026 et concerne aujourd'hui 6 millions de personnes, dont 1,4 million à Gaza.

Cette agence des Nations unies est financée par les États membres, dont évidemment la France, qui lui a apporté en 2024 une contribution de 38 millions d'euros. Elle a été diabolisée après le 7 octobre en raison du fait que 9 de ses personnels auraient participé aux attaques terroristes – 9 sur 30 000. Son existence a été remise en cause par deux lois votées par la Knesset fin octobre 2024 et applicables à l'issue d'un délai de quatre-vingt-dix jours, soit précisément dans quinze jours. Elles prévoient l'interdiction d'opérer sur l'ensemble du territoire israélien et, pour les autorités militaires et civiles, d'entretenir le moindre rapport avec l'agence, sachant que, de surcroît, des dispositions fiscales impacteront ses ressources.

Or personne ne peut remplacer l'Unrwa, d'autant que les besoins de la population en termes d'aide humanitaire n'ont jamais été aussi importants : ils sont immenses, tant en matière d'aide alimentaire qu'en ce qui concerne la santé. Je rappelle que l'agence gère plus de 600 centres de soins, scolarise un demi-million d'enfants et entretient les infrastructures de cinquante-huit camps de réfugiés. Il s'agit d'une vraie bouée de sauvetage pour les Gazaouis bien sûr, mais aussi, plus largement, pour la Cisjordanie.

Ce vote de la Knesset s'ajoute aux innombrables obstacles physiques et bureaucratiques qui ont été imposés par Israël pour limiter l'entrée de l'aide à Gaza. Ces lois contraires au droit international et à la convention de Genève vont également à l'encontre des ordonnances émises par la Cour internationale de justice le 26 janvier dernier.

Voici la question qui nous a été posée en Palestine : quand une pression réelle et forte sera-t-elle enfin exercée sur Israël ou, mieux encore, quand des sanctions de la communauté internationale et donc de la France seront-elles prises pour empêcher l'application de ces lois qui bafouent le droit international, en l'espèce les droits des réfugiés, et qui pourraient entraîner un nombre de morts que je n'ose même pas imaginer ?

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre
Tout d'abord, je vous remercie d'être allé sur place et d'avoir rencontré les responsables et les personnels de l'Unrwa. Je partage en tout point votre diagnostic. Personne ne peut en effet remplacer l'Unrwa, pour les raisons que vous avez rappelées, à savoir qu'elle fournit des services essentiels aux populations à Gaza, services que d'autres organisations ne seraient pas capables de fournir. En outre, et contrairement à ce qui a pu être dit par les autorités israéliennes, elle sert aussi de plateforme pour les activités des autres organisations non gouvernementales qui apportent des biens et des services absolument essentiels à la survie des populations sur place.

C'est pourquoi la France n'a cessé de soutenir l'Unrwa budgétairement et moralement, en dépit des accusations portées à son encontre et qui ont atteint sa crédibilité au sein de la communauté internationale : de nombreux bailleurs se sont longuement interrogés sur l'opportunité de renouveler leur financement à cette agence indispensable. Ce n'est pas notre cas, puisque nous avons facilité la mission de Catherine Colonna qui avait vocation à faire la lumière sur d'éventuels manquements et à proposer des solutions pour y mettre fin. Je pense que cela a permis de consolider la crédibilité de l'agence, tout comme nous l'avons fait budgétairement : je dispose d'un chiffre légèrement plus élevé que le vôtre, puisque le soutien de la France a atteint selon le ministère 41 millions d'euros, ce qui fait de notre pays l'un de ses principaux donateurs. Lorsque je me suis rendu au Caire le 2 décembre dernier pour participer à une conférence humanitaire internationale pour la population civile de Gaza, j'ai annoncé une nouvelle contribution de 50 millions d'euros pour la population de Gaza en 2025, dont 20 millions d'euros pour l'Unrwa.

Très concrètement, que faisons-nous ? La France proteste au niveau bilatéral, c'est-à-dire qu'elle s'adresse à ses interlocuteurs israéliens en faisant appel non seulement à ce qu'elle attend d'eux en termes d'intégrité et de sens du devoir, inhérents au respect du droit international, mais aussi à leur intelligence : si c'est une violation du droit international que d'entraver le travail de l'Unrwa, c'est aussi contraire aux intérêts d'Israël, parce que cela crée une situation catastrophique qui pourrait constituer une bombe à retardement. La France proteste également au niveau multilatéral, dans les instances où elle est présente. C'est le cas au sein de l'Union européenne, où nous avons pu agréger les soutiens à l'Unrwa, mais aussi aux Nations unies, par exemple lors de la semaine de haut niveau de l'Assemblée générale qui s'est tenue à la fin du mois de septembre : nous étions évidemment présents à la réunion initiée par la Jordanie en soutien à l'Unrwa pour rappeler que, sur le plan moral comme sur le plan budgétaire, nous continuerions d'être aux côtés de l'agence.

M. le président
La parole est à M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs (Dem)
Je tiens à remercier le groupe GDR en la personne de Jean-Paul Lecoq pour avoir inscrit en séance publique ce sujet d'une importance cruciale, mais en préambule je voudrais tout de même formuler une critique constructive s'agissant de l'intitulé choisi pour ce débat, car celui-ci me semble à contre-courant de ce que fait la France et de la manière dont on peut qualifier son action au Proche-Orient : c'est une vision quelque peu provocatrice ou pour le moins unilatérale. Notre diplomatie et notre pays s'honorent, je crois nécessaire de l'affirmer, du travail méritoire que mènent sans relâche nos diplomates sur place et au siège des Nations unies, et s'honorent d'agir au quotidien en faveur du droit international, afin qu'il soit respecté à Gaza et au Liban ainsi que dans toute la région.

J'en viens à mes questions. Certes, l'ordre mondial est en train de changer très significativement du fait d'un usage accru de la force qui a pour conséquence un affaiblissement du respect du droit international et, si la France n'a pas la capacité à elle seule de le faire respecter, elle fait beaucoup pour que la communauté internationale et les pays concernés s'y emploient. Elle agit aussi beaucoup en matière diplomatique, y compris sur le plan bilatéral – vous avez rappelé les engagements de la France depuis ces derniers mois, notamment s'agissant du Liban. Ainsi, grâce à l'action de notre pays et de ses partenaires du Quintette, le Liban dispose depuis le 9 janvier d'un président qui vient de nommer un premier ministre. Pouvez-vous préciser en quoi cette étape institutionnelle majeure va permettre de consolider le cessez-le-feu avec l'État d'Israël pour une période de soixante jours ? La nouvelle administration américaine est-elle aussi désireuse que la sortante de voir le cessez-le-feu se poursuivre ?

De même, les négociations pour un cessez-le-feu à Gaza progressent de manière significative du point de vue des Qatariens, mais aussi de l'administration américaine, laissant espérer une libération prochaine des otages retenus par le Hamas. Que pouvez-vous nous en dire ce soir ? Est-il permis d'espérer qu'un cessez-le-feu à Gaza s'accompagne rapidement d'un retour de l'action humanitaire internationale et du respect par toutes les parties des préceptes du droit international ? Quelles nouvelles initiatives la France peut-elle prendre à cet égard ?

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre
Merci pour votre question et pour vos remarques sur le titre. Si je m'y autorisais, je ne changerais pour ma part qu'un mot dans le titre, lequel deviendrait : " Palestine / Liban : le rôle de la France face à l'effondrement du droit international ". (Sourires et exclamations parmi les députés du groupe GDR.)

Mme Elsa Faucillon
On n'y avait pas pensé !

M. Jean-Noël Barrot, ministre
Je le dis en passant et n'en ferai évidemment rien, car cela ne relève pas de mes prérogatives, mais il s'agit toutefois d'un point important. La leçon à tirer des événements, si l'on met de côté le cessez-le-feu au Liban et les succès que nous avons à réussi à obtenir aux côtés des États-Unis, c'est l'incapacité des institutions du droit international à le faire respecter au Proche-Orient depuis le 7 octobre ; de toute évidence, si l'on est intimement convaincu qu'un ordre international fondé sur le droit reste pertinent et nécessaire, il faut en tirer des conclusions et faire en sorte de renforcer ledit droit et les institutions qui en garantissent en principe le respect. Si l'on est sincèrement convaincu de la pertinence, aujourd'hui encore, du droit international qui s'est bâti sur les décombres de la seconde guerre mondiale qui avait déshonoré l'Europe, il faut se mobiliser pour réformer ce droit de manière à le rendre plus efficace, plus applicable et plus contraignant.

C'est pourquoi nous ne nous contentons pas de condamner les violations du droit international humanitaire, mais militons aussi pour une réforme du Conseil de sécurité des Nations unies visant à y faire entrer de nouveaux membres permanents, à savoir deux pays africains ainsi que l'Inde et le Brésil, afin que l'Afrique et les grands émergents soient pleinement représentés dans cette instance, ce qui lui donnera plus de légitimité. Nous nous mobilisons aussi pour une réforme de l'architecture financière internationale – ce n'est pas tout à fait le droit international, mais c'est son corollaire. Si les institutions financières internationales sont perçues par une partie des États de la planète comme ayant été conçues à leur désavantage, ceux-ci n'ont aucun intérêt à reconnaître comme légitime et à respecter le droit international sur lequel ces institutions financières sont adossées.

Enfin, s'agissant du droit international humanitaire, le CICR – que j'évoquais dans mon propos introductif –, constatant que les violations du droit international humanitaire sont trop fréquentes, qu'elles ne sont pas suivies de sanctions ou que celles-ci ne sont pas suffisamment dissuasives, a lancé un chantier avec un certain nombre de pays, dont l'Afrique du Sud, le Kazakhstan et le Brésil, chantier auquel nous participons et qui devrait livrer ses conclusions en 2026. J'en ai fait une priorité de mon action parce que si, de bonne foi, on veut éviter l'effondrement du droit international, il faut se donner les moyens de le renforcer.

Pour ce qui est du cessez-le-feu au Liban, de la présidentielle et de la reconstruction, c'est comme une série de cliquets : il n'y aurait pas eu d'élection présidentielle sans le cessez-le-feu, et sans l'élection présidentielle, il n'y aurait eu que peu d'espoir d'une pérennisation du cessez-le-feu et d'une arrivée des fonds pour la reconstruction. Il fallait que chacun prenne sa part et fasse un effort, que les amis du Liban, dont la France bien sûr, ainsi que les États-Unis, se mobilisent, qu'Israël consente, après avoir accepté le principe du cessez-le-feu, à retirer progressivement ses troupes, que les forces armées libanaises prennent un peu plus de risques que d'habitude en se réappropriant le sud du pays qu'elles avaient déserté au profit du Hezbollah et, enfin, que les représentants politiques du peuple libanais prennent aussi leur part de cet effort collectif en surmontant leurs querelles internes pour converger sur une candidature, en l'occurrence celle de Joseph Aoun. Cette élection présidentielle est une étape très importante : en effet, si elle n'était pas intervenue, tout aurait pu s'arrêter très rapidement, les Israéliens et les Américains auraient pu se détourner du Liban, focalisés sur les questions liées à l'avenir de Gaza et à l'avenir de la Syrie, et les bailleurs régionaux, en tout cas les bailleurs golfiques, l'auraient très certainement délaissé pour les mêmes raisons.

S'agissant du cessez-le-feu à Gaza, nous espérons vivement qu'il intervienne au plus vite et nous avons passé des messages à toutes les parties prenantes de la négociation – à laquelle nous ne participons pas directement – pour que nos deux otages, Ofer Kalderon et Ohad Yahalomi, soient bien intégrés dans l'accord et qu'ils soient libérés dès que celui-ci aura été trouvé.

M. le président
Nous passons à une seconde série de questions. J'invite chacun à respecter le temps de parole de deux minutes, aussi bien pour les questions que pour les réponses.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR)
Vous ne m'avez pas convaincu, même à propos du titre de ce débat. En fait, j'aurais bien ajouté la question du Sahara occidental pour montrer encore plus clairement le rôle joué par la France dans l'effondrement du droit international en raison du non-respect de sa part de ce droit, mais je me suis dit que cela ferait beaucoup et il a été décidé d'en rester à la question de la Palestine, d'Israël et du Liban.

Pour d'autres pays, la France aurait réagi plus fortement vis-à-vis des dirigeants qui se seraient rendus responsables d'une telle crise et de tels crimes de guerre. Elle aurait par exemple gelé leurs avoirs dans notre pays, et d'une manière ou d'une autre serait allée plus loin que ce que vous faites. Je ne critique pas votre action, mais je constate que le non-respect du droit international a des conséquences. Comme vous le reconnaissez, des crimes sont en cours. Or il n'y a pas d'acte fort de notre pays pour dire stop aux dirigeants du pays qui commet ces crimes.

C'est cela que nous critiquons, non votre action. Vous nous dites que vous faites votre travail : certes, mais nous vous parlons du respect du droit international. Le droit humanitaire international est-il actuellement respecté à Gaza ? Non. Que fait la France contre les responsables de ce non-respect ? Pas grand-chose, en tout cas rien de suffisamment fort pour permettre que ces crimes cessent. C'est cette situation qui est à l'origine de l'interpellation du groupe GDR sur le rôle de la France, dont il attend des actions fortes aussi bien vis-à-vis du Maroc que d'Israël, des pays amis du nôtre. C'est justement parce que ce sont des amis qu'il faut leur dire stop, leur dire de cesser, leur dire qu'ils courent à leur perte en raison de leur attitude. Il faut les pousser à en changer, les y obliger. Notre groupe pense que vous n'actionnez pas assez fortement les leviers qui permettraient d'aboutir au respect du droit international, seul chemin vers la paix. Quand je vois l'attitude de Poutine, de Netanyahou, de Mohammed VI ou de Trump, qui veut mettre la main sur le Groenland, je me dis que le droit international s'effondre. Si la France ne contribue pas à cet effondrement, en tout cas elle ne fait rien pour qu'il cesse, et c'est dommage.

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre
Que fait la France face à l'effondrement du droit international ? Je me doutais que vous évoqueriez le Sahara occidental. Vous avez fait référence à l'expression de la France au sujet du plan d'autonomie marocain. Je tiens à préciser qu'à aucun moment la France n'a écarté l'idée que ce plan d'autonomie s'inscrive dans un processus onusien, en quelque sorte soumis au droit international, et c'est bien le chemin qu'ouvre ce plan d'autonomie. En attendant l'aboutissement du processus qui a été enclenché, il faut veiller au développement de ce territoire, conformément à l'article 73 de la Charte des Nations unies. C'est dans cet esprit que le président de la République a fait des déclarations lorsqu'il était au Maroc.

Mme Sabrina Sebaihi
" Provinces du Sud ", ça dit bien ce que ça veut dire !

M. Jean-Paul Lecoq
C'est incroyable !

M. Jean-Noël Barrot, ministre
À propos d'Israël, nous avons pris des sanctions à titre national contre vingt-huit colons extrémistes et violents. Toutefois, une partie de nos leviers d'action sont européens. Actionner des leviers à cette échelle-là est plus compliqué, car cela nécessite de créer du consensus. Nous l'avons fait une première fois en avril 2024, puis une deuxième fois en juillet. Nous sommes en train de négocier un troisième ensemble de sanctions. C'est difficile, à tel point que, lors d'un récent Conseil des affaires étrangères, j'ai moi-même listé les entités que nous pourrions sanctionner du fait de leur contribution à la colonisation en Cisjordanie.

Cette colonisation est contraire au droit international mais aussi, dans un sens, à l'intérêt d'Israël à long terme. Vous l'avez d'ailleurs dit, et je vous en remercie : en violant le droit international, Israël agit aussi contre ses propres intérêts. Cela a déjà été le cas par le passé et il est heureux que l'erreur commise en 1982 n'ait pas été reproduite. À l'époque, lorsqu'Israël a voulu chasser l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) du Liban, il a bombardé massivement le territoire libanais et s'y est installé durablement. Que s'est-il alors passé ? Après les destructions, sur les ruines, est né le Hezbollah. Lorsqu'Israël va trop loin, il crée les conditions de sa propre insécurité. C'est pourquoi nous l'appelons au respect du droit international, dans son propre intérêt.

M. le président
La parole est à Mme Catherine Hervieu.

Mme Catherine Hervieu (EcoS)
Je tiens d'abord à remercier Jean-Paul Lecoq et Elsa Faucillon d'avoir permis cet espace d'échanges. Les accords Sykes-Picot, la création de l'État d'Israël et tous les conflits qui ont suivi font partie des événements majeurs de l'histoire du Moyen-Orient. Celle de l'influence française dans la région, notamment au Liban, est longue. Cette particularité crée une attente d'une partie des Libanais auprès de l'État français, qui aurait la responsabilité de soutenir une sortie de la crise politique, économique, sociale et mémorielle au Liban.

Toutefois, notre président a nourri par son attitude irresponsable des espoirs inatteignables au Liban. Ses déclarations rêveuses ont creusé encore plus la méfiance envers notre diplomatie et notre pays. La France n'allait pas sauver le Liban à elle seule, car elle ne le pouvait pas. Récemment, le Hezbollah a perdu de son pouvoir au Liban, où l'armée israélienne est toujours présente. La résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'ONU, adoptée en 2004 à l'initiative de la France et des États-Unis, demande le respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale, de l'unité et de l'indépendance politique du Liban, le retrait de toutes les forces étrangères de son sol ainsi que le désarmement et la dissolution de toutes les milices libanaises.

Comment l'application de cette résolution peut-elle être soutenue de manière crédible par la France, dans l'intérêt des Libanais, alors que le cessez-le-feu n'est pas encore respecté ? Nous pensons également à nos soldats de la Finul, qui constitue un tampon impuissant sur la ligne bleue. Comment la France pourra-t-elle entretenir la pérennité de son influence dans la région grâce à sa diplomatie ? Enfin, comment assurez-vous le suivi des fonds envoyés au Liban, pays où la corruption et le clientélisme sont malheureusement très présents ?

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre
Je vous remercie pour votre question, car l'histoire nous a appris que le diable se nichait dans les détails. Notre crainte, lorsque nous avons proposé une formule de cessez-le-feu, était de reproduire les erreurs de 2006. À l'époque, le cessez-le-feu n'a pas été respecté, en tout cas pas dans les termes de la résolution 1701, qui citait la résolution 1559 que vous avez évoquée. Tant et si bien que, presque vingt ans plus tard, on s'est retrouvé dans la même situation.

Pour éviter que cela se reproduise, il fallait que chacun prenne sa part dans l'effort ainsi que sa part de risque. En particulier, il fallait que les forces armées libanaises se décident résolument à se substituer aux forces israéliennes au sud du Liban et à procéder au désarmement du Hezbollah au sud du fleuve Litani. Il fallait aussi que la Finul puisse être un appui efficace des forces armées libanaises. Tout cela n'était pas observé avant le cessez-le-feu mais, depuis, nous voyons un changement considérable. J'en veux pour preuve le témoignage des soldats français de la Finul. Il y a deux ou trois ans, quand ils venaient au Liban pour une mission de trois mois, ils étaient baladés sur des trajets de patrouilles déterminés à l'avance, qui ne posaient pas de difficultés, sur lesquels ils ne trouvaient aucune cache d'armes, à propos desquels il n'y avait rien à signaler. Ces mêmes soldats, qui patrouillent depuis le cessez-le-feu, considèrent que leur mission a totalement changé. Désormais, ils font de vraies patrouilles, sur de vraies routes, ils détectent de vraies caches d'armes et contribuent ainsi effectivement à désarmer le sud du Liban.

Par ailleurs, même s'il est fragile, le cessez-le-feu tient et produit des effets puisque, progressivement, le sud du Liban se désarme et que les troupes israéliennes se retirent. Après l'élection présidentielle de la semaine dernière, nous croyons possible qu'à l'issue de la période de soixante jours fixée au moment de l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, tous les objectifs soient atteints, en particulier le retrait des troupes israéliennes.

M. le président
La parole est à M. Frédéric Petit.

M. Frédéric Petit (Dem)
Vous savez, monsieur le ministre, que je suis rapporteur budgétaire pour avis sur ce qu'on appelle la diplomatie culturelle ou la diplomatie d'influence. Je prétends que ce que je considère pour ma part comme la diplomatie des sociétés civiles va jouer un rôle déterminant au XXIe siècle. C'est d'ailleurs là que nous sommes attaqués aujourd'hui. Nous sommes très présents dans la région, et depuis très longtemps. Nous sommes présents dans l'éducation, avec les écoles françaises. Je rappelle ainsi que l'École française de Jérusalem est une association tenue par des familles palestiniennes, qui emploie des professeurs israéliens. Nous sommes présents dans le mémoriel et dans l'économie. Nous sommes aussi très présents dans la science, puisque nous sommes le seul pays à avoir à Jérusalem un centre scientifique palestinien et un centre scientifique israélien.

Avec tout ce qui est en train de se passer, notamment en Syrie, quel rôle envisagez-vous pour ces organismes ? Pour moi, cette action de la France est fondamentale. Comment voyez-vous son évolution dans les mois et les années à venir ? Que comptez-vous faire pour qu'elle revienne au centre du jeu, alors qu'elle est attaquée ?

M. le président
La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre
Monsieur le député, je vous remercie pour vos travaux, notamment votre récent rapport budgétaire sur la diplomatie d'influence, y compris dans les zones de conflit et de guerre, qui était très éclairant et très utile.

Vous avez évoqué les écoles françaises en Israël et en Palestine. On pourrait aussi parler des lycées français au Liban qui, pour certains, dans le sud du pays, ont été durement éprouvés par l'escalade militaire de la fin de l'été et du début de l'automne. On pourrait également citer l'Institut français du Proche-Orient (Ifpo), dont vous aviez d'ailleurs été le premier à me parler. Même fermée au public, son antenne de Damas, en Syrie, a été entretenue toutes ces dernières années par les personnels restés sur place malgré la situation. Cela nous a permis de conserver des liens et, au moment où la Syrie se redresse et où un nouvel espoir se lève, d'être immédiatement prêts à repartir avec le peuple syrien sur de nouvelles bases.

Au-delà du service apporté à nos compatriotes établis à l'étranger et de leur rôle dans le rayonnement de la langue française, nos écoles et nos lycées permettent de créer une permanence dans notre présence auprès des peuples, les principales victimes des guerres que connaît le Proche-Orient. Malgré tous nos efforts et malgré tous nos vœux pour qu'elle le soit à terme, cette région n'est pas encore stabilisée. Ces établissements nous permettent aussi de faire passer le message du droit international. Non par les communiqués de presse des Nations unies ou du Quai d'Orsay, mais d'une manière très différente et sans doute beaucoup plus convaincante pour les populations civiles concernées, par la présence sur place, par l'attitude, le style et le discours des personnels de nos écoles, de nos centres culturels et de nos instituts de recherche.

Je crois donc que la diplomatie d'influence joue un rôle très important. Dans la Syrie qui se reconstruit aujourd'hui, nous avons des partenaires que nous n'aurions pas sans les outils de ce que vous appelez la diplomatie des sociétés civiles.

M. le président
Le débat est clos.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 17 janvier 2025