Texte intégral
CHRISTOPHE BARBIER
François-Noël BUFFET, bonjour.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Et bienvenue. On va parler de vos dossiers spécifiques au ministère de l'Intérieur mais d'abord quelques considérations nationales. La commission mixte paritaire est en train de délibérer du sort du budget. Est-ce que ça vous semble bien parti ? On est à mi-chemin.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
En tous les cas, hier soir, cette commission qui se tenait au Sénat a voté la première partie du budget.
CHRISTOPHE BARBIER
On voit les recettes.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Les travaux redémarrent ce matin à 8h30. J'ai plutôt bon espoir que les choses sortent avec une commission conclusive.
CHRISTOPHE BARBIER
On a l'impression que les parlementaires ont écouté les élus locaux lors des cérémonies de voeux de janvier, qu'on leur a dit, « pas de bêtise, il faut un budget parce qu'on est vraiment encalminé.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Oui, les élus locaux et la population qui réclament de la stabilité et qui demandent est-ce qu'il y a un budget. Il ne sera peut-être pas le budget le plus parfait que nous souhaitons. Mais en tous les cas, il faut un budget à la France pour redonner cette stabilité, redonner à nos entreprises une visibilité. Et donc, c'est absolument nécessaire. Oui, on l'a entendu pendant tout le mois de janvier.
CHRISTOPHE BARBIER
La fausse note hier est venue du Rassemblement National qui dit, " attention, nous allons censurer peut-être parce qu'il y a une taxe électricité qui est inacceptable. " Est-ce que le Gouvernement est l'otage du RN ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Je ne crois pas, mais le RN fait monter la pression pour dire les choses très, très directement. Et je ne suis pas certain qu'il ait intérêt à voter cette censure lui-même. Je crois qu'il y a beaucoup d'agitations là autour, enfin dans les propos du RN. Gardons-nous de tout excès. Je crois que si nous tenons le budget tel qu'il est préparé, tel qu'il devrait sortir de la commission mixte paritaire, il serait déraisonnable pour le RN de voter de nouveau une censure. Je rappelle que cette censure a déjà coûté plus de 12 milliards d'euros à la France.
CHRISTOPHE BARBIER
12 milliards, est-ce que vous ne nous noircissez pas le tableau ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Pas du tout, ce sont les chiffres qui ont été donnés très officiellement par les services, les constats qui ont été faits. Je rappelle que s'il n'y a pas de budget, et s'il n'y avait pas de budget et qu'on reste sur un régime spécial toute l'année, on aurait un déficit de l'ordre de plus de 7% tout de même, alors que nous essayons de le contenir entre 5,1 et 5,3. Donc attention à ce jeu dangereux qui, pour des raisons politiciennes - je ne dis même pas politiques - politiciennes, pourrait placer le pays dans de grandes difficultés.
CHRISTOPHE BARBIER
Ce débat budgétaire a été perturbé par la polémique sur la submersion. Y a-t-il un sentiment de submersion, une submersion migratoire en France ? Vous êtes en charge de l'intégration. Quel est votre diagnostic sur ce couple immigration-intégration aujourd'hui en France ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Je pense que nous avons besoin de retrouver un véritable équilibre. C'est-à-dire qu'il faut être très ferme sur l'immigration irrégulière, c'est ce que j'appelle habituellement une tolérance zéro, et il faut être beaucoup plus actif sur l'immigration régulière et donc l'intégration. Quand je dis ça, c'est que je pense qu'il faut accueillir moins, donc il faut définir des stratégies. Je suis personnellement pour une immigration du travail qualifiée, nous en avons besoin ; je dis bien qualifiée. Et je suis pour qu'on se donne les moyens d'intégrer les gens correctement, c'est-à-dire l'apprentissage de la langue. Il faut un niveau de langue suffisant, il faut un niveau de connaissance de notre territoire suffisant, il faut s'assurer du respect des valeurs de la République française ; c'est absolument fondamental, et c'est comme ça qu'on marchera sur deux pieds. Donc moins d'immigration régulière, une immigration du travail plus qualifiée, et une capacité d'intégration, connaissance de la langue, respect des valeurs de la République contrôlée, ça doit être une des conditions substantielles de la validation d'un titre de séjour, on l'avait dit à l'occasion des débats sur l'immigration en 2024, et on avait beaucoup soutenu au Sénat cette position, et je pense qu'elle est absolument essentielle, sinon nous n'y arriverons pas.
CHRISTOPHE BARBIER
Sous toutes ces conditions, l'immigration peut être une chance pour la France ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
La question, d'abord, l'immigration zéro ça n'existe pas, et les portes ouvertes à tout vent ça n'existe pas non plus. Donc nous savons tous, et nous sommes un grand pays, que nous avons besoin d'échanges internationaux. Quand on parle d'immigration on parle de tous les pays du monde, donc bien sûr qu'on a besoin de cette immigration. Nous-mêmes, Français, allons à l'étranger, donc les choses doivent être claires, on doit être ouvert. En revanche, il y a des conditions à cela. Et je pense que l'immigration en France, je le redis, doit être à dominante économique, et une économie qualifiée sous l'appui d'un rapport de l'OCDE, il y a trois ans là-dessus, qui avait clairement comparé les différentes immigrations européennes, et nous étions les derniers de la classe, parce que nous avions une immigration massive, et peu qualifiée, voire pas qualifiée. Donc il faut vraiment qu'on redresse la barre de ce point de vue-là, c'est extrêmement important.
CHRISTOPHE BARBIER
Même régulée, l'immigration sera dominée par des populations de confession musulmane. Et certains disent que ça porte donc un danger de radicalisation. Est-ce que vous le liez aussi, est-ce que vous luttez contre cela ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Il faut lutter contre l'immigration qui nous importe sur notre territoire, un islam radical que nous ne voulons pas, et que nous combattons. C'est la raison pour laquelle lorsque je dis que dans une immigration régulière, on a besoin que ceux qui veulent venir sur le territoire, respectent les valeurs de la République, ça a un sens, mais qu'il faut que ce respect des valeurs de la République soit contrôlé, naturellement, évalué, et que si tel n'était pas le cas, ils puissent remettre en cause le titre de séjour qui a été accordé. Ça, c'est fondamental.
CHRISTOPHE BARBIER
Ils sont accueillis par des influenceurs, qui les poussent à la haine. Et quand on veut les expulser, vous n'y arrivez pas.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Il faut absolument ne rien laisser passer, ça c'est très, très clair. Il y a une question de procédure, manifestement, sur les dernières décisions qui ont été rendues. Ça ne veut pas dire qu'il faut être ferme. On respecte le droit, on respecte la procédure, et ça, ça me paraît légitime - l'avocat que je suis ne peut pas vous dire le contraire - mais ça n'empêche pas la fermeté et la clarté.
CHRISTOPHE BARBIER
Les actes antisémites ont connu une forte hausse en 2024. Ça n'a pas l'air de vouloir s'arrêter. Est-ce qu'il manque quelque chose dans l'arsenal de répression ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Il y a plus de 180% d'augmentation en 2024 par rapport à 2023, c'est considérable. C'est plus, de mémoire, je ne vais pas me tromper, plus de 850 faits d'antisémitisme qui ont été établis. Il faut être là aussi, une fois de plus, d'une fermeté absolue. On poursuit, on condamne, on condamne fermement et on n'a pas d'état d'âme. Je veux dire, il est inadmissible que nos compatriotes de confession juive subissent un tel assaut contre eux parce qu'ils sont juifs. Enfin, vraiment, nous sortons d'un mois où il y a eu beaucoup de commémorations de la Shoah, pardon. Et là, on se rend compte que tout ça n'est pas suffisamment enseigné dans les écoles, que des jeunes de 18 ans ne sont pas au courant de ce qui s'est passé pendant la Seconde Guerre mondiale. On est à un moment où notre mémoire est en train de flancher.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais vous avez toute une partie du camp politique, de la classe politique qui dit " mais regardez, Israël maintenant est la nation qui agresse et qui met l'antisionisme à ce débat. "
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
On n'est pas obligé non plus de se faire influencer par des tas de gens qui veulent à tout prix massacrer la nation, massacrer notre unité. Il y a une volonté de séparatisme aujourd'hui qui est parfaitement établie et qui est parfaitement documentée. Et au-delà de ça, c'est un système qui est très insidieux. Et donc, il faut le combattre. Moi, je pense que si la République française veut rester ce qu'elle est, c'est-à-dire le respect de ceux qui la composent, elle a le devoir absolu de faire respecter les valeurs qui sont les siennes, d'une main forte, j'allais dire d'un bras très fort ; ne rien lâcher, c'est fondamental.
CHRISTOPHE BARBIER
La gauche radicale vous dira : " attention, il y a la liberté d'expression. "
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
La liberté d'expression, ça ne permet pas tout. Je rappelle que la Constitution indique que la liberté s'arrête au moment où on commence à gêner celle des autres. Ce sont les dispositions de la Constitution de 1958. Mais vraiment, au nom de la liberté d'expression, on raconte aussi beaucoup de bêtises. Et ça n'empêche pas le respect. Pouvoir s'exprimer librement n'empêche pas le respect et en tous les cas, la liberté d'expression n'empêche pas le mensonge et donc on doit le combattre.
CHRISTOPHE BARBIER
Plusieurs dossiers de sécurité concernent votre portefeuille. On a vu les inondations dans l'ouest de la France, ce ne sont pas les premières. Toutes les régions sont maintenant touchées. On a l'impression quand même qu'on limite les dommages humains dans notre pays parce qu'on sait porter secours.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
On sait faire. C'est un dispositif de sécurité civile qui s'appuie sur les services de pompiers notamment, mais pas seulement, les associations agréées aussi qui interviennent qui sont parfaitement organisées, parfaitement structurées, parfaitement coordonnées et qui ont un ancrage local très fort. Donc ça, c'est très important. La deuxième chose, les phénomènes climatiques vont être de plus en plus nombreux, de plus en plus massifs dans leur volume. Donc nous devons aussi adapter notre propre dispositif à la fois par les matériels, à la fois par les actions des personnels. C'est tout l'objet du Beauvau de la sécurité civile que j'ai engagé actuellement. Il y a des réunions qui vont se tenir y compris la semaine prochaine avec un objectif d'avoir une stratégie déterminée avant l'été. Nous avons de bons services et des gens sont solidaires et sont parfaitement coordonnés. Je voudrais insister à cet instant sur le fait que, par exemple, nos territoires ultramarins sont également très bien organisés et souvent précurseurs par rapport à nous dans l'Hexagone. On a beaucoup de modèles à prendre.
CHRISTOPHE BARBIER
Ils anticipent déjà les risques climatiques.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Bien sûr. Ça fait bien plus longtemps que nous qui devons subir des risques climatiques forts.
CHRISTOPHE BARBIER
Inquiétude budgétaire sur cette organisation de la sécurité civile. Acheter un Canadair contre les incendies ou des bateaux. Ça coûte cher ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Oui, ça coûte très cher. On doit d'ailleurs, sur ce point particulier des Canadairs, renouveler notre flotte. On est dépendant aujourd'hui de la Société du Canada qui construit ces avions. Moi, je préconise que nous réfléchissions au plan national ou au plan européen, avoir une sorte de souveraineté industrielle et qu'on soit capable de construire des bombardiers d'eau. On le sait faire. Je viens d'essayer, il n'y a pas très longtemps, le nouvel hélicoptère de la sécurité civile qui est ce qu'on appelle pour les spécialistes le H145. C'est un hélicoptère qui a été conçu par AIRBUS. C'est absolument efficace. Ça marche. On sait le réparer facilement. On est sur le territoire. Tout ça fonctionne. On peut faire la même chose avec les bombardiers d'eau.
CHRISTOPHE BARBIER
L'accident de car scolaire hier dans la région Centre a remis aussi un débat sur le tapis. Est-ce qu'il faut lutter plus fermement contre l'usage de stupéfiants volants puisque le chauffeur du car a été dépisté positif ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Par principe, il faut lutter de façon très ferme sur l'usage de stupéfiants, singulièrement pour ceux qui transportent des personnes et encore des enfants. J'indique que c'est un peu la même situation qu'a vécue le grand chef, monsieur ALLENO, avec son fils. Nous avons un texte qui est en cours aujourd'hui au Parlement, qui a été voté au Sénat pour une requalification pénale de ce type de comportement.
CHRISTOPHE BARBIER
Homicide routier, ça va devenir quelque chose ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Le texte a été voté au Sénat, je le redis. Il est actuellement à l'Assemblée nationale. Il devait passer en séance, mais la censure n'a pas permis. Nous allons maintenant tout faire pour qu'il vienne en séance à l'Assemblée et qu'on ait une action beaucoup plus forte, en tout cas une sanction beaucoup plus forte. Mais l'aspect pédagogique doit toujours être là et les contrôles doivent être là. Nous allons, cette semaine, cosigner avec Bruno RETAILLEAU et Philippe TABAROT, un courrier à l'ensemble des préfets pour leur demander d'assurer des contrôles beaucoup plus sévères à l'égard des chauffeurs de bus, d'une manière générale. Il faut être très ferme. On met la vie des gens en danger lorsque l'on prend le volant d'un véhicule, d'ailleurs, quel qu'il soit, et qu'on est sous l'emprise de stupéfiants. C'est comme si c'était une arme par destination. Je crois qu'il faut dire les choses comme ça. Et il faut être d'une fermeté absolue. Le narco, les stupéfiants, on en a de partout sur le territoire. On est envahis. On vient de voter un texte au Sénat, cette semaine, qui était d'origine sénatoriale, d'ailleurs, que j'avais préparé à l'époque quand j'étais président de la Commission des lois. Il va venir à l'Assemblée et donnera les outils pour lutter contre ce fléau.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous êtes le ministre des Elections. Vous êtes favorable à la proportionnelle ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Par principe, non… en tous les cas, pour l'Assemblée nationale. Je considère que l'élection, c'est une personne et une population. Et c'est donc une responsabilité facilement identifiable. Je ne suis par principe pas d'accord. En tous les cas, je souhaite que l'Assemblée nationale, ça reste un ancrage territorial fort. Maintenant, s'il y a des volontés de faire, on peut regarder s'il y a des progrès à faire. On va y travailler. On va travailler sur ces scénarios-là avec toute la prudence qu'il faut. Je rappelle que nous souhaitons aussi revenir sur le non-cumul des mandats et autoriser ce cumul des mandats qu'il nous manque pour l'ancrage.
CHRISTOPHE BARBIER
Bruno RETAILLEAU est devenu la nouvelle vedette de la droite. Il est à la une de Valeurs Actuelles, du Figaro. RETAILLEAU 2027 pour la présidentielle, ça devient une possibilité, non ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Bien sûr que ça devient une possibilité. Dire le contraire aujourd'hui serait une erreur. Je crois qu'il faut être comme il est, c'est-à-dire assez raisonnable, étape par étape, faire son travail, se consolider. Tout le monde sait qu'une échéance électorale qui se tient à deux ans réserve encore beaucoup de difficultés, beaucoup de montagnes à gravir. Et donc, étape par étape, pour ne pas être trop anglais et dire autre chose.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais une des étapes, c'est de réformer le parti, c'est d'inventer un système…
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
La première étape, c'est d'abord celle d'avoir dans les fonctions qui sont les nôtres des résultats. La première chose. Et ensuite, ce sera sans doute le fait de reconstruire le parti dont on a besoin.
CHRISTOPHE BARBIER
François-Noël BUFFET. Merci, bonne journée.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 février 2025