Déclaration de Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants, sur la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette, à Notre-Dame-de-Lorette le 3 février 2025.

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Intervenant(s) : 
  • Patricia Mirallès - Ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants

Circonstance : Fin des travaux de rénovation de la nécropole

Texte intégral

Monsieur le Préfet,
Madame la Députée, Monsieur le Député,
Madame la Sénatrice,
Monsieur le Président du Conseil départemental,
Mesdames et messieurs les conseillères et conseillers régionaux et départementaux,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Vice-président de la communauté d'agglomération,
Monsieur le Directeur de la Mémoire, de la Culture et des Archives,
Madame la Directrice générale de l'Office national des Combattants et Victimes de Guerre,
Monsieur le président de l'association du monument de Notre-Dame-de-Lorette et de la Garde d'honneur de l'Ossuaire, Général,
Monsieur le Délégué militaire départemental, Commandant,
Mesdames et messieurs les membres du monde associatif combattant,
Mesdames et messieurs les membres du corps enseignant,
Chère Jeunesse,
Mesdames, messieurs,


Fouler le sol de la colline de Notre-Dame de Lorette, en scruter l'horizon comme tant d'autres avant, y prendre la parole devant vous aujourd'hui, a quelque chose d'impressionnant.

Car ce n'est pas n'importe quelle terre que cette terre-là : c'est celle d'un haut lieu de sacrifice. Sous nos pieds, sous ces croix, plus de 43 000 soldats reposent depuis la fin de la Première Guerre mondiale.

Cette nécropole nationale abrite les combattants morts pour la France sur les fronts d'Artois et de Flandre, engagés dans une terrible guerre de position qui a duré jusqu'à la prise du Grand Eperon de Lorette ou du verrou de Souchez.

Évoquer la crête de Vimy, la ville de Carrency ou celle de Neuville-Saint-Vaast, c'est faire résonner dans nos mémoires le souvenir de la vaillance, du courage mais aussi du sacrifice qu'il ne faut pas oublier, et que nous ne voulons pas oublier.

En ce lieu empreint de solennité, je voudrais adresser deux remerciements et formuler un voeu.

Tout d'abord, il m'appartient de renouveler la gratitude de la Nation vis-à-vis de ceux qui ont donné jusqu'à leur vie pour la défendre.

La dette que nous avons à l'égard des générations qui avaient 20, 30 ou 40 ans entre 1914 et 1918 est immense et il faut que n'en soient oubliés ni son infinie souffrance, ni son absolu héroïsme.

Comme bien souvent lorsqu'il s'agit de l'horreur, seuls ceux qui l'ont traversée et en sont revenus vivants savent, et peuvent en parler décemment.

Alors plutôt que de tenter une vaine reconstitution, je préfère citer l'écrivain Henri Barbusse qui a combattu ici. Dans Le feu, il décrit ces coteaux retournés d'où l'humanité s'était comme retirée :

" On découvre des crânes nettoyés, jaunes. Des fémurs sortent d'amas de loques agglutinées par de la boue rougeâtre, ou bien, d'un trou d'étoffes effilochées et enduites d'une sorte de goudron, émerge un fragment de colonne vertébrale. Des côtes parsèment le sol comme de vieilles cages cassées ".

De la Champagne à l'Artois, partout l'effroi, la violence, la mort, le chaos. Partout aussi la résilience, l'abnégation, le courage et, au fond des coeurs, animant les esprits, l'espoir d'une paix retrouvée que tous n'eurent pas la chance de connaître.

Oui, ceux qui n'ont pas vécu l'horreur de la Première Guerre mondiale n'ont pas la voix chargée de l'horreur qui ne se dissipe pas, comme les témoins qui ont vécu ces événements dans leur chair et jusque dans leurs tripes.

Cependant, il appartient à chacun d'entre nous de faire en sorte que cette parole, si précieuse, ne se perde pas au fil du temps. C'est cela, le travail de mémoire. C'est cela, faire vivre notre mémoire. C'est accepter de porter sur soi, sans frémir ni faiblir, tout le tragique et le merveilleux de notre histoire collective. C'est aussi une leçon utile à l'heure du retour de la guerre interétatique en Europe.

Mon deuxième remerciement s'adresse donc à toutes celles et ceux qui font vivre en ce lieu le souvenir de nos morts et de leur combat pour nos libertés présentes. Tout d'abord, l'office national des combattants et des victimes de guerre, responsable de la gestion du site.

Que soit également saluée l'action des " gardes d'honneur ", ces 4 500 bénévoles qui, tels des anges gardiens, veillent sur le repos de nos Poilus et partagent leurs connaissances avec les visiteurs.

Grâce à tous ces acteurs, la nécropole nationale de Notre-Dame de Lorette est bien plus qu'un simple cimetière : c'est un site unique où se transmet la mémoire de l'Histoire de la « Grande Guerre ».

Celle des 43 000 soldats qui reposent là, comme celle des 580 000 noms gravés sur l'anneau de la mémoire, afin de ne pas oublier tous ceux qui tombèrent dans le Nord-Pas-de-Calais, sans distinction de nationalité, de grade ou de religion.

Mais cette nécropole nationale n'honore pas seulement le souvenir des sacrifiés de la Grande Guerre. Depuis 1950, un soldat inconnu de la Seconde guerre mondiale est inhumé dans la Tour-Lanterne.

En 1955, une urne contenant les cendres de déportés assassinés dans les camps nazis a été placée dans l'ossuaire.

En 1977 et 1980 sont inhumés, en présence du Président de la République, deux soldats inconnus. L'un en hommage aux combattants tués en Afrique du Nord entre 1952 et 1962, le second en hommage aux combattants tombés en Indochine.

Depuis 2014, elle est un haut lieu de la mémoire nationale pour tous les militaires morts pour la France.

La nécropole de Notre-Dame-de-Lorette, c'est la convergence des peines et des souffrances, des fiertés et des gloires qui, par-delà la mort, réunissent les soldats de la France tombés au feu. C'est la réunion des mémoires de plusieurs conflits, et le lieu d'un hommage total.

Voici qui m'emmène enfin à formuler mon voeu.

Classée au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis l'année dernière, comme 138 autres sites funéraires et mémoriels français, du Commonwealth, belges, américains et allemands du front occidental de la Première Guerre mondiale, la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette est un héritage qui appartient à toutes et tous.

Car c'est dans une mémoire partagée et par le souvenir des combats passés que se construit l'avenir des nations, le nôtre comme celui de nos partenaires. Aujourd'hui les belligérants d'hier sont alliés, et cette reconnaissance simultanée est un nouveau facteur d'union. Elle est aussi le témoignage que, quelle que soit la profondeur des divisions, voire des haines, la paix et la démocratie peuvent les surmonter.

Je pense également à Xavier Bertrand, le Président du conseil régional des Hauts-de-France aujourd'hui représenté par Mady Dorchies-Brillon, conseillère régionale déléguée au devoir de mémoire et à l'inventaire du patrimoine. Car la région dont il a la charge est elle aussi dépositaire de notre mémoire collective, de sa préservation et de son entretien.

Chère Mady Dorchies-Brillon, votre présence ici aujourd'hui, votre participation au financement des travaux traduisent l'importance que la région accorde à cette mémoire.

Monsieur Jean-Claude Leroy le Président du conseil départemental, je ne vous oublie pas non plus. Vous avez vous aussi participé au financement des travaux, soyez-en remercié. J'y vois le signe que vous ne perdez pas de vue ce que représente cette terre, hier labourée par le malheur des hommes, aujourd'hui lieu de mémoire à ciel ouvert.

J'espère donc que les visiteurs seront toujours plus nombreux à passer en ce lieu, notamment les jeunes des écoles, collèges et lycée.

Que notre jeunesse vienne ici pour connaître ce moment essentiel de l'Histoire de France et pour ressentir, de manière charnelle, la force de cet héritage, qui est aussi le leur.

Qu'elle aussi, à son tour, vienne fouler cette terre et scruter l'horizon comme tant d'autres l'ont fait, pour se rendre compte de l'ampleur de la tragédie et pour la comprendre.

Oui, c'est d'une conscience collective, prenant racine dans tout ce que le passé nous a transmis, que naît la volonté de faire Nation pour l'avenir.

Voici pourquoi le ministère des Armées et des Anciens combattants veille sur cet impressionnant cimetière militaire, comme sur tant d'autres lieux de la mémoire nationale.

Depuis 2017, ce sont plus de 6 millions d'euros que le ministère a investis pour l'entretien et la préservation de ce haut lieu de la mémoire nationale.

D'autres travaux seront prochainement engagés, car il en va pour les monuments comme pour la mémoire : il faut continuellement lutter contre l'action du temps qui passe. Ainsi en 2026, nous lancerons les études pour le changement des emblèmes, avec une programmation des travaux qui s'étalera jusqu'en 2027. Cette même année, une étude d'aménagements paysagers sera lancée afin de préparer les travaux de 2028.

Aujourd'hui, l'installation d'une rampe pour les personnes à mobilité réduite, la rénovation de ces superbes mosaïques, dont l'éclat prolonge la flamme du souvenir de la Tour-Lanterne rénovée, prouve l'importance que nous accordons à la transmission de ces témoignages précieux.

Ces investissements sont aussi la marque de l'intérêt du ministère des Armées pour la dimension patrimoniale de la nécropole, dont la basilique et la Tour-Lanterne, oeuvre de l'architecte Louis-Marie Cordonnier, ont été inscrits sur la liste des monuments historiques en 2017.

Ce patrimoine est notre héritage commun. Ici, à Notre Dame de Laurette, repose la mémoire combattante française, mais aussi européenne et mondiale. La région entière est semée des tombes des soldats Britanniques, Portugais, Allemands, Canadiens, Américains, Australiens ou Néo-Zélandais. Cette mémoire et ce patrimoine doivent rayonner à l'échelle du monde entier. Je sais que la Région y veille, de même que tous les acteurs mémoriels et ceux en charge du développement. Je serai à vos côtés dans cette entreprise.

Le " tourisme de mémoire " n'est pas un tourisme comme les autres.

On ne gravit pas la " colline sanglante " sans qu'un frisson nous parcourt l'échine, on ne passe pas devant les ossuaires sans avoir la gorge serrée, on ne perd pas son regard parmi les tombes sans faire l'expérience d'un certain vertige. Écoutons tout ce que cette terre, paisible aujourd'hui, déchirée hier, a à nous raconter sur notre passé mais aussi sur notre avenir.


Vive la République !
Vive la France !


Source https://www.defense.gouv.fr, le 6 février 2025