Texte intégral
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Bonjour, Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Jean-Baptiste MARTEAU
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Merci d'être avec nous ce matin sur France Info. Vous êtes l'invité politique de notre matinale, vous êtes ministre de la Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche. C'est vrai que votre portefeuille, il est très large. Ce matin, beaucoup de questions qu'Antoine COMTE va vous poser dans un instant. C'est parti pour l'interview politique.
ANTOINE COMTE
Bonjour, Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Antoine COMTE.
ANTOINE COMTE
La Commission mixte paritaire se réunit dans moins de deux heures du côté de l'Assemblée nationale. L'objectif, évidemment, c'est de trouver une version commune entre sénateurs et députés. Elle devrait être conclusive, c'est ce qu'on nous dit, puisque la majorité de ses parlementaires soutiennent le Gouvernement. Néanmoins, ça va se compliquer la semaine prochaine avec le retour du texte en deuxième lecture du côté de l'Assemblée, avec ce risque de censure du Gouvernement. Est-ce que vous vous y préparez ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, je veux appeler chacun à la responsabilité. Ne pas avoir de budget, ça a un coût. Moi, je le mesure chaque jour dans mon ministère. J'ai un budget qui repose essentiellement sur des soutiens que j'apporte très concrètement à des projets de collectivité locale pour rénover des bâtiments, à des projets d'entreprise pour décarboner leurs chaudières, par exemple. Et aujourd'hui, sur la plupart, l'essentiel de mes enveloppes, je suis à zéro depuis le début de l'année. Et donc, tous ceux qui nous expliquent qu'on n'en fait pas assez sur la transition écologique, aujourd'hui, bloquent concrètement la capacité à agir. C'est pour ça qu'il nous faut un budget. Et je le redis, notre main est tendue et notre porte est ouverte. Je remercie le Parti socialiste parce qu'ils ont négocié en responsabilité. Ils ont obtenu de vrais bougées : 4 000 emplois qui devaient être supprimés dans le budget de l'Éducation nationale, une augmentation du fonds vert, je dois dire que je m'en réjouis, des mesures sur le remboursement des médicaments. Donc, ils peuvent se prévaloir de ces avancées. Je pense qu'elles seront concrétisées dans la CMP de ce soir. Et moi, je le dis très clairement, ce serait absolument dramatique qu'on n'ait pas un budget cette semaine ou la semaine prochaine, parce qu'on en a besoin pour les Françaises et les Français.
ANTOINE COMTE
Néanmoins, le Parti socialiste a claqué la porte des négociations. C'était mardi, à la suite de la confirmation de cette expression utilisée par François BAYROU, le Premier ministre, l'existence d'un sentiment de submersion migratoire en France, ou en tout cas dans certaines zones du pays. Est-ce que François BAYROU a commis une erreur ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais le Parti Socialiste le sait très bien, c'est même un des partis qui est le mieux placé pour le savoir, quand on sait ce qui s'est passé en 2012. François BAYROU est un grand républicain.
ANTOINE COMTE
Il ne reprend pas les mots de l'extrême droite-là ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais c'est aussi le Premier ministre de tous les Français. De tous les Français. Et si on n'entend pas que certains de ces Français, et pas 10%, mais une part plus importante des Français, aujourd'hui, parlent de ce ressenti. Et moi, je le vois sur le terrain. Moi, j'ai été élue dans le Pas-de-Calais. Dans le Pas-de-Calais, vous avez un vote du Rassemblement national qui est très important. À certains endroits, c'est près de 70%. Et les gens vous parlent de ça. Et la question, c'est comment vous faites face à ce sentiment, effectivement, d'avoir l'impression que les choses ne sont pas tenues ?
ANTOINE COMTE
Mais Agnès PANNIER-RUNACHER, ça ne vous a pas choqué que le Premier ministre, vous dites qu'il parle à l'ensemble des Français, utilise le lexique de l'extrême droite ? Vous vous revendiquez comme une femme de Gauche, ça ne vous choque pas qu'il reprenne des termes comme " subversion migratoire " ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais moi, encore une fois, il ne les fait pas siens et il est très clair sur le sujet. Il ne les fait pas siens. Et on est en train de parler de sémantique pour se détourner des sujets de fond et le sujet de fond, c'est quelle action ?
ANTOINE COMTE
Donc, elle existe la submersion ? Elle existe, c'est ce que vous nous dites.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, là, ce n'est pas ce que je dis, vous voyez. C'est exactement l'amalgame contre lequel je m'oppose. Moi, je n'ai pas ce ressenti. Je n'ai pas ce ressenti à titre personnel, en tant que femme de gauche, je l'ai toujours dit, mais je constate que des gens m'en parlent, et pas trois personnes. Et pour avoir fait 80 kilomètres de porte-à-porte, à pied, cet été, dans le cadre de la campagne des législatives, malheureusement, je peux confirmer que je l'ai entendu sur le terrain, de gens comme vous et moi, sur le seuil de leur porte et dans des communes de 300, 400, 500 habitants, où il n'y avait pas un immigré à trois kilomètres à la ronde. Donc, si on n'accueille pas le ressenti des gens, on fait comment ? Et on voit bien qu'il y a cette incompréhension collective. Maintenant, il faut agir, et je crois que François BAYROU a été très clair aussi sur la politique d'humanité qu'il veut porter en matière d'immigration. Donc, ne confondons pas le fait de faire un diagnostic qui ne nous plaît pas, mais qui est malheureusement quelque chose qui remonte, et le fait d'agir, et d'agir en humanité sur ces sujets-là, mais aussi avec fermeté, notamment vis-à-vis des passeurs. Je crois qu'il faut être implacable vis-à-vis des passeurs qui, aujourd'hui, ajoutent du malheur au monde.
ANTOINE COMTE
Agnès PANNIER-RUNACHER, est-ce qu'il n'y a pas un calcul politique, quand même, aussi, derrière tout ça de François BAYROU, pour essayer d'échapper à la censure du Rassemblement National et de Marine Le PEN ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non. Je crois qu'il y a surtout, peut-être, un calcul politique, aussi, du côté du Parti Socialiste qui peut être un peu déchiré par des tendances contraires. Et moi, je veux redire qu'en responsabilité, ils ont un gain politique maximal à prendre aujourd'hui. Ils ont réussi à obtenir des choses dans le budget, et pas l'épaisseur du trait, encore une fois, 4 000 emplois dans l'Éducation nationale, ce n'est pas rien. L'augmentation du budget de la transition écologique, ce n'est pas rien. La question du remboursement d'un certain nombre de prestations médicales, ce n'est pas rien. Et à un moment où tous les maires, quelles que soient leurs tendances politiques sur le terrain, vous disent : " On a besoin d'un budget pour agir, arrêtez, à Paris, de faire n'importe quoi ", il faut les entendre. Ceux qui ne voteront pas le budget, ceux qui ne soutiendront pas le budget, quelles que soient ces imperfections, et elles sont nombreuses, porteront lourdement cette responsabilité politique vis-à-vis des Françaises et des Français.
ANTOINE COMTE
Agnès PANNIER-RUNACHER, je voudrais qu'on parle de votre portefeuille. La transition écologique, vous en avez déjà un petit peu parlé, mais là, c'est très concret avec ces inondations dans l'ouest de la France, inondations terribles. Est-ce que l'état de catastrophe naturelle va être déclaré ? Est-ce que vous pouvez nous l'annoncer ce matin, et quels sont les moyens financiers engagés par l'État ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, l'état de catastrophe naturelle sera déclaré. Ça, il n'y a pas de doute, parce que les inondations valident…
ANTOINE COMTE
À partir de quand ? Pour les téléspectateurs concernés qui nous regardent ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Dans les jours qui viennent, et vous savez, c'est une procédure qui est accélérée, aujourd'hui, il n'y a pas une situation de ce type-là, ces derniers mois, où l'état de catastrophe naturelle n'a pas été déclaré très rapidement. Donc ça, ce n'est pas le sujet. La question des moyens, maintenant. Typiquement, moi, j'ai obtenu l'augmentation du fonds BARNIER, qui est un des leviers pour lutter contre le dérèglement climatique et pour investir, pour améliorer les infrastructures et les équipements, et faire mieux face, c'est-à-dire qu'à un moment, il va falloir équiper les maisons de bâtards d'eau, il va falloir faire en sorte de mettre des pièges en embâcle dans les cours d'eau, pour empêcher que ça déborde de partout et qu'il y ait des accidents. Enfin, c'est tout ça aujourd'hui qui est devant nous, et je veux dénoncer ici tous ceux qui mettent le pied sur le frein de la transition écologique, parce qu'en fait, derrière ça, c'est la protection des Françaises et des Français qui est en jeu, la protection de leur patrimoine et la protection de leur vie. On a beaucoup de chance d'avoir très peu de décès à déplorer sur toutes les catastrophes qu'on a accumulées ces derniers mois, mais nous sommes fragiles.
ANTOINE COMTE
Agnès PANNIER-RUNACHER, je voudrais qu'on parle des pêcheurs qui sont vent debout contre la fermeture de la pêche dans le golfe de Gascogne depuis le 22 janvier dernier jusqu'au 20 février. Lors de votre rencontre avec ces professionnels, c'était du côté du Finistère, c'était la semaine dernière, vous aviez indiqué que la Commission européenne avait été sollicitée pour valider la demande d'indemnisation de ces pêcheurs. Est-ce que c'est le cas ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, j'ai obtenu de la Commission que soient reconduites les conditions d'indemnisation de l'année dernière. Il avait été question d'avoir des conditions qui soient moins favorables. Les pêcheurs m'en avaient parlé, ils s'en étaient émus, et je veux leur dire, aujourd'hui, que nous avons une décision qui correspond très exactement à leur demande, et qui va même au-delà de ce que nous avions l'année dernière, puisque les bateaux à quai…
ANTOINE COMTE
C'est une annonce que vous nous faites ce matin, les pêcheurs seront indemnisés.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Seront indemnisés entre 80 et 85% selon la technique de pêche, de leur perte de chiffre d'affaires, sur une base trimestrielle ou mensuelle, le meilleur des deux pour les pêcheurs, et donc ça, c'était très attendu par eux.
ANTOINE COMTE
Un dernier mot sur cette interpellation. Vous avez été interpellé hier dans une lettre ouverte par une association sur le sort des dauphins du parc de Marineland, c'est à Antibes, dans le sud de la France. Cette association craint, avec la fermeture du parc et l'interdiction en France des spectacles de cétacés, que les dauphins soient transférés dans un parc en Asie, justement pour des fins commerciales. Est-ce que vous vous engagez, ce matin, à vous opposer au départ de ces dauphins, comme vous l'avez fait par exemple pour les orques de ce même parc ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, j'ai été très claire sur les orques, j'ai bloqué le transfert des deux orques Wiki et Keijo au Japon, pour deux raisons. La raison du délai de transport, de la durée du transport qui avait un impact majeur sur la santé de ces deux animaux, et deuxième raison, c'est les conditions d'accueil au Japon qui ne relèvent pas de la même réglementation européenne, qui est très protectrice en Europe. Donc je n'ai pas de raison de ne pas avoir une ligne différente s'agissant des dauphins.
ANTOINE COMTE
Donc vous allez vous opposer à leur départ en Asie ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Si effectivement, il y a des demandes de transfert en Asie, et que c'est dans des sites qui ne présentent pas les conditions que nous attendons en termes de bien-être animal, oui, j'aurai la même approche que pour les deux orques. Si c'est dans des sanctuaires ou si c'est dans d'autres types de sites qui ont une vraie approche de bien-être animal, alors je n'aurai pas de raison de les interdire.
ANTOINE COMTE
Merci, Agnès PANNIER-RUNACHER, merci d'avoir répondu à nos questions.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Merci à vous.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Merci Agnès PANNIER-RUNACHER.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 février 2025