Déclaration de Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants, sur le projet de loi de finances pour 2025 en matière d'anciens combattants, de mémoire et de liens avec la Nation, au Sénat le 18 janvier 2025.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Patricia Mirallès - Ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants

Circonstance : Discussion au Sénat d'un projet de loi

Texte intégral

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée auprès du ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure pour avis, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de vous retrouver cet après-midi pour parler de la mémoire et des anciens combattants, des sujets qui me tiennent profondément à cœur, en hommage à l'héritage de Clemenceau et de Maginot, en cette année du centenaire du Bleuet de France.

Vous connaissez la situation financière extrêmement préoccupante de notre pays. Je me réjouis que, dans le contexte international menaçant qui nous entoure, la trajectoire de réarmement soit pérennisée et que la loi de programmation militaire soit respectée : c'est une exigence pour garantir notre défense. Est-ce à dire que le ministère des armées ne doit pas contribuer aux efforts collectifs pour améliorer la situation financière et économique du pays ? Non.

C'est pourquoi j'ai consciemment fait le choix, dans la situation budgétaire que nous connaissons tous, de proposer des économies pour plus de 50 millions d'euros.

Je le dis tout de suite : cette diminution ne menace aucunement la double exigence de reconnaissance et de réparation que notre pays doit à celles et ceux qui ont pris les armes pour le défendre. Ces exigences ne sont pas négociables. Nous avons une dette envers eux : jamais je ne transigerai sur ce point.

La présentation tardive du projet de loi de finances pour 2025 nous a permis d'affiner les hypothèses sous-jacentes à plusieurs postes de dépense et de confirmer deux dynamiques.

La diminution des bénéficiaires des pensions, rentes et allocations est une réalité structurelle. Cela nous permet d'ajuster la trajectoire financière et de revoir à la baisse certaines dépenses sans que rien ni personne n'en souffre.

Ensuite, les trois mois qui nous séparent de l'automne ont permis d'affiner les prévisions de facturation de la Cnam pour des prestations servies aux grands invalides, dont les clés de répartition n'avaient pas été revues depuis plus de dix ans.

Une étude approfondie a permis de constater une moindre dépense significative. Cette démarche technique ne remet pas en cause, d'une manière ou d'une autre, le niveau et la qualité des prestations délivrées. Là encore, cela n'aura aucun impact sur les bénéficiaires.

Ces deux éléments justifient l'amendement du Gouvernement visant à réduire les crédits de plus de 50 millions d'euros. Ce que je vous propose s'inscrit donc dans une logique de sincérisation du budget, car j'ai tenu à participer à l'effort qui est demandé à tous, mesdames, messieurs les sénateurs.

Le budget que je présente s'élève ainsi à un peu plus de 1,85 milliard d'euros. Il préserve toutes les composantes de la politique de réparation et de reconnaissance, tout comme il sanctuarise le programme 158, ce qui est une obligation morale à l'heure où le retour de l'antisémitisme exige une réponse résolue – j'y reviendrai.

J'entre désormais dans le détail. Comme l'an passé, ce budget est construit sur plusieurs piliers.

Le premier pilier, c'est la valeur du point de la pension militaire d'invalidité. Je suis fière de confirmer qu'elle passe de 15,90 euros à 16,07 euros, soit une légère hausse par rapport aux hypothèses de l'automne. C'est un levier central pour le pouvoir d'achat du monde combattant, pour reprendre vos mots, madame la rapporteure pour avis. Je sais que vous suivez tout particulièrement ce sujet, avec le rapporteur spécial Marc Laménie et les membres du groupe sénatorial d'études « Monde combattant et mémoire » que vous présidez.

Le deuxième pilier est celui de la mémoire combattante, de sa conservation comme de sa transmission.

Dès le mois d'octobre 2023, nous sommes entrés dans le cycle des 80 ans des débarquements et de la Libération.

Mesdames les sénatrices Émilienne Poumirol et Marie-Claude Lermytte, monsieur le sénateur Akli Mellouli, vous m'avez interrogée sur la baisse des crédits dédiés aux commémorations. L'essentiel de ces commémorations ayant eu lieu l'année dernière, ce projet de budget est en phase d'atterrissage et diminue logiquement.

L'année 2024 fut celle de la mémoire des débarquements, des combats de la Résistance et de la chevauchée victorieuse jusqu'à Strasbourg.

L'année 2025 célébrera, elle, la courte année 1945 avec les derniers épisodes de la Libération, comme ceux des poches de Colmar et de l'Atlantique, où se sont illustrés des combattants de la France d'outre-mer.

Ce sera aussi la remémoration du retour des " absents ", les prisonniers, mais aussi les déportés, avec la commémoration de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau le 27 janvier prochain.

Le retour des déportés doit être l'occasion d'approfondir les réflexions sur les causes et les manifestations de l'horreur nazie, qui ont aujourd'hui davantage muté que disparu. À cette fin, 1 million d'euros de mesures nouvelles seront consacrés au Mémorial de la Shoah, afin qu'il puisse continuer de mener ses précieuses actions de transmission de la mémoire, d'éducation à l'altérité et d'enseignement d'une page sombre de notre histoire.

Enfin, nous célébrerons la victoire sur l'Allemagne nazie.

Ce cycle prendra fin le 2 septembre prochain, lorsque nous commémorerons les 80 ans de la capitulation du Japon. Ce sera l'occasion de mettre à l'honneur le souvenir héroïque des combattants du Pacifique.

Comme l'année passée, il faut que nos commémorations soient l'occasion de grandes célébrations, d'une communion mémorielle qui rassemblera chacun de nos concitoyens autour du souvenir reconnaissant de celles et ceux qui ont rendu la liberté à notre pays. J'aurai besoin de chacun d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour partager cet engouement populaire dans vos territoires et embarquer notre belle jeunesse.

Je m'engage, comme je l'ai fait dès mon arrivée au ministère des armées au mois de juillet 2022, à délocaliser les cérémonies de commémoration des journées nationales d'hommage chaque fois que cela sera possible et aura du sens. Je sais que vous y êtes très sensibles.

Le troisième pilier est l'accompagnement de nos militaires blessés. C'est la logique du plan Blessés, dont le ministre des armées, Sébastien Lecornu, m'a confié la charge.

Cela débute par plus de 7 millions de mesures nouvelles au profit de la transformation de l'Institution nationale des Invalides pour consolider cette remarquable institution, héritière de trois cent cinquante ans de solidarité nationale.

Cette année, avec 1 million d'euros supplémentaires, nous ouvrirons près de Colmar une sixième maison Athos, ce dispositif de réhabilitation psychosociale qui vient en aide aux blessés psychiques. Nous poursuivrons aussi les réflexions qui ont été engagées sur les conditions d'ouverture d'un dispositif maison Athos outre-mer.

Pour faire écho aux succès remportés par l'Armée de champions lors des jeux Olympiques et Paralympiques, un nouveau dispositif de 300 000 euros permettra de rembourser intégralement des prothèses de nouvelle génération à but sportif pour encourager la réhabilitation par le sport, que l'on sait si efficace pour nos militaires blessés.

Le quatrième pilier concerne l'attention particulière que nous continuons de porter aux harkis.

Après la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français, ce sont plus de 11 millions d'euros supplémentaires qui sont inscrits dans ce budget. Au total, les mesures en faveur des harkis s'élèvent à plus de 123 millions d'euros, dont 70 millions pour le droit à réparation.

Les conséquences de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) du 4 avril 2024 relative aux harkis sont, par ailleurs, bien prises en compte dans ce projet de ce budget.

Nous n'oublions évidemment pas la jeunesse.

Des mesures nouvelles à hauteur de 15 millions d'euros permettent de renouveler significativement l'organisation de la JDC. Elle sera repensée en profondeur afin de devenir un véritable moment de rencontre entre notre jeunesse et nos armées.

Cette refonte permettra aussi de repenser les modalités de recensement des Français afin de disposer demain, comme l'a dit le ministre des armées, des données qui seront le cœur souverain de la capacité des armées à mobiliser en cas de besoin. Recenser les volontariats comme les compétences, voilà un objectif utile à la résilience de la Nation.

J'ajouterai un mot sur le programme 158 " Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale ". Cette année, plus de 85 millions d'euros sont consacrés au financement des dispositifs d'indemnisation des victimes de la Seconde Guerre mondiale ou de leurs ayants cause. Le maintien de cet effort financier traduit le soutien constant du Gouvernement envers les victimes de l'antisémitisme.

En 2025, alors que nous commémorerons les 80 ans de la libération des camps, il était impensable de diminuer les crédits de ce programme. Alors que les actes antisémites sont en nette augmentation, alors que certains cherchent à importer un conflit étranger en France, la mémoire de la Shoah doit servir de guide pour ceux qui, comme moi, croient que la promesse républicaine repose sur l'insécabilité du lien qui unit la liberté, l'égalité et la fraternité.

N'oublions jamais ce qu'a dit l'un d'entre vous, Robert Badinter, qui entrera bientôt au Panthéon : " Les morts nous écoutent. "

Vous l'avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de budget place la mémoire, le monde combattant et le lien entre les armées, la Nation et la jeunesse au cœur de la conservation de nos forces morales. En votant ce budget, vous apporterez votre pierre à l'édifice de la résilience de la Nation et vous resserrerez les liens qui nous unissent. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi qu'au banc des commissions. – M. Vincent Delahaye applaudit également.)


source https://www.senat.fr, le 3 février 2025