Déclaration de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les crédits de la mission " Aide publique au développement " et du compte spécial " Prêts à des États étrangers ", au Sénat le 16 janvier 2025.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Examen au Sénat des crédits de la mission " Aide publique au développement " et du compte spécial " Prêts à des États étrangers "

Texte intégral

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission " Aide publique au développement " et du compte spécial " Prêts à des États étrangers ".

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, la mission " Aide publique au développement " est très fortement mise à contribution pour l'effort de redressement de nos finances publiques. Cela a été le cas dès 2024, avec des annulations de crédits intervenues en cours d'année pour un montant, rappelé à l'instant par Rachid Temal, de 800 millions d'euros. Cette tendance devrait se poursuivre en 2025 avec une baisse supplémentaire des crédits de la mission, le projet de loi de finances prévoyant de confirmer les réductions de 2024 et d'ajouter 200 millions d'euros d'économies supplémentaires.

Le Gouvernement a également déposé un amendement prévoyant 781 millions d'euros de réduction de crédits afin de porter une partie de l'effort d'économie supplémentaire de l'État annoncé par le Premier ministre.

Le budget de la mission pourrait ainsi se stabiliser à 4,4 milliards d'euros de crédits, en baisse de plus de 1,3 milliard d'euros par rapport à son niveau initial de 2024. Il convient de rappeler que cette mission disposait de 2,6 milliards d'euros de crédit en 2017. Le recul est certain, mais n'efface pas l'effort d'investissement conduit ces dernières années en faveur de cette politique.

Il serait difficile de garantir ici que nous pourrons, avec des moyens réduits, maintenir le plan de charge que nous envisagions, qu'il s'agisse de notre action en matière humanitaire, de nos outils bilatéraux, qui permettent d'incarner la relation que nous bâtissons avec des pays partenaires dans toutes les régions du monde, ou encore de nos contributions multilatérales, qui crédibilisent et valorisent la voix de la France sur les grands défis de notre temps, du changement climatique à la protection de nos océans, en passant par la lutte contre la désinformation et la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Des choix seront nécessaires et je m'emploierai à préserver les secteurs et les outils sur lesquels un renoncement aurait des effets néfastes immédiats et très concrets. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire devant la commission des affaires étrangères, je m'efforcerai d'associer les parlementaires à ces choix.

Je pense à notre action humanitaire, qui nous a permis de nous tenir aux côtés des populations gazaouies, soudanaises, libanaises, mais aussi ukrainiennes, en leur fournissant rapidement de l'aide pour faire face aux tragédies humanitaires qu'elles traversent.

Au cours des derniers mois, l'utilité même de l'aide publique au développement a souvent été remise en cause. Voilà un exemple concret qui légitime son rôle lorsque des guerres et des catastrophes naturelles précipitent des populations entières dans un état de détresse totale. Celles-ci se retrouvent privées d'accès à l'eau, à la nourriture, aux soins ou à un logement. La France vient à leur secours, en leur apportant une aide d'urgence qui fait souvent la différence entre la vie et la mort.

Je pense aussi aux moyens de coopération bilatérale à la main de nos ambassades qui ont été déployés au cours de ces dernières années et qui ont déjà montré leur pertinence et leur efficacité.

Je pense à notre réseau d'experts techniques internationaux qui permet de faire rayonner le savoir-faire français et d'accompagner la conduite de politiques publiques dans des régions prioritaires.

Ces outils servent à défendre des causes qui nous sont chères comme la lutte contre la criminalité organisée, celle contre le trafic d'êtres humains ou encore les efforts d'adaptation aux bouleversements météorologiques issus du réchauffement climatique.

À travers le monde et malgré les moyens limités que nous allouons à ces outils, les autorités étrangères que je rencontre me disent l'intérêt qu'elles ont à travailler avec la France. Elles connaissent notre expertise de pointe dans plusieurs domaines. Elles connaissent la richesse de notre réseau culturel, scientifique et économique. Le premier pont que constitue bien souvent l'aide au développement est la création artistique, le carnet de commandes à l'export ou le vaccin de demain.

J'ai dit que les moyens de l'aide publique au développement pour 2025 seraient contraints. Il faudra donc procéder à une priorisation sur les deux blocs principaux auxquels nos crédits contribuent, à savoir les allocations que nous déléguons à l'Agence française de développement pour ses opérations en dons et en prêts et nos contributions multilatérales. Je serai à votre écoute pour identifier les actions qu'il est essentiel de préserver.

Un nouvel arrivant au sein de cette mission budgétaire est le programme 384 " Fonds de solidarité pour le développement ". Bénéficiant d'un budget maintenu à 738 millions d'euros, il prend la suite du fonds du même nom qui réceptionnait une partie des recettes de la taxe sur les transactions financières et de la taxe de solidarité sur les billets d'avion pour les aiguiller vers des dépenses de solidarité internationale. La structure de ce fonds n'était plus conforme aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances.

L'objectif est de poursuivre les actions de solidarité, essentiellement tournées jusqu'ici vers nos contributions multilatérales dans le domaine de la santé, du climat et de l'environnement, à travers ce nouveau programme budgétaire à la solidité juridique renforcée.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, avec le ministre chargé de la francophonie et des partenariats internationaux, Thani Mohamed Soilihi, nous sommes conscients des efforts indispensables à consentir pour le redressement des comptes publics de la France. Mon ministère est sans doute celui qui a le plus fortement contribué, en proportion de son poids dans le budget général de l'État, aux mesures envisagées dans ce nouveau cadre, en particulier sur ses crédits dédiés à la solidarité internationale.

Je m'attacherai à ce que les actions conduites dans le cadre de notre aide publique au développement soient connues et valorisées et à ce qu'elles répondent à quelques objectifs clés.

Premièrement, ces actions devront contribuer à consolider nos partenariats. Les moyens de l'aide publique au développement viendront renforcer les secteurs de coopération que nous souhaitons développer avec les différents pays du monde et nous permettront, en retour, de nous montrer exigeants vis-à-vis de nos interlocuteurs dans des domaines prioritaires pour nous.

Deuxièmement, ces actions devront avoir un effet d'entraînement. Notre aide sera pensée comme l'amorce d'un dispositif plus large plutôt que comme une fin en soi. Elle sera un levier vers des progrès de long terme, des services publics qui fonctionnent, des besoins primaires couverts, des infrastructures efficaces ou le moteur d'une mobilisation financière plus large impliquant d'autres bailleurs, des organisations internationales ou des acteurs privés.

Troisièmement – chacun d'entre vous l'a rappelé à l'instant à cette tribune –, ces actions devront être mesurables et traçables. Nous avons déjà progressé en ce sens grâce à l'établissement de dix objectifs thématiques concrets, assortis d'indicateurs. Ils favoriseront une lecture plus claire des résultats de notre action.

Par ailleurs, toutes les données de nos financements sont en ligne, facilement et intégralement accessibles depuis deux ans, conformément à la loi du 4 août 2021. Cet effort de transparence inédit de la part des autorités françaises est, je le crois, très utile.

Quant à la commission d'évaluation de l'aide publique au développement,…

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. Ah !

M. Jean-Noël Barrot, ministre. … vous avez souhaité l'instaurer dans le cadre de la loi de 2021 et son impératif, si je puis le dire ainsi, a été rappelé par la loi de 2024. Son secrétariat, hébergé par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, est en place, prêt à l'action. Le projet de décret est dans le circuit de signature et j'y ai déjà apposé la mienne.

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. Hosanna !

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Pour conclure, cette mission est appelée à fournir une part significative de l'effort gouvernemental pour réduire le déficit. Je suis prêt à procéder aux aménagements nécessaires dans notre programmation pour absorber cette réduction de crédits, en écoutant attentivement vos préoccupations ainsi que vos suggestions. Certains d'entre vous ont d'ailleurs mentionné la nécessité d'une nouvelle loi de programmation ; j'en ai pris note.

Pour celles et ceux qui, comme moi, sont convaincus du rôle déterminant, concret et efficace que joue l'aide publique au développement au service de notre politique étrangère et de la défense de nos objectifs à l'international dans l'intérêt des Français, nous nous montrerons responsables et ferons connaître les résultats des actions menées grâce à cet instrument dans les années à venir, afin d'assurer une plus grande pérennité de ses moyens.


Source https://www.senat.fr, le 28 janvier 2025